Corruption : Où en serait le Mali sans ce fléau ?

À quoi ressemblerait le Mali sans la corruption ? La question prête à sourire pour beaucoup. Pour autant, elle mérite d’être posée, d’autant que tout le monde s’accorde à reconnaitre que les conséquences de ce phénomène qui gangrène le pays portent un sérieux coup à son développement sur plusieurs plans.

Le dernier rapport annuel du Bureau du Vérificateur Général, en 2017, fait état de nombreuses malversations financières dans différents services publics du pays. Véritable entrave au développement, la corruption fait perdre chaque année des sommes importantes, qui pourraient être utilisées à d’autres fins.

Selon ce rapport, les vérifications financières font globalement état de graves manquements à la régularité et à la sincérité des transactions financières effectuées par les différentes entités vérifiées, ainsi qu’au respect des normes et textes législatifs et réglementaires. « Ainsi ont-elles mis en exergue des irrégularités financières d’un montant total de 23,28 milliards de FCFA, dont 6,96 milliards de FCFA au titre de la fraude et 16,32 milliards de FCFA au titre de la mauvaise gestion », précise le document.

Moins de corruption, plus de développement

741,43 milliards de FCFA. C’est la somme cumulée des irrégularités financières relevées par le Bureau du Vérificateur Général de 2004 à 2017. Un montant qui ne représenterait d’ailleurs qu’une infirme partie des pertes réelles engendrées par la corruption au Mali et qui aurait pu être investi dans de nombreuses actions de développement.

« Ce montant représente 4 500 kilomètres de routes bitumées, à raison de 150 millions par kilomètre ou 12 300 centres de santé, à raison de 60 millions par centre. Il aurait également pu servir à construire 160 000 salles de classe », estimait Amadou Mallé, membre de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI) en décembre dernier, lors d’une rencontre lors de la Semaine nationale de lutte contre la corruption.

Selon lui, au-delà de l’impact financier, la corruption a un effet négatif sur le climat des affaires, freinant les investissements directs étrangers et jouant également sur l’image et la crédibilité du pays et de ses institutions.

Par ailleurs, d’après l’économiste Mamadou Keita, chaque année plus de 12 000 jeunes diplômés arrivent sur le marché, mais seulement 3% ont accès à l’emploi. « Si la corruption diminue et que plus de jeunes qui le méritent ont accès aux emplois, cela crée un équilibre. Toute la société en sortira gagnante, parce qu’il y aura moins de chômage ».

En attendant, les différentes structures de lutte contre la corruption instaurées au Mali n’ont pas encore réussi à faire diminuer l’ampleur du phénomène. Au grand dam de la majorité du peuple, ce cancer continue de prospérer.

Lutte contre la délinquance financière : L’OCLEI, le nouveau bras armé

 

 

 

 

Le Président Ibrahim Boubacar Keita avait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. 2014 avait était même été décrétée année de lutte. Réel désir d’endiguer le fléau ou simple effet d’annonce ? Au vu des résultats peu probants (ou peu visibles), la seconde option semble être la plus vraisemblable. Mais, depuis le 1er juin 2017, le gouvernement s’est doté d’un nouveau bras armé : l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI).

A compter de cette date, tous les fonctionnaires « assujettis », plus d’un millier selon le Président de l’Office, Moumouni Guindo, avaient trois mois pour faire leurs déclarations de biens, délai par la suite prolongé au 30 novembre 2017. A défaut, le fonctionnaire se verra révoqué de son poste. Quant à la fausse déclaration, elle est punie d’une amende égale à une année de salaire. Pour se mettre en conformité, il faut remplir un document de 12 pages, avec des informations sur les revenus et les avoirs. L’agent s’engage sur l’honneur à faire preuve de bonne foi, comme dans le meilleur des mondes. Mais dans le nôtre, comment attester de la véracité des informations ? « Nous exploitons les déclarations. Il s’agit de mener des investigations sur la base des signes extérieurs de richesse pour aboutir à des constatations susceptibles de mener à des investigations », explique Guindo. Avec ses douze collaborateurs, il scrute donc tous les documents. « Déclarer des biens est une bonne chose, les traiter, les exploiter est une autre dimension de la mission de l’office. Pour cela, nous avons besoin de ressources humaines. Un travail de cette envergure ne peut être accompli par 12 membres seulement, quels que soient leur engagement, leur volonté et leur compétence ».

Sanctions Elles devraient donner des sueurs froides aux fonctionnaires qui mènent une vie en déphasage avec leurs revenus. C’est le Procureur du Pôle économique et financier qui diligentera les actions en justice contre les présumés coupables d’enrichissement illicite. Si la valeur des biens jugés illicites est inférieure ou égale à 50 000 000 FCFA, la peine encourue sera d’un à trois ans d’emprisonnement et d’une amende égale à cette valeur. Si elle est supérieure à 50 millions, la peine de prison sera comprise entre 3 et 5 ans, plus une amende égale au double de la valeur des biens. « Les personnes travaillant dans le privé qui se seront rendues coupables de complicité encourront les mêmes peines », précise le magistrat Guindo.

 

 

Loi contre l’enrichissement illicite : Le SYNTADE appelle à une grève de 72 heures

 

 

Le Syndicat National des Travailleurs des Administrations d’Etat (SYNTADE), après une série de concertations de ses structures de base, a organisé une session extraordinaire tenue le 10 octobre 2017.  Le mouvement syndical a décidé de mener une grève de 72 heures à partir du 25 octobre. Une grève qui pourra être suivie d’une autre de 5 jours du 6 au 10 novembre.

Le SYNTADE explique cette position par le fait qu’il existe déjà plusieurs structures qui luttent contre la corruption, comme le Vérificateur Général, la CASCA (Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’Administration), ou encore le contrôle général d’État et le pôle économique.

« Des harcèlements que ne cesse d’exercer un certain Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite, dont des lacunes des textes fondateurs ont été dénoncées par des citoyens, oblitérant l’esprit de sérénité dans le service public pour de nombreux travailleurs », s’indigne le secrétaire général du SYNTADE.

Au cours de sa session extraordinaire tenue le 10 octobre 2017, le Syndicat National des Travailleurs des Administrations de l’Etat a détaillé l’origine de cette loi contre l’enrichissement illicite des travailleurs de l’Etat. Cette loi a été initiée par le Ministère de la Justice, Garde des sceaux et adoptée en conseil des Ministres du 1er août 2013 avant de passer en avril de 2014 à l’Assemblée nationale. Ladite loi est structurée en 6 titres repartis en 4 chapitres et 45 articles.

Le SYNTADE envisage d’observer une grève de 72 heures s’il n’obtient pas l’abrogation pure et simple de la loi contre l’enrichissement illicite. « Nous pensons que la souveraineté n’est pas un vain mot.  Nous restons déterminés.  Nous utiliserons tous les moyens légaux pour atteindre notre objectif » a conclu, le secrétaire général du SYTANDE.