Dialogue inter-Maliens : mal embarqué ?

La première phase du Dialogue inter-Maliens s’est achevée le 15 avril dans les différentes communes du pays. Alors que ce dialogue vise à contribuer à la restauration de la paix, de la cohésion sociale et de la réconciliation nationale, certaines propositions issues des échanges vont dans le sens d’une prolongation de la Transition. Boycotté en outre par des acteurs majeurs de la classe politique et certains groupes armés rebelles du nord, le dialogue voit sa réussite déjà compromise.

Les phases régionale et nationale du Dialogue inter-Maliens doivent se tenir respectivement du 20 au 22 avril et du 6 au 10 mai 2024. Mais le ton a été déjà donné dans les différentes communes, du 13 au 15 avril dernier. Les travaux au niveau communal, qui se sont globalement bien déroulés sur l’ensemble du territoire national, ont abouti à des recommandations en rapport avec les thématiques soumises aux participants, à savoir « Paix, réconciliation nationale et cohésion sociale », « Questions politiques et institutionnelles », « Économie et développement durable », « Aspects sécuritaires et défense du territoire » et « Géopolitique et environnement international ».

Différentes propositions ont été faites lors de ces échanges. Dans la Commune III du District de Bamako, pour ce qui est de l’économie et du développement durable, certains participants proposent de développer le secteur primaire, la pêche, l’élevage et surtout l’agriculture, de promouvoir l’entreprenariat et la consommation locale et de « contrôler au maximum notre économie pour créer notre propre monnaie ».

Concernant la question sécuritaire et de défense du territoire, ils recommandent de  recruter le maximum de jeunes volontaires pour la défense de la patrie, d’acquérir des armements de guerre modernes et de renforcer les écoles de guerre. Sur la même thématique, en Commune II, les participants recommandent l’instauration d’une police de proximité et une meilleure collaboration entre la population et les forces de défense et de sécurité.

À Bafoulabé, les participants ont opté pour un désenclavement du cercle, qui doit « impérativement passer par la construction de ponts sur le fleuve Sénégal à Bafoulabé et ses voies d’accès », et la révision des cahiers de charges des unités de production pour favoriser le recrutement des jeunes locaux. Ils ont aussi plaidé pour que les ressources naturelles du cercle « brillent pour les communes où elles sont exploitées ».

Parmi les recommandations à Ansongo, dans la région de Gao, on note essentiellement le retour des réfugiés et l’érection du cercle en région, tandis qu’à Goundam, dans la région de Tombouctou, les participants ont insisté sur le retour de la paix dans la région.

Du coté de Bandiagara, dans le centre, l’intégration des combattants des groupes armés d’autodéfense dans les rangs des forces armés, la dissolution des milices, la reconstruction des villages endommagés ainsi que le retour effectif de tous les déplacés dans leurs localités respectives sont les principales recommandations faites.

Dialogue taillé sur mesure ?

Dans la thématique consacrée aux questions politiques et institutionnelles, certaines communes proposent une nouvelle prolongation de la Transition. Cette proposition de prolongation, allant de 30 mois à 10 ans ou encore jusqu’à la sécurisation complète et la stabilisation du pays, est revenue à plusieurs reprises, notamment, entre autres, à Bafoulabé, Ségou, Kidal et Gao.

Même si ces recommandations doivent encore être validées au niveau régional avant d’être retenues ou non au niveau national, elles suscitent déjà des interrogations sur d’éventuels objectifs inavoués qui auraient motivé la tenue de ce Dialogue inter-Maliens.

« Ce dialogue est un outil comme tant d’autres qui ont été utilisés au moment de l’adoption de la Charte de la Transition ou encore des Assises nationales de la refondation. Tous les canaux de discussion qui ont eu lieu depuis le début de cette transition n’ont servi qu’à légitimer des causes déjà connues à l’avance et le Dialogue inter-Maliens ne fera pas exception à cette règle », pense Dr. Amidou Tidjani, enseignant-chercheur à l’Université Paris-13.

Mais pour certains les recommandations sur la prolongation de la Transition sont « hors sujet » et doivent être recadrées conformément aux objectifs du dialogue. En effet, selon les termes de référence validés au plan national et soumis au Président de la Transition, les objectifs spécifiques du dialogue inter-Maliens sont, entres autres, d’identifier les sources des crises qui affectent le pays ainsi que les conditions de retour des réfugiés et des déplacés, de prévenir et de gérer les conflits en valorisant les mécanismes endogènes de gestion pour la consolidation de la paix, de renforcer la confiance entre les populations et les forces armées et de sécurité ou encore de renforcer la participation des femmes, des jeunes et des personnes vivants avec un handicap dans les mécanismes de prévention et de résolution des conflits.

Du plomb dans l’aile ?

En plus de l’orientation ambiguë que semble avoir prise le Dialogue inter-Maliens à l’issue de la première phase au niveau des communes, le processus, qui se veut inclusif et ouvert à tous les Maliens, est boycotté par une grande partie de la classe politique et les groupes armés réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD).

En riposte à la décision des autorités de transition de suspendre jusqu’à nouvel ordre les activités des partis politiques, plusieurs formations majeures à l’instar de l’Adema-PASJ, du parti Yelema, du RPM, du Parena, de la Codem, de l’ASMA-CFP, de l’UDD et du PDES, entre autres, ont enjoint à leurs militants de pas prendre part aux travaux de ce dialogue.

Pour les groupes armés du CSP, le Dialogue inter-Maliens est un « simulacre de dialogue ». « S’il y a un problème aujourd’hui, c’est bien entre les représentants de l’État et ceux du CSP et des mouvements djihadistes tels que le JNIM. Je ne vois pas l’objectif d’un dialogue qui exclut ces parties », martèle Mohamed El Maouloud Ramadane, Porte-parole du CSP.

L’absence de ces différents acteurs va-t-elle impacter l’efficacité du Dialogue inter-Maliens et la viabilité des recommandations pour la paix et la réconciliation nationale qui vont en découler ? Les avis sont partagés sur la question. « L’absence des groupes armés et de certains partis politiques n’est pas un frein à la réussite du dialogue. Dans un pays en crise, s’il y a des groupes qui ont pris les armes contre l’État et contre les populations civiles, on ne peut pas les inviter à un dialogue sans qu’ils acceptent de faire une trêve », soutient le politologue Bréhima Mamadou Koné.

Dr. Amidou Tidiani partage cet avis, même si les raisons qu’il met en avant ne vont pas dans le même sens. « Je pense que l’absence des partis politiques ne portera pas de coup au Dialogue inter-Maliens. Au contraire, c’est une occasion pour les autorités de la Transition, qui ont pour projet de délégitimer les partis politiques, d’utiliser ce dialogue pour arriver à cette fin », avance l’enseignant-chercheur.

Par contre, pour Soumaila Lah, analyste politique et Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité, « aller à ce dialogue avec les paramètres actuels c’est le faire souffrir d’un manque de légitimité et, à la fin, beaucoup ne se reconnaitront pas dans les conclusions ».

« L’essence d’un dialogue est de réconcilier des gens qui ont des positions différentes. Mais aujourd’hui ce dialogue crée plus d’antagonismes entre les Maliens que de points de convergence », déplore celui qui soutient également que les autorités auraient véritablement dû travailler en amont pour rechercher l’inclusivité, peu importe les antagonismes.

Référendum : comment les partis politiques se préparent ?

Le référendum constitutionnel, prévu pour le 18 juin prochain, approche à grands pas. À deux semaines de l’ouverture de la campagne référendaire, la classe politique continue d’être divisée sur la légalité de ce scrutin, mais aussi sur la consigne de vote à donner. Malgré les divisions apparentes, les partis politiques ne comptent pas le boycotter. Si certains affichent déjà leur option pour le « Oui », d’autres, opposés au projet pour la plupart, jouent la carte de la prudence.

Le compte à rebours est bien lancé dans les partis politiques depuis l’annonce de la convocation du collège électoral le 5 mai dernier. Répondant à l’appel du Président de la Transition pour contribuer à la vulgarisation du texte du projet de nouvelle Constitution, certains s’investissent auprès de leurs bases pour une meilleure imprégnation de leurs militants. C’est le cas de l’URD, dont le « Oui » au référendum était un secret de polichinelle, ou encore de l’ADP-Maliba de l’ancien candidat à la présidentielle Aliou Boubacar Diallo.

Le parti de la Poignée de mains est d’ailleurs déjà dans l’arène, avec la Forsat Civile, pour la campagne de vulgarisation et surtout pour une victoire du « Oui » le 18 juin. Le 13 mai 2023, le Forum des forces du changement  (FFC), dont le Président de l’URD Gouagnon Coulibaly avait annoncé la gestation en début d’année, lors de la présentation de ses vœux à la presse, a été officiellement lancé. Outre ces deux fers de lance, il regroupe près d’une vingtaine d’organisations de la société civile, dont, entre autres, Yerewolo Debout sur les remparts et le Mouvement Mali Espoir (MME). Selon les responsables du FFC, une stratégie efficace de campagne sera définie dans les prochains jours pour atteindre une « victoire écrasante du Oui » à l’issue du référendum.

Même combat, approche différente. À l’ADP-Maliba, on mise beaucoup plus sur l’appropriation du document du projet de nouvelle Constitution au niveau des bases du parti. « Notre travail de vulgarisation se  matérialise au niveau de nos rentrées politiques à Nioro du Sahel, à Yanfolila et à Dioïla. Nous avons saisi l’occasion de ces différentes rencontres pour remettre symboliquement des copies du projet de Constitution à nos représentants qui viennent de ces sous-sections pour qu’ils le vulgarisent auprès de nos militants à la base », confie Me Abdoulaye Sidibé, Secrétaire général du parti.

« Prudence »

Au Rpdm comme chez les Fare An ka wuli, le ton est tout autre. Le parti de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, qui a déjà appelé les autorités de la Transition à abandonner le projet d’adoption d’une nouvelle Constitution, estime qu’il n’est pas encore question d’appeler au Oui ou au Non tant « que nous ne serons pas sûrs que la version finale du document est effectivement celle dont nous disposons ». À  en croire une source au sein du parti, plusieurs versions du projet de Constitution circulent et le risque que les partis politiques se prononcent sur la base d’un document non officiel est réel.

Le Rpdm de Cheick Modibo Diarra, malgré ses réserves sur le changement de Constitution, compte bien lui se plier à la volonté de la majorité des Maliens, mais continue toujours de plancher en interne sur la conduite à tenir face à ce « cas spécial, que le parti doit aborder avec sagesse », selon son Vice-président Yagaré Baba Diakité.

Reconquérir l’opinion

Selon Dr. Amidou Tidjani, enseignant-chercheur à l’Université Paris 13 (Sorbonne – Paris Nord), les partis politiques ne pourront pas se préparer en seulement un mois pour aller à ce référendum dans les conditions maximales. Mais, au-delà du timing, ils doivent faire également face à un défi de taille, celui de la reconquête de l’opinion populaire parce que, avance-t-il, « aujourd’hui ces partis politiques sont discrédités et c’est aussi en partie l’échec de cette classe politique qui justifie l’important soutien des populations au gouvernement de transition ».

À l’en croire, par ailleurs, rares sont les partis politiques qui oseront faire campagne pour le « Non » au risque d’être confrontés à un rejet de la population. « À mon sens », conclut-il, « ceux qui sont opposés au projet opteront pour l’option du silence plutôt que pour une véritable campagne ».

Nouvelle Constitution : Assimi Goïta va-t-il céder à la pression politique ?

Enclenché en juin 2022, le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution, en remplacement de celle du 25 février 1992, se poursuit. Mais, à l’approche du référendum prévu pour mars prochain, de plus en plus d’acteurs politiques s’y opposent, appelant à un abandon du projet. Le Président de la Transition, déjà tourné vers la finalisation du texte de l’avant-projet de nouvelle Constitution, va-t-il céder à cette pression et surseoir à l’adoption de cette nouvelle Loi fondamentale du Mali ?

C’était l’une des recommandations fortes des Assises nationales de la refondation (ANR), fin 2021. L’adoption d’une nouvelle Constitution figure également dans le Plan d’action du gouvernement de transition approuvé par le Conseil national de transition en août 2021.

Mais, dès le départ, le sujet a toujours divisé la classe politique. Si le constat est unanime sur les limites de l’actuelle constitution et la nécessité de la réviser ou de la remplacer, les positions sont par contre très tranchées sur la période et le contexte de l’adoption d’une nouvelle Constitution et sur le contenu de l’avant-projet rendu par la Commission de rédaction en octobre dernier.

Vague d’oppositions

Au sein de la classe politique, quelques partis sont farouchement opposés à l’adoption d’une nouvelle Constitution. C’est le cas de Convention nationale pour une Afrique solidaire (CNAS Faso Hèrè). Dans un communiqué, le 10 janvier 2023, le parti de l’ancien Premier ministre de transition de 1991, Zoumana Sacko, s’est une nouvelle fois insurgé contre l’adoption d’une « Constitution octroyée » dont le « peuple militant du Mali » n’a pas besoin.

« La CNAS-Faso Hèrè invite à nouveau les autorités issues du double coup de force militaire du 18 août 2020 et du 25 mai 2021 à renoncer définitivement et sans condition à leur entreprise antirépublicaine et antidémocratique de démolition de la Constitution démocratique, dont le Peuple malien s’est librement doté au prix des larmes, de la sueur et du sang, en tant qu’acquis essentiel de la lutte de plusieurs générations contre la dictature CMLN/UDPM », écrit le parti, pour lequel le retour à l’ordre constitutionnel doit se faire dans le « cadre inchangé de la Constitution adoptée le 12 janvier 1992 ».

Même son de cloche au parti FARE An Ka Wuli de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, où l’on estime que toute révision de la Constitution actuelle devrait être limitée et rigoureusement encadrée par les dispositions déjà prévues. « Le parti FARE demande au Président de la Transition d’abandonner le projet de nouvelle Constitution en cours et l’invite à reprendre l’initiative en créant les conditions d’inclusivité autour des forces politiques et sociales pour une refondation réelle du Mali en crise », indique son  Secrétariat exécutif national.

Cette position est partagée par la plateforme politique « Espérance Nouvelle – Jigiya Kura » autour de la Codem de l’ancien ministre de l’Éducation nationale Housseini Amion Guindo, qui avait demandé dès juillet 2022 aux autorités de transition de surseoir à la rédaction d’une nouvelle Constitution, en raison des « motivations floues » qui entouraient cette démarche. Pour ce regroupement politique, le contexte de « crise multidimensionnelle, où la sécurité des personnes et des biens est plus que jamais menacée », n’est pas propice à modification de la Constitution.

Pour la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’Imam Dicko, « aucune disposition du droit positif ne donne compétence au Président de la Transition pour prendre l’initiative de l’élaboration d’une nouvelle Constitution et de la faire aboutir par voie de référendum ».

Ballan Diakité, analyste politique, pense que plusieurs facteurs expliquent les appels à l’abandon du projet qui se multiplient. « D’abord, les partis politiques ne sont pas rassurés par le contenu du texte de la nouvelle Constitution. Ensuite, au-delà du contenu, je pense qu’il y a un climat défavorable entre les partis politiques et les militaires au pouvoir. On sait que depuis le début de la Transition les militaires ont tout fait pour écarter les partis politiques de la gestion du pouvoir, ce qui a conduit à l’instauration d’une méfiance entre les deux parties », analyse-t-il.

Pour autant, selon lui, le Président de la Transition ne doit pas surseoir au projet d’adoption de la nouvelle Constitution mais plutôt établir un cadre de dialogue plus sincère avec les partis politiques, plus participatif, de sorte que leurs préoccupations puissent être prises en compte dans l’élaboration du nouveau texte.

« En  période de mandature normale, le Président qui va conduire cette révision de la Constitution risque de revoir son mandat présidentiel repartir à zéro. Pour éviter des tensions sociopolitiques dans les années à venir, il est important que la Transition puisse conduire cette révision de la Constitution ».

Revoir l’avant-projet

Certains partis politiques sont favorables au principe d’adoption de la nouvelle Constitution mais ont relevé des insuffisances dans le texte de l’avant-projet et apporté d’importants amendements, sur la forme et le fond, qu’ils entendent soumettre à la Commission chargée de la finalisation du projet.

« Nous pensons que la période de transition est la période idéale pour aller vers une nouvelle Constitution. Pour l’APR, la Constitution du 25 février 1992 a atteint ses limites au cours de ces dernières années et n’a pas permis d’apporter des atténuations aux crises répétitives qu’a connues le Mali. Elle doit être réformée pour faire face aux circonstances changeantes du moment et tenir compte de l’évolution de la société et de la matière constitutionnelle », clame Oumar Ibrahim Touré, Président de l’Alliance pour la République (APR).

Le parti a relevé les dispositions encourageantes contenues dans l’avant-projet, à l’instar de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les citoyens, la révocation du Premier ministre sans que celui-ci ne présente sa démission ou encore la fixation du nombre de membres du gouvernement au maximum à 29.

Mais l’APR pointe des dispositions « problématiques », comme le « bicamérisme inégalitaire » et la disparition du contrôle parlementaire de l’action gouvernementale, un risque de constitutionnalisation des coups d’État jugé « dangereux ». Il souligne en outre plusieurs dispositions manquantes, parmi lesquelles « l’absence d’un mécanisme de révision parlementaire » ainsi que de « démocratisation dans la saisine de la Cour constitutionnelle » et la « non constitutionnalisation des candidatures indépendantes ».

De son côté, la Coalition des forces patriotiques (COFOP), regroupement de partis politiques, propose entre autres que le poste de Premier ministre soit remplacé par celui d’un Vice-président, élu au même titre que le Président de la République, qui peut exercer le pouvoir en cas d’empêchement de ce dernier, que le Conseil économique, social, culturel et environnemental soit supprimé ou encore qu’avant leur nomination par le Président de la République les postulants à une responsabilité ministérielle présentent et défendent avec succès un « projet de société relatif au poste qu’ils désirent occuper ».

L’Union pour la République et la Démocratie (URD) affiche également son accord avec le gouvernement de transition pour l’adoption de la nouvelle Constitution. « Au Mali, toutes les Constitutions ont été faites dans des situations exceptionnelles. Aujourd’hui, nous sommes dans une transition et il est mieux pour nous de trouver la solution maintenant pour faire passer cette Constitution que d’attendre une prochaine fois », déclare son Président, Gouagnon Coulibaly.

Une finalisation très attendue

Beaucoup d’espoirs d’aboutir à un projet de Constitution consensuel reposent désormais sur la Commission chargée de la finalisation du projet, où les politiques souhaitent la prise en compte effective de leurs différentes suggestions et recommandations.

Créée par décret présidentiel le 19 décembre 2022, cette Commission, qui a pour mission d’examiner et d’amender, le cas échéant, l’avant-projet de Constitution, sera composée de 51 membres, parmi lesquels des représentants du Président de la Transition, du gouvernement, du CNT, des partis et regroupements politiques, des organisations de la société civile et du Conseil national des jeunes, entre autres.

Les membres de cette Commission n’ont pas encore été nommés. Selon nos informations auprès de quelques structures qui doivent la composer, ces dernières n’ont pas encore été sollicitées pour envoyer les noms de leurs représentants.

Comme lors des trois tentatives de révision constitutionnelle par le passé (1999, 2008 et 2017) qui n’ont pas abouti, le Président de la Transition va-t-il reculer devant les opposants ? Pour l’heure, aucun signe ne laisse présager d’un abandon du processus d’adoption de la nouvelle Constitution.

Selon une source proche du gouvernement, les autorités de la Transition ne sont pas dans l’optique d’y renoncer. « Elles peuvent essayer de discuter et de prendre en considération quelques amendements, mais le projet en soi ne sera pas abandonné ». Le ministre d’État Abdoulaye Maïga a clairement affiché le 12 janvier dernier, lors de la rencontre du Cadre de concertation avec les partis politiques, l’intention du gouvernement de poursuivre et d’achever l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale avec l’organisation du référendum.

« Je voudrais dire à ceux qui pensent qu’il faut surseoir au référendum que c’est hors mandat. L’idée d’avoir une nouvelle Constitution est antérieure à la transition. Le DNI (Dialogue national inclusif) en a parlé. Bien avant le DNI, nous avons d’anciens Chefs d’État qui ont essayé de le faire. Cela n’a pas abouti. Les ANR l’ont très clairement mentionné. Je pense que la vision politique du chef de l’État est d’appliquer systématiquement, autant que faire se peut, toutes les recommandations des ANR », a-t-il clarifié, insistant sur le fait que la Transition « ne peut pas laisser le soin à un parti politique d’entraver ce processus ».

Mais, comme pour illustrer le peu d’engouement de la classe politique sur le sujet, seulement 50 partis politiques sur 281 saisis par le ministère de l’Administration ont pris part à cette rencontre.  Certains analystes n’excluent pas la possibilité de création d’un grand bloc de partis politiques pour empêcher le référendum, qui, au vu du retard accusé, pourrait faire l’objet d’un glissement de date.

Partis politiques : l’heure du réveil ?

La transition à l’œuvre au Mali depuis août 2020 a des répercussions négatives, en termes d’organisation et de visibilité, sur la vie des partis politiques, déjà confrontés à l’arrêt de leur financement public, à la défiance de l’opinion publique et à des divergences internes. Alors que les compétitions électorales sont annoncées pour 2023, ils entendent désormais « s’unir autour de l’essentiel ». État des lieux dans certains partis.

Double peine pour l’Union pour la République et la Démocratie (URD). Après le coup d’État de 2020 qui avait renversé Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), une voie royale semblait ouverte pour le parti, arrivé deuxième à la dernière élection présidentielle, et pour son Président Soumaïla Cissé, revenu plus déterminé que jamais d’une captivité de plus de 6 mois. Mais le destin en a décidé autrement : le 25 décembre 2020, le Chef de file de l’opposition d’alors succombe à la Covid-19. Une disparition qui plonge le parti de la Poignée de mains dans la division et dans une guerre de clans. Autre coup dur pour le mouvement politique : l’ex Premier ministre Boubou Cissé et l’ancien ministre de l’Économie et des finances Mamadou Igor Diarra, qui avaient rejoint l’URD en 2021 et faisaient figure de potentiels candidats du parti à la présidentielle, sont poursuivis pour « des crimes de faux et usage de faux et d’atteinte aux biens publics » dans l’affaire du marché public d’achat d’équipements militaires dit Paramount. À l’orée de 2023, année d’élections, les initiatives se multiplient, par le Président Gouagnon Coulibaly (non reconnu par certains militants) pour unir les membres. Comme donner l’assurance qu’il ne sera pas candidat à la présidentielle et un appel à « l’union autour du parti » lors d’une conférence, le 3 décembre dernier. « Il a mis en place une Commission de réconciliation qui va démarcher personnellement tous les grands cadres du parti », assure Mamadou Dicko, 2ème Secrétaire politique de l’URD.

Le Rassemblement pour le Mali (RPM) du défunt Président IBK est aussi à la croisée des chemins. En plus de la perte de son fondateur, la lutte de clans entre Bokary Treta et ses soutiens et Me Baber Gano avec l’éphémère Président de l’Assemblée nationale Moussa Timbiné obscurcit l’horizon de l’ancien parti au pouvoir.

« Le parti se porte bien, malgré les incompréhensions qui ont marqué ces derniers temps entre certains camarades », tient à rassurer d’emblée Sékou Niamé Bathily, Chargé de communication du parti. À en croire ce dernier, le RPM travaille dans le regroupement politique Ensemble Pour le Mali (EPM) au sein du Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel. Malgré ces « moments de turbulences, qui ne sont que des divergences politiques, le RPM sera au rendez-vous de toutes les élections futures dans notre pays et l’objectif est de confirmer notre place de première force politique au Mali », dit, confiant, M. Bathily.

Challenges

À la différence des deux « grands » partis orphelins de leurs chefs de file, à l’Asma-CFP, on assure que la disparition de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga n’a fait qu’accroître la détermination de ses partisans, qui entendent poursuivre « son combat » aux élections prochaines. « Dans le but d’honorer sa mémoire », souffle un cadre du parti qui ne digère toujours pas les circonstances de la mort en détention de son Président.

L’ADP- Maliba se prépare également « à grand pas » et « très bientôt » à entamer des sorties à l’intérieur et l’extérieur du pays pour les rentrées politiques des sections, fait savoir le Secrétaire général du parti, Me Abdoulaye Sidibé. « C’est l’animation statutaire de nos structures. Ces rentrées politiques sont des occasions pour les sections de débattre à bâtons rompus avec le Bureau national de la vie du parti, mais également des questions d’intérêt national », confie Me Sidibé.

À SADI, aussi privé de son Président, le Dr Oumar Mariko, vraisemblablement en exil à l’étranger lui aussi, l’heure est à la résilience. « Il est clair que l’absence de notre Président se fait sentir. Mais l’esprit collectif, la solidarité, la complémentarité nous aident à passer ces moments difficiles », assure Nouhoum Keïta, le Secrétaire administratif du parti. Par solidarité avec le dirigeant politique entré en clandestinité, le parti a suspendu toute participation aux débats organisés par le gouvernement sur les réformes politiques et institutionnelles. « En marge, nous travaillons à mettre en lumière les enjeux majeurs et l’intérêt général de la Nation. C’est à dire les questions de souveraineté populaire, la représentation inclusive, l’égalité réelle en droit de vote libérée de toute entrave de type censitaire, afin d’aider, à la fin de la Transition, les citoyens à agir consciemment et à choisir les candidats sur la base de leurs programmes et de leur capacité à mettre ceux-ci en œuvre avec efficacité », explique M. Keïta.

Les élections qui se profilent seront donc un challenge de taille pour les partis politiques. Le plus difficile sera de reconquérir la confiance de la société civile. Celle-ci a, pour une bonne part, opté pour une prolongation de cinq ans de la Transition lors des Assisses nationales de la refondation, fin 2021.

Dr. Modibo Soumaré : « la transition avance à pas de tortue »

Dr. Modibo Soumaré a pris le 2 novembre la présidence tournante du cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel, qui a changé d’appellation et adopté de nouveaux textes.

Sous quel signe placez-vous ce mandat?

D’abord, il faut dire que le Cadre s’est doté de nouveaux textes. Un certain nombre de choses ont changé. Je place ce mandat sous le signe de la redynamisation du Cadre mais aussi du réalisme politique pour trouver les solutions idoines pour la sortie de crise. Que nous soyons une vraie force de propositions. Cela ne nous empêchera pas de nous adresser au peuple, avec lequel nous allons beaucoup échanger dans les communes.

Quelles sont les prochaines activités prévues ?

Nous avons établi un plan d’action sur 6 mois. Pour les 3 premiers, nous avons convenu d’y aller mois par mois. Pour novembre, nous avons des rencontres en vue. Nous allons rencontrer le maximum d’acteurs, chefs traditionnels et coutumiers, ordres religieux, ambassadeurs et acteurs politiques pour expliquer notre lecture de l’état de la Nation et la nécessité impérieuse de conjuguer nos efforts pour sortir de la situation actuelle. Nous projetons d’organiser très rapidement un séminaire sur l’avant-projet de Constitution et sur le chronogramme de la Transition pour dégager publiquement notre position sur ces deux questions majeures.

De cadre d’échanges pour une « transition réussie », vous êtes maintenant pour un « retour à l’ordre constitutionnel ». Pourquoi ce changement?

Nous avons remarqué que certains faisaient la confusion sur le nom. Être pour la réussite de la Transition ne veut pas dire être un club de soutien aux autorités. La transition est une période pendant laquelle la vie de la Nation ne doit pas s’arrêter. Notre rôle est de mener toutes les réflexions qui permettront que cette période soit une réussite. Aujourd’hui, nous pensons que pour aller vers la normalisation institutionnelle et avec nos partenaires il va falloir finir cette transition. Elle ne peut pas durer plus de 4 ans, ce serait intenable. Il faut aller aux élections dans les délais prévus et installer des autorités légitimes et légales qui vont permettre la levée de toutes les sanctions liées au fait que nous soyons dans une situation exceptionnelle.

Quel regard portez-vous sur la mise en œuvre du chronogramme de la transition ?

Nous pensons que la Transition avance à pas de tortue. Il va falloir des correctifs. Vous voyez par exemple l’installation de l’AIGE, qui sème le trouble dans tout esprit éclairé vue la façon dont les membres ont été désignés. Il y a aussi la marche vers un projet de Constitution sur laquelle nous allons incessamment délibérer.

Calendrier électoral : la grande inconnue

Le chronogramme des élections à venir dans les prochains mois n’est pas encore totalement ficelé. Des dates indicatives ont été communiquées par le gouvernement, le 22 décembre 2020, pour au moins quatre scrutins à tenir d’ici au premier trimestre 2022 pour la fin de la transition. À moins de six mois de la première de ces échéances, un calendrier électoral détaillé, avec les dates précises du processus, est toujours attendu.

« L’essence de la Transition réside dans la préparation et la tenue d’élections incontestablement propres, où un vainqueur accepté et congratulé conduira les destinées du pays, renouant avec le projet démocratique, pour notre honneur à tous, pour notre bonheur à tous. Des élections tenues à date, des élections méthodiquement organisées, des élections préparées de manière transparente et inclusive », déclarait le Président de la Transition Bah N’Daw dans son discours à la Nation le 31 décembre 2020.

S’il a affirmé que le calendrier de ces élections était toujours en discussion, quelques jours plus tôt le gouvernement s’était penché sur la question lors d’une réunion par visioconférence du Cadre de concertation national entre lui et les chefs des partis politiques ou leurs représentants.

Il a été annoncé à cette occasion un référendum constitutionnel prévu pour le 2ème trimestre 2021, l’élection des conseillers des collectivités au 4ème trimestre 2021 et d’éventuelles élections des conseillers nationaux ou des sénateurs, suivies de la présidentielle couplée aux législatives, courant 1er trimestre 2022.

Esquisse imprécise

« Je considère cela comme une simple esquisse de programme à discuter. Nous attendons à notre niveau plus de précisions, parce que pour nous ce n’est pas encore un calendrier clair », a réagi Housseini Amion Guindo, Président de la CODEM.

Dans certains partis, à l’instar de l’ADEMA-Pasj ou encore des Fare An Ka Wuli, il n’y a pas eu de réunion formelle pour se pencher sur les dates proposées par le gouvernement. « Nous pensons qu’il y avait des préalables avant la publication de ce chronogramme, parce que selon nous tout doit découler d’un consensus entre les acteurs et les partenaires », déplore Bréhima Sidibé, Secrétaire général adjoint du parti Fare An ka Wuli.

Mais pour Cheick Oumar Diallo, ppésident de la jeunesse de l’ADP-Maliba, même si son parti estime que c’est un calendrier « très ambitieux », qui nécessite que le travail commence dès à présent pour davantage le préciser, c’est déjà « un premier pas vers une meilleure compréhension de l’agenda électoral national ». « En ce début d’année, nous attendons que le cadre de concertation se réunisse à nouveau pour dégager un consensus sur des dates plus précises ».

Enjeux divers

Si l’ensemble des partis politiques est d’accord sur la nécessité du retour à un ordre constitutionnel normal dans les délais consentis, les priorités divergent, allant des réformes à mener avant d’aller aux élections pour certains à une refondation totale de l’État pour d’autres. « Le premier des enjeux, c’est de réussir à trouver un consensus avec les partis politiques », soutient Cheick Oumar Diallo.

Comme pour rappeler la contrainte du peu de temps restant, Housseini Amion Guindo évoque pour sa part des enjeux liés au respect scrupuleux de l’engagement du président de la Transition à tout organiser au cours des 18 mois convenus.

Pour le Président de la CODEM, il ne faut prioriser que les élections présidentielle et législatives, « parce qu’on ne peut pas tout organiser, les élections coûtant cher et la situation financière du pays ne le permettant pas ».

« Un chronogramme ne se fait pas dans le vide mais après avoir posé des actes susceptibles de faire réussir sa mise en œuvre. Pour le moment, rien n’est encore fait dans ce sens », constate par ailleurs Assarid Ag Imbarcawane, Secrétaire général de l’ADEMA et membre du Conseil national de la Transition.

Il affirme d’ailleurs qu’aucun texte portant chronogramme électoral du gouvernement n’a été pour l’heure proposé pour adoption au CNT.

Soumaila Cissé : le Mali lui a fait ses adieux

Soumaïla Cissé repose désormais au cimetière de Sogoniko, à Bamako. Décédé le 25 décembre dernier à Paris, l’ancien député et chef de fil de l’opposition a été inhumé ce 1er janvier 2021, après une cérémonie funéraire tenue au palais de la culture Hamadou Hampaté Ba.

Plusieurs personnalités politiques dont le Premier ministre Moctar Ouane et des anciens Premiers ministres du Mali, des chefs de partis politiques, des membres du corps diplomatique, des autorités religieuses, des délégations venues de l’étranger entre autres ont assisté à ces funérailles, aux côtés de la famille et de nombreux militants et sympathisants de l’URD.

Au pupitre se sont succédés divers témoignages et hommages sur la vie de l’illustre disparu, celui-là même qui, deux mois et treize  jours plutôt était libéré des mains des djihadistes qui le tenait en captivité depuis six mois.

« Tu as survécu à cet enlèvement si long et si pénible. Nous nous sommes battus becs et ongles pour ta libération. Tu nous es revenu six mois et treize jours après. Comment pouvions-nous imaginer que tu allais nous quitter juste quelques temps après ? Comme si u étais revenu juste pour faire tes adieux », s’attriste Bocar Cissé, son fils ainé.

« Papa a aimé le Mali, il a aimé les Maliens et les Maliens l’ont aimé en retour », soupire celui pour lequel  le meilleur hommage est de « continuer la réalisation de ton idéal avec le même état d’esprit, dans l’unité et la cohésion ».

Pour le président de la jeunesse de l’URD, Abdrahamane Diarra, « Soumaila Cissé était un travailleur acharné, distinct, méthodique, intelligent et très humble, qui croyait en l’union et aux vertus de la démocratie ».

C’est pourquoi il a exprimé l’engament  « sincère » de la jeunesse URD « d’honorer et de perpétuer la mémoire et l’œuvre de celui qu’il décrit comme « l’absent le plus présent ».

« Pour nous, ta disparition sera une formidable leçon de vie. En tout et pour tout, nous ferons tout pour te ressembler », promet-il.

Né le 20 décembre 1949 à Tombouctou, Soumaïla Cissé aura marqué pendant une trentaine d’année la vie politique malienne. Trois fois finalistes malheureux des élections Présidentielles, en 2002, 2013 et 2018, il était considéré par plusieurs analystes politiques comme le favori des prochaines échéances électorales à la fin de la transition en 2022.

Mais, comme le regrette Bocary Tréta, président du RPM, il s’en est allé  au moment où le Mali pouvait compter sur sa capacité de proposition.

Partis politiques : ces présidents qui cèdent le fauteuil

Le 12 décembre dernier lors du 3ème congrès ordinaire du parti Yelema, Moussa Mara passait le témoin à Youssouf Diawara pour prendre les rênes, consacrant une alternance à la tête du parti, plutôt rare au sein de la classe politique malienne. Le 26 décembre, lors du 7ème congrès ordinaire du Parti CNID-Faso Yiriwaton,  Maitre Mountaga Tall, Président du parti depuis sa création, a également annoncé ne plus renouveler son mandat.

Cette nouvelle dynamique au sein de la classe politique marquerait pour certains le début du renouvellement tant réclamé ces dernières années de l’échiquier politique national.

« Je refuse d’être un président d’honneur ! Un président fondateur qui décide encore de tout, à l’ombre de son salon climatisé et sans qui aucune initiative ne sera prise ! Non je reste un militant et je continuerais à servir YELEMA et le Mali avec tous. En soldat loyal et discipliné et qui suivra les instructions données par la nouvelle direction du parti », avait indiqué sans ambage Moussa Mara  face aux congressistes de son parti.

L’ancien Premier ministre qui a toujours pris à cœur le combat de l’alternance au sein des partis politiques envoyait ainsi un signal fort au reste de la classe politique en cédant les rênes de son parti à terme de son mandat.

Mais si cette décision en guise d’exemple a été globalement très bien accueillie  par les militants non seulement du parti Yelema mais bien au-delà, elle soulève tout aussi des interrogations sur la personne  qui sera éventuellement désignée candidat de Yelema lors de la Présidentielle de 2022.

Entre stratégie électoraliste et retrait

Pour certains analystes, même en n’étant plus ni président en exercice ni d’honneur du parti Yelema, Moussa Mara reste de facto le propable futur candidat du parti.

« Son départ de la tête de Yelema est purement stratégique. Je ne le vois pas en termes de véritable alternance politique.  C’est pour marquer l’esprit de la masse populaire et jouir d’une certaine popularité pour les élections à venir », clame Bréhima Mamadou Koné, politologue.

En revanche, pour le politologue, le retrait annoncé de Maitre Mountaga Tall qui entend  demander au prochain congrès extraordinaire du CNID prévu en mai 2021 de ne pas renouveler son mandat à la tête du parti, répond au besoin de l’alternance démocratique au sein de ce parti.

« C’est pour permettre à la jeune génération au sein de son parti d’émerger. Il a lutté pendant 30 ans et à un certain moment il faut passer le flambeau à la jeune génération », soutient-il.

Ces deux cas de figures qu’il ne faut pas juxtaposer selon Bréhima Mamadou Koné, s’inscrivent dans la droite ligne du discours tenu en masse aujourd’hui au sein de l’opinion publique, favorable à une alternance au sein des partis politiques.

Mais, indique-t-il, ces chefs de partis qui passent la main demeureront dans la majorité des cas,  des faiseurs de rois au sein de leurs différents formation politiques.

Diawara Aissata Hamata Touré dite Lady : «plus de partis où il existe un culte de la personnalité »

La Présidente des femmes du RPM nous fait part de sa vision politique pour le Mali nouveau.

Pour le nouveau Mali, je veux un pays prospère, uni et indivisible. Un Mali où les enfants vont à l’école, où la culture de l’excellence est accentuée, où la santé est accessible à tous, où la justice est rendue d’une manière équitable, où l’autorité de l’État s’affirme et où les agents publics ne sont ni corrompus ni corruptibles.

Dans ce Mali, il serait bien que le nombre de partis politiques diminue, parce qu’il y en a trop. Il faut mettre des critères contraignants de création, comme un nombre minimum de signaturede militants.

Il ne faut pas avoir des partis dont les présidents ne changent pas et où il y a un culte de la personnalité. Lorsque quelqu’un veut accéder à la tête, elle lui est refusée et il part créer son propre parti. Au niveau des instances des partis, il faut faire respecter la loi 052 sur l’équité du genre. Cela permettra aux femmes à s’affirmer, à se former et à être aptes pour occuper des fonctions électives ou nominatives.

Le Mali a signé un Accord de paix issu du processus d’Alger contenant certains engagements. Il faut notamment aller vers une décentralisation poussée, ce qui n’est pris en compte dans la Constitution. Il faut donc aller vers la révision et la création du Sénat, afin que des élus locaux participent à la gestion. Le Haut conseil des collectivités pourrait disparaître. Quand à la Haute cour de justice, elle doit être maintenue. Si le Conseil économique et social pose problème au plan des moyens, sa mise en place pourrait attendre.

Il y a un besoin réel d’aller à un ancrage démocratique et nous avons besoin de notre culture. Avec l’échec de nos institutions, les légitimités traditionnelles jouent un rôle important. Dans le Mali nouveau, il est souhaitable que le Haut conseil islamique reste dans son rôle et ne s’implique pas en politique. Et il faut relire les lois pour éviter certains dérapages, comme la transhumance.

Abdrahamane Diarra : « obliger les partis politiques à se regrouper en fonction de leurs idéologies »

Le Président de la jeunesse URD nous fait part de sa vision politique pour le Mali nouveau.

Le Mali, au moment des indépendances, avait bien amorcé sa vie politique. Les tendances politiques obéissaient à des obédiences idéologiques et le militantisme se caractérisait par l’engagement patriotique.

De 1968 à 1991, le libre choix en matière de militantisme n’existait pas. À partir de 1991, l’engouement généralisé pour la démocratie multipartite n’a laissé guère le choix au respect des questions d’obédience idéologique. C’est pourquoi nous comptons aujourd’hui une floraison de partis politiques (plus de 250 pour environ 20 millions d’habitants). Le nombre de ceux représentés au Parlement n’ayant jamais pu excéder la vingtaine, la plupart n’arrivent même pas à faire élire des élus locaux. Une autre difficulté est le nomadisme politique injustifié.

Fort de ces constats, les réformes à opérer dans le Mali nouveau doivent concerner la vie et la pratique politique. L’octroi du récépissé pour la création d’un parti doit connaître un processus plus rigoureux. On peut donner une autorisation provisoire et conditionner l’obtention du récépissé à la tenue d’assises regroupant des représentants de toutes les localités du pays ainsi que de la diaspora, à la disponibilité d’un projet de société déclinant de façon précise l’idéologie et à un registre de signatures de 20 000 personnes au moins, avec adresses et autres contacts vérifiables. Et il faudra que la nouvelle formation s’attende à un retrait de son récépissé lorsqu’elle ne parvient pas à obtenir 10% des suffrages.

Ces réformes obligeront certainement les partis à se regrouper pour faire de réelles offres politiques aux populations et leur donner l’opportunité de meilleurs choix, basés sur des critères objectifs. Le nomadisme sera sanctionné par la perte du mandat.

Il urge aussi de mettre en place un organe unique, permanent et indépendant, dont les missions seront celles de l’ensemble des structures chargées des élections. Cela aura l’avantage de développer de réelles expertises dans le domaine électoral, de permettre la tenue d’élections libres, crédibles et transparentes et de donner leur légitimité aux dirigeants.

Aide publique aux partis politiques : Des réactions partagées

3 milliards 374 millions 442 mille 789 francs CFA. C’est le montant de l’aide financière publique de l’Etat aux partis politiques du Mali comptant pour l’année 2018, révélé en Conseil des ministres du 14 août 2019. Si la tradition est encore une fois respectée depuis l’adoption de la  Loi n°05-047 du 18 août 2005, les avis divergent aujourd’hui sur cette somme octroyée à une partie de la classe politique.

Ils sont au total 66 formations politiques à bénéficier de la manne financière, sur les près de 200 que compte le pays selon les chiffres du ministère de l’Administration territoriale. 

Si l’écart entre ceux qui sont éligibles et ceux qui ne le sont pas, est considérable, c’est parce que « Aujourd’hui l’on crée les partis politiques soit pour être plus proche de la majorité, soit pour être proche de l’opposition pour pouvoir se positionner et profiter d’une situation donnée », estime Khalid Dembélé, chercheur au CRAPES. 

« Les partis sont créés non plus autour de convictions ni d’idéaux mais autour des intérêts individuels et quand c’est comme cela, ils ne sont pas fondés et les critères les disqualifient facilement », ajoute celui pour qui cette aide de l’Etat n’est juste qu’une opportunité pour un certain nombre de groupuscules de se faire plein la poche.

Vitale pour la démocratie

« Si nous avons choisi de faire la démocratie, nous devons  aider les piliers que sont les partis politiques, qui supportent cette démocratie. On ne peut pas parler de démocratie sans eux, ni d’apprentissage et de formation. Aujourd’hui,  les partis ont besoin de cette aide et c’est important et normal qu’on puisse la leur apporter », soutient Moussa Seye Diallo, Secrétaire adjoint chargé à la communication de l’URD. 

Pour lui, le Mali étant encore à l’étape d’apprentissage de la démocratie, cette aide de l’Etat aux partis politiques est indispensable pour la bonne gestion des affaires de la cité. 

« Ce n’est pas parce qu’il y a la pauvreté, qu’il faut distribuer de l’argent ailleurs qu’aux partis politiques. Si la démocratie ne marche pas, nous allons nous retrouver dans une dictature et les dictatures en Afrique finissent toujours par celle d’un clan », insiste t-il.

Même son de cloche chez les Fare An Ka Wuli, où cette aide publique de l’Etat est perçue comme une légalité républicaine qui restera en vigueur tant que la loi qui l’a instaurée ne sera pas abrogée. 

« Ce financement est destiné à accompagner les partis politiques dans leurs œuvres de citoyenneté, de cohésion sociale et de formation continue de leurs militants », justifie Bréhima Sidibé, Secretaire général adjoint du parti de l’ancien premier ministre Modibo Sidibé.

Formation insuffisante ?

Parlant de formation des militants, la réalité dans les partis politiques est parfois différente de ce qu’affichent les dirigeants. « Aujourd’hui quand on regarde ces partis politiques, qu’est-ce qu’ils effectuent concrètement sur le terrain ? », s’interroge M. Dembélé.  

« On se rend compte facilement qu’il n’y pas de réelles formations. Ce sont des partis personnifiés, autours des leaders et qui cessent de fonctionner quand ces derniers ne sont pas là », constate le chercheur.

Sans pour autant prôner la suppression de cette aide, il appelle à plus de responsabilités car  « si ces sommes sont décaissées pour des raisons nobles parce que cela doit servir entre autres à former les militants des partis, c’est tout sauf le cas en réalité ».

                                                                                                                         

 

 

Partis politiques : Faire face à la prolifération

Près de 200 partis politiques existent au Mali, selon les chiffres  du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation. Mais, sur ce nombre, seuls quelques uns émergent du lot et sont représentatifs sur l’échiquier politique national. Face à cette prolifération, qui s’accentue, des voix s’élèvent de plus en plus pour une meilleure régulation des regroupements politiques.

Si le vent du multipartisme qui a soufflé sur le pays dans les années 90 a contribué à l’émergence d’un pluralisme salué dans le  débat politique, il a également favorisé la floraison des partis politiques, dont la plupart, sans réelles ambitions de conquête et d’exercice du pouvoir, s’activent plutôt pour d’autres intérêts.

« Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment d’idéologie politique au service d’une vision. Cela a conduit à une privatisation de l’action politique, en ce sens qu’il n’y a pas de vrai militantisme. Les gens n’adhèrent plus aux partis par conviction », estime Isaac Dakono, coordinateur par intérim de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique Mali (ARGA- Mali).

Durcir les conditions ?

« Personne ne veut être dirigé par un autre et, comme notre Constitution le permet, chacun crée son propre parti politique », constate Cheick Diallo, deuxième Secrétaire à l’administration du bureau politique national de l’ASMA CFP. Pour arrêter la prolifération, il faut selon lui que l’État mette en place des pré requis pour la création des partis politiques.

« Il faut étudier la moralité de ceux qui créent les partis politiques et exiger que les leaders aient un certain niveau intellectuel. Ce serait bien également de placer très haut le montant financier requis pour la demande de récépissé », propose M. Diallo, car, soutient-il, la crise politique que connait le Mali est l’une des conséquences de cette prolifération des formations politiques.

« Un parti politique doit être représentatif sur toute l’étendue du territoire et non seulement dans une région. Le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation doit veiller au respect de l’ensemble des critères avant de délivrer le récépissé », souligne Mme Maiga Oumou Dembélé, porte-parole du Cadre de concertation des femmes des partis politiques du Mali.

Mais, pour M. Dakono, même s’il n’est pas mauvais d’avoir plusieurs partis politiques dans une démocratie représentative, la question essentielle est au niveau de leur mission. « Cette pluralité peut être envisagée sous forme d’indicateur en démocratie et la conquête ainsi que l’exercice du pouvoir doivent y ressortir », conclut-il.

Cadre national de concertation : Toujours viable?

Dans le but de traiter les questions liées aux réformes à venir et pour organiser les élections, le Premier ministre a signé un décret, le 17 janvier, portant création du Cadre national de concertation. Cependant, certains partis politiques, comme l’URD et la CODEM, se sont retirés de l’initiative en attendant la prise en compte de leurs observations. Le cadre sera-t-il vide de sens ?

« Ce cadre de concertation a été initié pour concilier la nécessité de dégager un consensus autour des grandes questions qui concernent la Nation et le temps limité que nous avons devant nous. Normalement, tous les citoyens, à tous les niveaux, doivent être associés pour aboutir aux concertations nationales, mais nous devons aller aux élections législatives au plus tard le 30 juin », justifie au préalable Brahima Coulibaly, conseiller technique au ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation. La première réunion depuis la mise en place de cette nouvelle formule du cadre national de concertation date du 31 janvier. Depuis, plusieurs rencontres se sont tenues pour aborder les questions à l’ordre du jour. Mais, dans une correspondance en date du 1er février, l’URD a adressé ses observations et recommandations sur le cadre national de concertation. Le parti du chef de file de l’opposition réclame un dialogue qui « doit aboutir à un accord permettant le consensus nécessaire sur les réformes institutionnelles et politiques pour une sortie de crise réussie », indique la lettre. « Cet accord politique déterminera les mécanismes de l’organisation d’un large débat national, sincère, global, inclusif, interactif, dynamique et transparent, avec l’ensemble des forces vives de la Nation », poursuit le document. Mais, quelques jours après, la CODEM, parti de l’ancien ministre des Sports, suspend aussi sa participation à ce cadre. Pour le parti de la quenouille, le cadre, « tel que proposé suivant l’arrêté du 17 janvier, dans sa composition, ses missions et son fonctionnement, ne correspond pas aux attentes de notre peuple ». La CODEM estime qu’il « n’obéit pas aux conditions d’inclusivité pour traiter des grandes questions qui assaillent notre Nation », dit le communiqué.

Pour donner suite à certaines de ces observations, le ministère en charge de la question a pris en début de semaine des nouvelles mesures. « Le ministre a pris  une nouvelle décision, dans laquelle le  cadre va être ouvert à tous les partis politiques, sans distinction, à toutes les organisations de la société civile et à tous les mouvements signataires de l’Accord. Tout cela pour qu’on soit d’accord sur ce qu’on va faire sur la Constitution, le découpage territorial, les élections des députés, celles des sénateurs, etc. », informe le conseiller technique du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation.

Un cadre vital

La volonté de réussir les réformes à venir et les enjeux du moment obligent le gouvernement à prôner le consensus. Une convergence de toutes les forces vives est nécessaire pour maintenir l’équilibre national. « Au départ, on avait dit qu’il fallait représenter les partis politiques en fonction de leur poids, mais aujourd’hui, même si vous êtes seul dans votre parti vous pourrez venir. Il y aura deux instances. D’abord une pour les formations politiques, qui regroupe les présidents des partis qui donneront les grandes orientations sur toutes ces questions. Ensuite il y aura la commission technique, composée des experts du ministère de l’Administration territoriale et des départements  ministériels concernés », détaille Brahima Coulibaly.  Selon lui, la tenue des  élections législatives avant fin juin, conformément à la loi électorale, est indispensable. Mais pour l’heure, le chargé de communication de l’URD, Me Demba Traoré, dit s’en tenir à leur lettre d’observations et de recommandations. « S’il y a des actes officiels qui sont pris, on va les analyser, mais pour l’instant c’est le status quo. On s’en tient à tout ce qu’on a développé dans la lettre », fait-il brièvement savoir. « Dans tous les cas, si l’opposition ne vient pas, il y aura un goût d’inachevé, mais la démocratie, c’est la loi de la majorité. Nous nous sommes engagés à mener toutes ces réformes et en même temps il y a la communauté internationale qui nous regarde », explique le conseiller technique.

Élection présidentielle : Top départ de la campagne

Dans trois semaines, les citoyens maliens iront aux urnes pour l’élection du Président de la République. La campagne électorale, période décisive dans  la mobilisation des électeurs, démarre le 7 juillet. En attendant, dans les quartiers généraux des différents prétendants, c’est la course. Aperçu sur les débuts d’une joute déterminante pour le Mali.

« Nous la préparons avec tout l’enthousiasme que les militants sont en train de montrer sur le terrain. Nous continuons à mettre en ordre de bataille l’ensemble des partis politiques, associations, clubs  de soutien qui sont derrière le candidat Aliou Boubacar Diallo, pour harmoniser les points de vue, les stratégies et l’organisation de la campagne », affirme Cheick Oumar Diallo, Secrétaire politique de l’Alliance Démocratique pour la Paix (ADP Maliba). Tout content, le jeune militant s’affiche confiant devant la validation provisoire par la Cour Constitutionnelle de leur candidature. « La campagne qui va s’ouvrir bientôt sera palpitante, étonnante et pleine de surprises pour beaucoup des personnes, qui ne s’attendent pas à ce que le changement voulu par les Maliens se produise cette année »,  prophétise-t-il.

Il y a au total 24 candidatures validées définitivement par la Cour Constitutionnelle pour  l’élection du 29 juillet. Une première liste publiée le 30 juin avait semé la panique de quelques états-majors qui se sont dépêchés de répondre aux interrogations de la Cour. La bataille pour Koulouba peut donc désormais commencer. Après cinq années de gouvernance IBK, l’heure est au choix. Candidat à sa propre succession, le sortant compte parachever les actions déjà entamées. Face à lui, des candidats décidés à lui ravir le fauteuil. La campagne offrira sans doute à tous ceux qui aspirent à servir  le Mali l’occasion d’exposer leurs projets aux citoyens.

Dans ce jeu démocratique, les uns et les autres comptent  ne pas se faire de cadeaux. Partout s’affiche le souhait de gagner. Certains n’hésitent pas à mettre en avant la déception d’une certaine frange de la population du système actuel de gestion. Sur le terrain, la pré-campagne bat son plein. « Nous allons boucler l’international dans la semaine et revenir attendre l’ouverture officielle. Nous allons  nous atteler pour l’intérieur du Mali et l’ensemble des régions », affirme Nouhoum Togo, chargé de communication du cabinet de  chef de file de l’Opposition. Selon lui, on n’attend plus que le coup d’envoi. « Nous sommes prêts aujourd’hui pour l’organisation. Nous avons des démembrements, des structures, une convention de partis politiques pour  gagner dans les jours à venir ».

A l’intérieur du pays, celui qui aurait voulu porter les couleurs de l’ADEMA Pasj s’implante déjà. « Je suis suffisamment organisé. J’ai des cellules dans toutes les régions, sauf à Kidal », informe Kalfa Sanogo, candidat de la Coalition Kalfa 2018. Sikasso, région dont cet ancien Directeur général de la CMDT est natif, est un  véritable réservoir d’électeurs. Du côté du parti présidentiel, contacté mais qui n’a pas répondu à nos sollicitations, aucune réponse quant à l’approche retenue pour mettre en avant le candidat-Président Ibrahim Boubacar Kéita ne nous est parvenue.

Stratégies de (re)conquête

Accéder à la magistrature suprême s’avère être un exercice complexe. Mais l’idée de  séjourner au Palais de Koulouba aiguise bien des appétits. Stratégies de mobilisation et lignes directrices de campagne se précisent. Des moyens faramineux et des ressources humaines considérables sont en train d’être mobilisés. Le duel entre les caciques politiques et les nouveaux venus donnera un caractère particulier à cette élection.

Pour la troisième fois, Soumaila Cissé, candidat de l’Union pour la République et la Démocratie (URD) s’engage. Cette fois-ci, il croit en ses chances. « Il y a au moins cinq secteurs qu’il faut défendre devant le peuple malien : la sécurité, sans laquelle rien ne sera possible, l’agriculture et l’élevage, qui sont la base, la santé, qui est une priorité, l’école, pour un nouveau type de Malien, capable de se réinventer », résume Nouhoum Togo. « Le travail que nous sommes en train de faire a pour matière première l’homme pour, opérer  le changement », poursuit-il.

L’alternance est devenue le maitre mot. Chacun se propose d’amoindrir les souffrances des populations en « agissant » autrement. « Nous allons  présenter  le  programme,  des projets, des idées, aller sur le terrain du débat, pour faire en sorte qu’on sorte de tout ce qui a été une campagne de surface depuis des années. Il est temps aujourd’hui que ceux qui aspirent à gouverner ce pays commencent à faire des propositions en matière de retour de la paix, de sécurité, de développement économique, de création d’emplois et de richesse, dans tous les domaines qui concernent le bien-être de la population », souligne le Secrétaire politique de l’ADP Maliba. Pour les candidats, le combat se gagnera aussi dans les détails. Le lieu de lancement des activités officielles est pour le moment un « mystère ». « Je laisse planer le doute », confie un fervent militant de l’ADP Maliba.  Même stratégie dans le  camp de Soumaila Cissé.

Pour le candidat Kalfa Sanogo, qui participe pour la première fois à une présidentielle, battre campagne peut se faire « autrement ». « Il ne s’agit pas de faire des déplacements en grande pompe, mais de sensibiliser, de motiver les populations et de proposer du changement par rapport à ce qu’elles vivent ». Selon lui, la confiance des électeurs se base sur la jonction de l’acte à la parole.  « Parler et dire voilà ce que j’ai pu faire », telle est  la démarche que se propose le maire de Sikasso.

L’équation du nord et du centre

Si la volonté de tenir cette élection  à date est réelle, les défis se multiplient chaque jour. L’insécurité au centre et au nord du pays, les attaques récurrentes des groupes terroristes, la récente grève des administrateurs civils suscitent des inquiétudes. Les parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali avaient convenu de sécuriser le processus électoral, avec l’appui de la mission des Nations Unies (MINUSMA). Mais la dernière session du Comité de suivi de l’Accord avant la présidentielle n’a pas abordé ces questions. Pire, des divergences entre la CMA et la Plateforme sur les directions des autorités intérimaires au niveau des cercles ont  relégué au second plan l’ordre du jour de la rencontre.

Le ministre de la Sécurité intérieure et de la protection civile, le Général Salif Traoré, a récemment présenté un plan de sécurisation du processus. 11 000 agents environ seront mobilisés, avec l’appui des partenaires. « Nous souhaitons mener campagne sur l’ensemble du territoire national. Maintenant, il revient aux autorités pour organiser des élections convenables, transparentes, libres et crédibles, de créer des conditions de sécurité adéquates. Nous sommes prêts à aller au contact de tous les Maliens, où qu’ils se trouvent, parce que chacun d’entre eux mérite de se sentir concerné par la gouvernance de son pays », clame Cheick Oumar Diallo.

Une difficulté qu’a soulignée le chargé de communication du cabinet de chef de file de l’Opposition au ministère de l’Administration territoriale. « Nous allons livrer campagne dans des situations exceptionnelles et difficiles, mais nous ferons le travail avec beaucoup d’imagination et de préoccupation pour la sécurité », assure Nouhoum Togo, espérant une évolution positive de la situation. L’absence de l’administration dans plusieurs cercles au nord et au centre et une certaine indifférence des populations face à ce scrutin pourtant essentiel sont autant de facteurs à considérer.

Que prioriser ?

La profondeur de la crise que traverse le pays oblige à des efforts inédits. Au-delà des déclarations enflammées, c’est l’urgence de rétablir la paix et la sécurité qui hante les citoyens. « On nous avait promis que l’honneur des maliens et leur dignité seront rétablis, mais aujourd’hui le centre nous échappe et le Mali est en train de tomber. La seule solution pour relever le défi est de discuter, de s’asseoir et d’évaluer ce qui a marché ou pas depuis cinquante  ans », propose Nouhoum Togo. Les débats, l’ADP Maliba les attend « sans peur ». « C’est notre capacité à ressembler, à travailler, à reconstruire la confiance entre l’État et les citoyens que nous mettrons en avant, pour faire en sorte que le développement économique soit une réalité », précise le Secrétaire politique de l’ADP Maliba.

En attendant le 7 juillet, la mobilisation s’accentue. Reste à savoir qui des candidats,  au-delà des slogans, glanera la majorité des précieuses voix des Maliens le 29 juillet et éventuellement le 12 août prochain.

Mohamed Salia Touré : « Un seul mouvement ne peut faire le changement »

Le 29 avril, au Palais de la culture Hamadou Hampaté Bah, est née la Coalition pour l’alternance et le changement. Elle regroupe plusieurs partis politiques et mouvements. Mohamed Salia Touré, du Mouvement Wélé wélé en est membre. Il jette un éclairage sur les objectifs  et les perspectives de cette initiative.

Pourquoi avez-vous adhéré à cette Coalition?

Parce qu’au niveau de  Welé welé, nous nous inscrivions dans l’alternance. Nous sommes persuadés qu’un seul mouvement ne peut pas faire le changement. Le système que nous avons en face est tellement implanté que si nous nous ne réunissions pas pour faire front, il  va continuer. Chacun a fait cette analyse et on est arrivé à cette conclusion. Mais on s’était dit qu’il faut être d’accord sur le minimum. Qu’est-ce qu’on doit faire de  cette alternance si on l’obtient demain ? C’est pour cela que nous sommes réunis dans cette coalition  pour l’alternance, dans le sens de renouvèlement des usages.

Elle ratisse large, cette coalition ?

148 organisations, partis politiques, associations et activistes de la société civile ont décidé de donner leur signature, mais à ce jour, nous n’avons recueillis que 98 signatures. Il y a eu des absences mais elles sont ouvertes et vont se poursuivre. Nous espérons dépasser même les 148, parce que d’autres associations sont annoncées.

Quel est le contenu du manifeste que vous avez signé?

Il pose le constat de la gouvernance lamentable du pays, l’absence de programme, la délinquance financière, et le fait que notre armée n’est pas dans les conditions pour affronter l’ennemi. Pour nous l’alternance est indispensable pour sortir le pays de cette situation. C’est ce que nous avons proclamé ensemble.  Des groupes thématiques seront créés au sein de la coalition pour approfondir et se mettre d’accord sur un programme minimum d’alternance. C’est à partir de là qu’on verra qui peut porter ce programme. Nous ne sommes pas une coalition qui roule pour X ou Y, une fois le programme élaboré nous déciderons du profil qui est le mieux à porter la candidature.

Est-ce possible d’avoir ce profil consensuel ?

Cette coalition, cette entente, il y a deux mois ce n’était pas envisageable. Ce qui reste à faire, nous le ferons.  Nous allons convaincre tout le monde qu’il faut mettre le Mali au-dessus de tout. Les gens sont déjà convaincus en posant leur signature. Signer est un engagement. Rien n’est impossible. Tout le monde est  unanime que le pays est dans une situation très critique. Pour ma part je suis plus qu’optimiste.