La coiffure, un art à part entière

Arrivé au Mali en 2002, Peter Biaka, coiffeur professionnel, découvre que « c’est un eldorado pour la coiffure ». Avec un potentiel important mais peu exploité, cette profession fait pourtant partie du patrimoine et le métier peut contribuer à réduire le chômage.

« Les professionnels ont une responsabilité », c’est pourquoi Peter Désiré Biaka, coiffeur et styliste, veut jouer sa partition pour redonner à la coiffure toute sa dimension artistique. La coiffure fait partie de l’identité et du patrimoine de chaque société. Elle a ses codes et ses spécificités, surtout dans notre société, où chaque modèle est porteur d’un message. Pourtant, le métier reste très peu valorisé, y compris par ceux qui l’ont choisi. « Souvent, on devient coiffeur parce qu’on n’a pas trouvé autre chose et qu’on ne veut pas rester au chômage. Or c’est un métier qu’il faut apprendre », regrette M. Biaka. Accompagnant tous les défilés de mode (tous les mannequins sont coiffés), la coiffure ne dispose pas pour autant ici d’espace d’expression propre. Une absence qui tend à être corrigée. Pour la première fois, avec sa participation à un défilé en tant que coiffeur, lors de la première édition de Bamako Fashion Week en 2015, Peter Biaka, présente une collection en hommage à la femme, avec des modèles sculpturaux, faisant appel à la créativité du styliste et destinés à attirer l’attention du public, surtout des jeunes, appelés à choisir ce métier qui peut « nourrir son homme ».

Dans la même dynamique, il organise la première édition de « Africa Diva’s coiffure ». Mais ses partenaires sont timides et n’accompagnent pas assez l’activité. C’est parce qu’ils ne savent pas, explique Peter Biaka. « Faire de la coiffure de façon professionnelle, c’est faire gagner tout le monde, à commencer par les jeunes. Il s’agit aussi d’un métier transversal, qui intéresse plusieurs autres », dont ceux de l’industrie du cosmétique et des défrisants. L’utilisation de ces produits n’est pas anodine et il faut adopter des techniques précises pour éviter les risques. Les jeunes ont l’opportunité d’apprendre avec la multiplication des centres de formation, d’autant que la coiffure, comme les autres métiers, évolue et qu’il faut s’adapter. De nombreuses femmes qui ont choisi de garder leurs cheveux naturels ont maintenant du mal à les faire coiffer. « Beaucoup de jeunes n’ont appris à coiffer que les cheveux défrisés ». L’objectif de Peter Désiré Biaka, en plus de l’instauration des Journées du coiffeur, pour faire découvrir les ficelles du métier, est de créer une agence pour offrir une formation continue aux coiffeurs professionnels.

Gargaci Mairiga : « Etre griot et gagner sa vie, c’est possible ! « 

Etre griot et gagner sa vie, C’’est possible, déclare Gargaci Mairiga, la trentaine bien révolue qui n’est nullement un apprenti, encore moins un parvenu dans le monde du griotisme. Ce travail là , je l’ai appris de mes parents. Je suis le griot du Lamido. Mon grand-père et mon père ont fait ça jusqu’à  moi-même. Cette longue et riche expérience qu’il a su tisser dans ce domaine au fil des ans lui a d’ailleurs valu un nom de star que seuls ses fans connaissent mieux que quiconque: On m’appelle Régional. Partout o๠il y a des cérémonies ou des réunions, je suis là -bas. Le griotisme : une tradition africaine Gargaci Mairiga est donc un artiste d’un autre genre que tout le monde aimerait voir prester, de toutes les façons, que vous le vouliez ou pas, ce ne sont pas les lieux et les cérémonies qui manquent pour ses prestations. Quand il y a des cérémonies, des mariages, des baptêmes, je suis là -bas. D’ailleurs comme dans la musique moderne, les rythmes ici sont diversifiés: Il y a le Gargaci, le Algueta, le Paré, le Djaodjé, le Banga et le Conciré. Plus ces rythmes sont diversifiés, plus les adeptes s’y plaisent et plus aussi, les revenus du griot sont énormes. Il y a des mariages o๠on donne 10 000, parfois 20 000 jusqu’à  100 000 ou 200 000 Fcfa. Etre griot et gagner dignement sa vie est donc vraiment possible. Les griots, gardiens de l’héritage de la communauté qu’ils se transmettent de père en fils oralement (faute d’écriture) sont présents dans les principales circonstances, de la vie: circoncision, excision, mariage, funérailles, etc. La caste des griots est née puis s’est développée dans un contexte o๠n’existaient historiquement ni l’écriture (sauf pour les religieux), encore moins la radio ou la télévision. Le griot est ainsi considéré comme étant notamment le dépositaire de la tradition orale. Les familles griotiques sont spécialisées soit en histoire du pays et en généalogie, soit en art oratoire ou soit en pratique musicale. Les principaux groupes de griots ou communicateurs traditionnels sont appelés djéli en pays mandingue, guéwà«l en pays wolof et gawlo chez les Toucouleurs. On ne devient pas griot, on naà®t griot Par des liens particuliers. Le cas des djélis. Tout enfant est initié dès son plus jeune âge aux techniques et aux savoirs de sa caste. Ce sont les anciens qui forment les jeunes. àŠtre griot, c’est donc appartenir à  la caste des djélis (sang), caste qui peut être identifiée par le nom de famille: Kouyaté, Diabaté, Dramé, Niakaté, Soumano… Il n’est pas possible de passer d’une caste à  une autre. De plus, les mariages exogames sont interdits. Les djélis, porteurs des savoirs et des mystères, ne peuvent épouser que des membres de leur caste afin de sauvegarder la djéliya et de préserver l’identité des djélis. Un enfant (fille ou garçon), né(e) dans une famille de djéli, reçoit l’instruction propre à  sa caste, une instruction qui s’établit selon neuf paliers de sept années chacun, chaque pilier correspondant à  une étape de la vie. De nos jours, du fait de l’exode rural, de l’émigration et de la mondialisation, nombreux sont les enfants de griots qui ignorent tout des pratiques artistiques et des connaissances de leurs ancêtres. Par ailleurs, il est possible que des membres appartenant à  d’autres castes accomplissent des fonctions de griots mais ceux-là  ne peuvent être assimilés aux griots. Il en est ainsi de Salif Keà¯ta (descendant de Sundjata Keita, caste des rois). Les maà®tres de la parole: Les griots Le griot a de tout temps été considéré comme le détenteur de la parole, par conséquent la mémoire sociale du groupe. Il retient les faits et les événements importants de son temps mais aussi des temps passés, que ses pères lui ont confiés pour qu’il les restitue aux générations futures. C’est ainsi que, véritable professionnel de la parole, le griot veille à  leur bonne transmission. On fait appel à  lui lors des événements importants pendant lesquels il ne se fait pas prier pour reconstituer la généalogie d’une famille donnée au son de la kora ou d’un autre instrument de musique selon le type de société. Périodiquement, de grandes réunions à  caractère ésotérique rassemblent les griots initiés pour des récapitulations de l’histoire des peuples. Lors de ces cérémonies, les plus jeunes d’entre eux acquièrent de nouvelles connaissances. Les aà®nés leur présentent des sites sacrés, tombes ou anciens autels, leur apprennent les systèmes de décompte du temps pour chaque ethnie et les formes anciennes des langues qui permettent aux chefs des sous-groupes de se comprendre. D’autres agents qui interviennent dans la transmission de la tradition orale sont les conteurs qui ont toujours des messages à  véhiculer lors des veillées nocturnes, mais aussi les chanteurs qui puisent à  volonté dans le répertoire national. Un peu plus tard, on retrouvera ce rôle chez les écrivains africains, en effet la peinture de la société traditionnelle est très présente dans l’oeuvre d’un Senghor, d’un Birago Diop ou encore d’un Mamby Sidibé. Même si cette transmission n’est pas faite par le canal oral, elle mérite d’être citée car la finalité demeure, inculquer aux enfants les valeurs traditionnelles. Cependant, avant tout, les griots sont restés des maà®tres de la parole; ce sont eux qui font et défont les réputations, apaisent ou excitent l’ardeur des chefs, relatent et magnifient la naissance, l’apogée ou la chute d’un état, et font entrer dans la légende tel un brave ou en sortir tel un méchant guerrier. C’est pour cela que tant qu’existeront les traditions chez les Soninke, Mandingues et autres Peul, ces mots du célèbre griot Mamadou Kouyaté resteront d’actualité: Nous sommes des sacs à  paroles, nous sommes les sacs qui renferment des secrets plusieurs fois séculaires. L’Art de parler n’a pas de secret pour nous; sans nous les noms des rois tomberaient dans l’oubli, nous sommes la mémoire des hommes; par la parole nous donnons vie aux faits et gestes des rois devant les jeunes générations. Je tiens ma science de mon père Djeli Kedian qui la tient aussi de son père; l’Histoire n’a pas de mystère pour nous; nous enseignons au vulgaire ce que nous voulons bien lui enseigner, c’est nous qui détenons les clefs des douze portes du Manding…