Vives tensions à Kéniéba

Tout est parti, selon les premiers témoignages repris dans la presse, d’un conflit social dans la ville minière de l’ouest du Mali. Le cercle de Kéniéba abrite en effet la mine de Loulo Gounkoto, exploitée par Randgold.

Des critères d’embauche discriminatoires seraient à l’origine de la colère des jeunes de la ville qui ont violemment manifesté à Kéniéba et saccagé des biens publics. Ils avaient auparavant bloqué le travail dans la mine où des négociations avec la Direction n’ont pas permis de trouver une issue à leur revendication qui est la reprise automatique des jeunes qui ont effectué des stages de plusieurs mois au sein de la société mais qui qui ne sont pas recrutés, la société préférant la main d’oeuvre en provenance de Bamako ou d’ailleurs, selon les manifestants. Les forces de l’ordre ont finalement été déployées sur place mais  la situation a dégénéré et elles n’ont pu empêché l’incendie de la préfecture et des logements de plusieurs administrateurs le lundi 11 ainsi que celle d’un député de la localité. La ville se trouve en état de siège, rapportent des habitants. Il est également question de plusieurs morts et blessés, même si aucun bilan officiel n’est été communiqué. Le gouvernement a cependant publié une réaction ce lundi, indiquant que le lot de cartes d’électeurs récemment reçues et acheminées vers Kéniéba a été détruit dans l’incendie de la préfecture.

Au niveau de la mine, c’est le silence pour le moment. Une déclaration serait en  préparation pour faire la lumière sur la situation en cours depuis plusieurs jours. « Pourquoi aller s’attaquer à la préfecture ou au domicile du député si c’est avec la mine qu’on a des problèmes », s’interroge un cadre de la société qui pense que l’affaire a pris une autre tournure. Les jeunes manifestants, dont nombre n’ont aucun lien avec la mine, pointent eux un doigt accusateur sur la Société minière de Loulo Gounkoto (SOMILO, filialle de Randgold) qui « veut faire payer ceux qui osent parler ». Une procédure interne est en  effet en cours pour des sanctions disciplinaires de responsables du Bureau Communal employés dans la mine, que les manifestants qualifient de « chasse aux sorcières » et d’atteinte au droit d’activité syndicale ».

La publication prochaine du communiqué Randgold devrait permettre d’en savoir plus et peut-être de calmer la situation qui reste tendue dans la ville.

Mali : Randgold Resources conteste un redressement fiscal de 35 millions d’euros

Le groupe minier britannique Randgold Resources a porté le différend qui l’oppose aux autorités maliennes devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), un tribunal d’arbitrage international basé à  Washington. La compagnie minière conteste le redressement fiscal de 23 milliards de F CFA (35 millions d’euros) imposé au titre de taxes non perçues entre 2008 et 2010 sur les salaires des employés étrangers de la mine d’or de Loulo. Ce recours au Cirdi intervient après l’échec des négociations menées entre la direction du groupe et le gouvernement. Selon Mahamadou Samaké, directeur régional de Randgold pour l’Afrique de l’Ouest, interrogé par Reuters, la convention minière conclue avec l’à‰tat malien stipule que l’entreprise n’est soumise qu’aux impôts expressément inclus dans cet accord. Ce qui exempterait Rangold des taxes créées postérieurement à  sa signature. Cette interprétation est contestée par le gouvernement malien qui a pourtant revu à  la baisse ses réclamations, initialement fixées à  43 milliards de F CFA. Un partenariat mutuellement satisfaisant Dans un communiqué diffusé sur le site de l’entreprise, Mark Bristow, directeur exécutif de Randgold rappelle néanmoins le « partenariat mutuellement satisfaisant » et la « coopération fructueuse » avec l’à‰tat malien. La compagnie minière, qui a annoncé une chute de 62 % de son bénéfice au deuxième trimestre, devrait quand même reverser 170 millions de dollars à  l’à‰tat malien sous forme de taxes et de redevances. Par ailleurs, le Mali a renoncé à  ses redevances pour les 22 mois de la durée du projet d’élargissement du puits de Morila.

L’industrie aurifère résiste à la crise… pour l’instant

Alors que la guerre dans le Nord-Mali bat son plein, le secteur minier se porte bien. « La production aurifère n’a pratiquement pas été affectée », affirme Abdoulaye Pona, président de la Chambre des mines du Mali. Selon le ministère des Mines, 43,5 tonnes d’or brut ont été produites en 2011. En 2012, sur les onze premiers mois de l’année, ce sont 41,3 tonnes d’or qui ont été extraites. « Les zones aurifères sont à  des milliers de kilomètres du Nord-Mali, dans le sud et dans l’extrême ouest du pays », explique Alassane Diarra, directeur général de MCS Consulting, un cabinet de courtage malien spécialisé dans l’or. Et le putsch de mars 2012 n’a pas remis en question les contrats d’exploitation. « Les autorités ont toujours été présentes et assurent notre sécurité. L’option rapatriement n’a pas été mise sur la table, mais c’est une très bonne chose que l’armée française ait réagi aussi vite », indique Mark Bristow, directeur général de Randgold Resources. « Néanmoins, la crise a eu un impact négatif sur la prospection, relativise Alassane Diarra. Des investisseurs se sont montrés plus frileux, et quelques acteurs se sont retirés », effrayés par la perspective d’enlèvements, même dans des zones censées être épargnées. Une perspective ravivée par le rapt d’un Français fin novembre à  Diéma, dans l’ouest du pays. Malgré tout, la production devrait encore progresser en 2013. Portées par un cours de l’once qui atteint des records (1 270 euros début janvier), les annonces d’ouverture ou de prolongation d’exploitation de mines d’or se multiplient. Ainsi, le sud-africain AngloGold Ashanti a été autorisé à  prolonger d’une douzaine d’années l’exploitation de sa mine de Sadiola, et l’australien Resolute Mining va investir 185 millions d’euros dans celle de Syama pour l’exploiter quinze années de plus. [Aubaine] En plus des sept mines déjà  ouvertes, deux nouveaux sites ont été inaugurés en 2012 : Wassoul’or (par la société malienne éponyme) et Gounkoto (par Randgold Resources). « Le complexe de Loulo-Gounkoto, actuellement en cours d’expansion, forme l’une des plus grandes mines d’or d’Afrique, se réjouit Mark Bristow. En 2011, 346 000 onces ont été extraites de ces deux mines, 500 000 en 2012, et la production devrait dépasser les 600 000 dès 2014, avec une durée de vie de plus de vingt ans. » D’autres projets sont prêts à  se concrétiser, à  l’image du gisement de Nampala, dont la concession a été confiée au canadien Robex. « Et treize autres sites sont en cours de prospection, s’enthousiasme Abdoulaye Pona. Les perspectives sont vraiment excellentes. Le Mali pourrait devenir le deuxième producteur aurifère du continent. » Une aubaine pour l’à‰tat, qui, ainsi que le prévoit le code minier, détient 20 % des parts des sociétés d’exploitation.