Transition : le réveil des partis politiques ?

Longtemps silencieux concernant la Transition, certains partis et regroupements politiques redonnent de la voix. Depuis la fin de la période transitoire, le 26 mars 2024 conformément au décret No2022-003/PT-RM du 6 juin 2022 en fixant la durée à 24 mois, ils montent au créneau pour exiger des autorités la tenue rapide de l’élection présidentielle qui mettra un terme à la Transition. Mais feront-ils le poids face à un pouvoir bien assis et qui semble avoir relégué au second plan un retour à l’ordre constitutionnel ?

Avalanche de réactions au sein de la classe politique. Depuis le 26 mars 2024, date à laquelle était censée prendre fin la Transition, certains partis et regroupements politiques montent au créneau pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel.

Dans une déclaration anticipée, le 25 mars, le RPM, après avoir invité les autorités de la Transition au respect des engagements souverainement pris devant la communauté nationale et internationale, appellait à la « mise en place de toute urgence d’un nouveau mécanisme transitionnel pour un retour à l’ordre constitutionnel dans un délai de 6 mois ».

De leur côté, le M5-RFP Malikura et Yelema recommandent en urgence une concertation avec les responsables des forces vives nationales, pour redéfinir le contour et les objectifs et identifier les acteurs d’une nouvelle transition courte. « Le M5-RFP Mali Kura et le parti Yelema « le Changement » sont convaincus qu’après 3 ans et 8 mois de report en report provoqué, la Transition ne saurait aux forceps s’éterniser », ont dénoncé les deux entités dans une déclaration commune le 26 mars.

Dans la même veine, l’Adema-PASJ a lancé le 27 mars 2024 un « appel vibrant » aux autorités de la Transition pour « accélérer le processus devant conduire à la tenue de l’élection présidentielle qui mettra fin à la Transition ». Le parti, dans une  déclaration, estime que le « silence prolongé » des autorités de la Transition sur le chronogramme électoral suite au léger report de la date des élections « ne participe nullement à l’apaisement du climat sociopolitique ni à la consolidation de la cohésion sociale chère à tous les Maliens démocrates et républicains ».

L’Action républicaine pour le Progrès (ARP), pour sa part,  dans un mémorandum en date du 27 mars, appelle à la démission immédiate du gouvernement et à la mise en place d’un Exécutif d’union nationale dans le cadre d’un nouveau dispositif de transition véritablement inclusif. L’Alliance politique dirigée par l’ancien ministre Tiéman Hubert Coulibaly propose également de fixer une « date consensuelle raisonnable » pour l’élection présidentielle qui marquera le retour du Mali dans la normalité institutionnelle.

Actions 

Au-delà de leurs différentes réactions initiales, plusieurs partis et regroupements politiques, ainsi que des organisations de la société civile, ont réitéré leur position dans une déclaration commune le 31 mars 2024. « Nous demandons aux autorités en place, au regard du vide juridique et institutionnel ainsi provoqué, de créer les conditions d’une concertation rapide et inclusive pour la mise en place d’une architecture institutionnelle, à l’effet d’organiser dans les meilleurs délais l’élection présidentielle », indique la déclaration signée de près d’une centaine de partis politiques parmi lesquels, entre autres,  l’Adema-PASJ, le RPM, la Codem, l’ASMA-CFP, les Fare An Ka Wuli, le parti Yelema et l’UDD.

En plus d’attirer l’attention du gouvernement sur la fin de la Transition, conformément à l’article 22 de la loi No2022-001 du 25 février 2022 révisant la Charte de la Transition et au décret No2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 fixant le délai de la Transition à deux ans, ces partis avertissent qu’ils utiliseront « toutes les voies légales et légitimes pour le retour de notre pays à l’ordre constitutionnel normal ».

Le 28 mars dernier déjà, la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP), toutes deux membres de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali, signataire de la déclaration du 31 mars 2024, avaient déposé une requête devant la Cour constitutionnelle. Les deux structures demandent à la juridiction de « constater la vacance de la présidence de la Transition, de prononcer la déchéance de tous les organes de la Transition et d’ordonner l’ouverture d’une nouvelle transition à vocation de rassemblement et réconciliation », incluant toutes les composantes de la Nation, y compris l’armée républicaine, avec comme missions principales assignées l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel.

À en croire Alassane Abba, Secrétaire général de la CODEM, tous les partis, regroupements politiques et organisations de la société civile se réuniront dans les prochains jours pour la mise en place du Comité de suivi de la Déclaration commune du 31 mars et pour se mettre d’accord sur les futures actions à mener.

« Sûrement que nous allons mener d’autres actions pour avoir gain de cause, parce que je ne vois pas le gouvernement tout d’un coup accéder à notre demande, compte tenu du fait qu’ils sont aussi dans leur logique. Le Premier ministre l’a dit et on le sent à travers les propos de beaucoup d’entre eux, les élections ne sont pas d’actualité », confie celui qui n’exclut pas par ailleurs parmi des futures actions la désobéissance civile. « C’est la première des choses à laquelle nous pensons », glisse M. Abba.

Bloc d’opposition ?

Depuis le début de la Transition, des plateformes opposées à la gestion des autorités se sont constituées, sans pour autant parvenir à inverser les rapports de force en leur faveur. Que ce soit le Cadre d’échange des partis et regroupements pour un retour à l’ordre constitutionnel, l’Appel du 20 février pour sauver le Mali ou encore, plus récemment, la Synergie d’action pour le Mali, elles peinent toujours à peser  face aux militaires au pouvoir.

Mais pour la première fois, ces trois plateformes, même si la Synergie d’action pour le Mali n’est pas signataire en tant qu’entité mais est représentée par Espérance Jiguiya Kura, se mettent ensemble pour mener des actions communes. Au-delà de la déclaration commune et d’éventuelles futures actions, l’initiative pourrait-elle aboutir à la formation d’un bloc d’opposition à la Transition solide ? Pour le Secrétaire général de la Codem, cela ne semble pas évident.

« Les partis ont signé, mais ils n’ont pas les mêmes positions. Certains ont signé juste parce qu’ils se sont d’accord pour le retour à l’ordre constitutionnel. Mais de là à faire un bloc d’opposition, ce n’est pas aisé. Les partis n’ont pas les mêmes visions. L’opposition suppose qu’il y ait un chef de file et il n’est pas facile de le dégager dans ce contexte », concède Alassane Abba.

Par ailleurs, selon certains observateurs, le succès même des actions communes annoncées des partis, regroupements politiques et organisations de la société civile signataires de la déclaration du 31 mars 2024 n’est pas garanti. « Il sera très difficile pour ces partis de mener des manifestations qui puissent aboutir à quelque chose de probant. Le pouvoir en place semble décidé à ne laisser émerger aucune forme de contestation », glisse un analyste.

« Quand la Synergie d’action pour le Mali a voulu mener ses activités, elles ont été tout simplement interdites pour motif de sécurité par la Délégation spéciale du District de Bamako. Je pense que les autorités vont brandir les mêmes motifs pour interdire également toute manifestation de la nouvelle dynamique des partis et regroupements politiques qui est en train de se mettre en place », prédit-il.

ADEMA – RPM : jusqu’où ira le rapprochement ?

À l’approche des futures échéances électorales, les lignes semblent bouger dans la classe politique. L’Alliance pour la démocratie au Mali – Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) et le Rassemblement pour le Mali (RPM) ont tenu le 20 novembre dernier une rencontre à l’issue de laquelle les deux formations politiques ont annoncé les couleurs d’un futur cheminement commun.

« Les deux parties ont convenu de mettre en place une commission de travail paritaire pour poursuivre la réflexion sur l’élaboration d’un projet politique commun et formuler des recommandations sur l’ensemble des questions d’intérêt national soulevées », indique le communiqué conjoint ayant sanctionné la rencontre.

Les deux anciens partis présidentiels, qui ont déclaré avoir une convergence de vues sur des questions liées à leurs relations bilatérales, à la situation sociopolitique et sécuritaire du pays et l’internationale, ainsi que d’autres sujets d’intérêt, se sont également engagés à « œuvrer ensemble pour contribuer au renforcement de la sécurité de la gouvernance, à assurer la réussite de la Transition en vue d’un retour apaisé et sécurisé à l’ordre constitutionnel à travers un cadre politique beaucoup plus dynamique ».

Alliance électorale en vue

L’annonce de l’élaboration d’un projet politique commun entre l’ADEMA et le RPM sonne comme le début d’une alliance politique électorale entre les deux partis en vue des échéances électorales à venir.

D’ailleurs, à l’ADEMA, on ne s’en cache, pas d’autant plus que le parti a toujours milité pour la mise en place d’une large coalition soutenant une candidature unique à la prochaine élection présidentielle de fin de la Transition. « Avec le RPM, nous sommes tout à fait dans l’optique d’une alliance politique électorale. La raison d’être des partis politiques est la conquête et l’exercice du pouvoir. Vu le contexte actuel, il faut que nous nous mettions ensemble pour aller à cette conquête, avec un projet commun qu’on pourra offrir au peuple malien », affirme Yaya Sangaré, Secrétaire général de l’ADEMA.

Si l’aboutissement du rapprochement des deux partis à une alliance électorale n’est également pas exclu du côté du RPM, le ton y est beaucoup plus mesuré. « N’allons pas trop vite en besogne », temporise Sékou Niamé Bathily, Chargé de Communication du RPM. « Nous allons laisser le soin aux membres du comité paritaire de se retrouver et de décider ce qui va se passer après et nous verrons bien. Les deux directions vont ensuite donner le ton », glisse-t-il, soulignant que les deux formations politiques ont actuellement une convergence de vues et se dirigent « certainement vers une synergie d’actions ».

À en croire le porte-voix du RPM, le parti, à l’origine, avait décidé de démarcher plusieurs formations politiques suite à l’organisation de son 1er Congrès extraordinaire, comme c’est le cas traditionnellement après un congrès où le parti présente à ses partenaires le renouvellement de sa direction, mais aussi celui des points de convergence entre les différents camps politiques.

« C’était cela d’abord l’objectif pour le RPM, dans un premier temps. Mais, avec l’ADEMA, nous avons une histoire commune et nous partageons suffisamment de choses. C’est pourquoi nous avons jugé d’aller un peu plus en profondeur et de mettre en place un comité paritaire entre les deux partis afin de travailler à préparer l’avenir ensemble, à avoir un projet commun pour diriger les destinées du Mali à nouveau », explique M. Bathily.

Quel poids ?

L’Adema-Pasj a présidé aux destinées du Mali pendant 10 ans, de 1992 à 2002, à travers les deux mandats du Président Alpha Oumar Konaré. Le RPM, de son côté, a été au pouvoir pendant 7 ans, de 2013 à 2020, avec le Président Ibrahim Boubacar Keita. Les deux partis politiques ont également une très grande assise sur toute l’étendue du territoire national et conservent un certain poids sur l’échiquier politique.

Mais une éventuelle candidature unique, soutenue par une alliance politique, dans le contexte actuel, augmenterait-elle leurs chances de reconquérir le pouvoir ? « Je pense que non. Ils ne pourront pas briguer à nouveau la magistrature suprême, du moins pas dans l’immédiat, à l’issue de la présidentielle de fin de transition. Le RPM a considérablement baissé en popularité, d’autant plus qu’aux yeux de nombreux Maliens ce parti est plus ou moins responsable de la mauvaise gestion du Mali ces dix dernières années. L’Adema également est un peu comptable de ce bilan, parce qu’elle a toujours été dans la majorité présidentielle », répond un analyste.

Paix et cohésion sociale : des partis politiques lancent un appel

26 partis politiques ont lancé un appel pour la paix et la stabilité au Mali. À l’initiative de l’URD, ces formations politiques se sont réunies les 13 et 15 septembre au Palais de la Culture pour formaliser le contenu de ce document. Dans le texte, signé le 18 septembre, les partis condamnent de la manière la plus ferme les meurtres et autres actes criminels commis à l’encontre des populations civiles innocentes et de leurs biens. Ils encouragent le gouvernement à prendre toutes ses responsabilités avec fermeté pour défendre l’unité, l’intégrité territoriale, la paix et la stabilité dans le pays, dénoncent le mutisme persistant et incompréhensible des défenseurs des droits de l’Homme, des États démocratiques, des organisations sous-régionales et régionales et rappellent que l’intégrité territoriale et la souveraineté du Mali sur l’ensemble de son territoire ne sont pas négociables. Les partis signataires sont entre autres l’URD, l’ADP-Maliba, l’ADEMA-PASJ et des partis mineurs. De nombreux partis d’envergure n’ont pas signé, notamment SADI, la CODEM ou encore le PARENA, dont les responsables assurent que la déclaration leur est parvenue en retard et qu’ils prendront le temps de l’étudier avant d’apposer une éventuelle signature. Le parti Yelema s’est refusé à tout commentaire. Le MPR, parti du Premier ministre Choguel Kokalla Maiga, a fait savoir qu’il n’avait pas besoin de signer un document pour montrer son soutien à la Transition.

RPM : vers un nouveau feuilleton judiciaire ?

Le président sortant du Rassemblement pour le Mali (RPM), Dr. Bocary Tréta, a été réélu à la tête du parti à l’issue d’un Congrès extraordinaire tenu les 26 et 27 août dernier. Loin de mettre fin aux divisons qui gangrènent le parti, ce congrès pourrait ouvrir un nouveau chapitre de la bataille judiciaire entre les deux tendances opposées pour son contrôle.

Pour les organisateurs de ce Congrès extraordinaire, plus de 75 sections du parti étaient favorable à sa tenue, ce qui dépasse largement les 2/3 recommandés par l’article 30 des statuts du RPM. Mais, selon la tendance opposée, qui a boycotté le rendez-vous, cela relève du « mensonge et de la manipulation ».

« Ils ont gonflé le nombre de nos structures et la qualité de la représentation des sections n’y était pas. Une semaine avant la tenue du congrès, notre tendance a réuni 41 sections de l’intérieur, qui n’ont pas participé au Congrès extraordinaire », affirme Maitre Baber Gano, Secrétaire général sortant du parti et Porte-parole du Collectif pour la défense des statuts et règlement intérieur du RPM (CDSRI-RPM).

Désaccords persistants

Ce collectif, qui avait saisi la justice pour l’annulation des résolutions du Comité central du parti tenu en décembre 2021, regroupe en son sein de grandes figures du RPM, dont, entre autres, Mamadou Diarrassouba, ancien Secrétaire à l’organisation et Président de la Fédération des sections RPM de Koulikoro, Mahamane Baby, ancien Secrétaire chargé de l’emploi et de la formation professionnelle, Issa N. Traoré, ancien Secrétaire politique adjoint, Mamédy Sidibé, ancien Secrétaire général de la section de Yanfolila, Siaka Batouta Bagayoko, ancien Secrétaire chargé de l’environnement, ou encore Mme Belco Samassékou, ancienne 2ème Secrétaire chargée des relations avec les élus.

Selon eux, Dr Bocary Tréta ne pouvait pas convoquer un congrès en raison de son statut d’ancien Président du RPM. Par conséquent, les membres du collectif avaient proposé la mise en place d’un directoire paritaire entre les deux parties pour renouveler les instances du parti à la base avant d’aller au congrès.

« Nous ne sommes pas allés au Congrès extraordinaire du 26 août, qui ne nous concernait pas, puisqu’il s’agissait d’un congrès organisé unilatéralement par un clan et qu’il était contraire aux statuts et règlements intérieur du parti et contraire aux décisions de justice qui sont intervenues dans le cadre du contentieux qui a nous a opposé à cette tendance », se justifie le Porte-parole du Collectif.

Toutefois, à en croire une source proche du camp Tréta, une Commission de conciliation avait été mise en place pour démarcher tout le monde avant l’organisation du congrès, mais elle s’est heurtée au refus catégorique des membres du collectif de toutes les propositions mises sur la table, celui-ci demandant en retour uniquement le départ de Bocary Tréta.

Riposte ?

Alors que pour certains, la réélection de Bocary Tréta à la tête du parti des Tisserands pour les cinq prochaines années ouvre la voie à un départ du RPM des membres de la tendance opposée, celle-ci ne s’avoue pas pour autant vaincue et compte mener des actions pour reprendre le contrôle du parti.

« Nous ne claquerons pas la porte du RPM. C’est nous qui avons construit ce parti et nous n’allons pas détruire ce que nous avons construit. Nous allons obliger les fraudeurs à se mettre dans les rangs. Le parti ne pourra pas être dirigé par une bande de meneurs de hold up. C’est un hold up politique qu’ils ont fait ,mais nous allons y mettre fin », promet Me Gano, qui affirme par ailleurs attendre la publication des résolutions issus des assises des 26 et 27 août pour entamer des actions contre ce « congrès putatif, qui n’a pas d’existence légale ».

« Ce bureau sera attaqué et il tombera. Ce congrès ne peut pas demeurer dans les annales des congrès du parti. Ils ont organisé un Congrès extraordinaire alors que nous étions dans le cadre d’un congrès ordinaire », clame l’ancien ministre de l’Intégration africaine.

Moussa Timbiné : quel poids politique avec son parti la Convergence ?

Il avait annoncé sa création en même temps que sa démission du RPM, le 5 janvier 2023. Moins de 3 mois après, l’ancien Président de l’Assemblée nationale  Moussa Timbiné, entouré de  camarades d’horizon politiques divers , a lancé le 18 mars son nouveau parti, « La Convergence », dont l’avènement, annonce-t-il, va marquer un changement sur l’échiquier politique.

Côté pile, la nouvelle formation politique semble être née « avec des dents », portée par des cadres démissionnaires affutés du RPM et des camarades de longue date. Côté face, ce nouveau parti ne fait pas que des heureux, loin de là, au sein du RPM notamment, où certains membres estiment que cela va accélérer l’émiettement du parti. Lors du lancement de La Convergence, son Président, Moussa Timbiné, a voulu donner le ton dès le départ. « Il n’y a pas et il n’y aura pas de place pour les clivages, ni pour   les ethnicistes, encore moins les racistes ou régionalistes ». Au pupitre, Timbiné égrènera des mots-clés très souvent entendus lors de la naissance de partis. « Force de proposition et de changement », « Mali prospère et sécurisé » « Fédérer les Maliens ». Mais le parti souhaite se démarquer en mettant en avant « la souveraineté alimentaire ». Cette dernière est d’autant plus importante pour lui qu’elle est traduite dans son emblème, composé d’une colombe blanche, « symbole de paix », tenant un panier d’épis de riz, de mil, de sorgho et de maïs, soutenus par deux mains « consacrant la force ouvrière et la vitalité du peuple malien ».  Au Mali, à la date du 27 mars, selon des données du gouvernement, 1 246 406 personnes avaient besoin d’assistance alimentaire. Moussa Timbiné et les siens, aujourd’hui tournés vers l’installation du parti sur le territoire national et l’organisation du 1er Congrès, veulent aller vite, quitte à se prendre les pieds dans le tapis. L’objectif, ce sont les prochaines échéances électorales, si elles se tiennent à date. D’ailleurs, selon une source proche de Moussa Timbiné, c’est le souci de préserver sa base électorale et de se préparer pour ces échéances qui a fortement pesé dans sa décision de claquer la porte du RPM, où le Président Bocary Tréta « ne se souciait que très peu » des joutes électorales. Entre Timbiné et Tréta, c’est une relation très ombrageuse depuis plusieurs années. Les deux se sont longtemps disputé le leadership en Commune V, mais Timbiné a toujours eu les faveurs du leader historique du parti, feu Ibrahim Boubacar Keita. Certains membres considèrent d’ailleurs le départ de Timbiné comme une trahison à l’égard de la mémoire du Président-fondateur du RPM. L’éphémère Président de l’Assemblée nationale a retourné ces accusations contre les membres de l’autre clan. « L’héritage d’IBK est en train d’être dévalorisé, vendu à vil prix par certaines personnes dont les comportements interpellent les militants et compagnons de lutte d’IBK », avait-il déclaré lors de sa démission du parti.

Koulouba, un rêve utopique ?

Sur un échiquier politique déjà  bien fourni et en pleine recomposition, et dans un contexte de transition marqué par une relative perte de vitesse des partis politiques, le nouveau parti de celui qui se réclame de l’héritage politique de l’ancien Président Ibrahim Boubacar Keita pourra-t-il rapidement s’imposer et compter parmi les forces politiques  majeures du pays dans les prochaines années ?

« Tout va dépendre des actions des membres du parti, qui doivent se donner les moyens de le porter haut. Je pense qu’il faudra impérativement une idéologie cohérente, qui doit prendre en compte les aspirations profondes des Maliens et être capable de les mobiliser », avance Jean-François Marie Camara, enseignant-chercheur à l’USJPB. Toutefois, au contraire de l’analyste, d’autres observateurs estiment qu’il sera extrêmement difficile pour Timbiné de s’imposer. Après la chute d’IBK, il s’était fait discret, se concentrant sur l’Université internationale d’excellence, une école tuniso-malienne dont il est le Président du Conseil. Il mûrissait toutefois son retour, trouvant le temps long pour le feuilleton judiciaire qui l’oppose au Président Dr Bocary Tréta. Il a préféré prendre les devants. Même si le RPM souffre de la disparition d’IBK, Timbiné ne pourra plus bénéficier de ce qui reste de « l’aura » du parti. Ni, plus important, du soutien et de la protection de l’ancien Président, qu’il considérait, selon ses dires,  comme un père. En sus, après Manassa Danioko, ex Présidente de la Cour Constitutionnelle, le nom de Moussa Timbiné est celui qui est le plus associé aux législatives controversées de 2020. La pilule de son « repêchage » a eu du mal à passer. Et, au Mali peut-être plus qu’ailleurs, une mauvaise image s’efface difficilement.

RPM : l’inévitable saignée

L’ancien parti présidentiel est depuis quelques années secoué par des divisions profondes qui se sont accentuées après le coup d’État contre Ibrahim Boubacar Keita, en 2020, et la disparition de ce dernier en janvier 2022. Alors que la bataille judiciaire qui oppose certains membres du Bureau politique national au Président du parti n’a pas encore connu son épilogue, le RPM, déjà fragilisé par ses luttes internes, pourrait voir plusieurs de ses figures majeures quitter le navire à l’approche des futures échéances électorales.

C’était attendu, mais cela a surpris tout de même. Moussa Timbiné, désormais ancien secrétaire général de la section de la Commune V de Bamako et ancien président de l’Union de la jeunesse (UJ-RPM), a annoncé le 6 janvier 2023 sa démission et celle de l’ensemble des membres des bureaux des sections, sous-sections et comités et de l’UF et de l’UJRPM de ladite commune.

L’ancien Président de l’Assemblée nationale a justifié cette démission non seulement par la « dégradation générale de la situation du parti », mais aussi par le « refus catégorique du Président Bocary Tréta d’appliquer la décision de la Cour d’Appel de Bamako », qui annulait les conclusions du Comité central du parti en décembre 2021, et enfin à cause de l’établissement de « sentiments de confusion et de doute » qui suscitent entre autres de l’inquiétude auprès des militantes et militants qui aspirent à se présenter aux élections communales et législatives. Ces futures échéances électorales ont d’ailleurs pesé dans la balance de cette démission et du timing de son annonce, explique un proche de Timbiné, démissionnaire comme lui.

« Bocary Tréta n’a pas de base électorale. Donc il ne se soucie pas qu’il y ait des élections municipales dans 6 mois. Avec la situation d’ambigüité au sein du RPM, les militants désireux de se présenter sous ses couleurs courent le risque d’une invalidation de leurs listes. Beaucoup de carrières pourraient alors tomber à l’eau », glisse-t-il.

D’autres départs en vue ?

Moussa Timbiné faisait partie du Collectif pour la défense des statuts et règlement intérieur (CDSRI-RPM) qui a assigné le camp de Bocary Tréta en justice pour invalidation du Comité central du parti. Ce Collectif, présidé par Me Baber Gano, secrétaire général du parti, compte également en son sein d’autres grandes figures du parti, dont Mamadou Diarrassouba, secrétaire à l’organisation et président de la fédération des sections RPM de Koulikoro, Mahamane Baby, secrétaire chargé de l’emploi et de la formation professionnelle, Issa N. Traoré, secrétaire politique adjoint, Mamédy Sidibé, secrétaire général de la section de Yanfolila, Siaka Batouta Bagayoko, secrétaire chargé de l’Environnement, ou encore Mme Belco Samassékou, 2ème secrétaire chargée des relations avec les élus.

« Ni Baber Gano ni Mamadou Diarrassouba ne sont partis avec Moussa Timbiné. Il y a un combat qui est en cours à l’interne. Si tout le monde sort, cela voudra dire que le combat du Collectif n’aura servi à rien », affirme notre source, en soutenant que ces derniers resteront au RPM aussi longtemps que la bataille judiciaire durera.

Pour autant, à en croire ce désormais ex-militant RPM proche de Moussa Timbiné, la Commune V n’a fait que donner le ton de la vague de démissions à venir. « Chaque commune du district de Bamako va faire une conférence de presse pour sa prise de position. S’ensuivront les sections de l’intérieur et de l’extérieur. Il y a un timing qui a été donné pour tout cela. D’autres déclarations vont suivre », prévient-il.

« Nous ne souhaitons pas de départs. Ces camarades ont l’amour du parti mais veulent imposer une vision qui leur est propre, au détriment de l’ensemble des militants. C’est ce que nous, nous voulons éviter », répond Sékou Niamé Bathily, chargé de communication du parti, rappelant que le RPM a connu de nombreux départs de marque par le passé, au point que beaucoup avaient pensé qu’il était « fini » sans possibilité de rebond. Bocary Tréta a d’ailleurs dans un communiqué appelé les militants à ne pas se « laisser distraire ». Il a aussi été procédé rapidement au remplacement des démissionnaires.

Au RPM, la division s’est accentuée sur l’approche à adopter lors de la future élection présidentielle. Les violons ne s’accordent pas sur la participation du parti à cette importante échéance. Plusieurs tendances se dégagent au sein du Bureau politique national, dont le mandat est par ailleurs expiré depuis 2019.

Si certains, dont ceux du CDSRI-RPM, dénonçant un passage en force, ne sont pas d’accord sur la désignation comme candidat du parti de l’actuel président, Dr. Bocary Tréta, d’autres pensent que le RPM, qui a été chassé du pouvoir, ne devrait même pas se présenter à ces élections de fin de transition mais plutôt soutenir le candidat adoubé par les militaires.

Une autre tendance, incarnée par des militants qui ambitionnent d’être candidats, est quant à elle favorable à l’organisation des primaires pour désigner le porte-étendard du parti.

 

RPM : Moussa Timbiné claque la porte

Depuis le coup d’État contre IBK en 2020 suivi de son décès début 2022, son parti le Rassemblement pour le Mali (RPM) peine à s’en remettre. Les différences de vue au sein de la formation politique conduisent à des défections en son sein. Dernière en date et non des moindres, Moussa Timbiné a annoncé son départ du parti. Paul Yapi N’Guessan.

Une surprise qui n’en est pas une. Moussa Timbiné, cacique du RPM, un des fidèles et proche de feu l’ancien président Ibrahim Boubacar Kéita a annoncé hier jeudi son départ du parti. Cette démission est un autre coup dur pour le parti qui traverse une grave zone de turbulences notamment à cause d’une crise entre le président du parti Bocary Tréta et certains membres du bureau exécutif national dont Me Baber Gano, secrétaire général du parti et par le désormais ancien membre Moussa Timbiné.   Moussa Timbiné, ancien président éphémère de l’assemblée nationale du Mali, justifie sa démission par une volonté des militantes, militants et sympathisants du parti, qui ont aujourd’hui exprimé leur mécontentement contre la gestion actuelle du parti par certaines personnes qui sont entrain de trahir les idéaux du parti de feu Ibrahim Boubacar Keita.  Selon lui, le constat est amer il y a une dégradation générale du parti RPM caractérisée par le dépassement du délai statutaire du congrès initialement prévu pour le 23 octobre 2019. Il a ajouté que le parti RPM est devenu un parti sans perspective claire, miné par les démons du clanisme. Pour continuer la lutte, Timbiné et ses camarades démissionnaires veulent crée un mouvement politique dénommé Convergence 2023, qui répond aux aspirations des Maliens. Le président du parti Bocary Tréta a réagi à travers un communiqué dans lequel il assure « prendre acte » de la démission et « invite les militants et militantes à ne pas se laisser distraire ».  Au contraire du secrétaire politique du RPM Boubacar Touré dit « Bou Touré », pour qui cette démission est douloureuse car cela va surement avoir des impacts sur la vie du parti. Toutefois, il souligne que c’est le plein droit de Timbiné de démissionner car on adhère de façon volontaire à un parti politique. Il est donc libre de le quitter un jour ajoute t-il. Comme le RPM, le parti de feu Soumaila Cissé est aussi confronté à une grave crise interne qui le fragilise déjà. En effet après le décès de Soumaïla Cissé, la cohésion est fortement perturbée par des querelles intestines entre Gouagnon Coulibaly et Salikou Sanogo au sein de l’URD. Une rivalité relancée le 16 janvier dernier, par un congrès extraordinaire organisé pour la désignation d’un nouveau président. Si c’est Gouagnon Coulibaly qui a finalement été porté à la tête du parti, Salikou Sanogo et une partie des membres de l’URD ne reconnaissent pas les résultats de ce qu’ils considèrent comme un non-évènement. La justice ayant donné la plénitude du pouvoir à Gouagnon Coulibaly. Le camp Salikou compté donner sa part des faits demain samedi lors d’une conférence de presse.

Dr. Modibo Soumaré : « la transition avance à pas de tortue »

Dr. Modibo Soumaré a pris le 2 novembre la présidence tournante du cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel, qui a changé d’appellation et adopté de nouveaux textes.

Sous quel signe placez-vous ce mandat?

D’abord, il faut dire que le Cadre s’est doté de nouveaux textes. Un certain nombre de choses ont changé. Je place ce mandat sous le signe de la redynamisation du Cadre mais aussi du réalisme politique pour trouver les solutions idoines pour la sortie de crise. Que nous soyons une vraie force de propositions. Cela ne nous empêchera pas de nous adresser au peuple, avec lequel nous allons beaucoup échanger dans les communes.

Quelles sont les prochaines activités prévues ?

Nous avons établi un plan d’action sur 6 mois. Pour les 3 premiers, nous avons convenu d’y aller mois par mois. Pour novembre, nous avons des rencontres en vue. Nous allons rencontrer le maximum d’acteurs, chefs traditionnels et coutumiers, ordres religieux, ambassadeurs et acteurs politiques pour expliquer notre lecture de l’état de la Nation et la nécessité impérieuse de conjuguer nos efforts pour sortir de la situation actuelle. Nous projetons d’organiser très rapidement un séminaire sur l’avant-projet de Constitution et sur le chronogramme de la Transition pour dégager publiquement notre position sur ces deux questions majeures.

De cadre d’échanges pour une « transition réussie », vous êtes maintenant pour un « retour à l’ordre constitutionnel ». Pourquoi ce changement?

Nous avons remarqué que certains faisaient la confusion sur le nom. Être pour la réussite de la Transition ne veut pas dire être un club de soutien aux autorités. La transition est une période pendant laquelle la vie de la Nation ne doit pas s’arrêter. Notre rôle est de mener toutes les réflexions qui permettront que cette période soit une réussite. Aujourd’hui, nous pensons que pour aller vers la normalisation institutionnelle et avec nos partenaires il va falloir finir cette transition. Elle ne peut pas durer plus de 4 ans, ce serait intenable. Il faut aller aux élections dans les délais prévus et installer des autorités légitimes et légales qui vont permettre la levée de toutes les sanctions liées au fait que nous soyons dans une situation exceptionnelle.

Quel regard portez-vous sur la mise en œuvre du chronogramme de la transition ?

Nous pensons que la Transition avance à pas de tortue. Il va falloir des correctifs. Vous voyez par exemple l’installation de l’AIGE, qui sème le trouble dans tout esprit éclairé vue la façon dont les membres ont été désignés. Il y a aussi la marche vers un projet de Constitution sur laquelle nous allons incessamment délibérer.

Transition : un chronogramme au ralenti

Un chronogramme des échéances électorales de la Transition, allant jusqu’en février 2024 a été dévoilé le 28 juin 2022 à la classe politique et à la société civile au sein du Cadre de concertation avec le gouvernement. 4 mois après, certains acteurs pointent du doigt une lenteur dans la mise en œuvre et s’interrogent sur la tenue à date des différents scrutins.

Dans le chronogramme électoral présenté à la classe politique et transmis à la Cedeao à la veille de son Sommet extraordinaire du 3 juillet 2022, qui allait décider de la levée des sanctions qui pesaient sur le Mali depuis le 9 janvier, les autorités de la Transition prévoient la tenue de quatre élections.

Le référendum constitutionnel est pour le mois de mars 2023, avec la convocation du collège électoral un mois plus tôt, en février. Ensuite suivra, toujours en mars 2023, la convocation du collège électoral pour l’élection des conseillers des Collectivités territoriales en juin 2023.

Pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, le 1er tour est fixé à octobre 2023 et le second en novembre. Pour cette élection, la convocation du collège électoral est prévue deux mois plus tôt, en juillet 2023. Enfin, l’élection du Président de la République doit se tenir en février 2024, le collège électoral étant convoqué en octobre 2023.

Retards avérés

La nouvelle loi électorale, adoptée le 17 juin 2022 et promulguée par le Président de la Transition le 24 juin, confie l’organisation des scrutins à l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE). Mais la mise en place de cet organe, qui constitue la première étape dans la tenue de toutes les élections prévues sous la Transition, a pris du retard.

Le décret de nomination des membres du Collège de l’AIGE, qui était prévu pour le 13 juillet 2022, n’a été pris que le 12 octobre dernier et la prestation de serment des membres, qui devait avoir lieu le 28 juillet, n’a été effective que le 20 octobre, soit après environ 3 mois. Par contre, les coordinations de l’AIGE dans les régions, district, cercles, communes, ambassades et consulats ne sont toujours pas installées, alors que cela était prévu pour  le 2 août 2022.

Seule la révision annuelle des listes électorales, du reste comme chaque année, a débuté comme prévu le 1er octobre 2022 et se poursuivra jusqu’au 31 décembre sur l’ensemble du territoire national, à l’exception de certaines localités toujours en proie à l’insécurité.

Par ailleurs, selon le chronogramme, le projet de loi référendaire doit être examiné et adopté par le Conseil des ministres, puis transmis au Conseil national de transition (CNT) et adopté par l’organe législatif courant novembre 2022.

« Nous constatons un retard et nous pensons qu’il n’y a pas de volonté manifeste de respecter le délai. Il était prévu qu’on se retrouve chaque mois pour évaluer la mise en œuvre du chronogramme, mais du mois de juin jusqu’à maintenant le Cadre de concertation n’a pas été convoqué », s’offusque Amadou Aya, Secrétaire général de la Codem.

Yaya Sangaré, Vice-président de l’Adema-Pasj, abonde dans le même sens. Pour l’ancien ministre, le retard pris dans l’exécution du chronogramme ne s’explique pas et le gouvernement devrait revenir à la classe politique pour des échanges et explications.

« Nous avons des appréhensions, mais nous disons que nous allons juger sur pièces. Chaque fois que nous allons constater une mauvaise foi, nous allons alerter et demander à ce que nous respections nos propres engagements et menions cette transition à bon port », poursuit M. Sangaré.

Si, pour sa part également, l’analyste politique Bréhima Mamadou Koné reconnait une lenteur dans la mise en œuvre du chronogramme de la Transition, il est persuadé que cela « n’est pas de nature à être une raison de report d’une activité prévue dans ce chronogramme ou d’une élection quelconque ». « À mon avis, les autorités de la Transition sont en train de travailler d’arrache-pied pour la mise en œuvre de ce chronogramme. Il y a des éléments qui prouvent à suffisance aujourd’hui que l’ensemble des acteurs, nationaux ou internationaux, ont pris à bras le corps l’organisation des différentes élections qui sont prévues », avance-t-il.

« Je crois qu’il y a une volonté politique de respecter ce chronogramme et, s’il y a la volonté politique, tout est possible. Je pense que les choses évoluent et on sent que le gouvernement est en train de travailler », appuie Nouhoum Togo, Président de l’Union pour la sauvegarde de la République (USR)

Tenue du référendum menacée 

Le décalage dans les activités prévues dans le chronogramme fait craindre à certains acteurs de la classe politique et de la société civile la non tenue du scrutin référendaire du 19 mars 2023. « Il est bien  possible que le retard pris aujourd’hui ait un impact sur la tenue du référendum et de l’élection des conseillers des collectivités. Il est dit par exemple  que les représentations de l’AIGE doivent être installés 6 mois avant le début de la campagne électorale, mais cela n’est pas encore le cas à 5 mois de l’échéance », fait remarquer Sékou Niamé Bathily, membre du Rassemblement pour le Mali.

Mais, de l’avis de Bréhima Mamadou Koné, les deux premiers scrutins prévus peuvent se tenir dans les délais. « Ce ne sont pas des élections comme la présidentielle ou les législatives, qui coûtent extrêmement cher au pays et qui demandent assez d’efforts dans leur organisation. Ce sont des élections à un seul tour. Je pense qu’en 3 mois, l’essentiel du travail peut être fait. Le retard pris aujourd’hui n’est pas de nature à avoir un quelconque impact sur les deux premiers scrutins », tranche l’analyste politique.

À l’Adema-Pasj, pour respecter le délai de 24 mois imparti à la Transition, l’éventualité d’une modification du chronogramme, qui a été la position du parti lors des échanges du Cadre de concertation, n’est pas écartée. « Pour nous, même le référendum n’était pas important, vu que cela peut jouer sur le reste du calendrier. Nous avions dit à l’époque qu’il était difficile de tenir tous les scrutins et qu’il fallait se concentrer sur les scrutins incontournables comme la présidentielle et les législatives », rappelle Yaya Sangaré.

« S’il faut aller au référendum en mars 2023, il faut un préalable qui est non seulement  la stabilité politique mais aussi le consensus autour de l’avant-projet de Constitution, qui devra refléter les aspirations du peuple », alerte Sékou Niamé Bathily, pour lequel les autorités doivent  communiquer avec les forces vives de la Nation.

« S’il y a un consensus, tout est possible. Mais s’il y a des décisions qui sont prises sans prendre en compte certains partenaires importants dans le processus, cela pourrait amener à un blocage et, de retard en retard, on aboutira à un glissement dans le chronogramme qui pourrait aboutir à une crise », prévient t-il

Chronogramme toujours tenable ?

Le chronogramme de la Transition sera-t-il respecté pour une fin dans le délai imparti ? Du point de vue de Nouhoum Togo, qui croit « fermement qu’ensemble nous devons travailler pour relever le défi », cela ne fait pas de doute.

Bréhima Mamadou Koné soutient qu’on ne peut pas dire aujourd’hui qu’il n’y a pas de volonté politique et qu’il n’y a pas d’engagement de la part des autorités de la Transition d’aller vers l’organisation des différentes élections suivant le chronogramme électoral, qui a été élaboré de concert avec l’ensemble des forces vives de la Nation et soumis à la communauté internationale, qui suit de près l’évolution de la situation au Mali.

Amadou Aya ne partage pas cet avis. Pour le Secrétaire général de la Codem, pour lequel  les autorités de la transition « doivent poser la valise » si elles ne parviennent pas à respecter le nouveau délai, un autre chronogramme doit tout simplement être proposé, compte tenu du retard pris dans la mise en œuvre de celui du 28 juin. « Il faut revoir ensemble ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas et abandonner certains scrutins », préconise-t-il.

Yaya Sangaré y va avec un ton plus modéré, même si le doute sur le respect du chronogramme est partagé. « Nous pensons que cela va être tenu, mais ce sera difficile. Il faut que tout le monde soit associé et que chacun soit doté d’un minimum de bonne foi et ensemble on pourra arriver à tenir le chronogramme dans le délai imparti », relativise le Vice-président de l’Adema-Pasj.

Mais, même s’il semble être trop tôt pour évoquer une possible nouvelle prolongation de la Transition au-delà de février 2024, certains acteurs craignent déjà ce scénario, dont les conséquences seraient nombreuses pour le pays. Toute la classe politique est unanime pour « l’éviter  à tout prix ».

Présidentielle – RPM : Bocary Tréta désigné candidat sur fond de tensions

Le Rassemblement pour le Mali, (RPM) a tenu la 3ème assise de son Comité central les 28 et 29 décembre 2021 au palais de la culture de Bamako. L’ancien parti présidentiel connaît de profondes divergences en son sein. Sur la question du candidat du parti à la prochaine élection présidentielle, il reste divisé malgré le choix porté sur le président actuel dont la date d’investiture reste encore à déterminer.

Dans sa quête de reconquête du pouvoir perdu suite au coup d’Etat du 18 août 2020, le RPM est à la remobilisation de ses troupes.

La 3ème assise du comité central convoquée dans cet esprit, avait pour objectifs entre autres, d’évaluer l’état de mise en œuvre des résolutions générales du 4ème congrès ordinaire et de la 2ème session du comité central, et de prendre toutes les mesures en vue de renforcer les capacités opérationnelles des organes centraux du parti.

Trois commissions de travail étaient mises en place, chargées de discuter respectivement  sur les questions relatives à la vie du parti, à la problématique des élections de  2022, et à l’état de la nation.

Très vite les débats des travaux auxquels ont participé les délégués des différentes sections et fédérations du parti se sont portés  sur le choix du futur candidat à l’élection présidentielle.

Le RPM reste d’ailleurs focalisé sur l’échéance initiale du 27 février 2022 pour la tenue de la présidentielle, en témoignent les propos à la séance inaugurale de l’assise, de son président, Dr. Bocary Tréta.

« Les élections générales dans notre pays sont prévues le 27 février 2022. C’est le plan dont nous disposons et celui en lequel nous croyons. Nous n’avons pas un plan B pour les élections générales de 2022 dans notre pays. Tout autre plan porterait le risque de nous engager dans une aventure politique aux conséquences  incalculables », a-t-il indiqué.

Positions tranchées

Si le parti milite pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, Il est loin d’asseoir une unanimité sur son porte-étendard lors du scrutin qui mettra un terme à la transition.

Entre choisir le président actuel Dr. Bocary Tréta candidat du parti ou organiser un congrès qui élira un candidat, les positions sont très tranchées.

« Pas de candidat naturel, allons au congrès pour choisir celui qui va représenter le parti », clame une déléguée.

« Tant que le président du parti est là et n’a pas désisté, la question ne se pose même pas. Il est le candidat d’office. Le président du parti a toujours été candidat du parti depuis 2002 », lui répond  un autre.

Pour l’ancien président de l’Assemblée nationale, Moussa Timbiné, aucune autre instance à part le congrès, ne peut prendre des décisions pour le parti.

« Seul le congrès est habilité à relire les textes. Tout ce qu’il y a comme failles ou insuffisances, on les constate, on prend des recommandations  pour le congrès. Le cadre actuel n’est pas un cadre habilité à investir  ni désigner  un candidat »,  a soutenu celui dont l’intervention a suscité de vives tensions entre les délégués pour ou contre sa position.

« Je ne suis pas venu en guerre. Si c’est la guerre, je ne viendrai pas ici, je peux la mener autrement.  Je suis membre fondateur de ce parti et  ce n’est pas de gaieté de cœur que je le quitterai ou le combattrai» a t-il lâché pour calmer les ardeurs.

Tréta, et après ?

Le comité central, dont les décisions sont exécutoires, a tranché après les débats. L’article 43 du règlement intérieur du parti stipule qu’il est le plus haut organe de décision du parti entre deux congrès,argument que brandissent les membres du parti favorable à une désignation du candidat par cette instance.

Sur proposition de la commission « vie du parti », le comité central a recommandé en dernier ressort de « désigner  le président du parti Dr. Bocary Tréta comme candidat à l’élection présidentielle à venir ». Une date sera choisie pour la cérémonie de son investiture.

Mais la partie opposée pourrait ne pas s’y conformer. Moussa Timbiné semble prévenir des conséquences d’une division aux sorties de cette assise.

«Sur une violation des textes, si une seule personne n’est pas d’accord, il peut faire tomber le bureau devant les tribunaux », a-t-il brandi.

RPM : BPN et élus des collectivités territoriales en conclave

À partir du lundi 27 décembre, le Bureau politique national du Rassemblement pour le Mali (RPM) sera en conclave avec les élus des collectivités territoriales du parti, à Bamako.

Durant trois jours, les cadres du parti échangeront avec les maires, les conseillers nationaux, les conseillers régionaux et ceux des cercles pour évoquer « la vie du parti et l’actualité sociopolitique et sécuritaire du pays ».

Sous l’autorité du Président du Parti, Dr. Bocary Treta, la rencontre va se tenir à la Maison des Aînés et au Palais de la Culture de Bamako. Selon un responsable contacté par l’Enquêteur, ce conclave participe de « la redynamisation du parti des Tisserands en vue de conserver son leadership comme première force politique lors des élections générales à venir ».

Le RPM, qui a refusé de prendre part aux Assises nationales de la refondation, est membre du Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, qui exige la tenue de la présidentielle en février 2022.

Me Baber Gano : « le Mali et la France doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent»

Me Baber Gano, Secrétaire général du RPM et ancien ministre de l’Intégration africaine répond à nos questions sur la transition, l’opération Barkhane, revient sur l’actualité politique. 

Que pensez-vous de l’inclusivité du nouveau gouvernement de transition ?

Le gouvernement comporte 25 ministres titulaires et trois portefeuilles délégués. Quand on regarde l’ordre protocolaire dans l’architecture gouvernementale, on comprend que le Dr. Choguel Kokalla Maïga a mis les priorités sur le ministre de la défense qui est le numéro un après le premier ministre, ensuite il y a le ministère de la justice puis on a le ministère de la refondation. Cela annonce déjà les priorités du gouvernement : la sécurité, la justice et la refondation. Cela est un bon signal. En ce qui concerne l’attelage, des consultations ont été menées, au souhait du premier ministre, compte tenu des recommandations de la CEDEAO et de la classe politique pour un gouvernement inclusif. Notre surprise fut grande lors de la publication de la liste du gouvernement. Cette attente de la CEDEAO n’a pas été comblée. Le gouvernement, à mon avis, n’a ni été inclusif entre les membres du M5 ni avec les partis politiques d’autres bords. Le gouvernement n’a pas pris en compte les attentes de la CEDEAO et de la classe politique, qui voulaient accompagner une transition avec beaucoup plus de détermination et d’engagement pour la réalisation des réformes et l’organisation d’élections crédibles et transparentes dans les délais prévus. Qu’à cela ne tienne, notre souhait aujourd’hui est de toujours rester dans cet accompagnement de la transition. Nous ne sommes pas intéressés que par des postes ministériels, mais bien aider le Mali à sortir de ce labyrinthe.

Emmanuel Macron met fin à l’opération Barkhane dans un contexte sécuritaire toujours préoccupant. Quelle devrait être la réaction du gouvernement?

Je regrette le durcissement du ton de la France. La France est et restera le partenaire le plus privilégié pour le Mali dans la lutte contre le terrorisme. En 2013, n’eût été l’intervention de la France, le Mali allait tomber dans les mains des djihadistes. Cette intervention française était une manière de payer une dette morale vis-à-vis du Mali. La France et le Mali doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent. Il y a divergence sur deux questions : la présence militaire française et le dialogue avec certains groupes djihadistes. Et pour Emmanuel Macron il est inconcevable de discuter avec ceux-là qui tuent les siens. Mais discuter ne signifie pas forcément que nous allons vers l’impunité. Personnellement, je propose un référendum sur  les deux questions, à savoir la présence française au Mali et le dialogue avec les djihadistes Nous avons la légitimité de dialoguer avec les djihadistes, parce que c’est une recommandation du DNI, mais nous pouvons aussi avoir la légalité constitutionnelle. Nous devons donc réchauffer les relations diplomatiques et ne pas laisser la situation se cristalliser davantage. Cela n’est de l’intérêt pour personne.  Il faut qu’on discute dans un cadre bilatéral, ramener les questions de divergences telles que la présence militaire française, le dialogue avec certains groupes djihadistes et même l’Accord pour la paix afin de se rassurer mutuellement dans le respect de la souveraineté nationale, car la France a besoin de garantie. C’est ce que le  gouvernement de Choguel devrait faire.

Le Premier ministre a promis des audits pour bientôt. Est-ce qu’une chasse aux sorcières envers les anciens membres de la majorité présidentielle est à craindre ?

Je ne pense pas que cela soit sa vision. Il prend des mesures pour une bonne gouvernance et pour ce faire il faut lutter contre la corruption et la délinquance financière. Cependant auditer ne commence pas seulement par les membres de l’ancienne majorité. Il peut remonter à plus de 15 ans ou 20 ans. Si on veut assainir la vie publique, cela ne se limite pas seulement à une gestion de l’ancienne majorité d’Ibrahim Boubacar Kéïta.  Certes nous avons été les anciens dirigeants à gérer, mais nous ne craignons rien.

Le RPM semble désormais être le seul parti à tirer le train « EPM ». Plusieurs partis n’y sont plus membres…..

Je ne suis pas le président de l’EPM mais mon parti a joué un rôle de colonne vertébrale avant les événements du 18 août. Je regrette aujourd’hui que le regroupement vole en éclats. Je pense que raisonnablement cette coalition doit s’interroger sur de nouveaux objectifs. Après la chute d’Ibrahim Boubacar Keita, l’’EPM aurait du réfléchir pour repartir sur de nouvelles bases parce que c’est un regroupement de partis mis en place pour soutenir la majorité présidentielle de l’époque. Et IBK n’étant plus aux affaires, on ne peut pas faire du IBK sans IBK. Dans le préambule de ce regroupement politique, il est clairement dit que la soixantaine de partis se mettaient ensemble pour « apporter au président IBK une majorité présidentielle et parlementaire ». Donc à mon avis après le coup d’Etat du 18 août, les relations politiques devaient être rénovées pour qu’on sache les nouvelles priorités pour un horizon donné, quitte à changer le nom « EPM ». Certains partis ont décidé de rester, mais jusqu’à quand ? On n’a pas encore fini avec les saignées, il faut certainement s’attendre à d’autres départs tant qu’on ne change pas les objectifs. Mais le RPM en est toujours membre.

Comment va le RPM?

Le RPM se réorganise pour se restructurer. Le coup d’Etat nous a refroidi et aujourd’hui les militants ont compris que nous devons travailler à ressouder les rangs. Et nous allons nous présenter aux élections futures.

Propos recueillis par Boubacar Diallo

La version courte de cet article a été publiée dans Journal du Mali l’Hebdo n°323 du 17  au 23  juin 2021 

Mali – RPM : entre clans et départ de son fondateur, quel avenir ?

Un peu plus de quatre mois après la chute d’Ibrahim Boubacar Keita, le Rassemblement pour le Mali (RPM) cherche sa voie. Si la dynamique de remobilisation de la base enclenchée par le Bureau politique national se poursuit, des divergences entre les premiers responsables persistent encore aujourd’hui, augurant de lendemains incertains.

L’entrée récente au Conseil national de la transition (CNT) de Mamadou Diarrassouba, 1er Secrétaire à l’organisation du RPM, en rupture avec la ligne du parti, qui était de ne pas participer à cet organe, a accentué les fractures au sein du parti des Tisserands.

« Je ne suis pas là au nom du RPM. Mon apport sera d’aider à ce que toutes les réformes se fassent dans de bonnes conditions et en les adaptant aux réalités du moment. En tant que Malien et patriote, je ne peux pas me mettre en dehors de cela », se défend l’ancien 1er Questeur de l’Assemblée nationale.

Même si l’ex-député se réclame toujours, et plus que jamais, du RPM, malgré ce choix individuel « pour le Mali », sa décision divise au sein du parti. Selon un observateur proche du RPM, certains responsables et militants la partagent, estimant que même en n’étant  pas d’accord avec les procédures, il ne faut  pas jouer la politique de la chaise vide et qu’il faut avoir des éléments dans le dispositif pour savoir ce qui se passe, en prévision des élections à venir en 2022. Mais, pour d’autres, cela procède tout simplement d’une trahison.

Comme par le passé, lors de l’élection du Président de l’Assemblée nationale, les divergences de position entre les clans, certains favorables à l’élection de Moussa Timbiné, d’autres à Mamadou  Diarrassouba, et d’autres ne soutenant ni l’un ni l’autre, continuent au sein du RPM.

« Aujourd’hui, le parti est loin d’être uniforme et loin d’être en cohésion. Le départ de celui qui en est le fondateur fait qu’il se trouve un peu orphelin. Déjà sous IBK il y avait des tensions et des divergences mais maintenant qu’il n’est plus là, c’est pire », confie notre source.

Lendemains incertains

Même si, en termes d’implantation, le RPM est encore le premier parti sur l’échiquier politique national, sa survie au delà l’ex Président IBK suscite bien des interrogations. Réussir à s’accorder sur l’essentiel pour maintenir le parti soudé, de sorte à ce que même s’il ne gagne pas, il figure en bonne position lors des prochaines échéances, c’est cela, à en croire un proche d’IBK,  le vrai challenge du RPM aujourd’hui.

Mais, constate-t-il, « il n’y a personne qui émerge au point d’être présidentiable, derrière qui le RPM va se dresser comme un seul homme et qui pourrait même drainer d’autres forces périphériques, qui ont accompagné le parti depuis 2012 ».

Dans cette configuration, les mésententes persistantes au sein du parti peuvent aboutir  aux départs de certaines figures, pour des ambitions personnelles, si au moment de choisir un candidat pour le parti ou de soutenir un candidat d’une autre force politique les violons ne s’accordent pas.

Mais dans l’immédiat, pour notre interlocuteur, cela ne risque pas d’arriver, parce qu’ « il vaut mieux rester soudé à un parti qui a un nom et une implantation que d’aller tenter une aventure dans un moment aussi incertain ».

À court ou long terme, pour Boubacar Bocoum, analyste politique, la disparition du RPM de l’échiquier politique national est une certitude. « Les conflits internes vont avoir raison du parti », prédit celui qui pense qu’il n’est pas évident qu’avec le pouvoir qui s’installera après la transition le RPM ait les mêmes connexions. « Ils sont en train de mourir. Ne pas l’accepter et vouloir se débattre pour sortir la tête de l’eau est tout à fait légitime, mais réussir est une autre paire de manches », ironise l’analyste politique.

Mali – Manifestations de juillet 2020 : la MINUSMA publie son rapport

La MINUSMA a publié lundi 28 décembre le rapport de l’enquête sur les violations et atteintes aux droits de l’homme commises dans le cadre des manifestations du 10 au 13 juillet 2020 au Mali. La mission onusienne a déployé, du 20 juillet au 17 août 2020, une mission spéciale d’établissement des faits, composée de 30 chargés de droits de l’homme, un chargé de la protection de l’enfance et de deux experts scientifiques de la Police des Nations Unies , dans le but d’enquêter sur les allégations de violations et atteintes aux droits de l’homme durant les évènements qui se sont produits à Bamako et dans certaines régions du Mali du 10 au 13 juillet 2020. Dans le cadre de cette enquête spéciale, l’équipe a eu des entretiens avec les principaux protagonistes (victimes, témoins directs et indirects, leaders du M5-RFP, corps médical…ainsi que les autorités). L’équipe a aussi examiné et analysé plus de 50 supports vidéo ainsi qu’au moins 220 clichés photographiques de la Police technique et scientifique. Ont été également examinés plus de 350 publications sur les réseaux sociaux et autres médias, notamment les déclarations, discours et commentaires, surtout ceux susceptibles d’inciter à la haine et à la violence. Par ailleurs, l’équipe de l’enquête a visité les principaux sites et endroits où se sont déroulés les incidents notamment, l’Assemblée nationale, l’Office de radio et télévision du Mali (ORTM), la mosquée de l’Imam Dicko à Badalabougou, la résidence de la Présidente de la Cour constitutionnelle à Badalabougou, le siège de la CMAS, siège du RPM, le Tribunal de la Commune V de Bamako ainsi que les stations-service pillées dans différents quartiers de Bamako. Au terme de cette mission d’enquête, la MINUSMA est en mesure d’établir que, les 10, 11, 12 et 13 juillet à Bamako, quatorze manifestants, tous de sexe masculin, dont deux enfants ont été tués lors des interventions des forces de maintien de l’ordre notamment la Gendarmerie nationale, la Police nationale, la Garde nationale et la Force Spéciale Anti-Terroriste (FORSAT) qui dans certains cas ont fait un usage excessif de la force. Au moins 40 manifestants ont été blessés lors de l’intervention des forces de l’ordre et 118 agents des forces de défense et de sécurité parmi lesquels 81 fonctionnaires de police, ont été blessés du fait d’actes de violence imputables aux manifestants. Au moins 200 personnes (dont six femmes et sept enfants) ont été arrêtées et détenues arbitrairement à Bamako, respectivement à la Brigade de recherche de la gendarmerie de Bamako (au Camp 1) ainsi que dans les commissariats de police des 3e, 7e et 10e arrondissement de Bamako dans le cadre de ces événements. Toutes ces personnes ont par la suite été libérées, le 13 juillet 2020, sur instruction des parquets d’attache. Enfin, entre le 10 et le 13 juillet, des manifestants ont vandalisé, pillé et incendié différents sites ainsi que des biens publics et privés et ont érigé des barricades sur certains axes routiers de la ville. Au regard de la loi malienne, ces actes constituent des violations du Code pénal national et sont punissables par les juridictions compétentes. Toutes les preuves et autres documentions collectées au cours de l’enquête de la MINUSMA seront mises à la disposition des autorités judiciaires à leur requête et conformément au protocole établi.

Bréhima Mamadou Koné : « Il n’y a aucun leader au RPM qui fasse l’unanimité »

Le Président du Rassemblement pour le Mali (RPM), Bocary Tréta, a, dans une récente lettre adressée aux Secrétaires généraux des fédérations et des sections du parti, lancé un appel au réarmement moral des militants, en vue de relancer les activités du RPM après les évènements du 18 août 2020. Dans cet entretien, le politologue Bréhima Mamadou Koné livre son analyse sur ce « nouveau départ » du parti des Tisserands.

Quel est votre regard sur la reprise annoncée des activités du RPM ?

Ces activités s’inscrivent dans le cadre de la vie du parti. Il faut faire vivre le RPM et cela passe par l’organisation de certaines activités, pour être en contact avec les cellules de base. Il est important que le parti se retrouve aujourd’hui pour discuter de certaines questions de fond concernant la vie du RPM, mais aussi concernant la vie de la Nation. Malgré le départ d’IBK, ce n’est pas la fin du RPM. Le parti doit continuer à vivre et continuer l’animation du paysage politique.

Doit-on craindre des entraves politiques à cette relance ?

Au sein du RPM, il y a trois tendances. Celle qui est aujourd’hui au niveau de l’animation politique est celle de Tréta, Diarassouba et autres. Mais la tendance IBK, Timbiné, Camara et autres n’est aujourd’hui pas visible sur la scène politique. Il y a aussi celle de l’ancien Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maiga, dans l’ombre elle aussi actuellement. Le RPM a donc plusieurs problèmes. Un problème de structuration et de représentativité en termes de responsabilité, mais aussi le souci de la légitimité et du charisme de ses dirigeants. Aujourd’hui, il n’y a aucun leader au sein du parti qui fasse l’unanimité et bénéficie de la confiance et de l’investiture de l’ensemble des membres du RPM pour porter les couleurs du parti aux prochaines élections. Il faut s’attendre à une fracture du RPM, à un effritement en fonction des trois tendances citées ci-dessus.

Le RPM risque-t-il une traversée du désert ?

Malheureusement, le Dr. Bocary Tréta, n’est pas un homme charismatique, ni de cohésion, parce qu’il n’a pas su faire régner l’union au sein du parti. C’est un homme de clan et non un leader éclairé. Le RPM risque de devenir comme l’Adema. À chaque fois qu’ils vont choisir un candidat issu du Bureau politique national pour représenter le parti, il y aura d’autres membres qui risqueront de travailler au détriment de ce dernier et de soutenir d’autres candidats. On risque de voir le RPM accoucher de trois ou quatre autres partis politiques dans les années à venir.

Diawara Aissata Hamata Touré dite Lady : «plus de partis où il existe un culte de la personnalité »

La Présidente des femmes du RPM nous fait part de sa vision politique pour le Mali nouveau.

Pour le nouveau Mali, je veux un pays prospère, uni et indivisible. Un Mali où les enfants vont à l’école, où la culture de l’excellence est accentuée, où la santé est accessible à tous, où la justice est rendue d’une manière équitable, où l’autorité de l’État s’affirme et où les agents publics ne sont ni corrompus ni corruptibles.

Dans ce Mali, il serait bien que le nombre de partis politiques diminue, parce qu’il y en a trop. Il faut mettre des critères contraignants de création, comme un nombre minimum de signaturede militants.

Il ne faut pas avoir des partis dont les présidents ne changent pas et où il y a un culte de la personnalité. Lorsque quelqu’un veut accéder à la tête, elle lui est refusée et il part créer son propre parti. Au niveau des instances des partis, il faut faire respecter la loi 052 sur l’équité du genre. Cela permettra aux femmes à s’affirmer, à se former et à être aptes pour occuper des fonctions électives ou nominatives.

Le Mali a signé un Accord de paix issu du processus d’Alger contenant certains engagements. Il faut notamment aller vers une décentralisation poussée, ce qui n’est pris en compte dans la Constitution. Il faut donc aller vers la révision et la création du Sénat, afin que des élus locaux participent à la gestion. Le Haut conseil des collectivités pourrait disparaître. Quand à la Haute cour de justice, elle doit être maintenue. Si le Conseil économique et social pose problème au plan des moyens, sa mise en place pourrait attendre.

Il y a un besoin réel d’aller à un ancrage démocratique et nous avons besoin de notre culture. Avec l’échec de nos institutions, les légitimités traditionnelles jouent un rôle important. Dans le Mali nouveau, il est souhaitable que le Haut conseil islamique reste dans son rôle et ne s’implique pas en politique. Et il faut relire les lois pour éviter certains dérapages, comme la transhumance.

Boubou Cissé : Un choix, des messages

Le Président  de la République a nommé par décret, le 22 avril, Dr Boubou Cissé Premier ministre, suite à la démission forcée de Soumeylou Boubeye Maiga. Ex-ministre de l’Économie et des finances, le nouveau chef du gouvernement  devra fédérer autour de lui pour imprimer sa marque et faire  face aux défis urgents.

« Je ne suis pas un Messie, mais je suis et serai un serviteur de l’État au service du gouvernement, un serviteur de l’État au service du peuple », déclarait le tout nouveau premier ministre malien, Dr Boubou Cissé. C’était le 23 avril, lors de la passation de service à la Primature avec son prédécesseur Soumeylou Boubeye Maiga. À 45 ans, ce jeune  économiste de formation se voit confier la responsabilité de former « un gouvernement de large ouverture ».

Natif de Bamako, Dr Boubou Cissé est entré dès 2005 à la Banque mondiale. Il venait d’obtenir quelques mois seulement auparavant son doctorat à l’Université d’Aix-Marseille, en France. C’est au sein de cette institution que le jeune diplômé révélera ses talents dans le domaine économique. Après l’élection du Président Ibrahim Boubacar Keita, en 2013, il est nommé ministre de l’Industrie et des mines. Depuis, il a été maintenu à chaque remaniement de gouvernement, jusqu’à sa nomination à sa tête.

Un choix gagnant ?

Dans le milieu jeune, sa nomination n’est pas beaucoup contestée. Elle en séduit d’ailleurs même certains, qui commencent à croire que ce second mandat est celui de la jeunesse, comme l’avait promis le Président IBK. Alors que les défis ne cessent de croitre, il devient primordial de s’allier avec cette force motrice.

En poste au Niger en 2012, Boubou Cissé accompagne déjà le futur président IBK, en participant à l’élaboration du programme économique du candidat. « Il a travaillé à la Banque mondiale et on sait que c’est lui qui est au cœur des négociations de plusieurs dons que l’institution a effectués au profit du Mali », dit de lui Khalid Dembelé, doctorant, économiste et chercheur au Centre de recherches et d’analyses politiques, économiques et sociales (CRAPES). Selon lui, le nouveau locataire de la Primature était au cœur des négociations dans les grèves des magistrats et plus récemment des enseignants, mais il serait « un novice dans le domaine sécuritaire ».

Alors que le Premier ministre sortant multipliait les déplacements à l’intérieur du pays pour rassurer les populations, la défiance à son égard grandissait dans la capitale. En tête de liste, Dr Boubou Cissé. « Il était le premier choix. Il était même dans les tuyaux depuis un certain temps, déjà juste après Modibo Keita, il était pressenti, mais je pense que ce n’était pas le bon moment pour lui. Le poste était très convoité, en dépit de toutes les difficultés inhérentes, des anciens ministres, des ambassadeurs, des fonctionnaires internationaux, mais Boubou était le premier choix, même si, jusqu’à la dernière minute, ce n’était pas gagné, car certains poussaient la carte Tiéna Coulibaly, ministre de la Justice sortant », confie une source proche de la présidence.

Pour le politologue Boubacar Bocoum, « le problème aujourd’hui ne se pose pas en terme de Premier ministre mais de vision du Président la République lui-même, parce que c’est lui qui instruit au Premier ministre », note-t-il. « Un homme est parti, un autre est arrivé. Je ne vois pas ce qui va changer. C’est la famille », se désespère le politologue.

Malgré tout, bien des éléments ont concouru à le placer au-devant de tous les prétendants. Selon le sociologue Mahamadou Diouara, le Président IBK, par cette nomination envoie plusieurs messages. « La décision du Président est en conformité avec l’orientation qu’il a choisi de donner à son mandat, qu’il place sous le signe de la jeunesse. C’est aussi un message d’équidistance entre la majorité, l’opposition et la société civile. C’est également un message à l’endroit de son parti, qui a combattu tous ses Premiers ministres », analyse le directeur du cabinet Gaaya. « Par cet acte,  IBK refuse d’être le Président du RPM mais plutôt celui du  peuple malien. Le fait aussi qu’il choisisse un économiste à un moment où il y a des revendications d’ordre économique pourrait être une réponse aux problèmes. Et le dernier élément est que le tissu social est dangereusement effrité, surtout dans le centre du pays, et qu’au cœur de ce problème se trouve la communauté peule. Le nommer comme tel est aussi un message pour dire que l’État n’a aucunement l’intention d’encourager ou d’entretenir une action négative à l’endroit  de cette communauté», examine aussi le sociologue, ajoutant « le reste, l’avenir nous le dira ».

Désillusion au RPM

Pourtant, et ce depuis toujours, des caciques du parti présidentiel chérissaient l’idée de s’emparer de ce poste alléchant. Plusieurs d’entre eux espéraient en bout de course y arriver. À la fin du suspense, le RPM se retrouve de nouveau mis sur la touche. « Nous avons certes fait des propositions de noms et certains étaient mitigés sur le choix de Boubou. Il y avait de la frustration et de la déception, mais le président du parti a obtenu qu’un communiqué saluant sa nomination soit publié », notifie un cadre du parti au pouvoir, ajoutant que le nouveau Premier ministre « peut être un bon capitaine, pour peu qu’on lui laisse la latitude de former son équipe et de travailler ».

Ce choix souverain du Président de la République n’a donc pas fait que des heureux au sein de sa famille politique. Toutefois, cette dernière espère obtenir des postes stratégiques au sein du prochain gouvernement. « On sait que le RPM avait jusqu’à cinq propositions, mais aucune n’a été retenue par le Président. Boubou n’est pas du RPM, certes, mais cela fait six ans qu’il est avec la majorité présidentielle. Cela veut dire aussi qu’il fait l’affaire du Président, membre fondateur du RPM », estime Khalid Dembelé. «Ils ont osé rêver, mais la relation qu’ils ont avec IBK aujourd’hui ne permet pas à Dr Treta d’être Premier ministre. IBK n’est plus avec le RPM, en réalité », martèle Boubacar Bocoum.

Quoi qu’il en soit, c’est la fin  dans l’immédiat de certaines illusions. Les divergences de vision ont affecté depuis le début le climat entre le Président et ses compagnons d’antan. Mal compris ou mal aimé ?

« IBK est malheureusement le Président le plus seul du Mali, isolé par son propre parti dès le début son régime. Et tout cela parce qu’il a voulu exprimer, peut-être de façon maladroite, qu’il était le Président du peuple malien et non celui de son parti. Il leur a pourtant donné des chances, mais nous en avons vu les limites avec Abdoulaye Idrissa Maiga et Dr Bocary Treta », diagnostique Mahamadou Diouara. Le sociologue est convaincu « qu’il faut à un moment donné comprendre que la démocratie n’est pas la victoire d’un clan ».

Que de défis !

Dans un pays confronté à l’insécurité au nord et au centre, aux grèves répétitives, à la grogne sociale et économique, les défis ne sont pas des moindres. Être flexible tout en sachant rester ferme sera le pari à gagner pour le nouveau chef du gouvernement. « Il doit d’abord résister à la famille présidentielle, travailler avec l’opposition, dialoguer avec tout le monde et enfin être ferme quand il le faudra », préconise Khalid Dembelé. En attendant la formation de son gouvernement, des voix  avancent que le jeune Premier ministre pourrait marquer l’histoire s’il répond à la grogne sociale. « Il peut faire les choses autrement et rassembler derrière lui toutes les sensibilités. Il peut aussi mettre le parti du Président de la République à l’aise, parce que c’est le parti qui a supporté IBK pendant des années, à des moments durs et qui l’a amené au pouvoir », estime Mahamadou Diouara.

En attendant son gouvernement de large ouverture, le Premier ministre est attendu pour trouver urgemment une issue à la grève des enseignants. Un aspect de l’ensemble qui pourrait acter son envol du bon pied.

Motion de censure : Quelles conséquences pour la majorité ?

Des groupes parlementaires membres de la majorité et de l’opposition ont déposé mercredi à l’Assemblée nationale une motion de censure commune  contre le gouvernement de Soumeylou Boubeye Maiga. Le vote devait intervenir après la réaction du gouvernement, dans les  48 heures qui suivaient. Quelles répercussions aura une telle action sur la majorité présidentielle ? 

Les yeux sont désormais rivés vers l’Hémicycle, jusqu’à la fin de la semaine. La motion de censure contre le gouvernement, portée désormais par le Rassemblement pour le Mali (RPM) a été déposée mercredi. Ce veto concocté par ce noyau dur de la majorité présidentielle suscite un grand remue-ménage au sein de l’alliance. Pour acculer le Président, qui refuse de faire partir son Premier ministre, le parti présidentiel comptait bien faire front commun avec le groupe Vigilance républicaine démocratique (VRD), piloté par l’Union pour la République et la Démocratie (URD).  « Je crois qu’il y aura une mise en commun pour faire une interpellation commune.  Ça sera un exercice inédit ici à l’Assemblée, parce que généralement c’est l’opposition seulement qui déposait des motions contre le gouvernement », se réjouissait l’Honorable Bakary Woyo Doumbia, membre de l’URD. Un acte qui semble pourtant surprenant. « On peut comprendre que l’opposition dépose une motion de censure, mais que la majorité le fasse est inédit », estime l’analyste politique Salia Samaké. « Le Premier ministre a été choisi au sein de la majorité. Le Président de la République est le père fondateur du parti qui est majoritaire dans la majorité. Soit le Président a laissé faire cette motion, soit c’est une fronde contre lui », explique l’analyste.

Cette motion intervient dans un contexte où le chef du gouvernement est rejeté par une frange importante de la population, dont beaucoup d’adhérents à certains groupes religieux. Tous mettent en cause sa façon de gouverner. « Une motion intervient lorsque l’on constate l’incapacité du gouvernement à faire fonctionner les institutions, à servir la population. C’est à ce moment qu’il faut donc, sans complaisance, déposer une motion de censure. Et le gouvernement est  remplacé par un autre, plus compétent », se justifie le député de l’URD Bakary Woyo Doumbia.

Dans la recherche d’une ultime solution à cette situation, une délégation du RPM, conduite par le Vice-président de l’Assemblée, l’Honorable Moussa Timbiné, avait rencontré  le mardi 16 avril le président de la République. Il s’agissait de lui « notifier que ce gouvernement avait atteint ses limites ». « Si le Président leur a dit quelque chose qui tient, ils vont revoir leur copie, mais s’il est resté dans la logique de maintenir le Premier ministre, ils  assumeront leurs responsabilités », dit Demba Coulibaly, Vice-président de la jeunesse RPM. « C’est la marche organisée par les religieux le 5 avril qui a le plus compliqué la donne. Il faut aujourd’hui aller avec le peuple », explique-t-il.

Quelles incidences ? 

Pourtant, contre vents et marées, le Président IBK s’accroche encore à son Premier ministre. Et que cette motion soit adoptée ou non, la majorité présidentielle en sortira très affectée. « Il y a des pro et des anti motion de censure au sein  même de la majorité, ce qui crée la division. Mais je pense que les gens seront assez démocrates, car après le vote c’est la majorité qui l’emportera », observe l’honorable Bakary Woyo Doumbia. Certains spéculent même sur une dissolution de l’Assemblée nationale si les députés forcent la main au Président de la République. « On ne peut pas encore prédire les conséquences. Certains disent que le Président pourrait dissoudre l’Assemblée, mais nous ne pensons pas qu’il ira jusqu’à là. Parce que s’il dissout l’Assemblée, avons-nous les moyens financiers d’organiser des élections législatives dans les 40 jours, de Kayes à Taoudeni, dans cette situation d’insécurité ? », s’interroge le Vice-président de la jeunesse du parti présidentiel.

Quoi qu’il en soit, le fossé est déjà creusé entre l’ASMA-CFP, le parti du Premier ministre, et le RPM. « Il y a une probabilité que la majorité souffre de cette situation, car le parti du Premier ministre est important dans l’alliance autour du Président. S’ils vont jusqu’au vote, qu’ils gagnent ou pas, cela leur  donnera à réfléchir », prédit Salia Samaké.

Gouvernement : Impatience au RPM

Des informations font état depuis un moment de machinations dans les coulisses au sommet du Rassemblement pour le Mali pour une révocation du Premier ministre Soumeylou  Boubèye  Maiga, avec qui le courant ne passerait pas. L’impatience semble avoir désormais gagné le parti des Tisserands, où, même si aucune prise de position officielle n’est actée dans ce sens, quelques voix exigent désormais ouvertement la remise du tablier de SBM.

Le 3 avril 2019, lors de l’interpellation du gouvernement  à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maiga s’est fait représenter par des membres du gouvernement. Ce qui n’a pas été du goût de certains députés, notamment du RPM. « Je demande la démission du Premier ministre. Le problème du Mali c’est lui. Aujourd’hui rien ne marche dans le pays. Il doit penser au Mali et démissionner », déclarait Mamadou Tounkara, député RPM élu à Kita.

« Ce gouvernement ne peut pas nous amener loin. Il faut élargir sa base sociale et politique. Le gouvernement, dans sa taille et dans ses compétences, doit être revu dans les plus brefs délais », avait ajouté l’Honorable Mamadou Diarrassouba, 1er Questeur de l’Assemblée nationale et Secrétaire à l’organisation du RPM.

Primature en ligne de mire ?

Le parti du Président Ibrahim Boubacar Keita semble revendiquer aujourd’hui ce qui aurait dû lui revenir dans la norme des choses. Sur les 5 chefs de gouvernement de l’ère IBK, seul 1 était issu du RPM. Il s’agit d’Abdoulaye Idrissa Maiga, qui est passé à la Primature en 2017.

Réunis lors des 2èmes assises du Conseil central du parti, les 6 et 7 avril dernier, les responsables du RPM ont statué sur différents sujets, internes mais aussi relatifs à la vie politique du pays, sans pour autant jamais évoquer un « malaise » vis-à-vis du chef du gouvernement. Mais des indiscrétions font état d’un feu vert donné par le parti à ses députés lors de ces assises pour conduire la motion de censure contre le gouvernement.

« Si le RPM réclame aujourd’hui la Primature, ce sera sans aucun doute pour limiter les ambitions du Premier ministre actuel. C’est une manière de faire d’ores et déjà en sorte qu’il n’ait pas l’envergure et l’étoffe suffisantes pour briguer une candidature en 2023 », indique un analyste politique.

Mais rien n’oblige le Président de la République à choisir le prochain Premier ministre dans les rangs de sa propre formation politique, sauf en cas de motion de censure conduite par cette dernière. Un scénario vers lequel on s’acheminerait ?

Grand parti politique : Un mirage ?

Lors du 2ème congrès de l’ASMA – CFP, le 29 décembre, le Président du parti,  Soumeylou Boubeye Maiga, a annoncé sa volonté de fusionner d’ici la fin du second mandat du Président IBK, le RPM, l’URD, l’ASMA – CFP, l’ADEMA et l’UDD pour créer un mouvement politique d’envergure. Des forces politiques toutes  nées de l’ADEMA Pasj, à l’exception de l’Union pour la Démocratie et le Développement (UDD). Mais ce passé commun pour l’avènement de la démocratie suffira-t-il pour que l’aspiration devienne réalité ?

« Puisque nous avons décidé de travailler pour l’ouverture et le rassemblement, nous allons accentuer les actions que nous avons déjà commencées avec d’autres partis pour accélérer la fusion de nos formations. Je n’ai aucun complexe à dire que nous allons tout faire pour qu’avant la fin de ce  mandat (celui du Président Ibrahim Boubacar Keita) l’ADEMA, l’URD, le RPM, l’ASMA – CFP et l’UDD puissent constituer  un seul mouvement politique », a clamé le Premier ministre lors de la cérémonie d’ouverture du deuxième congrès de son parti, le 29 décembre à Bamako.

La déclaration intervient à un moment où le chef de gouvernement sollicite un dialogue avec l’opposition. Un challenge en passe d’être gagné, puisque des responsables de plusieurs partis, de l’opposition comme de la majorité, étaient présents à la clôture de l’évènement. Mais, en même temps, le Président de l’ASMA caresse l’idée  de redessiner la scène politique nationale en fusionnant les partis à l’origine de l’avènement de la démocratie. Des formations dont les plus grandes s’opposent pour le pouvoir.

Le projet séduit pourtant, en attendant qu’il soit développé. « Pour le moment, nous n’avons pas  encore réfléchit à cela  au sein de notre parti. C’est à lui, l’initiateur, de développer la proposition. C’est à partir de là que ceux qu’il a cités pourront donner leur opinion », indique Me Baber Gano, Secrétaire général du Rassemblement pour le Mali (RPM).

Mêmes attentes à l’Union pour la République et la Démocratie (URD), principal parti de l’opposition. « C’est certainement une idée que le Président de l’ASMA nourrit depuis un certain temps. Pour moi, c’est une proposition qui émane de lui et qui n’a pas été encore partagée avec nous. Il peut y avoir d’autres formats.  Je pense qu’il aura l’occasion, peut-être, d’en parler et de mieux la préciser », espère Ibrahima N’Diaye,  Chef du cabinet du Chef de file de l’opposition.

Passé en commun pour l’avenir ?

Les partis cités par Soumeylou Boubeye Maiga, l’UDD mise à part, sont tous issus de l’ADEMA. La plupart des personnalités qui les dirigent ont milité au sein de l’Adema association, dès 1990, contre la dictature du général Moussa Traoré. Érigée en parti politique après sa chute, l’ADEMA porte Alpha Oumar Konaré au pouvoir. Mais, très tôt, des guerres de succession ont fragmenté la grande formation. Presque trois décennies après, les camarades d’hier chérissent toujours leur lutte pour la démocratie, avec le sentiment d’avoir un passé glorieux en commun.

Présent au congrès de l’ASMA, Ibrahima N’Diaye, l’un des acteurs de l’époque le rappelle. « J’ai souligné que nous avons des divergences profondes, mais n’oublions pas quand même qu’à un moment nous avons été ensemble, parce que nous avons écrit l’une des plus belles pages de la démocratie, son instauration et son enracinement. Cela veut dire qu’au-delà des divergences il existera toujours quelque chose à sauvegarder  pour  s’entendre  sur l’essentiel », se souvient-il. Selon lui, « la plupart des gens qui ont participé à l’Adema « originelle » ont toujours gardé en eux le secret désir de reconstituer la grande famille ».

Cependant, tout en saluant la proposition du Premier ministre, il regrette que d’autres partis « réellement démocratiques », comme le PARENA et le CNID-FYT, ne figurent pas parmi ceux qu’il a cités.

Pour Ballan Diakité, analyste politique et chercheur au Centre de recherche d’analyses politiques, économiques et sociales(CRAPES), « un tel rassemblement serait la négation même de ces partis. Les partis politiques sont fondés sur des valeurs et des projets de société, et à partir du moment  où ces personnes ont claqué la porte, il n’y pas lieu de revenir. Mais, s’ils ont des éléments en commun, ceux-ci  peuvent leur servir pour former un ensemble de coalition ou de rassemblement. Mais pas pour une fusion, parce qu’il y a toujours des divergences, politiques ou d’intérêts », précise-t-il.

Pour Ibrahima N’Diaye, entamer le dialogue ne remettra pas en cause ce qu’il a défendu jusqu’alors. Et si le projet se réalisait ? Une nouvelle configuration politique naitrait, en même temps qu’une nouvelle opposition politique. « L’URD est le seul parti capable de tenir tête à la majorité présidentielle. De 2012 à aujourd’hui, elle est dans une tendance de consolidation d’une opposition démocratique », souligne Ballan Diakité.

Pour le moment, même si tout est à envisager, Ibrahima N’Diaye est convaincu «qu’il faudra toujours qu’il y ait une opposition réelle, vigoureuse et forte. Sinon, il n’y a pas de démocratie ».

Mody N’Diaye : « Le dialogue doit se faire entre IBK et Soumaila Cissé »

Alors qu’ils devaient s’accorder une relâche jusqu’au mois d’avril, les parlementaires maliens rappelés à l’Hémicycle en session extraordinaire. Le Président du groupe VRD, Mody N’Diaye, se prononce sur cette convocation et sur la possibilité d’un dialogue entre l’opposition et la majorité.

Par un décret, le Président de la République a convoqué l’Assemblée nationale en session extraordinaire jusqu’au 29 décembre. Comment cela est-il perçu ?

Cela fait partie des prérogatives du Président. Nous n’avons donc pas d’observations particulières à faire, c’est constitutionnel.

Certains y voient un passage en force du gouvernement pour la loi d’entente nationale…

Il ne saurait y avoir de passage en force. Dans les affaires qui sont inscrites à l’ordre du jour de cette session extraordinaire, elle figure bien. Dans nos délibérations, nous n’hésiterons pas, en tant que groupe politique responsable, à faire connaitre nos opinions.

Lors de la 9ème conférence nationale de l’URD, le 15 décembre, Soumaila Cissé s’est dit ouvert au dialogue. Pourquoi donc avoir refusé de recevoir le Premier ministre en novembre ?

Après la présidentielle, il y a eu une contestation politique. Aujourd’hui, s’il y a un dialogue à faire, ce doit être entre les deux finalistes de cette présidentielle. Il faut un dialogue franc entre ces protagonistes, un dialogue politique de haut niveau. Si l’idée est de trouver une solution, et c’est dans cette logique qu’IBK a tendu la main, ce ne doit pas être le Premier ministre qui va vers l’opposition. Il ne servira à rien de dialoguer avec quelqu’un qui n’a pas de mandat, qui n’est pas l’acteur principal. Politiquement, cela doit se passer entre Soumaila Cissé et Ibrahim Boubacar Keita.

La contestation de  l’opposition n’est-elle pas un frein au dialogue ?

Quelle que soit la nature de la contestation, et on le dit souvent, même pour régler définitivement une guerre, il faut s’asseoir et dialoguer. C’est de bon ton pour Soumaila Cissé et sa coalition, démocratiquement, de mener ces actions. Lorsque le Président de la République a tendu la main, si cela s’était concrétisé nous ne serions pas dans cette situation. Tant que nous allons rester dans cette posture, les seuls moyens légaux de contester, les marches et les meetings, ne devraient pas poser de problèmes. Au fort de la contestation contre la révision constitutionnelle, des milliers de personnes ont manifesté sans le moindre dégât. Certains nous appellent même des politiciens « trop polis ». Les problèmes ne se créent que lorsque le gouvernement veut interdire les rassemblements. Soumaila Cissé et ses partisans ont toujours dit être ouverts au dialogue, mais il faut que les insuffisances relevées trouvent leur solution. Ceux qui pensent que la situation devrait perdurer ainsi se trompent.

L’énigmatique Soumeylou Boubeye Maïga

Depuis sa nomination à la tête du gouvernement fin décembre 2017, et sa reconduction après la réélection du président Ibrahim Boubacar Keïta, en août 2018, le président du parti ASMA-CFP, Soumeylou Boubeye Maïga, est sous le feu des projecteurs. Acteur du mouvement démocratique, « SBM » jouit d’un certain respect et ses interventions font écho. Diplomate et affable, ses détracteurs lui reprochent pourtant son « autoritarisme », alors que son parti entame une ascension fulgurante.

« Tigre, stratège, manipulateur, patriote, habile, figure politique », les qualificatifs ne manquent pas pour désigner l’actuel Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga (SBM), âgé de 63 ans. Son maintien par le Président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) après l’organisation d’une élection longtemps donnée comme incertaine n’a pas étonné. Depuis, le chef du gouvernement, revigoré par cette marque estime, est sur tous les fronts, dont celui de la sécurité et de la réaffirmation de l’autorité de l’État. Mais le décompte des victimes des tueries au centre et au nord du pays, ainsi que les attaques contre les forces armées maliennes noircissent ce tableau. Si le pays s’extirpe tant bien que mal de l’abîme, les assurances d’une résolution prochaine de la crise sécuritaire sont timidement accueillies. Pourtant, le « joker » d’IBK est à l’œuvre, multipliant les déplacements dans les régions du nord du Mali, Mopti, Kidal, Gao ou encore Tombouctou, plus récemment, montrant ainsi la volonté du Premier ministre d’occuper le terrain en collant aux préoccupations des populations. Sur d’autres sujets, comme le projet de loi d’entente nationale, le découpage administratif ou l’interdiction de manifester, « le Tigre », comme on le surnomme depuis les années 1990, montre toujours la même détermination.

Considéré comme l’un des principaux artisans de la réélection d’IBK, ce journaliste de formation est un homme à la fois séduisant et craint. Pendant près de trente ans, cet ancien syndicaliste a accumulé une grande expérience politique. Acteur du mouvement démocratique, d’apparence mesuré, il a eu à démontrer son audace à de nombreuses reprises, comme ce jour de 1986, cinq ans avant la chute du Président Moussa Traoré, où le jeune Soumeylou, tout fraichement diplômé du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) de Dakar, affichait sa révolte contre le système de l’époque. Lors de la conférence sociale restée dans les annales, SBM dénonce publiquement et sans ménagement la gestion catastrophique du pays, et ce sous le regard médusé de Moussa Traoré.

Chef de cabinet du Président Alpha Oumar Konaré en 1992, puis successivement directeur général de la sécurité d’État et ministre de la Défense, SBM a été candidat malheureux lors des primaires de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA) en 2002, avant de connaître une première traversée du désert sous ATT, qu’il avait pourtant appuyé au détriment de Soumaïla Cissé, le candidat de son propre parti. Son retour en grâce intervient en 2005, lors de sa nomination comme Président du conseil d’administration de l’Agence pour l’emploi des jeunes (APEJ) en 2005, avant d’occuper le poste de ministre des Affaires étrangères en 2011 jusqu’au coup d’État de mars 2012, qui le verra détenu plusieurs jours par la junte militaire. Après l’élection d’IBK en 2013, qu’il a soutenu dès le premier tour, « Boubeye », comme on l’appelle le plus souvent, est de nouveau nommé à la Défense, jusqu’en mai 2014, suite à la débâcle de l’armée à Kidal. Cette seconde traversée du désert sera plus courte, puisque le président de l’Alliance pour la solidarité au Mali (ASMA – CFP), parti créé en 2007 après sa dissidence de l’ADEMA, sera nommé Secrétaire général de la Présidence en août 2016 avant de devenir Premier ministre fin 2017, en remplacement de son « frère ennemi » Abdoulaye Idrissa Maïga, et au grand dam de Bokary Treta, président du Rassemblement pour le Mali (RPM), à qui le poste semblait promis. « Il connait bien le nord du pays et de tous les Premiers ministres d’IBK, il est le plus politique. Il a une vision nationale de la situation, ce qui lui permet de faire des avancées dans la résolution de la crise du nord », estime Perignama Sylla, secrétaire général du parti Bara.

 

« Le Tigre » sur le front

Le 14 décembre, Soumeylou Boubeye Maïga, en compagnie de certains ministres, se rend dans la Cité de 333 Saints. Une ville martyre, qui vit au rythme de l’insécurité récurrente. Pour rassurer les populations, déboussolées par des assassinats et autres vols de véhicules, le chef du gouvernement annonce le déploiement prochain de 350 éléments, répartis entre la police, la gendarmerie, la garde nationale et la protection civile. « Afin de ramener la paix et la sécurité, un corps de gardes-frontières sera créé et les moyens logistiques renforcés », affirmait celui dont l’expertise dans le domaine de la sécurité est reconnue. Et d’ajouter : « lorsque nous sommes loin, il y a beaucoup d’approches qui ne correspondent pas à la réalité du terrain, ni aux attentes des populations. Chaque fois que nous nous déplaçons avec des membres du gouvernement, nous avons une perception beaucoup plus réaliste des priorités ». « Grâce à lui, certaines mesures sécuritaires ont été prises, car il connait bien l’outil pour avoir été ministre de la Défense et chef d’un service de renseignements », témoigne Abdoulaye Tamboura, docteur en géopolitique. « Il a les capacités pour comprendre ce pays », ajoute-t-il. Homme de réseaux, Boubeye peut en effet compter sur l’appui de nombreux partenaires du Mali, notamment la France et l’Algérie, pays où il a effectué sa première visite en tant que Premier ministre.

Deux semaines plus tôt, SBM s’était rendu à Gao, dans le nord du pays, pour sonder la situation des populations. Malgré la militarisation de la ville, les attentats, assassinats et braquages se multiplient. Sur place, ce natif de la région annonce, entre autres, le redéploiement de 300 agents de sécurité et la dotation d’un nouveau commissariat. Sans détours, Soumeylou Boubeye Maïga interpelle la population sur sa responsabilité, indispensable pour contribuer à sa propre sécurité. Profitant de cette occasion, ce vétéran de la politique malienne a exprimé son incompréhension face à l’empêchement, dans la ville, de la tenue des concertations sur le découpage administratif.

Bien avant la Cité des Askia, c’est la région de Mopti, épicentre des violences armées, qui a nécessité certaines mesures gouvernementales. Entre conflits communautaires, multiplications des milices et activisme des djihadistes, la région est au bord de l’embrasement. L’ancien ministre de la Défense (2000-2002 et 2013-2014) y avait promis, le 11 février dernier, un renforcement des effectifs militaires. Face à la gravité de la situation, il avait même menacé les semeurs de troubles, tout en leur laissant le choix de la paix. « C’est le moment de choisir son camp. A tous ceux qui ont des informations sur les terroristes, c’est le moment de les donner. Nous ferons tout pour récupérer tous ceux qui sont récupérables, et nous combattrons ceux qui devront être combattus », a t-il martelé. « Il tient le langage de la vérité. Nous l’avons suivi depuis l’ADEMA parce que c’est un homme capable et qui a des idées », se souvient Cheick Diallo, secrétaire administratif chargé des structures de l’ASMA et compagnon de route. Le 13 octobre, il était à Tenenkou et à Togoré-Coumbé. Une manière d’affirmer l’autorité de l’État dans cette localité sous embargo des djihadistes depuis des mois. Mais ces annonces n’ont permis de limiter ni les actes d’hostilité envers l’État, ni les tueries. « Il montre qu’il a une certaine maitrise du terrain, ce qui est probablement rassurant pour les forces de défense et de sécurité, mais aussi pour les populations, qui voient en lui un responsable soucieux du terrain », avance Docteur Fodié Tandjigora, sociologue et enseignant chercheur à l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako. Ce dernier s’interroge pourtant sur l’impact de ces mesures. « Est-ce que tout cela a des répercussions réelles et matérielles sur le terrain? C’est de cela que les populations ont besoin dans ces localités d’insécurité », estime-t-il.

 

Un personnage « de l’ombre » 

Après la débâcle des forces armées à Kidal en 2014, suite à la visite controversée du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara, Soumeylou Boubeye Maïga démissionne. Il fait les frais d’une mission à l’issue dramatique. Il fera ensuite profil bas, cultivera ses réseaux au Mali comme à l’étranger, tout en maintenant son soutien à IBK, convaincu qu’il reviendrait. De secrétaire général de la présidence, il grimpe les échelons jusqu’à devenir chef du gouvernement. « Il s’est imposé par la force des choses et est devenu au fil du temps un acteur incontournable », juge Abdoulaye Tamboura. « SBM peut avoir des défauts, on peut l’aimer ou pas, mais c’est un grand patriote, capable d’opérer de grandes réformes au Mali », affirme Cheick Diallo. Lors d’une conférence de l’opposition, le 3 juin 2018, l’ancien ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Mohamed Ali Bathily, désormais opposant, le qualifie « d’homme de l’ombre, toujours dans des affaires sombres, qu’il s’agisse de l’État ou des finances ». Quoi qu’il en soit, cet ancien élève du lycée de Badalabougou est une énigme difficile à cerner. « C’est un personnage mitigé. D’aucuns disent que c’est l’homme de l’Algérie, (…) c’est un homme de coups tordus, mais compétent », reconnait Abdoulaye Tamboura. Son professeur au CESTI de Dakar, Diomansi Bomboté, ancien conseiller à la Primature, aujourd’hui enseignant à l’école de journalisme de Bamako, garde de lui le « souvenir d’un élève brillant, doté d’une grande maturité politique. Son parcours est riche, c’est un grand volontariste. Il sait ce qu’il veut et se donne toujours les moyens pour l’obtenir », témoigne-t-il. Déjà, « il attirait l’attention par la maturité de sa réflexion et de son analyse », se rappelle Bomboté. Hier comme aujourd’hui, certains le soupçonnent des manœuvres les plus viles. « Son nom a récemment été cité dans l’affaire des deux journalistes français assassinés à Kidal. Que ce soit lui ou le président de la République, ils ont fréquenté à un moment donné de leur vie des personnalités troubles »rapporte Dr Abdoulaye Tamboura. Dans le bourbier du centre, « on l’accuse d’instrumentaliser les milices » ajoute t-il. Une thèse qui ne tient pas, pour Dr Fodié Tandjigora. « Certains pensent qu’il y a des forces spéciales infiltrées dans les milices, mais je ne pense pas que l’État puisse s’adonner à cela ou qu’il accepte d’armer certaines milices contre d’autres. L’État n’a pas intérêt à nourrir des milices qui pourraient se retourner contre lui un jour », argumente-t-il.

 

Indispensable ?

« Il n’y a pas d’homme indispensable. IBK a beaucoup de raisons de lui faire confiance, mais il n’est pas indispensable », reprend Dr Abdoulaye Tamboura. Un point de vue repris par de nombreux acteurs politiques, notamment de la majorité, qui ont fait de lui sa bête noire. « Est indispensable qui représente une force non négligeable. Ce n’est pas le cas du parti de Boubeye », assène un cadre du RPM. En attendant, le PM occupe le terrain, fort de la confiance du « chef », avec lequel « il entretient une relation, non pas d’amitié, mais de respect et d’estime mutuels », selon un proche d’IBK. « Le président n’est pas rancunier et ils ont besoin l’un de l’autre. C’est ce qui fait durer ce couple », ajoute t-il. Fort de cet avantage, et à la tête d’un gouvernement où aucune personnalité n’émerge vraiment, Boubeye n’est pas seulement actif dans le domaine sécuritaire. Lors de la journée consacrée à l’interpellation démocratique, le 10 décembre, il tacle les organisations de défense des droits de l’Homme, opposées au projet de loi d’entente nationale. Au même moment, il défend la pertinence de l’arrêté interdisant les marches et attroupements au niveau des grands axes de la capitale. Intransigeant, il parvient à calmer les ardeurs de l’opposition. Tout en se disant ouvert au dialogue. « Depuis qu’il est là, rien ne bouge en réalité, mais les autres politiques sont obligés de se taire, par ce qu’il en sait trop sur eux », pense savoir le politologue Boubacar Bocoum. Certains des acteurs de mars 91, comme Oumar Mariko du parti SADI, « se demandent aujourd’hui s’il s’agit du même homme que celui avec lequel ils ont défié la dictature de l’époque »…

La question de l’après IBK

Le parti du Premier ministre, l’ASMA-CFP, enregistre des adhésions massives depuis sa reconduction. De 4 députés en août, il en revendique désormais 21 et plus de 300 conseillers communaux, essentiellement au détriment du RPM, dont plusieurs élus ont quitté le parti car l’investiture pour les législatives leur avait été refusée. « C’est quand même extraordinaire que le parti du président perde des députés au profit de celui de son Premier ministre. Ce sont des calculs pour l’après IBK », souligne Perignama Sylla du Bara. Boubeye se garde bien d’en parler et élude systématiquement toute question portant sur 2023. Mais avec « un leader de l’opposition, Soumaïla Cissé, affaibli par sa 3ème défaite à l’élection présidentielle, et une majorité où personne n’émerge vraiment, il apparaitrait comme un candidat sérieux », prévient un diplomate en poste à Bamako. En 2007, SBM avait obtenu un très faible score lors du scrutin présidentiel. La progression de l’ASMA sur l’échiquier politique provoque la colère au sein du parti présidentiel, où beaucoup ne digèrent pas le silence d’IBK. De là à y voir un soutien déguisé pour 2023 ? « Nous n’y croyons pas, car Boubeye quittera la Primature bien avant la fin du mandat, et son parti connaîtra un reflux, tout comme le nombre de ses laudateurs », affirme un cadre RPM. Le contexte actuel donne pourtant le champ libre au locataire de la Primature. « IBK est vieillissant et sortant. Le RPM n’a pas été capable de travailler pour lui et SBM s’est mis à sa disposition, avec ses hommes et tout ce qu’il faut. Qui aujourd’hui peut lui faire de l’ombre ? », s’interroge Boubacar Bocoum.

Pour tenter de succéder au président, le Tigre doit résoudre une équation à deux inconnues : se maintenir le plus longtemps possible à son poste pour affirmer sa stature d’homme d’État, et créer un lien populaire avec les Maliens, qui le craignent plus qu’ils ne l’aiment.

 

Partis politiques au Mali : Que de leaders sans relève !

Au Mali, de grands partis ont émergé depuis l’avènement du multipartisme intégral, en 1992. La plupart d’entre eux n’ont qu’un seul leader visible sur la scène, sans une figure pour le seconder et assurer la relève.  

« À part l’Adema, qui est en train de faire sa mue, aujourd’hui tous les partis politiques ne tiennent qu’à une seule personne, ou presque ». C’est le constat dressé par Woyo Konaté, Docteur en philosophie politique et enseignant à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako. Au Mali, chaque parti politique est sous le monopole de son leader. À part lui, rares sont les membres du parti qui sont mis en lumière. « C’est la nature même de la politique qui veut que les différentes formations qui s’expriment sur le terrain démocratique soient tirées par des personnalités très charismatiques. Au Mali, en Afrique et ailleurs, ces partis sont identifiés à des personnes plutôt qu’à des formations politiques pures et dures », tente de plaider Cheick Oumar Diallo, Secrétaire politique de l’ADP Maliba. « Aux États-Unis, quand on parle du parti républicain on pense à Trump et pour le parti démocrate à Hillary Clinton. Les visages ont pris le dessus sur les partis, de telle sorte que quand on parle de l’ADP, c’est Aliou Diallo, de l’URD, c’est Soumaila Cissé et du RPM, c’est IBK. C’est une tournure des choses qui pose le problème de la pluralité des personnalités au sein des différentes formations », poursuit-il. Le multipartisme a été pourtant une exigence fondamentale en 1991, mais il a abouti aujourd’hui à « un désordre ».  « Tous les statuts et règlements des partis politiques sont les mêmes. Leur objectif, c’est d’obtenir le financement de l’État », dénonce Cheick Diallo, Secrétaire administratif chargé des structures au parti ASMA. Il en appelle à un « centralisme démocratique » et non à « des partis unipersonnels ».

Quelle incidence ?

Les partis deviennent orphelins quand l’étoile de leur chef s’éteint, faute de dauphin. « Quand ATT a laissé le pouvoir, le PDES est allé en déconfiture. C’est la même chose avec les soubresauts que connait l’Adema depuis le départ d’Alpha Oumar Konaré », affirme Cheick Oumar Diallo, ajoutant  que « cela pose la question de l’organisation et du fonctionnement des partis politiques ». Pour le Dr Woyo Konaté « les valeurs et l’idéologie sont reléguées  au profit de celui qui finance ». Des réalités qui biaisent l’animation de la chose politique. Pour  un renouveau  politique, « il faut laisser s’exprimer des visages différents de ceux qu’on connait depuis des dizaines d’années », souhaite le Secrétaire politique de l’ADP Maliba, qui estime que son parti est un exemple.

IBK veut placer la jeunesse au cœur de son second mandat

Réélu à la tête du pays pour un second mandat de cinq ans, IBK entend placer la jeunesse au cœur de son nouveau quinquennat. S’exprimant devant ses soutiens, après confirmation sans surprise de sa victoire par la Cour Constitutionnelle, le président a assuré prendre l’engagement de faire de son prochain mandat celui de la jeunesse. « Je sais ce que je vous dois. Je sais ce que ma génération vous doit. Je sais ce que ce pays vous doit » a-t-il martelé à plusieurs reprises. « Je consacrerai le principal de notre effort à votre épanouissement, en vous dotant des moyens nécessaires à votre formation, à votre émancipation, à votre réussite » ajoute-t-il. Affirmant avoir tiré de nombreux enseignements durant la présidentielle, il a appelé les acteurs politiques et la société civile à mener une réflexion profonde sur l’évolution des institutions pour améliorer le système démocratique. « Cette réflexion devra être conduite de manière large et inclusive, j’en serai le garant ».Dans cette toute première déclaration après sa réélection, le président s’est dit préoccupé par le problème écologique du pays, notamment la préservation du fleuve Niger, ce grand patrimoine en péril.

Main tendue                      

Alternant fermeté et message de paix durant son intervention, IBK s’est posé en rassembleur. Il a tendu la main au chef de file de l’opposition Soumaila Cissé, candidat malheureux à la présidentielle qui rejette les résultats de l’élection dénonçant une fraude. Ses partisans ont manifesté samedi dernier contre la réélection du président Keita. De nouvelles manifestations sont prévues après la fête de Tabaski. « Après la bataille électorale, il y a les retrouvailles » a tempéré IBK. « Pour bâtir un avenir de tous les possibles, le Mali doit pouvoir compter sur toutes ces filles et tous ces fils. Chacun aura sa place » assure-t-il.

 

Présidentielle 2018 : IBK placé sur « orbite » par ses partisans

Au lendemain de la proclamation des résultats du 1er tour de l’élection du 29 juillet, le candidat de l’Alliance Ensemble pour le Mali, arrivé  largement  1er devant Soumaila Cissé, s’est exprimé vendredi à son QG. En présence de quelques-uns de ses militants, IBK les a remerciés pour leur marque de confiance.

Vendredi, 3 juillet 2018.  Les résultats de l’élection du président de la république sont connus. Proclamés dans la nuit du jeudi par le ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation, ils placent premier avec le score considérable de 41,42% le candidat IBK.

Pour le Président IBK, ce résultat est la réaffirmation de la confiance placée en lui. « C’est une belle première victoire mais elle n’est pas que mienne, cette victoire c’est celle du Mali qui avance, de l’optimisme, de l’espoir contre la terreur  et de tous ceux et celles qui connaissent notre pays et qui croient en son grand destin », a égrené celui qui pour renouveler son mandat devra passer par un second tour le 12 août contre Soumaila Cissé.

« A travers votre vote, vous m’avez placé sur orbite », déclare-t-il devant eux, et comme interpeller par les voix exprimées, il promet de redoubler d’ardeur. « Pour vous, avec vous, pour nos enfants  et les générations à venir, je dois aller encore plus loin », promet-il.

Contraint à un second tour, le président IBK, n’a pas manqué de féliciter  « le gouvernement pour sa grande maitrise du processus électoral », et par la même occasion remercier « les partenaires et amis du Mali » pour leur accompagnement dans le processus.

Alors que le plusieurs bureaux de vote n’ont pas été opérés dans le nord et centre du pays, à cause de l’hostilité des groupes terroristes, le candidat IBK s’est réjoui malgré tout de l’organisation de  ce scrutin. « Vous avez donné tort à ceux qui prédisaient  le pire. Cela a été un réel motif de fierté pour chacun d’entre nous », a précisé le président candidat,  et poursuivant, « toutefois, je déplore les incidents survenus dans certains de nos localités qui ont empêché certains de nos compatriotes  d’accomplir leur devoir civique ».

D’un ton serein, le port étendard de l’Alliance Ensemble pour le Mali est revenu sur les péripéties de sa campagne, soulignant que l’enjeu  était de soumettre son bilan aux Maliens pour reconquérir leurs voix si précieuses.  Mais pas seulement, les défis actuels exigent encore plus d’efforts. « Ils s’agissait aussi pour moi de vous proposer mon projet pour un Maliba qui ira encore plus loin, encore plus haut, toujours fort, toujours plus juste » a énuméré celui qui compte « consolider les acquis, amplifier les réussites, rectifier les manques » du passé.

Pour le second tour, le candidat IBK  entend « convaincre ceux qui doutent encore » et  appelle à un grand rassemblement pour demeurer maitre du palais de Koulouba.

IBK, Soumi, CMD : Les trois poids lourds de la présidentielle?

Le scrutin du 29 juillet s’impose peu à peu dans les esprits. À une semaine du tournant, certains font leurs pronostics sur les colosses du moment. Dès début juillet, un sondage d’opinion réalisé par Guindo Sidiki classait IBK en tête des intentions des votes, suivi de Soumaila Cissé et de Cheick Modibo Diarra. Qu’en est-il de leurs forces et faiblesses avant le jour J ?

« Le futur Président du Mali sera entre IBK, Soumaila Cissé et Cheick Modibo Diarra », anticipe une étude réalisée  par Guindo Sidiki, ingénieur statisticien économiste. Le sondage, effectué du 20 au 28 juin sur un échantillon représentatif de 18 ans et plus, a concerné « 5 525 personnes tirées de manière aléatoire dans toutes les différentes régions ».

Ainsi, selon cet exercice  sur lequel certains analystes restent prudents, le Président IBK aurait plus de 28,29% de voix et ne dépasserait pas 38,26%. Son challenger au second tour en 2013, l’Honorable Soumaila Cissé, suivrait avec un score compris entre 16,07% et 25,14%, talonné par l’ancien Premier ministre Cheick Modibo Diarra, avec des intentions de vote comprises entre 15,91 et 27,06%.

Un second tour cette année sera donc  inévitable. Il pourrait se jouer entre IBK et l’un de ces deux  concurrents. Même si une élection n’est jamais gagnée d’avance, ces pronostics servent quand même d’indicateurs. Dans un contexte où les défis sont immenses pour un pays convalescent, des recettes s’imposent pour capter la confiance. « Aux grands mots, les grands remèdes », dit-on. Face à une certaine jeunesse aux yeux ouverts et à une société civile bien réveillée, le slogan passager ne semble plus donner la chair de poule. Au-delà des faiblesses de chacun des  candidats, ce sont leurs forces et leur charme qui feront pencher la balance.

IBK, le favori  au bilan « calamiteux »

Si en 2013, le candidat du RPM, IBK, faisait office de favori dans les intentions de vote, puis confirmait la donne en creusant l’écart de la victoire au second tour, rien n’est moins sûr en cette année 2018. Après cinq années de haut et de bas, le porte-flambeau de la plateforme Ensemble Pour le Mali tient à rester dans son fauteuil présidentiel. Son parti est la première force politique actuelle, avec un ancrage jusqu’aux confins du territoire.  Mais pas seulement. « Il a les forces de défense et des sécurités avec lui,  l’administration aussi. Il a recruté beaucoup des militaires et de policiers et augmenté leur salaire. Ces personnes se sentiront redevables, malgré son bilan calamiteux », analyse Khalid Dembelé, économiste chercheur au Centre de recherche et d’analyse politique, économique et sociale (CRAPES). La représentativité de son parti lui donne aussi des raisons d’y croire. Étant organisateur de l’élection, le Président IBK « a des hommes au niveau du trésor national, de l’argent pour battre campagne, contrairement aux autres », ajoute Khalid Dembelé. Aussi bien au sud qu’au nord, IBK fait figure de favori. « Les gens savent à quoi s’attendre avec lui. Même les mouvements signataires savent qu’ils ont une certaine manne financière qui peut venir de Bamako. Il y a aussi des accords qui sont à mettre en œuvre. Par exemple, Abdoul Majid dit Nasser, le leader des Kel Ansar, avait dit qu’il soutiendrait IBK, par ce que quand l’ancien doyen est décédé il y a eu des honneurs à son endroit », ajoute  Baba Alfa Umar, psychologue et chercheur sur les questions de paix et sécurité dans le Sahel. Selon lui, malgré la situation d’insécurité dans le Nord, les gens voteraient pour IBK à cause d’une certaine élite qui a ses intérêts liés à lui.

Nonobstant, ses handicaps sont pour certains flagrants. Si dans le bastion électoral de Sikasso, Kalfa Sanogo peut lui poser des problèmes, il y sera devant Soumaila Cissé.  Ce dernier pourra se consoler d’un soutien de taille à Koulikoro, autre région populaire. Sans ménagement, Khalid Dembélé estime qu’IBK « a tout simplement un bilan désastreux ». « Avant le 4 septembre 2013, l’armée était à Kidal, mais de fin 2013 jusqu’à il y a deux mois elle n’y était plus », souligne-t-il. L’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, signé en 2015, se solde trois ans après par une  grande désillusion chez tous les acteurs. « Il devait ramener la paix, mais les Famas continuent de subir des attaques. On ne sent pas un réel  impact sur la restauration de la sécurité dans notre pays. Nous avons un papier qui nous sert à peu des choses », estime le chercheur. Une année après, des scandales financiers de surfacturation et de corruption, suivis en 2017 de grogne sociale pour l’amélioration des conditions de vie, saisissent le pays. Simultanément, l’insécurité a élu domicile au  centre, causant une tragédie humanitaire. Dans cette élection, les attentes des populations sont immenses et peu à peu elles se lassent de croire en « l’homme de la situation ».

Soumaila Cissé, « restaurer l’espoir » et l’image 

Le candidat de l’Union pour la République et la Démocratie (URD), parti membre de la Coalition pour le changement, apparait depuis 2002 comme une figure sérieuse de l’opposition. Sa formation, deuxième force politique après le RPM, a des branches sur le territoire. Malgré ses défaites au second tour en 2002 et 2013, le sous-estimer serait une erreur. « Il a une expérience politique et une base électorale. Il a des relations internationales, avec son passage à la Commission de l’UEMOA. Une grande partie de la société civile est avec lui, notamment la plupart des figures du mouvement An te Abana », affirme Khalid Demeblé. À la différence d’IBK, qui « défend un bilan », Soumaila Cissé, poursuit-il, a des arguments. « Il a un programme bien structuré et bien chiffré. Il fut ces cinq dernières années dans l’opposition et par conséquent non comptable du bilan. Il est un grand favori », estime-t-il. « Son avantage, c’est aussi la Coalition pour l’alternance et le fait qu’il a su fédérer les gens qui en ont marre et qui critiquent le régime depuis de nombreuses années », renchérit le psychologue Baba Alfa Umar. Candidat pour la troisième fois, l’ancien Président de la Commission de l’UEMOA pourrait aussi  bénéficier au second tour du soutien de certains de ses alliés, comme Aliou Boubacar Diallo de l’ADP-Maliba.

Pour autant, « Soumi le champion », comme le surnomment ses fervents partisans,  ne séduit pas tout le monde. « Sa faiblesse principale est le nombre des  candidats, dont on ne sait pas qui ils vont rallier par la suite », souligne Baba Alfa Umar. Ce n’est pas le seul élément en sa défaveur. « Il y a aussi des campagnes très perfides qui sont faites contre lui, comme celle selon laquelle il va détruire l’armée, ou qu’il est impliqué dans des scandales financiers ». Au-delà de tout, c’est son image qu’il peine à restaurer. « Les gens disent qu’il est ethnocentriste et qu’il ne parle pas bambara. Comme si parler bambara était quelque chose d’important dans un Mali où chacun à son socle ».

CMD ou Aliou Boubacar Diallo ?

Si le sondage de Guindo Sidiki situe Cheick Modibo Diarra après Soumaila Cissé, d’autres analystes voient les choses autrement. Son score de 2,08% en 2013 et l’appui de Moussa Mara et de Konimba Sidibé ne lui permettront pas, selon eux, de se hisser au second tour. « Il y a des réseaux sociaux qui y contribuent et les Maliens de l’extérieur voient en lui un homme nouveau », explique Khalid Dembelé. Pour Baba Alfa Umar, « son action politique silencieuse des cinq dernières années » ne le conforte pas. Mais « on parle peu d’Aliou Boubacar Diallo, alors qu’il risque d’être la grande surprise. Il abat un travail exceptionnel », observe l’économiste Khalid Dembelé. En plus d’avoir acquis le précieux soutien du Cherif de Nioro, le candidat de l’ADP-Maliba impressionne aussi par son ascension. « Sa personne même est un exemple de réussite. Il a des jeunes derrière lui. Ça ne m’étonnerait pas qu’il soit en troisième place », confie le chercheur Alfa Baba Umar. 

Si, pour la plupart des citoyens, IBK et Soumaila seront au second tour, force doit rester à la prudence. Pour l’heure, c’est la période pluvieuse des promesses qui se poursuit.

Présidentielle 2018 : Démonstration de force d’IBK au stade du 26 mars

La campagne électorale est désormais ouverte au Mali. Le Président IBK, candidat à sa réélection a tenu meeting géant au stade du 26 mars. Impressionné par la mobilisation, il invite ses partisans  à le réélire dès le 1er tour.

Devant l’édifice, à 14 heures déjà, la mobilisation et la ferveur étaient totales. Partout, des pancartes et des véhicules à l’image du candidat.

A l’intérieur du stade, l’effervescence grandissait. La cérémonie se veut grandiose. Le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, le président de l’Assemblée nationale Issiaka Sidibé, plusieurs membres du gouvernement, des députés, des présidents de partis politiques, et une pléiade d’artistes ont donné à ce lancement un visage intimidant. Il s’agissait aussi pour la plateforme Ensemble pour le Mali qui porte le projet de la réélection d’IBK de marquer les esprits, surtout après la récente démonstration faite par le candidat de l’URD, l’honorable Soumaila Cissé, dans ce même lieu.

Alors que le public était captivé par les prestations artistiques, IBK fit son entrée dans l’édifice. Il était 16h50 . Aux éloges des artistes, qui rappellent ses réalisations dans divers domaines, celui que l’on surnomme  ‘’Boua’’, affiche sa joie. Se passant de son discours, le président IBK, dans une intervention teintée d’émotion est revenu sur ‘’les ont dit’’ dont il avait fait objet un moment. Mieux, il annonce dans la foulée, l’arrivée ce lundi de quatre avions pour l’armée malienne. Des cris de victoire émanent du public. L’hôte du jour met en avant ses capacités à rassembler les Maliens et à reconstruire le Mali. Il déclare sans détour et avec assurance  que : « Baou ta bla insh’Allah !». Repris dans la foulée par les milliers de militants.

Pour la plupart des partisans d’IBK, les chantiers entamés et la complexité de la  crise sont des motifs de lui renouveler la confiance. Comme pour dire à ceux qui le pensaient ‘’fatigué’’ qu’il a toujours de l’énergie. « Boua ta bla,  IBK a trouvé le pays dans une situation difficile mais il a géré. Aujourd’hui c’est lui seul qui peut bien armer les FAMA. Il est en train de ramener la paix  même si ce n’est pas facile », assure Moussa Koné, militant de l’Union pour la Démocratie et le Développement, membre de la plateforme Ensemble pour le Mali.

Le directeur de campagne, Dr Bocary Treta après avoir remercié  les uns et les autres, a rassuré de la victoire d’IBK le 29 juillet. Il invite les électeurs à retirer leurs cartes pour élire le « candidat de tous le Mali ».

Mali : Le président sortant IBK sera candidat pour un second mandat

Le président du Rassemblement pour le Mali (RPM) Dr. Bocary Tréta, a révélé dimanche à Bamako que le président Ibrahim Boubacar Keita a confirmé « sa volonté et sa disponibilité d’être au service du peuple » malien.

Le président malien sortant Ibrahima Boubacar Keïta a été investi dimanche 6 mai candidat à l’élection présidentielle du 29 juillet par une coalition de près de 70 partis.

« A la demande de son parti et de ses alliés politiques, le président malien IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) accepte d’être candidat à la présidentielle de juillet », a déclaré Dr. Bocary Tereta, président du RPM, devant des milliers de sympathisants du RPM, rassemblés dans la salle Bazoumana Sissoko du palais de la Culture.

Il a appelé les militants à « faire confiance en IBK » et à « se mettre en mission pour (le) réélire dès le premier tour », ajoutant que le chef de l’Etat, désormais officiellement candidat à sa propre succession « demeure l’homme de la situation ».

Une cérémonie d’investiture sera organisée à une date non précisée par M. Tereta

Le chef de l’Etat malien, 73 ans, élu en 2013 pour cinq ans, n’était pas présent à cette réunion, tenue devant 3.000 personnes.

Lors d’une rencontre samedi avec sa coalition, M. Keïta, qui n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature, a affiché sa disponibilité à se présenter au scrutin de juillet.

« Nous sommes prêts à resservir ce pays de toutes nos forces », a-t-il déclaré, lors de cette rencontre.

CMP : toujours vivante ?

Au fur et à mesure que les échéances électorales s’approchent, des partis membres de la Convention de la majorité présidentielle (CMP) jettent l’éponge. Le retrait de Yelema de Moussa Mara et du CAP de Racine Thiam, ainsi que la démission du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mamadou Ismaila Konaté, témoignent du malaise au sein du regroupement. Pire, pour certains, ce n’est qu’un début.

Créée le 7 septembre 2014 par plus d’une soixantaine de partis politiques, la Convention de la majorité présidentielle (CMP) avait pour objectif de défendre et de soutenir le programme politique du Président IBK. Trois ans après, le malaise s’installe. Il y a plus d’un an, SADI d’Oumar Mariko et l’ADP – Maliba d’Amadou Thiam donnaient le la du départ. Surviendra ensuite la démission de Racine Thiam de son poste de Directeur de la communication de la Présidence, suivie, le 28 octobre dernier, de la formalisation de son rapprochement avec l’URD, principal parti de l’opposition. Une divergence de vues dans la gouvernance du pays aurait motivé ce départ. Puis vint le tour du parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara de lâcher ses alliés d’hier, le 8 juillet 2017, retrait acté lors du 2ème congrès du parti, les 18 et 19 novembre à Mopti. Contrairement au CAP, Yelema n’a pas rejoint l’opposition, préférant adopter une position médiane.

La majorité affaiblie

Selon Mamadou Doumbia, député ADP – Maliba, ces départs s’expliquent par l’ambition de certains chefs de partis de se présenter aux élections à venir. « Les gens ont composé avec la majorité, mais avec l’approche des élections, certains choisissent de partir pour se présenter ». Selon lui, la majorité est affaiblie, mais « c’est à elle de travailler suffisamment. » Pour le chef de file de l’opposition, l’Honorable Soumaila Cissé, « la majorité n’existe que de nom ». Même la CODEM, selon lui, est confronté à des difficultés au sein de la CMP. Mais, d’après Mamedi Sidibé, député RPM, la majorité se porte bien. D’ailleurs, « nous avons la majorité absolue rien qu’avec le RPM à l’Assemblée nationale », souligne-t-il. « C’est dans le souci de fédérer les enfants du Mali pour faire face aux enjeux actuels que la CMP a été créée, car ce qui compte pour IBK, c’est le Mali ». Mais la démission du ministre de la Justice, le 27 novembre, confirme éloquemment, aux yeux de certains, la discorde qui régnerait au sein du gouvernement.

Nouveau gouvernement : les dernières cartes d’IBK ?

Le film du mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta, pourrait être raconté comme une histoire qui redémarre continuellement. La constitution du nouveau gouvernement, autour du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, le 4è depuis septembre 2013, marque ainsi une nouvelle étape, avec l’objectif de mettre en branle la machine gouvernementale pour répondre aux attentes des Maliens et de faire face aux nombreux défis auxquels le pays est confronté. Principale nouveauté : le PM est issu du parti majoritaire, le Rassemblement pour le Mali, alors que jusqu’ici, le président avait choisi son chef de gouvernement parmi des personnalités de la société civile, ou au sein de partis minoritaires. Cela suffira-t-il pour satisfaire une opinion publique impatiente, voire désabusée ?

C’est le mardi 4 avril, sous la pression de son parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM) qui menaçait de déposer une motion de censure à l’Assemblée nationale, que le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a accepté la démission de son Premier ministre, Modibo Keïta. Ce dernier était entré à la Primature 2 ans et 3 mois plus tôt, en remplacement de Moussa Mara, ouvertement en conflit avec plusieurs membres de son gouvernement, et à l’origine du drame de Kidal en mai 2014, où plusieurs civils avaient perdu la vie, avant que l’armée malienne ne soit mise en déroute par les mouvements rebelles.

Un départ attendu « Modibo Keïta a parfaitement compris la psychologie du président, mais l’inverse n’est pas vrai », se lamentait un cadre du parti majoritaire, tant ce dernier parvenait, contre toute attente, à se maintenir au poste de Premier ministre, alors que son départ était régulièrement annoncé pour redynamiser l’action gouvernementale. Grand de taille, adepte des discours grandiloquents, « il savait mieux que quiconque dire et agir pour plaire à un président lassé d’entendre des mauvaises nouvelles », commente un collaborateur de la présidence de la République, sous couvert d’anonymat. Bien qu’ayant lui même annoncé lors de sa prise de fonction, et plusieurs fois ensuite, « qu’il ne se sentait pas à sa place et qu’il devait partir pour laisser place à l’action politique », dans les faits, « Modibo semblait avoir pris goût à la fonction », affirme la même source. Il n’avait pas la force de s’attaquer aux problèmes du pays, commente Lamine Doumbia, cadre de banque, pour qui l’ancien PM était discrédité depuis la révélation en 2015 de l’attribution de logements sociaux à ses proches, mais avait pourtant su écarter ses rivaux trop ambitieux. Désormais de nouveau retraité, « Missié », comme le surnommaient certains de ses ministres pour moquer son style professoral, peut mettre à son actif la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, en mai et juin 2015. Mais les difficultés de son application, le lancinant problème d’insécurité dans le septentrion, et l’absence de l’État de plus en plus ressentie dans le centre du pays, atténuent largement ce bilan. Sans parler des grèves dans les secteurs de la justice, de la santé et de l’enseignement supérieur, ainsi que du bras de fer avec les Maliens de France à la fin 2016, qui ont contribué à « mettre à nu les carences du gouvernement, le manque de cohésion au sein de l’équipe, et souvent obligé IBK à monter en première ligne », souligne un éditorialiste malien. En définitive, le bilan est plutôt en demi teinte, et Modibo Keïta, tout comme lors de son premier passage à la Primature en 2001, ne laissera sans doute pas un souvenir impérissable dans les annales de l’action gouvernementale.

Douche froide Si les caciques du RPM, à l’image de Nancouma Keïta, vice président du parti et ancien ministre, se réjouissaient à l’annonce de la nomination d’Abdoulaye Idrissa Maïga, le samedi 8 avril, que « le fait majoritaire soit enfin respecté », la composition du gouvernement dévoilé le 11 avril semble avoir quelque peu douché l’enthousiasme. Avec 10 portefeuilles dans l’équipe sortante, les personnalités se revendiquant du parti majoritaire ne sont désormais plus que 7 sur 35, sans compter le Premier ministre. Des figures du parti on en effet été limogées, telles qu’Oumou Ba, vice présidente, qui occupait le poste de ministre de la Promotion de la femme depuis 2013, Ousmane Koné, également vice président, ancien ministre du Logement, dont c’était la 3è affectation après la Santé et l’Environnement, et enfin Mahamane Baby, ancien président de la jeunesse du RPM, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle depuis le début du mandat. Maître Baber Gano, secrétaire général du parti depuis le congrès d’octobre 2016, est le seul à faire son entrée au gouvernement, en tant que ministre des Transports. Un poste qui apparaît comme un lot de consolation, car amputé du stratégique secteur de l’équipement, toujours détenu par Seynabou Diop. Alors que d’aucuns attendaient un gouvernement de combat pour préparer la réélection d’IBK en 2018, ils ont hérité d’un « gouvernement Modibo sans Modibo », avec les 2/3 des membres restés en fonction, et où le RPM n’hérite d’aucun poste régalien. Par ailleurs, ce remaniement ministériel a dévoilé des tensions toujours persistantes au sein du parti majoritaire, dont l’absence du président, le Dr Bokary Treta, pendant toute la séquence, en dit long. « Treta ne s’est pas donné la peine de rentrer de Paris, où il s‘était rendu en voyage privé, sans doute par défiance envers le nouveau Premier ministre qu’il considère comme son rival » au sein du parti, témoigne un militant membre du Bureau politique national. La fronde des députés RPM ne semble donc pas avoir porté ses fruits. Et l’attribution de l’Administration territoriale, à 15 mois de l’élection présidentielle, à Tièman Hubert Coulibaly, président de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD), un parti membre de la majorité présidentielle, en lieu et place de Mohamed Ag Erlaf, militant RPM désormais en charge de l’Éducation, ne fera qu’aggraver le malaise.

Équilibres ? En outre, la majorité présidentielle n’est représentée que par 6 partis : l’ADEMA, le RPM, l’UM-RDA, l’UDD, le MODEC de Konimba Sidibé et le PS-Yelen Coura d’Amadou Goïta, au grand dam des quelques soixante autres membres de la Convention de la majorité présidentielle (CMP), qui espéraient bénéficier de la proximité des prochaines échéances électorales pour intégrer l’équipe gouvernementale. C’est donc un paradoxe : la société civile, dont le symbole est le nouveau ministre de la Défense, Tiena Coulibaly, est majoritaire au sein du gouvernement Maïga avec 19 membres. Autre grande tendance, les ressortissants des communautés du Nord sont représentés par au moins 10 personnalités, ce qui ne manquera pas de faire grincer des dents, comme l’explique le journaliste écrivain Adam Thiam (voir page 5), alors qu’après le départ de Marie-Madeleine Togo, qui paie la grève dans les hôpitaux, et de Barthélemy Togo, il ne reste plus aucun représentant de la communauté chrétienne. Autre point notoire, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ancienne rébellion, a refusé de faire son entrée au gouvernement, alors que la Plateforme y a deux représentants. Quant aux femmes, malgré la promesse qu’IBK leur a faite à l’occasion du 8 mars dernier, elles sont encore loin de représenter 30% de l’effectif, et ne comptent que 8 femmes représentantes, soit 23%. « Si la première institution du pays ne respecte pas la loi, qui d’autre va le faire ? », s’interroge un journaliste, faisant allusion à la loi sur les quotas qui prévoit 30% de femmes dans les postes nominatifs et électifs.

La patte IBK Constitué dans le cadre de tête-à-tête entre le président IBK et le nouveau Premier ministre, le gouvernement porte clairement la touche présidentielle. Le souhait d’Abdoulaye Idrissa Maïga de garder le portefeuille de la Défense et d’y nommer l’un de ses proches en tant que ministre délégué lui a été refusé, tout comme l’intégration et le maintien de certains cadres du RPM. Mais il a néanmoins obtenu le retour de Tièman H. Coulibaly, son prédécesseur à la Défense. L’arrivée de Maître Tapo (Droits de l’Homme et Réforme de l’État, compagnon de l’ADEMA des années 1990), d’Oumou Touré (Promotion de la femme), d’Arouna Modibo Touré, dit « Papou » (Économie numérique et Communication) et de Taher Dravé, témoigne que « ce gouvernement est surtout constitué de proches du président et de son entourage », affirme, frustré, un ministre recalé de la nouvelle équipe. « La plupart des collaborateurs de la présidence, y compris le secrétaire général, Soumeylou Boubeye Maïga, ont été tenus à l’écart de la constitution de l’équipe. Résultat, on assiste à de nouveaux saucissonnages et à un « turnover » sans précédent, comme à la Défense ou à la Communication, qui connaissent leur 5è titulaire en moins de 4 ans ! », ajoute-t-il. Le principal enseignement à tirer de cette séquence serait « le manque de perméabilité du président IBK aux pressions politiques, et dont le mode de désignation aux hautes fonctions est davantage basé sur l’affectif et les liens personnels », estime un diplomate ouest-africain en poste à Bamako.

Dans ce contexte, avec une équipe qui porte très peu sa touche, Abdoulaye Idrissa Maïga aura-t-il les marges de manœuvre pour agir ? C’est la question sur toutes les lèvres. Gestion des grèves dans les hôpitaux et au niveau de l’éducation, insécurité, instabilité dans le centre du pays, crise du football malien, application de l’accord pour la paix, etc, les défis ne manquent pas. Connu pour sa pigne, voire son intransigeance, ce natif de Gao est déjà sous pression, car la réaction plus que mitigée de l’opinion publique à l’annonce du nouveau gouvernement laisse présager qu’il n’aura pas d’état de grâce. Le président IBK joue sans doute ses dernières cartes pour améliorer son bilan, et tenter de conjurer le mythe de Sisyphe.