Mossadeck Bally : « Ma vision, c’est d’étendre le groupe dans toute la Cedeao »

Né, il y a 55 ans au Niger de parents maliens, le fondateur et Président-directeur général du groupe Azalaï Hotels, première chaîne hôtelière de l’Afrique de l’Ouest, Mossadeck Bally est un homme d’affaires prospère. Muni d’un bagage académique acquis en France et aux États-Unis, notamment une maîtrise en gestion et finance de l’Université de San Francisco, celui qui n’était absolument pas destiné au métier, car issu d’une grande famille de commerçants, est aujourd’hui l’un des magnats de l’hôtellerie ouest-africaine. « Le commerce du négoce que j’exerçais n’apportait pas de vraie valeur ajoutée. J’ai cherché alors à diversifier mon activité, pensant au départ à une usine de jus de mangue au Mali, que j’ai abandonné par la suite », explique-t-il. Mossadeck Bally se lance finalement dans l’aventure de l’industrie hôtelière en 1993, en rachetant le Grand Hôtel de Bamako lors de sa privatisation. Il créé la Société malienne de promotion hôtelière (SMPH), qui deviendra le Groupe Azalaï Hotels. À travers ce groupe, l’ancien commerçant reconverti s’efforce de donner une vision sous-régionale et conquérante de « l’entreprise africaine ». Présent aujourd’hui au Mali (4 structures), en Guinée Bissau, au Burkina, au Bénin, en Mauritanie, il le sera bientôt en Côte-d’Ivoire, au Sénégal, en Guinée et au Niger. Avec 8 hôtels opérationnels, 788 chambres construites à la fin 2016 et un centre de formation, le groupe Azalaï Hotels continue son expansion sur le continent en privilégiant sa marque de fabrique : authenticité et charme 100% africain.

 

Traiteurs : service hôtelier à la carte

En moins de cinq années, le secteur, qui était essentiellement occupé par les hôtels, est passé en grande partie aux mains des restaurants, voire de particuliers, qui proposent des plats variés à des tarifs défiant toute concurrence. C’est en effet la question du coût qui a poussé les clients à se détourner des « hôtels sont trop chers et peu flexibles. On préfère alors se tourner vers les traiteurs, qui ont tout autant d’expérience et d’expertise et qui eux se plient en quatre pour nous satisfaire », explique la directrice d’une agence événementielle. Explication corroborée par Kaba Diouf, chef cuisinier et propriétaire de LaTaska Traiteur. « Comme moi, la plupart ont une vraie expérience de la restauration. Nous pouvons donc proposer des services de grande qualité, avec le même type de produits que dans les hôtels ».

Il n’est plus rare de voir désormais des événements où les organisateurs font appel à ces prestataires. « Nous pouvons servir de tout. Du plateau de crudités avec fruits de mer au basique riz au gras, tout dépend de la demande du client. Nous préparons les tables et faisons le service », explique Eve, restauratrice ivoirienne. De fait, la concurrence est de plus en plus rude, le nombre de structures allant en augmentant. « Nous offrons des garanties de salubrité que ne pourront jamais offrir ces prestataires », s’insurge le chef d’un grand hôtel de Bamako, sous couvert d’anonymat. Pour lui, la quête du « moins cher » peut s’avérer dangereuse pour le client. Faux, rétorque Kaba Diouf, qui assure que la plupart des acteurs du secteur ont à cœur la satisfaction de la clientèle.

 

Lieux de villégiature : le paradis intra muros

Que ce soit pour quelques heures de détente ou pour un week-end, les Bamakois ont désormais le choix entre de nombreuses adresses qui allient dépaysement et proximité. Plus besoin de parcourir des centaines de kilomètres pour tomber sur de beaux endroits.

À quelques kilomètres de Bamako, ou la frontière de la ville, ceux qui en ont les moyens peuvent se rendre au Campement Kangaba, au Badalodge ou encore au Domaine Kanu. Le premier, situé à 30 minutes de Bamako, est l’un des plus prisés avec son service de qualité en plein cœur de la nature sauvage. « Ça ressemble aux images qu’on voit des safaris au Kenya », s’extasie une cliente régulière du lieu. Le week-end ou les jours fériés, « j’adore aller là-bas. C’est très beau et ce n’est pas loin de Bamako. Je viens avec ma femme et mes enfants assez souvent et nous prenons la case familiale », se réjouit Ibrahim Diarra, un habitué. La clientèle se « nationalise » depuis quelques années, les expatriés se faisant rares du fait du classement « zone orange » du sud du Mali. « Il faudrait vraiment que le gouvernement impose aux Occidentaux de mettre le sud du pays en vert. C’est très important pour le tourisme », exhorte Hervé Depardieu, promoteur du Campement Kangaba.

À Kalabanbougou, à 15 minutes du centre ville de Bamako, le Badalodge est, depuis peu, devenu « the place to be ». Le cadre attire les Bamakois qui viennent découvrir le parc de plus d’un hectare, la piscine originale au bord du fleuve et des chambres de standing, tout comme au domaine Kanou, sur la route de Koulikoro après la commune de Moribabougou. Plus récent, il offre encore l’avantage d’être peu connu du grand public. À coté de ces endroits, d’autres sites plus intimistes comme la Villa Soudan ou l’Hôtel Badala, pour ne citer que ceux-la, offrent charme et qualité de service à une clientèle select. Car, pour profiter de ces coins de paradis, il faudra tout de même avoir garni son portefeuille, les tarifs étant « corrects mais élevés », comme le reconnait un promoteur.

 

 

3 questions à Sidi Keïta, directeur national du tourisme et de l’hôtellerie

Quelle est aujourd’hui la situation du secteur ?

Nous faisons face à une embellie observée au cours des deux dernières années. Le segment affaires évolue en dents de scie, mais il reste localisé sur Bamako et ce ne sont pas tous les établissements qui en profitent. Le segment loisirs, quant à lui, est en chute libre depuis 2011. La plupart des intermédiaires (agences de voyages, guides) ont périclité. Pourtant, les arrivées de touristes internationaux n’ont pas baissé, elles sont même en augmentation, mais les dépenses générées par ce flux ne sont pas à hauteur de souhaits.

Comment expliquez-vous cela ?

Du fait de l’émergence d’une autre offre qui est plus intéressante pour les visiteurs du Mali. Vous constaterez qu’il y a partout des appartements meublés en location. C’est une vraie difficulté pour l’industrie touristique. Parce qu’en plus, ces établissements fonctionnent dans l’illégalité et concurrencent les hôtels de façon déloyale. Nous en sommes conscients et avons entrepris des réflexions. Courant premier semestre 2017, nous entendons faire des propositions de mesures réglementaires.

Les zones nord et centre sont sinistrées. Y a-t-il des dispositions pour la relance ?

Nous sommes en train de préparer un plan d’urgence pour aider à atténuer les effets négatifs de la série de crises sur le secteur touristique. Aujourd’hui, la destination Mali reste chère. Il s’agira de faire en sorte que nos établissements puissent avoir des facilités pour recruter et investir davantage, mais surtout des opportunités pour rester sur le segment.

Secteur hôtelier : mi-figue, mi-raisin

L’hôtellerie malienne est un secteur où il est bien difficile de dresser un tableau uniformisé. Si le tourisme d’affaires (business et conférences) continue de se maintenir et a même connu un essor ces deux dernières années, les arrivées pour le secteur tourisme d’agrément (découverte, vacances) ne permettent plus aux acteurs d’avoir une activité rentable. Résultat : une « embellie » à Bamako et particulièrement dans les établissements de haut standing, tandis qu’à l’intérieur on ferme et licencie à tour de bras. Une situation à laquelle devrait s’attaquer la Direction nationale du tourisme et de l’hôtellerie (DNTH) où l’on fait de la relance du secteur, dans toutes ses composantes, un défi à relever.

Selon la DNTH, l’offre s’est accrue de 2,37% à l’échelle nationale, entre 2014 et 2015. Mais cet élan ne profite guère qu’à Bamako où le tourisme d’affaires booste une activité hôtelière marquée par la crise de 2011, après des enlèvements d’Occidentaux, jusqu’en 2013, après l’élection présidentielle. Depuis, les investissements se multiplient, particulièrement avec la perspective du Sommet Afrique-France que Bamako accueillera en janvier prochain. Un tour dans la capitale permet de voir ces chantiers dont celui du Sheraton, situé en face de la Cité administrative et à l’orée du quartier des affaires de l’ACI 2000. Bâti sur un terrain de 2,5 hectares, l’établissement de haut standing qui devrait être finalisé en juin 2017, comptera 200 chambres dont 25 suites présidentielles et, entres autres, une salle de conférence et un centre commercial. Le Malien Cessé Komé de Koira Investment, également propriétaire de l’Hôtel Radisson Blu Bamako, y aura investi la bagatelle de 60 millions de dollars. Quant à l’hôtel Afriqiyah du groupe libyen Laico, longtemps laissé à l’abandon, il devrait être fin prêt pour le sommet et augmentera la capacité d’accueil de Bamako de 120 chambres. L’Hôtel de l’Amitié, le premier 5 étoiles de Bamako, est en rénovation, après avoir été libéré par la MINUSMA qui l’occupait depuis 2013. Enfin, l’Hôtel Azalaï Salam est lui aussi en plein travaux d’agrandissement, au terme desquels, il devrait se doter de 70 chambres supplémentaires, dont des suites présidentielles et junior.

Développement inégal Sidi Keïta, Directeur national du tourisme et de l’hôtellerie, explique ce nouvel élan par la relance du tourisme d’affaires à destination du Mali. « Les visiteurs continuent de venir au Mali et particulièrement les opérateurs économiques. Cela permet de maintenir l’activité dans les hôtels de haut standing. Il faut noter cependant que les réceptifs moyen et bas de gamme ne profitent pas vraiment de cette embellie, qui est donc relative si on l’envisage du point de vue du secteur en général », affirme-t-il. En ce qui concerne le segment loisir, ce dernier est « en panne et ce sont surtout les intermédiaires qui en souffrent, puisque lorsqu’on vient pour une conférence on n’a pas nécessairement besoin d’accompagnateurs ». Si les « petits » hôtels de Bamako connaissent des difficultés, c’est aussi du fait de l’arrivée sur le marché d’un nouveau type d’hébergement : les meublés. Ils permettent aux visiteurs d’avoir des tarifs plus réduits pour un confort « acceptable », voire parfois haut de gamme. « Cette concurrence va nous achever », se plaint un gérant d’auberge à Faladiè. « Ils ne paient pas d’impôts, communiquent sur les réseaux sociaux, et font du chiffre tandis que nous attendons désespérément les clients qu’ils nous prennent », ajoute-t-il. C’est une difficulté pour l’industrie hôtelière classique, reconnait la DNTH qui travaille sur des mesures en vue d’intégrer ces acteurs dans le formel et mettre fin à la situation de concurrence déloyale.

Le nord sinistré Au centre et du nord du pays, point de concurrence, puisque les clients ne viennent tout simplement plus. Les quelques établissements encore ouverts sont en train de faire faillite. Alkoye Touré est propriétaire de l’Hôtel du Désert à Tombouctou. Il est amer face à la situation de son établissement, qui « accueillait surtout les touristes, et ça marchait, mais là avec le manque de visiteurs, nous sommes pratiquement à la rue. Il y a quelques hôtels qui arrivent à s’en sortir avec la clientèle de la MINUSMA et les ONG, mais cela ne maintient pas l’activité de tout le monde ». Selon notre interlocuteur, joint au téléphone, il existe 7 hôtels encore ouverts à Tombouctou dont deux ou trois qui reçoivent la MINUSMA, mais « ce marché va bientôt s’arrêter puisque la mission préfère loger les gens dans le camp. Alors, nous on ne fait plus rien, on n’a plus d’activité mais on ne veut pas lâcher. Donc, on s’efforce d’avoir de quoi payer les charges au moins, payer l’électricité pour la sécurité, arroser le gazon, mais ce n’est pas facile. Notre vingtaine d’employés est aujourd’hui au chômage », déplore M. Touré. Situation similaire à Douentza où Hama Ongoïba gère le Campement Dogon Aventure, créé en 2004. Son hôtel a été occupé et pillé par les djihadistes pendant la crise et depuis la libération de la ville, « on a pu rouvrir mais on survit difficilement. C’est parce qu’on ne veut pas fermer ». Essentiellement composée d’ONG, sa clientèle s’est encore plus raréfiée avec la recrudescence des attaques. « En dix jours, nous n’avons reçu que 5 personnes », se plaint Hama.

Plan de relance À entendre ces opérateurs, c’est surtout le manque de soutien de la part des autorités qui posent problème. « Nous n’avons reçu aucune aide du ministère, ils ne s’occupent même pas de nous. Mon hôtel a été le seul à être saccagé lors de la crise mais je n’ai même pas reçu la visite d’une autorité régionale de tutelle pour se rendre compte du préjudice que j’ai subi. Ne parlons pas de compensation, et ce n’est pas faute de requête », affirme Alkoye Touré. « L’avenir est sombre pour nous, très sombre », poursuit Hama Ongoïba, qui se sent « abandonné. Il faut que ces autorités qui sont absentes pour nous aujourd’hui nous viennent en aide ». Ce n’est pourtant pas le son de cloche au niveau de la DNTH. « Nous avons mené un travail qui nous a permis de poser un diagnostic du secteur, déterminer les établissements qui ont subi des dommages, ceux qu’il faut aider, et élaborer des mesures pour relancer le secteur et ce de Bamako à Kidal », explique le directeur national. Contenues dans un plan quinquennal qui sera bientôt lancé, ces dispositions devraient permettre de « travailler sur les infrastructures, dont plusieurs ne sont plus en activité. Certaines ont été saccagées pendant l’occupation ». Il assure que les premiers résultats de ces mesures seront visibles dans un proche avenir et que le secteur pourrait retrouver sa vitesse de croisière, voire mieux, à l’horizon 2020. « Nous attendons que la situation s’améliore pour que les gens reviennent. Parce que la demande est là, les touristes veulent venir au Mali. Il nous faut créer les conditions pour que cela se fasse ».