Sécurité : répondre à la menace

Au Mali, le défi sécuritaire reste un challenge important à relever sur l’ensemble du territoire. Depuis quelques mois, à Bamako, force est de constater que la situation sécuritaire a connu une nette amélioration. Une présence accrue des forces de police et des agents de sécurité, un renforcement des contrôles dans les bâtiments publics, les hôtels et les restaurants de la capitale y est notable. Mais si la situation semble s’améliorer, beaucoup reste à faire, dans la capitale comme dans le reste du pays.

Depuis quelques mois, ils sont de plus en plus présents dans l’espace public. Dans les supermarchés, à l’entrée des banques, devant le siège des grandes entreprises, devant les hôtels et restaurants huppés, aux carrefours de la capitale. Les fouilles et contrôle physique ou via des portiques de sécurité sont systématiques, les forces de police et les agents privés sont là en barrage, ou pour fournir un appui contre l’insécurité galopante qui s’est installée depuis quelques années.

Après le sommet Afrique-France qui accueillait une trentaine de chefs d’État dans la capitale malienne et qui a démontré la capacité du Mali à héberger pareil événement, le défi sécuritaire reste grand, mais le pays est néanmoins en marche pour tenter d’endiguer le banditisme et les attaques terroristes, contre les institutions de l’État, les forces militaires et les civils, devenues monnaie courante.

Défense nationale Si au Mali, une stratégie de réforme exhaustive de la sécurité est restée longtemps lettre morte, depuis quelques années et conformément à la Loi quinquennale d’orientation et de programmation militaire (LOPM), le pays est lancé dans le renforcement de son outil de défense. Les effectifs de l’armée nationale sont passés, en l’espace de 3 ans, de 8 200 soldats réguliers à environ 10 000 aujourd’hui, et une campagne de recrutement à été lancée, en janvier, par le ministère de la Défense afin d’enrôler 5 000 jeunes dans tout le pays et dans plusieurs corps de l’armée. Il s’agit ainsi de reconstituer une force nationale capable de défendre le territoire et de répondre aux menaces à l’intérieur, comme à l’extérieur du pays.

Ces militaires, formés par la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM Mali), ont déjà constitué huit bataillons de type GTIA (Groupement tactique interarmes) entraînés et prêt à être déployés sur différents théâtres d’opération. Les chefs militaires et les instructeurs de ces contingents sont actuellement en phase de formation, notamment en matière de commandement et de leadership, avec l’objectif que cette armée soit opérationnelle à l’horizon 2019.

Cette volonté affichée de renforcement du secteur de la défense et de la sécurité s’applique non seulement aux forces armées, mais aussi à la police, au niveau local et national, ainsi qu’aux services de douanes, avec l’objectif futur d’obtenir un service de sécurité de qualité assurant la protection physique, matérielle et morale des populations, ainsi que la souveraineté des institutions et du territoire. Principales difficultés auxquelles seront confrontées ces forces de sécurité : l’étendue du territoire et la guerre asymétrique menée par les assaillants, qui peuvent se fondre dans la population et traverser une frontière. Le pays est en marche mais la route pour parvenir à destination est encore longue.

L’essor de la sécurité privée Alors que le gouvernement s’attèle à renforcer les capacités de l’armée et des forces de l’ordre, la demande de sécurité est en augmentation au Mali. La progression du banditisme et du terrorisme ont favorisé l’explosion du secteur, qui affiche une croissance continue depuis plusieurs années avec une clientèle composée de particuliers, comme d’entreprises. « Le climat sécuritaire actuel est préoccupant et pour 2017 nous ne sommes pas à l’abri d’un autre attentat dans la capitale. Il est clair que cette prise de conscience profite aux affaires », indique ce patron d’une société de sécurité privée de la capitale.

 Le secteur de la sécurité privée, encore archaïque, a en moins de cinq années, connu un accroissement de ces acteurs qui dépasseraient aujourd’hui, selon une statistique non officielle, le nombre de 250. Ces sociétés commerciales, bénéficiant d’un agrément du ministre chargé de la Sécurité, sont régies par des règles propres. Elles proposent des prestations de surveillance, gardiennage, transport de fonds, et de protection des particuliers et des sociétés, et sont règlementées par la loi N° 96-020/AN dont le décret d’application date du 29 février 1996. Des sociétés comme Securicom, G4S, Axesm ou Mali Guard, entre autres, se sont imposées et se partagent ce marché porteur, essentiellement composé d’institutions bancaires, de grands groupes, de représentations d’organisations internationales, de commerces ou encore de particuliers.

Un nécessaire encadrement Néanmoins, ces sociétés qui peuvent s’avérer de précieux auxiliaires pour maintenir la sécurité à Bamako et qui jouent un rôle de service public, ont besoin de se professionnaliser. « Le secteur manque d’organisation. Au niveau de l’État, il n’y a pas d’homologation, les niveaux de paie sont insuffisants et la formation n’est pas satisfaisante », résume cet ex-colonel de l’armée qui travaille dans la sécurité privée depuis 5 ans et regrette que le secteur ne soit pas plus encadré.

Concédé par l’État aux privés pour répondre au besoin de sécurité, le secteur est encore majoritairement informel et non professionnel. La plupart des agents qui travaillent pour ces sociétés n’ont pas de réelles aptitudes pour ce travail et ne sont pas armés pour faire face à toutes les menaces. « J’utilise des gendarmes qui sont armés pour la surveillance de sites sensibles, notamment en cas d’interventions. Certaines sociétés comme Securicom font appel à des policiers, car nous ne pouvons nous permettre de confier des armes à des agents qui manquent de formation », explique ce consultant en sécurité de la place. Cette absence de véritable contrôle de la profession met ces agents en danger et encourage les dérives, notamment salariales.

Malgré tout, en complément des forces conventionnelles, ces compagnies privées qui continuent à se multiplier dans ce nouveau marché concurrentiel, jouent leur partition et se démarquent en diversifiant leur offre de services : géolocalisation, vidéosurveillance, audit de sécurité, sécurisation d’événements, etc., prouvant s’il en était encore besoin, que le secteur de la sécurité a encore de beaux jours devant lui.

 

 

Insécurité : Bamako « ville dangereuse » ?

En une semaine, pas moins de trois attaques à main armée se sont déroulées à Bamako et dans sa périphérie. Même si les braquages ne sont pas une nouveauté pour les Bamakois, la violence des derniers en date a augmenté l’inquiétude et pose de nombreuses questions.

Des coups de feu en pleine journée, au centre ville de Bamako. Le spectacle auxquels ont assisté, médusés, les témoins du braquage du 27 octobre dernier devant le siège d’Ecobank, où un client a reçu plusieurs balles avant d’être dépouillé, est une nouveauté à Bamako. Plutôt habitués à des vols de motos ou des cambriolages, les Bamakois assistent depuis quelques années à l’émergence de la « grande criminalité » : braquages violents, tentatives d’assassinats, et même kidnappings ! Autant d’actes qui appartenaient plus à la réalité cinématographique qu’à un vécu et qui, pourtant, deviennent quasi quotidiens.

Pour Karim Ag Agaly Cissé, étudiant malien vivant en France, « toutes ces attaques sont le signe que la ville commence à devenir une ville d’insécurité, de même que les grandes villes du monde, caractérisées par le grand banditisme ». Pour lui, « le système sécuritaire n’est pas efficace. Il faudrait le renforcer, l’élargir ». Cet avis est partagé par Bourahima Sacko, commerçant. « Il faut savoir prévenir ce genre d’attaques. Or, ce n’est qu’après que les autorités commencent la chasse à l’homme », regrette-t-il.

Banditisme vs Terrorisme La chasse à l’homme a en effet été lancée, comme l’a assuré le directeur général de la Police nationale, au lendemain de l’agression devant Ecobank. Moussa Ag Infahi a tenté de rassurer le public, demandant de ne pas faire l’amalgame entre terrorisme et banditisme. « Nous vérifions parce que, aujourd’hui, nous connaissons des groupes de braqueurs, nous connaissons des multirécidivistes, des repris de justice. Nous sommes en train de faire la part des choses », a-t-il déclaré.

Malgré leur semblant d’insouciance, les Maliens vivent en effet dans la psychose des attaques terroristes. Il convient cependant de faire la différence entre cette menace sans visage et les criminels qui semblent avoir trouvé un milieu favorable pour accomplir leurs délits dans la capitale malienne. « Ce qui est problématique, ce n’est pas l’insécurité, c’est l’impunité », déclarait l’éditorialiste Adam Thiam sur le plateau du Débat du dimanche d’Africable. C’est l’avis le plus répandu dans l’opinion publique, qui estime que rien n’est fait pour décourager ces actes dont les coupables ne sont presque jamais appréhendés, qu’ils soient commis au nord du pays (coupeurs de route, braqueurs), ou dans le sud.