G5 Sahel : Michel Goya, « La vraie question, c’est l’articulation avec les autres forces »

 

La force conjointe du G5 Sahel devrait être opérationnelle à l’automne prochain, bien que son financement soit loin d’être bouclé et que plusieurs questions subsistent quant à son mandat et son opérationnalisation. Michel Goya, stratégiste, analyste et historien militaire, ancien officier dans l’armée de terre française, breveté de l’Ecole de guerre, analyse pour le Journal du Mali cette nouvelle force inter-africaine qui devra combattre le terrorisme dans les cinq pays du Sahel.

La force conjointe du G5 ne dispose ni des fonds ni de l’équipement nécessaire à son fonctionnement. Son opérationnalisation est-elle possible pour l’automne prochain ?

L’opération Barkhane,  4 000 soldats sur l’ensemble des pays du G5 Sahel, coûte entre 500 et 600 millions d’euros par an. C’est autant que les budgets de défense des pays du G5 du Sahel réunis. Le fonctionnement d’un équivalent africain, même doté de moyens moins sophistiqués, ne peut pas être financé par ces Etats. Il faudra trouver les financements adéquats auprès de donateurs comme des organisations régionales ou des nations comme la France ou les Etats-Unis. C’est un processus long et complexe, par ailleurs régulièrement remis en question. Le financement est toujours le talon d’Achille de toutes les forces inter-africaines. Il est probable qu’il en sera de même cette fois d’autant plus qu’on ne connaît pas très bien le mandat de la nouvelle force, ce qui rend plus difficile la justification des aides. La force sera officiellement qualifiée d’opérationnelle à l’automne mais il est peu probable qu’elle le soit pleinement.

Comment cette force militaire devrait-elle être équipée et organisée pour bien fonctionner ?

Une force militaire n’est pas un objectif en soi mais un instrument au service d’une stratégie. Or, on ne sait pas très bien en réalité à quoi va servir cette force. S’agit-il d’une force d’appoint ou de substitution à Barkhane ? La France a-t-elle poussé à sa création pour augmenter l’efficacité générale de la lutte contre les organisations djihadistes ou simplement pour se dégager ? Une force de 5 000 hommes, voire de 10 000, comme on l’évoque à terme pour l’ensemble du Sahel, ne peut être qu’une force d’intervention. Elle doit disposer d’un état-major, de renseignements, de moyens aériens, terrestres et de transport. Surtout, elle doit disposer de troupes et là on ne sait pas très bien qui va les fournir. S’il s’agit de troupes nouvelles, il faudra un effort conséquent de formation et d’équipement dans des pays dont les forces armées sont déjà en flux tendus. Si ce sont, plus probablement, des forces déjà existantes, on ne voit pas très bien la différence avec la situation actuelle, les forces des pays du G5 Sahel étant déjà régulièrement engagées ensemble et avec les forces françaises pour lutter contre les groupes djihadistes.

Ces armées africaines pourront-elles facilement travailler ensemble ?

Elles travaillent déjà ensemble. On a même déjà une bonne expérience de l’emploi de forces interafricaines, régionales ou sous mandat de l’ONU. La force d’intervention conjointe multinationale qui regroupe des unités béninoises, camerounaises, nigériennes, nigérianes et tchadiennes pour lutter contre Boko Haram est très efficace. La difficulté pour coordonner l’action de différentes armées est technique. Il faudra donc un état-major commun qui est prévu pour être installé en position centrale, à Sévaré au Mali, et des moyens de communication communs, un des points faibles habituels des forces africaines. Il faut également une doctrine commune d’emploi des forces et un minimum de cohérence opérationnelle, en plus de la confiance mutuelle.

Quels sont les grands défis qui attendent cette force conjointe du G5 Sahel ?

Le défi tactique consiste à empêcher les groupes djihadistes de constituer des bases ou d’évoluer en forces importantes à l’intérieur du G5 Sahel. La menace, sans être éradiquée, sera ainsi maintenue à un niveau qui pourra être traité par d’autres forces et par d’autres services, la force de ces groupes n’étant pas seulement militaire. La vraie question, c’est l’articulation avec les autres forces présentes dans la zone, comme la MINUSMA, à laquelle elle pourra peut-être se substituer efficacement en récupérant les crédits qui y sont consacrés et un certain nombre de moyens, et surtout la force française Barkhane. Dans l’idéal, on pourrait envisager une fusion avec un commandement commun mais qui ne soit pas un subterfuge de la France pour se désengager.

 

 

 

Otages au Sahel : Négociation mode d’emploi

Le 1er juillet 2017, Nusrat Al Islam publiait une vidéo montrant six otages, dont l’humanitaire française de Gao, Sophie Pétronin, appelant les gouvernements des pays de ces ressortissants étrangers à œuvrer à leur libération. Si, officiellement, ces États affirment toujours ne jamais transiger avec les terroristes, des négociations secrètes, avec de nombreux intermédiaires sont souvent initiées, pour, avec du temps et beaucoup d’argent, tenter de faire libérer les captifs.

  « Ce sont des terroristes, des voyous et des assassins […]. Nous mettrons toute notre énergie à les éradiquer », assenait Emmanuel Macron le week-end dernier à Bamako, qualifiant ainsi les ravisseurs de Sophie Pétronin, l’otage française détenue avec 5 autres par AQMI et ses « associés », quelque part dans l’immensité du désert sahélien. Dans une vidéo publiée par le groupe djihadiste le 1er juillet dernier, la Française, coiffée d’un foulard vert, les traits tirés, enjoignait d’une voix monocorde le président français à faire son possible pour la faire libérer.

« Ils exhibent leurs otages pour attirer l’attention des gouvernements et de leurs populations. Les Français par exemple mettront ainsi la pression sur Macron. Pour eux, les otages, ce sont comme des produits mis aux enchères, une vitrine, un atout pour faire chanter un État et qui peut rapporter gros, environ 5 millions d’euros par tête », décrypte un officier touareg très au fait de l’activité terroriste régionale, qui considère que cette vidéo est aussi un camouflet pour les gouvernements et leurs services de renseignements, incapables après des mois voire des années de débusquer ces groupes et de retrouver leurs ressortissants.

Si cette vidéo apporte une preuve de vie des otages, elle n’éclaire en rien sur les revendications proprement dites des ravisseurs. Un homme au visage couvert fait néanmoins, dans la vidéo, référence à de précédentes libérations d’otages et prévient que d’autres dépendront de la volonté politique de leurs gouvernements respectifs. Un appel du pied à peine voilé à ces gouvernements pour prendre contact et négocier le sort des détenus, si toutefois négociations il y aura.

 Source de revenus Bâtir un réseau fiable de négociations avec les ravisseurs dépend d’un seul critère, la confiance. « Les ravisseurs vous acceptent lorsque vous êtes introduits auprès d’eux par une ou plusieurs personnes auxquelles ils font confiance. Votre origine importe peu, il faut surtout être de bonne foi, ne jamais mentir, ne jamais promettre ce que vous ne pourrez pas réaliser. De toute façon, vous gagnerez leur confiance définitivement une fois que les négociations auront abouti », explique cette source qui a déjà « facilité » la libération d’otages au Sahel. « Durant toutes les tractations, ils assurent le minimum pour que les otages restent en vie. En dehors de cela ils n’ont pas une grande considération pour leurs détenus », poursuit-elle. Les transactions peuvent concerner la libération de prisonniers ou de très importantes sommes d’argent, et les négociations peuvent durer longtemps, car les exigences des ravisseurs sont souvent difficiles, voire impossibles à satisfaire. « Les sommes versées aux ravisseurs, telles que rapportées par les médias, paraissent importantes mais ne constituent pas la partie vitale de l’entretien d’une katiba, qui est composée de plusieurs cercles. Ces groupes sont nombreux à se partager ces sommes et il ne faut pas oublier non plus que la vie dans le désert coûte très cher », ajoute la même source.

L’argent des rançons sert généralement à acheter des armes, de l’essence et de la nourriture, ainsi qu’à assurer la sécurité de ces groupes qui vivent dans la clandestinité. Une sorte de forfait d’existence prolongée pour une période indéterminée. « Les rançons, qui financent ces groupes radicaux et dangereux, c’est un moyen efficace de faire perdurer les djihadistes chez nous », lâche ce combattant du MNLA, qui voit aussi dans la lutte contre le terrorisme en Afrique une guerre par procuration de l’Europe.

Alors, négocier ou éradiquer ? La sortie du Président Macron, dimanche 2 juillet, pourrait être un élément de réponse, conforme à la règle française qui est de ne pas négocier avec les terroristes. Mais après la détermination et les coups de menton médiatiques, reste la realpolitik, où il en est souvent autrement. « Ce qui se passera, je l’ignore, mais je suppose que, soucieux de la situation pénible dans laquelle se retrouve l’une de ses citoyennes, l’État français tentera d’y trouver une solution… », conclut, sibyllin, cet ancien intermédiaire, sous anonymat.

Forsat : « Nous ne reculons pas »

Le commandant C. de la Forsat – police (Force spéciale antiterroriste) a le palmarès d’un chef de guerre. Après avoir été garde du corps, passé des années dans la police puis au GIPN (Groupe d’intervention de la police nationale), l’homme ne manque pas de bravoure. Cinq jours après l’assaut qu’il a mené avec la Forsat au campement Kangaba pour libérer des dizaines d’otages et neutraliser 4 terroristes, ce membre du groupe d’intervention aussi discret qu’efficace, dont la devise est « Conserver et maintenir la loi », a exposé, sans gilet pare-balles, au Journal du Mali, le fonctionnement de cette force spéciale qui lutte contre la menace terroriste, et a livré des précisions sur la récente intervention de la force, lors de l’attaque du campement Kangaba, revendiquée par Nusrat al-Islam et qui a fait 5 victimes. Interview exclusive.

 Qu’est-ce qui a motivé la création de la Forsat et quelles sont les missions et les spécificités de cette force ?

La Forsat existe depuis bientôt 1 an. Notre mission spécifique est l’antiterrorisme. Toutes les formations, tous les entraînements que nous faisons aujourd’hui se concentrent sur le terrorisme. Il y a la BAC (Brigade anti criminalité – ndlr), le GIPN, le PIGN (Peloton d’intervention de la gendarmerie nationale – ndlr) et le GIGN (Groupe d’intervention de la garde nationale – ndlr), des forces anti-gang contre le banditisme mais il n’y avait pas de force spécialisée dans la lutte antiterroriste. La Forsat est la première unité entièrement consacrée à cela. L’attaque du Radisson Blu a été une première pour tous ces corps d’intervention, car c’était la première fois que nous étions confrontés à une attaque terroriste en plein cœur de Bamako. Cela a été en quelque sorte une épreuve du feu.

 Cette force a-t-elle aussi comme mission de frapper les terroristes en profondeur, éliminer les racines, à savoir la contrebande, le trafic humain et les trafics d’armes et de drogue ?

Bien sûr. Ce qui est perceptible par la population ce sont les coups de feu, mais derrière, il y a toute une structure qui est là pour détecter comme le CENTIF (Cellule nationale de traitement des informations financières), avec qui nous travaillons. Si une information au niveau financier tombe, nous sommes alertés pour que nous puissions faire des investigations. Ce sont des processus d’enquête que nous sommes en train de développer au niveau des Forsat et que nous allons améliorer. Mais oui, cela fait partie de nos missions.

 Le périmètre d’action de cette force est-il cantonné à Bamako et ses alentours ?

La Forsat a vocation à intervenir partout sur le territoire malien. Dernièrement nous étions dans la région de Mopti, lors de l’attaque de l’hôtel de Sévaré. Là-bas, nos unités sont intervenues avec la gendarmerie. Notre périmètre d’action est élargi à l’ensemble du territoire malien.

Quels sont les critères et épreuves pour intégrer cette force ?

Les recrues sont testées physiquement, psychologiquement et techniquement. Nous sommes épaulés dans cette sélection par nos partenaires comme Eucap Sahel, l’ambassade de France et les Américains, qui nous ont aidé à établir des programmes de test efficaces pour filtrer ceux qui veulent intégrer la Forsat et ne retenir que les meilleurs. Mais être recruté ne garantit pas de rester à la Forsat. Vous êtes sélectionnés et au cours des formations que nous imposons aux nouvelles recrues, si elles se montrent défaillantes, on les écarte. De même, si une recrue a toutes les capacités physiques demandées mais qu’elle a peur des coups de feu ou a un mauvais comportement sous une fusillade adverse, nous l’écartons, car nous faisons souvent face aux tirs nourris de l’ennemi et il faut pouvoir riposter. Les membres de la Forsat sont régulièrement testés pour être au top.

Donc les unités de la Forsat qui partent au feu ne connaissent pas la peur ?

Non, nous faisons face et nous ne reculons pas.

Les Forsat s’entraîne quotidiennement pour être au top. Photo: DGPN

Qui assure la formation des Forsat ?

Le RAID (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion – ndlr), l’unité d’élite française de la police, est en collaboration avec l’unité Forsat-police et nos forces suivent le programme SPEAR (Accroissement de la capacité de réponse – ndlr) de lutte antiterroriste, initié par le gouvernement des États-Unis. Ce qui nous amène à travailler en symbiose pour que chacun bénéficie de l’expérience de l’autre, donc au niveau des Forsat tout le monde a le même niveau de connaissance.

Comment est composée une unité Forsat ?

Une unité de la Forsat se compose généralement de 3 à 10 personnes. On y trouve des snipers, des tireurs d’élite formés uniquement pour les tirs de précision, des agents d’infiltration qui sont chargés de s’infiltrer pour la collecte de renseignement. Au campement Kangaba, quand nous sommes arrivés, nous n’étions que peu informés de la situation et il a fallu gérer. C’est le renseignement qui nous a permis de savoir s’il n’y avait pas d’obstacle entre l’entrée principale et la colline où les assaillants se trouvaient. Ces renseignements nous ont permis de monter sur la colline et d’en occuper les flancs, d’évoluer sur le terrain et de nous réorganiser pour faire face à l’ennemi. Nous avons des opérateurs, des communicateurs et aussi des techniciens qui facilitent notre progression tactique. Une unité Forsat, c’est un groupe de spécialistes dans leur domaine qui évoluent ensemble.

Photo : Emmanuel Daou Bakary/JDM

Quand la Forsat est amenée à intervenir, est-elle là pour arrêter ou tuer les terroristes ?

La mission primordiale pour nous c’est de tuer. Quand nous nous déplaçons, l’objectif est de neutraliser la menace, neutraliser voulant dire tuer. Le fait qu’on nous appelle veut dire que l’ennemi à déjà commencé à faire des victimes. C’est clair dans notre tête avant notre arrivée. Maintenant dans certains cas, comme un forcené qui prend par exemple sa famille en otage ou un terroriste qui a des revendications comme la libération de camarades et qui n’est pas là pour mourir au combat, nous pouvons entamer des négociations avec ces personnes via nos négociateurs. Nous avons un officier de renseignement en civil, généralement le premier sur zone, qui collecte et recoupe toutes les informations. Il nous informe si les preneurs d’otages sont en mesure de rentrer en contact avec nous. Mais une fois ce contact établi, ce même officier de renseignement nous permet de mettre en place nos snipers car ses renseignements sont précieux pour les positionner efficacement. Après nous constituons une équipe d’approche pendant la négociation pour pouvoir apprécier ce que fait l’ennemi . Comme dit le proverbe, « la confiance n’exclut pas le contrôle ». Mais si le terroriste tue un otage pendant la négociation, là nous cessons tout contact et nous intervenons pour le neutraliser.

Dans le cas de l’attaque du campement Kangaba, y a-t-il eu négociation avec les assaillants ?

Nous avons été accueilli par des coups de feu, donc il n’y avait pas lieu de discuter ou de négocier.

Comment avez-vous été alerté de l’attaque du campement Kangaba et en combien de temps êtes-vous arrivés sur zone ?

Nous avons été alertés sur nos talkies qu’il y avait tout d’abord une attaque de bandits au niveau du campement Kangaba. Nous avons donc demandé à nos équipes de se tenir prêtes et nous sommes restés sur le qui-vive. Dix minutes plus tard, on nous a confirmé que les coups de feu ne s’arrêtaient pas. Nous avons considéré que cela dépassait le seuil du grand banditisme et nous avons mis en branle les équipes. Malgré les difficultés de circulation nous sommes arrivés environ trente minutes plus tard, juste un peu après la Forsat-gendarmerie, car nous sommes en centre-ville. En moins de 40 minutes, les 3 corps de la Forsat étaient en débriefing face à la situation.

Photo : Emmanuel Daou Bakary/JDM
Quelle était la situation sur place ?

Quand nous sommes arrivés, on entendait tirer d’un peu partout. La difficulté était de localiser les tireurs, ce que nous sommes parvenus à faire. Les renseignements issus du terrain nous disaient qu’ils étaient très nombreux. Ensuite ça s’est réduit à 5, puis à 6, les versions divergeaient. Nos collègues de la BAC ont retrouvé le fusil d’un des assaillants. C’est lorsque nous avons établi la stratégie opérationnelle pour localiser les tireurs, qu’on a compris qu’il y avait deux points de départ des tirs, puis il y en a eu trois et enfin un quatrième, caché. Deux tireurs se trouvaient sur la colline au niveau de la piscine et deux autres étaient dans les ravins un peu derrière, en attente de notre passage.

Comment s’est déroulé l’assaut ?

Nos renseignements nous disaient que les assaillants étaient montés sur la colline, donc nous avons envoyé des équipes qui sont parvenues à exfiltrer pas mal de clients de l’établissement. Pendant qu’une équipe les exfiltrait, une autre équipe progressait pour tenter de localiser le danger. Notre objectif était d’exfiltrer le plus de personnes possible pour qu’il y ait le moins de victimes, alors qu’eux, au niveau de la piscine, voulaient faire un maximum de victime, et tiraient sur les gens qui couraient pour fuir. Il fallait arrêter cette hémorragie et ensuite parvenir à les neutraliser. Nous avons demandé à notre point focal au ministère de la Sécurité qui coordonne les opérations et qui est informé en temps réel, d’intervenir immédiatement, parce que les coups de feu ne s’arrêtaient pas et la vie des gens étaient en danger. Sous son autorité, qui émane directement de celle du ministre, nous avons donné l’assaut. Le premier assaut a été donné vers 18h pour les bousculer et estimer le nombre de tireurs car nous avons des gens qui pendant l’assaut sont chargés de localiser leur position. L’un avait perdu son fusil que la BAC a récupéré. Il restait à savoir s’il avait une autre arme et localiser les autres.

Le sommet de la colline du campement qui abritait une terrasse et un bar a été considérablement dévasté. Que s’est-il passé ? Les terroristes ou vos forces ont-elles  fait usage d’explosifs ?

Les assaillants nous ont imposés un combat de nuit. Il y a eu un premier feu vers le crépuscule déclenché par les assaillants pour faire de la fumée et s’échapper. Ils ne voulaient pas mourir avant d’engager le combat avec nous. La nuit tombant, le combat était tellement engagé, de manière si difficile, qu’il nous fallait « allumer », pour éclairer la zone et pouvoir opérer, donc faire flamber des choses. Nous avons les moyens de mettre le feu et on en a fait assez pour pouvoir se faire de la lumière et permettre à nos équipes de progresser. Ça été un facteur décisif pour les mettre hors d’état de nuire, surtout pour la dernière personne qui était très mobile. Elle a voulu fuir vers les collines mais s’est accrochée avec une de nos équipes en attente de l’autre côté de la colline, qui a pu le neutraliser. Au terme des combats, nous avons abattus 4 assaillants et nous avons appris dans la foulée qu’un suspect avait été appréhendé dans un village un peu plus loin par la population, qui l’a conduit à la gendarmerie. Nous ne savons pas s’il faisait partie du groupe. À 3h du matin, tout était fini. À 3h moins le quart, on a fait entrer les autorités, le juge antiterroriste pour lui montrer un premier corps, les autres dans les rochers étaient difficilement accessibles.

Une partie de la terrasse au sommet de la colline au campement Kangaba, au lendemain des combats. Photo :Olivier Dubois/JDM

Quelles difficultés particulières présentait une intervention sur le site du campement Kangaba ?

Nous sommes entraînés à évoluer sur différents types de terrains. La difficulté pour le campement Kangaba c’est que c’était la première fois que nous combattions dans la nuit noire. On avait de la lumière mais on ne pouvait pas se permettre de se faire repérer. Le terrain là-bas est difficile, mais nous sommes formés pour ça. De plus, il y a des cases qui sont un peu cachées dans la forêt. Nous sommes parvenus à toutes les fouiller avant le crépuscule et à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’infiltration. Pour opérer, il fallait que le terrain soit clair. Nous ne connaissions que peu les lieux. Une personne du campement nous a fait la description des deux piscines sur la colline et du bar en haut et de l’état du terrain, ce qui nous a donné une idée de ce qui nous attendait.

À quoi tient l’efficacité de l’approche antiterroriste malienne ? 

Toute bonne unité est à l’image de son chef et nous sommes à l’image de notre ministre. C’est quelqu’un qui a la capacité d’écouter ses hommes. Nous sommes à son service et au service de l’État mais lui est à notre service aussi. Son comportement avec les équipes c’est comme quelqu’un qui donne des petites claques à un autre qui veut somnoler. Nous sommes à l’image du ministre.

Photo : DGPN

Plus d’un an et demi après l’attentat du Radisson Blu qui a déclenché la création de la Forsat, est-ce qu’un nouvel attentat de grande ampleur est toujours redouté, envisagé à Bamako ?

C’est possible, car dans le pays où il y a cette guerre qu’on nous impose contre le terrorisme, aucune partie du pays n’est épargnée et nous nous attendons à tout moment à une attaque d’ampleur. Nous nous préparons à ça. Voilà pourquoi la pérennisation d’une équipe comme la Forsat est obligatoire.

Comment analysez-vous les évènements terroristes au Mali ?

C’est un jeu d’intérêt. Un terroriste n’est certainement pas Dieu. Dans le Nord du Mali, il y a beaucoup de passages et de trafics pour la drogue. Je n’ai jamais entendu un groupe terroriste s’opposer à ces trafics. Les vrais musulmans ne sont pas pour la guerre. Un vrai musulman contribue à vivre en harmonie avec les autres, avec son prochain, et prie Dieu pour qu’il puisse amener la paix dans le pays. Mais ceux-là veulent nous imposer leur guerre, ne disent pas non à la drogue, donc ce sont des jeux d’intérêt.

En dehors des interventions, qu’est-ce qui est fait pour lutter contre le terrorisme au Mali ?

La sensibilisation contre le terrorisme est régulière. Cette sensibilisation doit aller de pair avec le développement socio-culturel et économique du pays. Aujourd’hui l’État est en train de tout mettre en œuvre pour développer des secteurs qui peuvent être des facteurs de développement. Pour ce que je sais, c’est la couche vulnérable qui est touchée. Je ne connais pas un leader terroriste, un leader-bandit comme je le dis, qui a son fils, sa femme, engagé dans les guerres pour aller se faire exploser publiquement. C’est la couche vulnérable qui est exploitée, le développement pourrait amoindrir ce nouveau fléau qu’on nous impose et qu’on impose aujourd’hui à tous les pays.

 

 

Qatar : Plier ou s’isoler

Deux semaines après le sommet de Riyad au cours duquel Donald Trump avait désigné l’Iran et l’État islamique comme le nouvel « axe du mal », l’Arabie saoudite, les Émirats arabes

unis, Bahreïn, le Yémen et l’Égypte ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, accusé de complaisance avec l’Iran et de soutien au terrorisme. Riyad a annoncé la fermeture de toutes ses frontières avec le Qatar qui a également été exclu de la coalition militaire arabe au Yémen, sous commandement saoudien. Alors que le monde s’interroge sur la véritable raison du boycott et de cette tentative d’asphyxie de cet acteur important de la région, les contrecoups de cette guerre diplomatique ont été immédiats. Les habitants du Qatar ont déferlés dans les magasins pour acheter des produits de première nécessité. Le pays en important la totalité, essentiellement par la frontière saoudienne, ses réserves devraient s’épuiser rapidement.

Cette crise, est la plus grave frappant le Conseil de coopération du Golfe (CCG), depuis sa création en 1981. Le 23 mai dernier, la tension était montée d’un cran quand le Qatar avait annoncé que son agence de presse avait été piratée et qu’un faux communiqué attribué à l’émir avait été diffusé, affirmant que son pays préférait maintenir ses liens avec les pays voisins, dont l’Iran, soutenant également le Hamas et le Hezbollah. Contrairement à la plupart des pays du Golfe, le Qatar n’a jamais affiché d’hostilité à l’égard de l’Iran, avec lequel il partage un immense champ gazier dans les eaux du golfe persique. Mardi 6 juin, le Koweit qui, avec le sultanat d’Oman, a conservé une position neutre dans ce conflit, a proposé ses services pour une médiation que le Qatar a accepté.

La crise diplomatique autour du Qatar a gagné auusi l’Afrique où plusieurs pays du continent ont, à leur tour, pris position. La Mauritanie mardi 6 juin, puis les Comores mercredi ont rompu leurs relations diplomatiques avec Doha. Le gouvernement sénégalais, solidaire de l’Arabie saoudite, a rappelé son ambassadeur au Qatar, mercredi. Idem du côté du Tchad, jeudi 8 juin. Dans le même esprit, Djibouti a décidé de réduire sa représentation diplomatique dans l’émirat. Le Gabon appuie, lui aussi la décision de l’Arabie saoudite et condamne les liens du Qatar avec le terrorisme

Ce vendredi, l’Arabie saoudite et ses alliés, qui ont rompu leurs relations ont publié une liste de personnes et organisations qui seraient liées à des activités «terroristes» soutenues, selon eux, par le Qatar. Les quatre pays ont répertorié sur cette liste 59 personnes et 12 entités. Ils affirment, dans un communiqué, qu’ils «ne ménageront pas leurs efforts» pour les pourchasser.

Les personnes et les organisations figurant sur cette liste «sont liées au Qatar et sont au service d’un programme politique suspect du Qatar», indique le communiqué commun de l’Arabie saoudite, des Emirats et de Bahreïn, pays du Golfe voisins du Qatar, ainsi que de l’Egypte.

Cette liste contient au moins deux noms, déjà cités au plan international, comme étant des financiers du terrorisme et contre lesquels le Qatar a pris des mesures, selon un récent rapport du département d’état américain.

Cette guerre diplomatique entre le Qatar est ses désormais ennemis déclarés, est clairement à l’avantage de Riyad et de ses alliés, poussant la petite monarchie à faire un choix : plier ou s’isoler.

Téhéran : Le Parlement iranien et le mausolée de Khomeiny frappés par les terroristes

Deux attaques simultanées ont eu lieu à Téhéran, en Iran, ce mercredi 7 juin dans la matinée, causant la mort d’au moins trois personnes. Une fusillade a éclaté à l’intérieur du Parlement avant qu’un homme s’y fasse exploser, tandis qu’un autre attentat-suicide a eu lieu au mausolée de l’imam Khomeiny, père fondateur de la République islamique d’Iran. Les deux bâtiments sont distants d’une vingtaine de kilomètres.

Le groupe État islamique a revendiqué les deux attaques dans un communiqué via son agence Amaq.

 

#Iran l’#EI revendique les attaques de #Téhéran contre le parlement et le mausolée Kgomeini pic.twitter.com/CbQ9HbGjga

— Wassim Nasr (@SimNasr) 7 juin 2017

Dans l’enceinte du Parlement iranien, quatre hommes armés ont ouvert le feu faisant au moins huit blessés dont un agent de sécurité, selon les agences Isna et Fars. Des forces de sécurité ont désamorcé une bombe.

 

People gather outside Iran Parliament in central Tehran after the shooting incident #tehranshooting pic.twitter.com/OGZ90zchZS

— Press TV (@PressTV) 7 juin 2017

« Les gens se regroupent devant le Parlement iranien dans le centre de Téhéran après la fusillade »

NOW, near Iran’s parliament pic.twitter.com/1zkETaQQEU

— Sobhan Hassanvand (@Hassanvand) 7 juin 2017

« À l’instant, devant le Parlement iranien »

Selon certains médias iraniens, les forces de l’ordre ont donné l’assaut contre les « terroristes » retranchés dans les étages supérieurs d’un bâtiment du Parlement où les députés ont néanmoins continué leur session, menée par le président du Parlement Ali Larijani.

 

La tv d’état a fait un petit écran pour montrer que la session au Parlement se déroule normalement malgré fusillade en cours #TehranAttacks pic.twitter.com/szjNBtVhW1

— Mariam Pirzadeh (@mapirzadeh) 7 juin 2017

Reuters Photographer / Reuters
Un policier iranien à la fenêtre du bâtiment du Parlement iranien pendant la fusillade, le 7 juin.

L’un des assaillants est à un moment sorti dans l’avenue qui passe près de la chambre des députés et a tiré sur les passants. Les forces de sécurité ont tiré sur lui, le forçant à retourner à l’intérieur de l’enceinte du Parlement.

L’un des assaillants s’est ensuite fait exploser au quatrième étage d’un bâtiment du Parlement, a indiqué la télévision d’État iranienne.

Un troisième attentat était prévu

Des coups de feu ont par ailleurs été tirés dans le mausolée de Khomeiny, dans le sud de Téhéran. « Trois ou quatre » assaillants ont mené l’attaque, selon un responsable du mausolée, qui a indiqué qu’il y avait au moins un mort, un jardinier.

Deux personnes se sont ensuite fait exploser, dont une femme à l’extérieur du bâtiment.

 

#Iran photo de l’explosion du kamikaze au mausolée #Khomeini pic.twitter.com/g0iHa0u0cK

— Wassim Nasr (@SimNasr) 7 juin 2017

Selon le ministère des Renseignements, un autre groupe de « terroristes » a été neutralisé à Téhéran avant de pouvoir passer à l’action. Une réunion d’urgence du conseil national de sécurité a été convoquée par le ministre de l’Intérieur Abdolreza Rahmani Fazli, selon l’agence de presse Isna.

En mars dernier, l’EI a publié une vidéo de menaces en persan contre l’Iran, affirmant qu’il allait « conquérir » ce pays chiite pour « le rendre à la nation musulmane sunnite » et qu’il allait provoquer un bain de sang chez les chiites.

 

#Irak l’#EI #Dyala diffuse une vid contre l’#Iran avec bcp de rapl historique & apl aux sunnites iraniens à prendre les armes //unité perse pic.twitter.com/erb4eUZHq2

— Wassim Nasr (@SimNasr) 26 mars 2017

 

PT tous les jihadistes #EI s’expriment en farsi et le reste est traduit en farsi pic.twitter.com/TClLOveeOl

— Wassim Nasr (@SimNasr) 26 mars 2017

Ces dernières années, les autorités iraniennes ont affirmé à plusieurs reprises avoir arrêté des « terroristes » qui voulaient mener des attaques contre Téhéran et d’autres grandes villes du pays. Ces derniers mois, des attaques ont été menées par des groupes extrémistes sunnites dans la province de Sistan Balouchistan, dans le sud-est, et au Kurdistan, dans le nord-ouest.

Mais ce genre d’attaques quasi-simultanées sur de tels lieux hautement symboliques en Iran sont très rares. Les derniers ont eu lieu dans les années ayant suivi la révolution islamique de 1979. Ils ont été commis pour la plupart par l’organisation armée des Moudjahidines du peuple.

 

Ce sont 2 symboles de la république islamique d’Iran qui sont attaqués. Les assaillants viseraient donc Les officiels Iraniens

— Mariam Pirzadeh (@mapirzadeh) 7 juin 2017

L’Iran chiite aide militairement le régime syrien face aux rebelles et au groupe jihadiste sunnite État islamique (EI). Il soutient également le gouvernement irakien dans sa lutte contre les groupes jihadistes. Des conseillers militaires et des volontaires iraniens mais aussi afghans et pakistanais épaulent les armées irakienne et syrienne sur terrain.

Nouvelles arrestations après l’attentat de Londres revendiqué par l’EI

La police britannique a procédé lundi à de nouvelles arrestations dans l’enquête sur l’attentat de Londres, revendiqué par le groupe Etat islamique (EI), qui a fait sept morts et des dizaines de blessés à quelques jours des élections législatives.

« Un certain nombre de personnes ont été arrêtées » lors de deux nouvelles perquisitions à Newham et à Barking, à l’est de Londres, a indiqué la police dans le cadre de l’enquête sur ce troisième attentat en trois mois au Royaume-Uni.

Dimanche, elle avait déjà arrêté à Barking, un quartier multi-ethnique de l’est de la capitale, 12 personnes, sept femmes et cinq hommes âgés de 19 à 60 ans. Un homme de 55 ans a ensuite été relâché sans être poursuivi.

D’après Sky News, la police, lourdement armée, a perquisitionné dimanche au domicile d’un des trois auteurs de l’attaque. Cet assaillant était avec deux complices dans la camionnette qui a foncé sur le London Bridge samedi soir, fauchant plusieurs piétons. Les trois hommes ont été peu après abattus par la police tandis qu’ils lacéraient de coups de couteau passants et fêtards. »Une priorité majeure pour nous est d’essayer de comprendre s’ils ont agi avec d’autres personnes », a déclaré lundi sur la BBC, la cheffe de la police, Cressida Dick, ajoutant que la police scientifique avait récupéré « une énorme quantité » d’éléments sur le véhicule des assaillants.Comme les deux précédentes, l’attaque de samedi a été revendiquée par l’EI, contre qui le Royaume-Uni a effectué ces dernières années des raids aériens en Irak et en Syrie.

L’attentat a été perpétré par « une unité de combattants de l’Etat islamique », a rapporté l’agence de propagande de l’EI, Amaq, dans un communiqué.

Les identités des assaillants n’ont pas été rendues publiques mais la police a assuré dans un communiqué qu’elles seraient dévoilées dès que cela serait « opérationnellement possible ».La Première ministre Theresa May a annoncé le maintien des élections législatives prévues pour jeudi, qui doivent renouveler la chambre des Communes au moment où le Royaume-Uni s’apprête à négocier le Brexit, ainsi que la reprise de la campagne lundi, après une journée de suspension.- ‘Poignardé au hasard’ –

Le drame a éclaté vers 22H00 heure locale quand venait de s’achever la finale de la Ligue des champions de football, qu’un public nombreux était allé regarder dans les pubs de Borough Market, un quartier branché de la rive sud de la Tamise.

« Ils ont renversé des tas de gens » à bord d’une camionnette blanche sur le London Bridge, a témoigné à la radio Chris, un chauffeur de taxi. « Ensuite, trois hommes en sont sortis armés de lames assez longues » et « ont poignardé des gens au hasard » dans le quartier voisin de Borough Market. Ils portaient de faux gilets explosifs pour accentuer la panique.Malgré l’intervention rapide de la police, qui a abattu les trois hommes huit minutes après avoir été alertée, le bilan est lourd: sept morts et une cinquantaine de blessés. Quelque 36 personnes restaient hospitalisées lundi matin, dont 21 dans un état « critique », d’après le service de santé NHS.

Les tirs nourris de la police, plus de cinquante, ont aussi blessé un passant, a précisé Scotland Yard.

Plusieurs témoins ont déclaré avoir entendu les assaillants hurler: « C’est pour Allah ! ».

Parmi les personnes tuées figurent un Canadien et un Français. Un autre Français est porté « disparu », a dit le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian. Selon son entourage, le ministre se rendra lundi après-midi à Londres pour y rencontrer les familles des victimes, des blessés et son homologue Boris Johnson.Au total sept Français ont été blessés, dont quatre grièvement, ainsi que deux Allemands, un Australien et un Espagnol.Les Londoniens rendront hommage aux victimes lundi au cours d’une veillée à 18H00 (17H00 GMT).

Polémique

Dénonçant des « actes barbares », le maire de Londres Sadiq Khan a appelé la population à « ne pas s’alarmer » d’une présence policière renforcée, y compris des officiers armés et d’autres en uniformes ».

Ces propos ont sucité une réaction du président américain Donald Trump, qui a accusé en substance le maire de Londres de ne pas prendre au sérieux la menace terroriste.

« Au moins 7 morts et 48 blessés dans un attentat terroriste et le maire de Londres dit qu’il n’y a +pas de raison d’être alarmés!+ », s’est-il indigné dans une série de tweets.

Le maire de Londres a « mieux à faire » que de répondre au tweet « mal informé » du président Trump, a répondu le porte-parole de M. Khan.

Londres avait été frappée par une autre attaque fin mars, déjà commise à l’aide d’un véhicule, une voiture, et d’un couteau. Puis, le 22 mai à Manchester, 22 personnes sont mortes dans un attentat-suicide à la sortie d’un concert de l’Américaine Ariana Grande.

Retournée à Manchester, Ariane Grande s’y est produite dimanche soir pour un concert géant en hommage aux victimes et réunissant notamment, devant 50.000 personnes et sous haute sécurité, Justin Bieber, Coldplay et Pharrell Williams.

« Manchester, faites résonner votre esprit de résistance dans le monde ! », s’est exclamé ce dernier.

Charia : Une réalité malienne

Le 16 mai dernier à Taghlit, entre les localités d’Aguelhoc et Tessalit, une femme et un homme auraient été lapidés par des islamistes qui leur reprochaient d’avoir violé la charia, la loi coranique, parce qu’ils vivaient en concubinage. La véracité de ce triste évènement, relayé par les médias nationaux et internationaux, reste à démontrer, certains affirmant même avoir vu quelques jours plus tard la jeune femme vivante à Aguelhoc. Pour autant, la rumeur de cette lapidation, inédite depuis les jours sombres de la crise de 2012, pose la question de la présence de ces forces djihadistes dans certaines zones du pays qui échappent toujours aux forces maliennes et étrangères, et de leur capacité à faire peser leur vision étriquée de la loi divine sur le caractère laïc du pays, s’ils parvenaient à propager leur foi rigoriste.

« Oui la charia est appliquée dans certaines zones de la région de Kidal ! », déclare sans ambages Abinaje Ag Abdallah, maire d’Aguelhoc. « Ils interdisent l’alcool, les cigarettes. Il faut s’acquitter de la zakat (l’aumône). Ils font appliquer toute la charia qui est de leur portée et on constate de plus en plus qu’ils ont le contrôle de certaines localités », ajoute-t-il. À Taghlit, Abeïbara, au nord et nord-est de la région de Kidal, dans la région de Tombouctou, Taoudéni, Ségou, Mopti, nombreux sont ceux qui attestent de la présence des islamistes dont les forces se sont redéployées et contrôleraient des zones entières qui échappent aux autorités. Dans ces zones désertées par la République, où même parfois les groupes armés ne vont pas, les djihadistes à moto font respecter leurs lois, maintenant les populations dans la crainte. « Aujourd’hui, dans la région de Kidal, de Gao ou de Tombouctou, les campagnes sont occupées par des groupes terroristes. Dans la zone de Ménaka, il y a le groupe d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui qui se renforce jour après jour. Au nord de la région de Kidal, trois katibas appliquent la charia partout dans les brousses, même à Tinzawatène. Dans la zone de Gao à Almoustarat, il y a l’armée mais il y a aussi des djihadistes en ville qui prêchent le djihad ouvertement le soir dans la mosquée, pendant que l’armée est dans la caserne », confie ce cadre militaire du MNLA qui a eu maintes fois maille à partir avec les djihadistes.

Dans certains villages, ces groupes ont imposé leur charia aux villageois qui ne sont plus autorisés à pratiquer certaines coutumes devenues « haram ». « Il faut les écouter et faire ce qu’ils disent, ça s’est sûr ! », lâche cet employé du CICR de la région de Kidal. « Quand nous partons en mission dans ces zones, on retrousse nos pantalons au-dessus des chevilles, on ne fume pas, on se tient éloignés des femmes et on évite d’y aller avec des véhicules arborant le logo du CICR, parce que les gens considèrent la croix comme un signe chrétien. On doit se conformer, c’est automatique », poursuit-il.

 Vivre sous la charia Dans ces zones, la peur tient les populations qui redoutent de se voir infliger ces actes barbares que les islamistes considèrent comme les punitions issues de la charia : couper la main du voleur, lapider des coupables d’adultère, sanctionner par le fouet les libertins. Ces pratiques qui ont eu cours au nord du Mali durant la crise, ont normalement cessé depuis 2013 et la fin de l’occupation. « Les mains coupées pour un voleur, les coups de fouets, c’est très rare depuis 2012, parce que les gens se sont conformés à leur loi. Mais si tu commets un acte contraire à la charia, ils vont prendre les choses en main et t’envoyer un message par un intermédiaire pour te convoquer. Dans un premier temps, ce sera une mise en garde. Donc, après cet avertissement, soit tu quittes la ville, soit tu t’y conformes. Si tu continues, ils vont appliquer sur toi le châtiment de la charia. Ça se passe comme ça. Ils ont des informateurs dans tous les villages, donc les gens sont tenus dans la crainte et font ce qu’on leur dit », affirme cet habitant de Kidal.

Pour la majorité des musulmans, il est difficile de s’opposer à la charia, les thèses prônées par les islamistes ne séduisent pas les populations maliennes très attachées à la tolérance et éloignées de l’application qu’en font les salafistes. « La population ici est à 100 % musulmane. Elle ne peut pas réprouver la charia en tant que telle, mais les gens disent que ce n’est pas la méthode. La plupart des chefs djihadistes, ce sont des Algériens, des Mauritaniens, des gens qui viennent d’ailleurs. On a nos propres imams et marabouts qui nous expliquent la religion, alors pourquoi nous conformer à des gens qui amènent une doctrine venue d’ailleurs ? Avec les attaques, les attentats suicides, les gens ne sont pas avec eux mais ils sont contraints d’observer ou d’adhérer par la force », explique ce journaliste de Douentza. « Si leur but est de créer une république islamique, notre histoire et nos croyances sont trop anciennes pour que ça marche. Ils ne peuvent pas venir comme ça imposer ça chez nous ! », s’exclame-t-il.

 Frapper les fourmilières djihadistes Par leurs diktats religieux, les djihadistes, sous l’impulsion du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, tentent de tisser une toile pour le moment encore disparate. Leur mobilité et leur capacité à se fondre au sein des populations les rendent insaisissables, leur permettant de perdurer et d’imposer par la force leurs préceptes religieux. « Si l’autorité de l’État s’étendait à l’ensemble du territoire, l’État pourrait être interpellé en cas d’application de la charia. Mais c’est l’Occident qui a dit « je m’installe dans le nord ». Barkhane est là-bas, la MINUSMA est là-bas. Cette zone dans laquelle s’est produite la lapidation n’est pas sous contrôle de l’armée malienne », objecte un officiel malien. Cependant, la force française, devenue elle aussi la cible privilégiée des djihadistes, semble inefficace à pouvoir stopper cet état de fait.

« Depuis 2015, les opérations terroristes ne visent pas à faire la guerre. Ils font des opérations de récupération de matériel, ils se réorganisent et se renforcent. Ils ont récupéré, depuis fin 2016, plus de 30 pick-up, des armes et des munitions. À Taoudéni, ils ont des bases fixes, ils créent des souterrains, y mettent des groupes électrogènes, des citernes d’eau pour 2 mois ou 3 mois, tout pour vivre et tu ne vois rien. Ils attendent que l’armée malienne se remette en place, que le désarmement soit effectif après ils vont occuper les campagnes, et nous, nous restons là, à compter ce qu’ils ont récupéré », s’emporte cet officier du MNLA. « Les djihadistes ont très bien compris comment les forces françaises fonctionnent. C’est une armée conventionnelle, avec des véhicules vieillissants, peu rapide. Au moindre mouvement ils bougent à moto. À chaque fois que tu pars vers l’est, ils partent vers l’ouest et vice-versa », poursuit-il. « Il faut créer des unités d’élite contre les terroristes, former des gens en local et intervenir avec l’appui aérien français. Pour cela, il faut plus de confiance entre les différents acteurs, arrêter les hostilités, suivre l’Accord de paix, reconstituer l’armée et envoyer des militaires appuyés par des forces locales. Il n’y a pas d’autres solutions, sinon on retournera à la situation de 2012 ». Un avis partagé par cette source sécuritaire malienne, qui estime que « la lutte antiterroriste demande la complicité et l’aide des populations locales, du renseignement, puis une connaissance du terrain. Malheureusement, ni les forces étrangères ni l’armée malienne n’ont cela ».

Dans la région de Kidal, certains ont commencé à se résigner à un retour des djihadistes. « C’est Iyad le commandant de bord à Kidal. Il détient toujours la réalité du terrain. C’est pour cela que les gens ne dénoncent pas. Si tu dénonces, demain tu seras le seul perdant. Barkhane, malgré l’arrivée du nouveau président français, ne fera rien pour nous, la MINUSMA non plus. Donc on se tient à carreau », résume, philosophe, ce commerçant de la région. Seul répit provisoire mais attendu, le ramadan, période de trève où les djihadistes suspendent leur activité, pour s’adonner pleinement à la religion. Mais d’autres en redoutent déjà la fin. « Beaucoup de gens ont peur qu’après le ramadan il y ait une grande offensive. C’est très possible avec tout le matériel que les djihadistes ont obtenu dans leurs attaques à Almoustarat et ailleurs au Mali et au Niger. Ils ont à peu près les mêmes moyens qu’avant l’intervention de Serval ».

 

Terrorisme : Plus de frontières judiciaires entre le Mali, le Niger et le Tchad

Pour mieux lutter contre les attaques terroristes et les trafics de tout genre, le Mali, le Niger et le Tchad ont signés le 09 mai 2017 un accord de coopération judiciaire. Il vise notamment à renforcer la sécurité et le contrôle aux frontières.

En matière de terrorismes et de trafics de drogues, les ministres de justice du Mali, du Niger et du Tchad ont signés un accord de coopération judiciaire qui a pour vocation de régir les préoccupations communes de ces trois pays en matière d’entraide et d’échanges d’informations entre les services judiciaires ( la comparution des témoins, experts et personnes poursuivies et une politique de coopération en cas d’extradition).

« Les frontières ente le Mali, le Niger et le Tchad n’existent plus en matière judiciaire » a déclaré le ministre Tchadien de la Justice, Ahmat Mahamat Hassane, qui salut « un accord historique dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière »

« L’accord comprend dix titres et prend en charge les engagements des trois pays en faveurs d’une justice accessible, efficace et crédible, la nécessité de coopération et de renforcement de nos mécanismes de lutte contre la criminalité transrégionale organisée », a tenu à préciser le ministre Nigérien de la Justice, Marou Amadou.

« La signature de cet accord intervient à un moments où nos Etats sont confrontés aux grands défis de l’heure que sont : (le terrorisme et le crime organisé, le trafic de drogue, la traite des personnes et le trafic des armes) » a déclaré Marou Amadou.

L’accord prévoit aussi des enquêtes conjointes et le transfert de poursuite.

« L’ingéniosité des terroristes et des trafiquants a pris le pas » sur les procédures judiciaires classiques « longues et complexes », justifie Marou Amadou.

La notification de cet accord se fera par le Niger, qui en est dépositaire, aux Etats parties, à la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique de l’Ouest, à la Communauté Economique de l’Afrique Centrale, à L’Union Africaine et aux Nations Unies, mentionne l’accord.

Comment faire face à la menace terroriste

La situation politique, sociale et sécuritaire du Mali n’est guère réjouissante. Les secteurs fondamentaux comme la santé et l’éducation connaissent des lacunes structurelles, la mise en œuvre de l’accord et la réelle sortie de crise avancent trop lentement, la jeunesse est en manque d’idéal et de perspectives professionnelles, chaque jour de nouvelles attaques dans le Nord, le Centre et parfois le Sud du pays font de nouvelles victimes militaires et civiles compromettant l’économie local. Malgré ces réalités, des solutions existent. À l’occasion du deuxième anniversaire de Journal du Mali l’hebdo, nous avons choisi de faire intervenir quelques « solutionneurs ». Ils sont chercheurs, militants associatifs, enseignants, journalistes, entrepreneurs et proposent leurs solutions pour faire émerger le Mali. Cette semaine, ce sont eux qui font l’Événement.

Depuis la signature de l’accord pour la paix en 2015, la situation sécuritaire au Mali reste toujours alarmante. Face à un déficit de réaction forte, les groupes terroristes se réorganisent au sein d’une nouvelle alliance Nusrat al-Islam Wal Muslimin. Aussi, au moment où de nombreux analystes pensent qu’ils sont acculés, Amadou Kouffa du Front pour la libération du Macina (région centre du Mali), l’Algérien Yeyia Abou Hamam d’Aqmi et Iyad Ag Ghaly, du groupe Ansar Dine, ont surpris dans une vidéo de propagande, début avril 2017, revendiquant des attaques contre l’armée malienne, le 29 mars (tuant deux gendarmes et un civil maliens) et du poste de Boulikessi, près de la frontière burkinabè, où 11 militaires maliens avaient été tués le 5 mars.

Face à la recrudescence des attaques au nord et au centre, certains Maliens n’hésitent plus à parler de négociation avec les terroristes. C’est aussi l’une des recommandations de la Conférence d’entente nationale. Pour autant, l’idée n’est pas nouvelle, comme l’avait préconisé l’opposition malienne (à travers Tiébilé Dramé du PARENA), il y a deux ans. Comme en Afghanistan, si la perspective d’une discussion avec les terroristes se dessine, alors, il est préférable quelle ait lieu avec des djihadistes moins radicalisés. Pour autant, la France s’y oppose, comme l’avait notifié le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. Celui-ci refuse tout dialogue avec Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa. Pris en tenaille entre la volonté française et le souhait de la Conférence d’entente nationale d’établir un dialogue, le président malien préfère jouer la carte de la prudence, car sans Barkhane et la France, plus de la moitié de son territoire échapperait à son contrôle. Cependant, si le redéploiement des forces de Barkhane s’opère de plus en plus à l’intérieur des terres, vers  le centre (Douentza), force est de reconnaître que cette opération a montré ses limites au Sahel et au Sahara. La menace terroriste s’étant élargie chez les voisins (Burkina Faso, Niger, Tchad), les terroristes et leurs chefs se jouent de la porosité des frontières sans se faire repérer.

Au-delà du débat sur le retour définitif de la paix et de la polémique sur le statut de l’Azawad, il est aujourd’hui nécessaire de procéder à plusieurs actes sans lesquels la situation durera quelques années. Le premier serait de désarmer tous les groupes signataires de l’accord pour la paix avec le soutien de la communauté internationale. Ces groupes ne participeront pas aux patrouilles mixtes sans une véritable formation, car seul l’État doit avoir le monopole de la violence. Le deuxième axe d’actions est la révision du mandat de la MINUSMA, dotant les forces de l’ONU des outils capables de lancer des opérations, au lieu de subir les groupes armés. Ensuite, renforcer le contre-terrorisme par des initiatives judiciaires, régionales (comme la force du G5 Sahel, afin de combler le vide sécuritaire) et internationales (soutien des USA : installer Africom au Nord-Mali, pour des raisons géopolitiques et géostratégiques). Troisième axe : la transformation du MNLA en force politique et démocratique, comme en Colombie où les FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes) de tendance marxiste, ont accepté d’abandonner la lutte armée au profit du combat politique. Et enfin, organiser un référendum pour une nouvelle constitution, s’agissant de la gestion des territoires considérés comme étant ceux de « l’Azawad politique ».

Globalement, les Maliens ont besoin d’un État fort, juste et démocratique, doté de véritables institutions indépendantes, capables de leur apporter la fierté, l’honneur perdu et le sens des valeurs républicaines. À défaut, ils subiront le terrorisme et la pauvreté.

 

 

Au centre du Mali, c’est le Far west…

Cette nuit-là, Ibrahima Maïga, s’est couché tôt, harassé par une journée de travail bien remplie passée entre Sévaré et Ngouma. Vers 2h du matin, dans un sommeil profond, il sent qu’on le secoue. Grognant, il lance son bras pour chasser l’importun, un objet froid et métallique stoppe la course de sa main le faisant sortir d’un coup de sa torpeur. Une puissante lumière l’éblouit, une torche fixée sur un fusil que braque sur lui une silhouette noire, un homme, portant un treillis de l’armée de terre. Un autre, derrière lui, s’active bruyamment à retourner ses affaires. « J’ai d’abord cru que c’était des militaires qui avaient besoin d’essence », raconte Ibrahima, animateur radio à Ngouma, assis sur un petit tabouret de bois dans la pénombre d’une arrière salle de la radio FM de Douentza. « Ils m’ont dit qu’ils voulaient de l’argent, mais je n’avais rien ! ». Les deux hommes fouillent la pièce puis s’en vont, laissant Ibrahima tremblant de peur. Vingt minutes plus tard, une fusillade éclate, un cri perce la nuit, des moteurs démarrent en trombe, puis plus rien. Ce soir-là, les bandits sont repartis avec un butin 5 millions de francs CFA et un véhicule. Nul ne sait d’où ils sont venus, qui ils étaient, mais dans la 5e région du Mali, cette scène tragique fait désormais partie du quotidien. Incursion au cœur de la région de Mopti, véritable « Far west » malien.

La route qui mène à Douentza, chef-lieu du cercle aux portes de la région Nord du Mali, est chaotique et défoncée, comme oubliée des pouvoirs publics. Les trous et crevasses y côtoient les sparadraps de goudron, ralentissant considérablement la progression des véhicules. Sur cet unique axe qui mène à la ville, on peut ne pas croiser âme qui vive pendant des kilomètres. Dans cette zone de la région de Mopti, règne un anarchique chaos où seul prévaut la loi du plus fort résultant de la faible présence ou de l’absence totale d’institutions gouvernementales. Ici, la peur ne semble pas changer de camp, les groupes armés sévissent et les citoyens fatalistes craignent chaque jour pour leurs vies et leurs biens. « Si tu as une arme, c’est toi qui fait la loi, c’est toi qui dirige ! On est confronté à ce problème d’insécurité, surtout dans le secteur nord et est du cercle. Il y a les djihadistes réunis en plusieurs groupuscules, des groupes armés peuls qui s’affrontent dans des règlements de compte pour l’argent, le bétail ou l’accès aux terres arables, et le banditisme, avec les ex-combattants des mouvements armés qui, au sortir de la crise, ont gardé leurs armes et sèment la terreur », explique Amadou, un journaliste local, qui depuis ces dernières années, observe une situation qui ne cesse de se dégrader.

Bien que les langues à Douentza se délient difficilement, au gré des rencontres, force est de constater que le problème d’insécurité dans la zone est complexe. « Certains sont en train de se venger pour ce qui s’est passé il y a des années. Les gens qui ont pris les armes, des Peuls pour la plupart, ont rejoint les islamistes pour être protégés et se faire justice. Il y a eu beaucoup de chefs de village attaqués ou tués, même des imams. On les soupçonne de parler avec les autorités, d’être des complices de l’État, donc on les élimine. Pour sauver ta peau, si tu ne fais pas partie de ces groupes, tu dois donner quelque chose, un garçon, de l’argent, du bétail, tout ce que tu as. Ils ont les armes et font comme bon leur semble », déplore l’animateur radio Ibrahima Maïga.

La tentation djihadiste Avant la crise de 2012, des prêcheurs comme Amadoun Kouffa, un prédicateur peul fondateur du Front de libération du Macina, groupe djihadiste qui sévit dans la région, ont silloné la zone pour le compte de la secte Dawa, prônant une ré-islamisation de la population. « Ils viennent à plusieurs en moto et bien armés. Ils parlent de la défense de l’Islam et nous disent de refuser tout ce qui n’en fait pas partie. Ces prêcheurs racontent ce que les éleveurs peuls veulent entendre, que l’Islam interdit de payer le droit d’accès aux pâturages qui autrement peut se négocier à des centaines de milliers de francs CFA. Ils adhèrent à ces groupes aussi pour ça. Beaucoup les ont rejoint dans le Macina », explique Issa Dicko, frère d’Amadou Issa Dicko, chef du village de Dogo, assassiné par les djihadistes en 2015.

Écoles fantômes et maires en fuite Dans ces zones reculées, désormais sous la coupe des prêcheurs, l’éducation nationale est délaissée au profit de l’éducation coranique. « Ces communautés ne sont pas prises en compte dans le système éducatif national », dénonce pour sa part, Ibrahima Sankaré, secrétaire général de l’ONG Delta Survie, qui a mis en place des écoles mobiles pour ramener les enfants en classe. « La communauté peule de ces zones est réfractaire à l’école formelle pour des raisons moins féodales que religieuses. Pour eux, s’ils mettent leur enfant à l’école française, il ira en enfer », explique Ibrahima Maïga, qui cite le cas du village de Tanan, à 60 km de Douentza où depuis 2006, aucune classe n’est ouverte, « même les portes et les fenêtres ont fini par être emportées »…

Si dans beaucoup d’endroits l’école est en panne, d’autres représentations étatiques comme les mairies sont aussi visées. Dans la ville de Kéréna, située à une trentaine de kilomètres de Douentza, les « occupants » comme ils sont aussi appelés ici, ont interdit à tous ceux qui travaillent à la mairie d’habiter la commune, sous peine de mort. Depuis ces derniers ont fui. « Durant les élections communales, les gens étaient angoissés et vivaient dans la peur d’une attaque », se rappelle Sidi Cissé, enseignant à Douentza. Le nouveau maire de Kéréna, Hama Barry, n’a pu exercer son mandat ne serait-ce qu’un jour. Il a dû se réfugier à Douentza avec son adjoint pour sa sécurité. Plusieurs parmi la population l’ont suivi. Le vieil homme est aujourd’hui méfiant, car dit-il, « ici on ne sait pas qui est qui ». Après maintes discussions, il accepte une rencontre. À côté de lui, son adjoint affiche un perpétuel sourire et un regard inquiet durant la courte entrevue qu’il accorde au Journal du Mali. « Je vais bientôt retourner à Kéréna, tout va bien, ce ne sont que quelques querelles », se borne-t-il à dire en pulaar, pour éluder les questions trop précises, avant de saluer chaleureusement et de prendre congé.

Peur sur la ville À Douentza, l’omerta règne aussi. L’assassinat d’une parente de l’ancien adjoint au maire de Kéréna, froidement abattue à son domicile, à moins de 200 mètres du camp de la MINUSMA, il y a quelques mois, a marqué les esprits et imposé de facto le silence. « Ceux qui ont fait ce coup ont réussi. Ils ont fait en sorte que tous sachent que même à côté des forces de l’ordre, on n’est pas sécurisé », explique cet autre élu, également forcé à l’exil. Ce qu’ils veulent, ces groupes l’obtiennent avec leur fusil ou à la pointe de leur couteau, celui qui n’est pas d’accord avec eux ne peut que se taire. « Les gens ont peur. Ils ont peur pour leur vie. Moi qui vous parle, je me suis un peu trop avancé dans cette conversation. Je n’ai rien dit mais j’en ai déjà trop dit », ajoute-t-il, assis dans son salon, où trône sur le mur derrière lui, un portrait le représentant arborant l’écharpe aux couleurs du drapeau national. Triste rappel d’une fonction aujourd’hui vide de sens.

Cette peur ambiante freine les populations dans leur désir de collaborer avec les autorités. « Les gens veulent collaborer mais ils ne sont malheureusement pas protégés en retour », affirme Madame Diarra Tata Touré, membre active de la société civile et secrétaire générale de l’ONG ODI Sahel, à Sévaré. « Il y a le laxisme de la gendarmerie, la corruption. Quand les forces de l’ordre prennent des djihadistes ou des bandits, il suffit qu’ils versent de l’argent pour qu’on les relâche. Les gens collaboraient avec l’armée et la gendarmerie avant, mais c’est un marché lucratif et ce sont ces mêmes autorités qui, après avoir relâché les bandits ou djihadistes, leur disent que c’est un tel qui a donné l’information. Ensuite, ils sont assassinés. Même si je vois un bandit, je ne dirai rien parce que je sais qu’après il viendra me tuer ! », résume Amadou, journaliste à Douentza, qui ajoute sur la foi de renseignements de terrain, que si l’État ne fait rien, « il va y avoir une révolte social. Les gens s’organisent et s’arment. Ça peut éclater à tout moment ». Pour Sidi Cissé, qui faisait partie du groupe d’auto-défense de la ville de Douentza en 2012 et qui a eu à négocier avec les djihadistes durant cette période, la situation actuelle est vraiment déplorable. « Après la crise, l’État est revenu mais ça continue. On tue froidement des gens, on les harcèle, malgré la présence de la gendarmerie et de la MINUSMA. Ça ne se passait pas comme ça même durant la crise », témoigne-t-il. « Je ne sais pas ce qu’il faut faire pour arrêter ça. Est-ce que c’est l’État qui a failli ? Est-ce que ce sont les forces de l’ordre ? », s’interroge-t-il.

Sur le retour, nous dépassons Sévaré. Sur la route qui mène à Bamako, il n’est pas rare de croiser des pickup aux couleurs camouflage, transportant 5 ou 6 militaires casqués et bien armés. Ils finissent par disparaître de notre rétroviseur. De Mopti à Douentza jusqu’à Tombouctou, ils ont aussi disparus. Comme si la ville de Mopti était un point, une ligne charnière au-delà de laquelle la sécurité n’existe plus.

 

 

 

Tombouctou : Découverte d’une cache d’armes et de munitions

En plein centre-ville, dans le quartier de Badjindé, un important arsenal de guerre a été saisi. Les enquêtes, menées par la gendarmerie, se poursuivent pour en savoir davantage.

C’est après avoir été informé par un individu que les forces de l’ordre et de sécurité ont commencé des opérations de fouille, le 30 août dernier. C’est le 2 septembre que les armes et les munitions ont été découvertes. Hier, mercredi 7 septembre, le commandant Siaka Diakité a donné une conférence de presse pour présenter le matériel de guerre saisi. Selon lui, il s’agit de cartouches de 12,7 mm, 14-5, de grenades défensives et offensives, d’obus de mortiers 60 et 80. D’autres équipements, les gilets pare-balles, des uniformes étaient également sur place.

Cet impressionnant matériel de guerre a été découvert en plein centre-ville, dans le quartier de Badjindé. Le propriétaire de la maison où les armes ont été découvertes serait en fuite. À Tombouctou, il se murmure qu’il s’agirait d’anciens membres du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), qui était basé principalement à Gao pendant l’occupation des trois régions du Mali, avant d’être mise en déroute par l’intervention militaire française en 2013.

Le commandant a surtout salué la « coopération » de la population qui a compris qu’elle peut jouer un rôle important dans la lutte que le pays mène au terrorisme, selon un confrère de la radio Jamana joint par téléphone. Les enquêtes se poursuivent, a ajouté le commandant. Interrogé, Souleymane Maïga, de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA), a fait savoir qu’il est au courant qu’il y a eu des opérations de fouille à Tombouctou, mais ne peut pour le moment faire aucun commentaire. Car, a-t-il dit, les résultats de la fouille ne lui ont pas encore été officiellement communiqués.

 

Nigeria, nouvelle vidéo de Boko haram montrant les « lycéennes de Chibok »

Dans cette nouvelle vidéo du groupe terroriste diffusé le dimanche 14 août, apparaissent des jeunes dont on dit qu’elles sont celles enlevées à Chibok en 2014. Tout cela intervient dans un contexte marqué par la division au sein du groupe terroriste.

C’est une vidéo de onze minutes qui circule sur les réseaux sociaux, et dans laquelle on peut voire un homme habillé en tenue militaire, masqué, est au milieu de plusieurs jeunes filles portant des voiles, qui seraient les « lycéennes de Chibok », disparues dans la nuit du 14 au 15 avril 2014 dans la ville de Chibok au nord-est du Nigéria. Diffusée le dimanche 14 août par l’organisation terroriste Boko Haram, la vidéo montre aussi une jeune fille s’exprimant, selon Reuters, dans « le dialecte local de Chibok ». À l’époque, elles étaient au nombre de 276, 57 sont parvenus à s’enfuir, plus de 200 restent disparues. Il est à noter que ce énième enregistrement ne porte pas de date.

Dans son message, le combattant islamiste, visible sur le vidéo, déclare : « Nous voulons envoyer ce message d’abord aux parents de ces filles pour qu’ils sachent qu’elles sont toujours avec nous, certaines d’entre elles, et deuxièmement, pour qu’ils disent au gouvernement fédéral du Nigeria, de libérer immédiatement nos frères emprisonnés (…) Certaines des filles, une quarantaine, ont été mariées avec la permission de Dieu, certaines sont mortes en conséquence des bombardements des infidèles » Selon l’Agence France-Presse, un père a déjà reconnu sa fille au cours d’un point de presse du mouvement militant pour le retour des jeunes filles, « Bring Back Our Girls ».

Il reste que du côté du gouvernement nigérian, la prudence est de mise, surtout avec la division à la tête de Boko Haram, qui n’arrange rien. Il y a quelques semaines, Abubakar Shekau avait été contesté par l’Etat islamique auquel Boko Haram s’était allié devenant ainsi l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire officiel de l’EI, Al Nabaa, Abou Mosab al Barnaoui avait été présenté comme le nouveau chef du califat de l’Afrique de l’Ouest. En réponse, Shekau avait, dans un enregistrement diffusé sur Youtube, dit qu’il « est toujours présent » et qu’il « n’acceptera aucun émissaire de l’EI ».

 

 

IBK à Paris : La France honorera ses engagements

Après sa visite d’octobre 2015, ce déplacement d’IBK a été l’occasion pour Paris de garantir qu’elle tiendra ses engagements pris dans le cadre du développement économique et social du Mali.

 

On le sait, le Président Ibrahim Boubacar Keïta a rencontré François Hollande à Paris hier, mardi 27 juillet. Ce déplacement n’a fait pas l’objet de commentaires ni dans les medias du pays, encore moins dans la classe politique, à la différence de sa visite d’octobre 2015 à propos de laquelle le Parena de Tiébilé Dramé s’était fendu d’un communiqué dans lequel il faisait des propositions à IBK. Il n’est pas besoin de rappeler que ce genre de déplacement n’est pas anodin, quand on sait que la France reste un acteur majeur dans la résolution de la crise qui, plus d’un an après la signature de l’accord de paix, est là : elle se prolonge surtout dans la partie nord du pays. Pour preuve, à Kidal, ces derniers jours ont été marqués par des affrontements entre des groupes armés qui ont fait une quinzaine de morts. Ce qui montre à suffisance que le bout du tunnel est encore loin. « Je crois que là, c’est stabilisé. Nos frères de Kidal ont compris et je pense que les jours à venir, nous indiquerons plus clairement que ce genre d’affrontements fratricides ne sont pas de mises lorsque l’on cherche aujourd’hui un apaisement général et une réconciliation générale au Mali. Et très rapidement, tout va rentrer dans l’ordre. », a confié le Président keïta, optimiste, à Radio France Internationale, sans manquer de dire toute sa solidarité à la France après les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray.

Le 19 juillet, l’armée malienne a été la cible d’une attaque à Nampala, qui a tué 17 soldats. Cela avait conduit à la ré-instauration de l’Etat d’urgence qui avait expiré le 15 juillet. Il demeure évident que la situation sécuritaire aussi bien au nord qu’au sud du pays reste on ne peut plus préoccupante. Le gouvernement a estimé que la « menace terroriste » persiste dans le pays. Au sortir de l’entretien, François Hollande a surtout rassuré le Mali du soutien et de l’assistance de la France. « La France restera engagée aux côtés du Mali dans sa lutte contre le terrorisme et dans le rétablissement de sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire », indique le communiqué de l’Elysée.

Le président français a également rassuré IBK que son pays honorera ses engagements pris en octobre 2015. De fait, le plus grand volet de la visite d’IBK en octobre dernier était d’ordre économique. Le 22 octobre, à l’issue de la rencontre de l’OCDE présidée par Hollande et IBK, Paris a remis au Mali une somme de 33 millions d’euros, en plus de celle de 300 millions d’euros de prêts et aides accordés en mai 2013 au sommet des donateurs à Bruxelles. Cette somme devait être injectée, en grande partie, dans le développement des régions du nord du pays durement affectées par la crise multidimensionnelle que le pays a connue, ainsi que dans l’éducation, la santé et les transports.

En janvier 2013, l’armée bleu-blanc-rouge intervenait dans le nord du Mali pour stopper l’avancée vers le sud du pays des hordes de barbares d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), du Mouvement pour le jihad et l’unicité en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et d’Ançar Eddine. Mais trois ans après, les trois régions du nord échappent encore au contrôle de l’Etat malien.

Saint-Etienne-du-Rouvray, Ansbach, Munich, Nice, les loups sont lâchés

Mardi 26 juillet, deux assaillants prenaient en otage et égorgeaient un prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvray, petite ville française près de Rouen. Cette attaque, survient après celles de Munich et d’Ansbach en Allemagne et moins de deux semaines après celle de Nice, qui a fait 84 morts. Hormis l’augmentation notable de ces attaques, elles ont en commun l’action de « loups solitaires », indétectables et qui peuvent frapper n’importe quand.

C’est aux environs de 9h25, que les deux terroristes ont pénétré, par l’arrière, dans l’église où se déroulait l’office matinale. Armés de couteaux, ils ont retenu en otage le prêtre, Jacques Hamel, 86 ans, ainsi que deux sœurs et deux paroissiens, avant d’égorger froidement le prêtre et de blesser grièvement l’un des fidèles, actuellement entre la vie et la mort. La police et le Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN) se sont rapidement déployés sur les lieux. La Brigade de recherche et d’intervention (BRI) a lancé l’assaut, et peu après 10 h les deux preneurs d’otages étaient abattus.

Daech revendiquera l’attaque, quelques heures plus tard, via son organe de propagande, l’agence Amaq.

« Tuer un prêtre, c’est profaner la République, qui garantit la liberté de conscience. C’est semer l’effroi, car ce que veulent les terroristes, c’est nous diviser, nous séparer, nous déchirer, a déclaré, lors d’une allocution depuis le palais de l’Elysée, le président François Hollande, avant d’ajouter « « La menace terroriste n’a jamais été aussi grande en France comme en Europe, les lois seront appliquées avec la plus extrême fermeté ».

L’enquête, menée par la section antiterroriste est actuellement en cours, le procureur de la république de Paris, François Molins, récurent spécialiste des conférences de presse d’après attentats, mardi 26 juillet, a donné de plus amples détails sur l’attaque et l’un des auteurs : Adel Kermiche, 19 ans, qui était en libération conditionnel et placé sous bracelet électronique depuis le 22 mars dernier, au moment des faits. Il était « connu des services antiterroristes », et fiché « S » par les services intérieur français pour radicalisation, il avait tenté par deux fois de se rendre en Syrie pour participer au djihad. Quant au second terroriste, abattu par les forces d’intervention, « son identification formelle est toujours en cours », a indiqué François Molins.

Loup solitaire

Cette attaque qui survient peu de temps après celle Ansbach et Munich en Allemagne et celle de Nice, pose la question de ces attaques imprévisibles perpétrées par ceux que l’on appelle communément des « loups solitaires ». Ces personnes isolées, qui planifient leurs attaques seules ou en nombre restreint, et qui considèrent leurs objectifs comme des actions légitimes, saintes ou sacrées, et se radicalisent principalement sur le net et les réseaux sociaux, utilisé de manière intensive par les terroristes pour la formation et l’endoctrinement de leurs recrues.

Le web mondial, qu’aucun pays ne peut vraiment contrôler constitue un espace idéal d’échange, sur les tchats, messageries, forums, pour des gens dispersés sur toute la planète, leur permettant d’échapper à la police ou à la censure et de rester connecter aux flux mondiaux d’informations. Dans la revue islamiste Dar al Islam, diffusé sur Internet en mars 2016, les islamistes recommandaient de : « Toujours viser les endroits fréquentés, tel que les lieux touristiques, les grandes surfaces, les synagogues, les églises, les loges maçonniques, les permanences des partis politiques, les lieux de prêches des apostats ». C’est exactement ce qu’on fait les terroristes qui ont frappé à Munich, Ansbach, Nice et hier à Saint-Etienne-du-Rouvray.

La spontanéité et la violence des attaques de ces terroristes, visant à créer un effet psychologique, qui n’ont pas de liens directs avec des groupes radicaux et qui agissent en dehors de toutes structures de commandement, est difficilement prévisible et traçable pour les services de sécurité. Une lutte efficace contre cette forme de terrorisme nécessiterait un renforcement drastique des moyens de contrôle des communications parmi lesquels l’Internet, cet immense réseau de partage et d’échange, où ce mal se répand. Mais un tel contrôle induirait aussi une grave atteinte à la liberté de tout un chacun. Un dilemme complexe que les États et les populations de ces pays confrontés à ce mode de terrorisme devront de façon cruciale, trancher.

Le Niger menacé… Issoufou à Paris

Du 13 au 16 juin, le président nigérien est en visite officielle en France dans un contexte marqué par les récentes incursions de Boko Haram sur son territoire.

Pourquoi cette visite du Président nigérien, Mahamadou Issoufou, en France ? À Paris depuis lundi, il a rencontré, mardi, le Président François Hollande et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. Demain Jeudi, il aura un tête-tête avec le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Le président Issoufou s’est entretenu avec François Hollande, de la menace terroriste avec en toile de fond les dernières attaques de Boko Haram, il y a plus d’une semaine, qui ont visé la localité de Bosso, dans le sud-est du Niger, tuant 26 soldats. Un véritable électrochoc. L’attaque la plus meurtrière depuis que le Niger est entré en guerre, en 2015, contre la secte islamiste nigériane.

Maillon faible

Dans le Sahel, Issoufou est l’un des alliés de la France dans la guerre sans merci, qu’elle fait aux terroristes qui écument la région. Il reste que le Niger, aux yeux de beaucoup d’observateurs, fait figure de « maillon faible » dans cette lutte, certains experts allant jusqu’à rappeler que les forces armées nigériennes, manque de matériels et d’hommes, outre le fait qu’elles sont en permanence la cible d’attentats perpétrés par la secte islamiste.
Ce voyage du président nigérien, intervient un mois après le sommet d’Abuja consacré à la lutte contre Boko Haram qu’on disait aux abois depuis le début de l’année,  mais qui continue de semer la terreur.

Est-ce à dire que ce fut un sommet pour rien ? ce n’est pas l’avis du Malien Soumeïlou Boubèye Maïga, ancien ministre de la Défense, ayant également dirigé les services de renseignement, et aujourd’hui expert à l’Union africaine sur les questions de terrorisme et extrémisme :

« Nous sommes dans une situation asymétrique qui fait que les armées conventionnelles -la preuve en est faite tous les jours- ont beaucoup de difficultés à cerner durablement les activités des groupes terroristes (…) Le Sommet a certainement contribué à mieux définir les axes de coopération, c’est-à-dire que plus d’efforts doivent être portés sur la conception, la planification, la logistique et l’organisation du commandement et du renseignement. Et surtout ce qu’on voit bien, c’est que c’est un conflit qui ne se mène pas à une échelle nationale. Donc cela doit conduire nos pays à nous engager dans une offensive permanente, générale. Il faut que ce soit une vraie guerre jusqu’à atteindre le niveau d’éradication [de Boko Haram] afin que cela ne pose plus problème au fonctionnement normal des États. », confiait-il à R.F.I il y a quelques jours.
Lors de leur déclaration conjointe, le Président français a souligné que la France apportera un appui au Niger dans la lutte contre Boko Haram. Il s’agira surtout d’un travail de coopération, de formation, d’équipement, de renseignement. Il a aussi été question de la participation de la France pour appuyer la Force multilatérale et « ainsi porter les coups nécessaires à Boko Haram ». Le déploiement dans la région du Sahel des forces françaises a aussi été évoqué, à cause de la «tentative toujours répétée des groupes terroristes de faire en sorte que le nord du Mali puisse être déstabilisé ».

Un français projetait 15 attentats pendant l’Euro 2016

L’homme a été arrêté le 21 mai dernier en Ukraine, mais l’information vient d’être rendue publique. Selon les services de renseignements, il projetait de frapper à la veille et pendant le tournoi.

Arrêté avec un impressionnant arsenal, Grégoire M, le terroriste présumé interpellé en Ukraine, est soupçonné d’avoir préparé une quinzaine d’attentats qui auraient eu lieu avant et pendant l’Euro. C’est en tout cas ce qu’affirment ce lundi les services de renseignements ukrainiens. “Le Français a critiqué la politique gouvernementale en matière d’immigration, s’en est pris à la propagation de l’islam et à la mondialisation, et a parlé aussi de projets de perpétrer plusieurs attentats terroristes”, a déclaré Vassili Gritsak, le chef du SBU, lors d’une conférence de presse ce lundi. Grégoire M. aurait précisé avoir voulu viser des lieux de culte musulmans et juifs ainsi que des bâtiments publics en France.

Un incroyable arsenal

Inconnu des services, ce suspect a été arrêté le 21 mai dans l’ouest de l’Ukraine alors qu’il tentait de franchir la frontière avec la Pologne. En inspectant son véhicule utilitaire, les gardes-frontières ukrainiens avaient découvert un impressionnant arsenal : au moins trois lance-roquettes, plusieurs systèmes de visée, une centaine de détonateurs, plus de cent kilos de TNT, une demi-douzaine de fusils d’assauts de modèle Kalachnikov, et de nombreuses cagoules. Une perquisition a ensuite eu lieu à son domicile, et les enquêteurs ont mis la main sur des composants d’explosifs, et un t-shirt portant le sigle d’une organisation d’extrême-droite. Le montant de l’arsenal est estimé à plus de 250.000 euros. Les autorités s’interrogent sur l’origine du financement ayant permis d’acheter ces armes.

Toujours détenu par les autorités ukrainiennes, le jeune suspect aurait été repéré plusieurs jours avant son arrestation par des services de sécurité locaux qui le soupçonnaient de vouloir se procurer des armes.

Sommet OCI : un centre de lutte contre le terrorisme

« Nous ne devons pas nous diviser, mais nous rassembler », « pourquoi attendons-nous une aide extérieure pour affronter nos différends et faire face aux actes terroristes ? Nous devons nous en occuper nous-mêmes », déclarait Recep Tayyip Erdogan, président turc lors du sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) qui s’est ouvert le 15 avril dernier à  Istanbul. Les représentants de 56 pays, dont une trentaine de chefs d’Etat, ont donc participé au sommet dans un contexte de crises régionales et mondiales, marquées par la poursuite des conflits en Syrie, au Yémen et une série d’attentats qui ont ensanglanté plusieurs Etats, dont la Turquie hôte du sommet. Représenté par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de l’Intégration africaine, Abdoulaye Diop, le Mali victime d’attaques terroristes répétées a témoigné sa volonté de soutenir toutes actions similaires visant à  lutter contre le terrorisme. Plongé dans une crise qui sévit dans son septentrion depuis mars 2012, le Mali a été salué et encouragé par les différents intervenants à  la barre pour avoir multiplié les actions de sortie crise notamment avec la signature de l’Accord de paix. La tenue de la 4è session de la réunion du groupe de contact ministériel de l’OCI sur le Mali, sous la présidence de Djibouti a été également un moment fort de ce sommet. Il faut rappeler que l’objectif principal du sommet a été la volonté de créer un Centre de coopération policière de l’Organisation de la coopération islamique et la mise sur pied d’un conseil des femmes musulmanes au sein de l’OCI afin de leur fournir les conditions d’exprimer elles-mêmes leurs besoins. Placé sous le thème sous le thème de « l’unité et la solidarité pour la justice et la paix », les représentants des pays et les chefs d’Etats présents au sommet doivent œuvrer ensemble pour la justice et la paix ainsi que pour l’unité et la solidarité alors même que le monde islamique fait face à  de nombreux problèmes, particulièrement en Syrie, en Irak, au Yémen et en Libye.

État d’urgence : suite ou fin ?

L’état d’urgence, prorogé en dé- cembre dernier pour prévenir la menace terroriste qui pèse sur le Mali, prend fin ce 31 mars à minuit. Le ministère de l’Administration territoriale a rendu sa décision  : cette mesure d’exception s’arrête.

Instauré dans un contexte d’alerte maximum après l’attentat du Radisson Blu de Bamako le 13 novembre 2015, l’état d’urgence, qui avait été prorogé de 3 mois par un vote à l’Assemblée nationale le 29 décembre, prend fin ce, jeudi 31 mars à minuit. Ce régime d’exception, qui accroît considérablement les pouvoirs du ministère chargé de l’Intérieur, des gouverneurs, des préfets et des autorités judiciaires, a pour conséquences un plus grand contrôle et une restriction des libertés publiques et individuelles.

Dès la mi-mars, soit 15 jours avant la fin de l’échéance, une mission d’évaluation a été diligentée par le ministère de l’Administration territoriale auprès des gouverneurs des régions et de Bamako, ainsi que des préfets, pour évaluer l’application de l’état d’urgence durant ces 3 mois. Cette mission a fait ressortir que les pouvoirs élargis des autorités, perquisitions, assignations à résidence, internements administratifs, réquisitions de personnes, de biens ou de services, n’ont pas été fréquents et qu’une prorogation de l’état d’urgence serait peu productive. Par ailleurs, les partenaires techniques et financiers du Mali sont peu enclins à agir dans ce type de situation d’exception, qui limite les libertés publiques.

Cette mission a aussi fait ressortir que « la situation sécuritaire étant en train de s’améliorer et que les signes de paix étant de plus en plus rassurants sur l’ensemble du territoire national, la prorogation de l’état d’urgence n’était pas jugée nécessaire ». Conformément à ces conclusions, le ministère de l’Administration territoriale a donc décidé de ne pas prolonger ces mesures d’exception au-delà du 31 mars. Selon bon nombre d’observateurs, il peut paraître surprenant, après l’attaque du quartier général de l’EUTM, les récents attentats de Ouagadougou et de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, de constater que la situation sécuritaire du Mali soit considérée comme étant « en train de s’améliorer ». Néanmoins, selon le ministère de l’Administration territoriale, «  la fin de l’état d’urgence n’est pas synonyme d’une moindre protection pour les Maliens, et il pourra y être fait recours à tout moment, en cas de besoin ». Espérons que le futur ne fasse pas mentir les conclusions de cette mission d’évaluation.

Abdoulaye DIOP: « c’est une guerre asymétrique où vous ne voyez presque pas l’ennemi »

JDM – L’hebdo : Où en est la coopération entre les pays du G5 Sahel sur la lutte anti-terroriste et quels moyens vont être mis en oeuvre ?

Nous avançons. Le mois dernier, il y a eu une rencontre à  N’Djamena entre les ministres de la Défense et les chefs d’états-majors pour discuter des contours de la force des pays du G5 que nous voulons mettre en place : des brigades avec une centaine d’éléments par pays pour constituer des unités spéciales mobiles légères, sur le modèle espagnol, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Un calendrier a-t-il été déterminé ?

C’est le ministre de la Défense qui est chargé de la question de l’opérationalisation de cette force. Mais je crois que ce ne sera pas le même schéma que dans les institutions régionales, où l’on veut faire ces choses-là  dans 1 à  5 ans. C’est une question à  laquelle il faut répondre maintenant. Les ministres ont décidé d’un cap. Ils vont se rencontrer pour pouvoir le mettre en place. Nous espérons que tout cela se fera le plus tôt possible.

Le partage de renseignement entre ces différents pays est-il effectif ?

Pas suffisamment. Il y a l’unité de fusion qui existe, il y a les services de renseignements qui se rencontrent, mais il faut que nous intensifions ces échanges entre nos pays. De façon informelle, je sais qu’il y a beaucoup d’échanges de renseignements sur les mouvements de ces groupes, mais il faut maintenant qu’on le fasse de façon systématique. Car c’est une guerre asymétrique o๠vous ne voyez presque pas l’ennemi. Le renseignement est extrêmement important dans cette lutte contre le terrorisme

Terrorisme : la difficile mise en place de la coopération interafricaine

Une succession d’attaques terroristes sans précédent secoue le Mali et la région ouest-africaine. Les groupes qui en sont les auteurs se coordonnent et s’aventurent désormais hors des frontières maliennes où ils ont prospéré, comme récemment pour frapper le littoral ivoirien ou la capitale burkinabè. Tandis que Barkhane continue sa mission de « police du désert », une riposte interafricaine tente de se mettre en place.

Depuis le début de l’année 2016, la Mali a connu une trentaine d’attaques terroristes sur son sol, et fait nouveau, le phénomène se répand dans d’autres pays de la sous-région peu inquiétés jusque-là . Le Mali est ciblé, alors qu’il tente de se relever d’une crise sans précédent, en s’appuyant sur un accord de paix obtenu à  l’arrachée. « Cette recrudescence des attaques démontre une volonté délibérée de faire dérayer le processus de paix, c’est très clair ! Ils veulent déstabiliser le pays. Ils ne cantonnent pas leurs attaques au nord, ils s’attaquent au sud, ils s’attaquent même aux mouvements armés signataires et aux forces étrangères », commente une source diplomatique. Pour Ibrahim Maïga, chercheur à  l’Institut des études de sécurité ISS Africa, cette succession d’actes terroristes cache d’autres buts. « Je pense qu’elle répond à  des raisons tactiques pour montrer qu’ils peuvent frapper partout. C’est aussi une guerre de leadership entre Aqmi et l’État islamique (EI). Aqmi a constaté qu’on voit de plus en plus de subsahariens, Maliens, Sénégalais, mais aussi Ivoiriens, parmi les rangs de l’EI en Libye. Cette recrudescence d’acteurs subsahariens est une menace non seulement pour les pays, mais également pour Aqmi, qui se sent concurrencée sur son propre territoire ».

Les terroristes parlent aux terroristes Malgré les rivalités, des groupes comme Aqmi, Al-Mourabitoune, Ançar Dine ou le Front de libération du Macina, ont en commun la volonté « d’atteindre des cibles symboliques où il y a des regroupements d’étrangers » et « d’instaurer un califat ou un État islamique là  où ils sont implantés ». Leur modus operandi : des petits groupes de moins de 5 personnes, mobiles, armés de fusils d’assaut, de grenades, ou de lance-roquettes, qui connaissent très bien le territoire pour y avoir évolué pendant l’occupation du Nord du Mali en 2012. « Il ne fait aucun doute qu’il existe aujourd’hui des passerelles, et le dénominateur commun semble être Iyad Ag Ghali », déclare Ibrahim Maïga. Hamadoun Kouffa et Iyad Ag Ghali se connaissent, ils se sont côtoyés au temps de la Dawa. Des témoins affirment avoir aperçu Iyad et Kouffa au moment de l’offensive sur Konna et selon des sources sécuritaires, « des individus qui travaillaient pour ces deux leaders, ont été arrêtés dans la région de Mopti ». Pour ce cadre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), le problème de la Katiba Macina, comme ils se nomment eux-même, est sous-estimé par les autorités maliennes. « C’est une semence qui a été jetée il y a trois ans. Elle est en train de sortir de terre et si on y trouve pas de solution maintenant, dans 5 ans on ne parlera plus de Mali ni même d’Azawad. Parce qu’il y aura le Macina entre le Mali et l’Azawad ! ».

Un autre groupe, connecté aux « gens de Kouffa » sévit dans le Sud, la katiba Khalid Ibn Walid ou Ançar Dine Sud. La plupart de ses membres officiaient pour le compte de la police islamique à  Tombouctou, qui comptait une majorité d’élément d’Ançar Dine dans ses rangs. « Cette connexion est un avantage tactique évident pour Iyad Ag Ghali puisqu’elle lui permet d’étendre son combat et d’accroître son influence », résume le chercheur d’ISS Africa. À tel point qu’aujourd’hui, de nombreux observateurs pensent que négocier avec lui pourrait résoudre la crise du Nord et peut-être amener une paix durable dans le pays. Mais le gouvernement oppose un refus catégorique. « On ne peut pas négocier avec les terroristes. Ils n’ont pas d’autre projet politique que de tuer. Il faut travailler pour une réconciliation nationale et garder notre détermination à  combattre ceux qui n’ont que la lâcheté comme méthode de guerre », assène cet officiel proche du dossier.

Une solution en forme de coopération Néanmoins, les régions du Nord du Mali, restent des zones de non-droit, souvent montrées du doigt par les pays voisins, et constituent un sanctuaire pour ces groupes terroristes. « Le fait que l’État et l’armée ne soient pas présents dans cette partie du territoire amplifie le désordre et l’insécurité en l’Afrique de l’Ouest. Ces groupes, qui se déplacent relativement facilement, disposent ainsi d’une base arrière formidable pour pouvoir mener des attaques dans les pays voisins et plus au sud du Mali », souligne Ibrahim Maïga. Pour les contrer, les forces françaises de Barkhane, conjointement aux armées locales, tentent de dresser un filet aux mailles élargies, dans la bande sahélo-saharienne, un territoire vaste de 5 000 km² où les terroristes évoluent cachés. Dans cette « drôle de guerre », les Maliens amènent leur connaissance du terrain et les Français la logistique et la puissance de feu.

Depuis le début de l’opération Barkhane, plus d’une centaine de terroristes ont été mis hors de combat. La Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad ont pris conscience, dès 2014, qu’ils avaient à  lutter ensemble contre un ennemi commun et se sont rassemblés au sein du G5 Sahel, un cadre de coopération sécuritaire. « Le G5 couvre pratiquement toutes nos frontières, hormis la frontière algérienne. Cela nous permettra de nous coordonner et de projeter nos unités sur des théâtres d’opérations régionaux. En dehors du G5, le Mali est aussi intégré au processus de Nouakchott, qui englobe 11 pays africains et sahéliens. Nous discutons actuellement de l’opérationnalisation d’une force africaine d’intervention pour lutter contre le terrorisme », explique un officiel du ministère des Affaires étrangères. La semaine dernière, les ministres de la Sécurité du Mali, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal se sont rencontrés à  Abidjan, afin d’échanger sur les questions de la prévention et de la lutte contre le terrorisme. À l’issue des discussions, ils se sont accordés sur une mutualisation, un renforcement des relations et une meilleure collaboration entre services de sécurité. Pour Ibrahim Maïga, « ce genre d’initiative est positive car ces groupes transnationaux ne peuvent être combattus s’il n’y a pas coopération entre les États. D’autant plus qu’une coopération bilatérale marchera mieux qu’une collaboration multilatérale souvent moins efficace, moins fonctionnelle ».

Reste maintenant à  juger de l’application de ces mesures, alors que des divergences existent entre les États. La Mauritanie et le Mali, par exemple, n’ont pas les même vues sur la qualification des groupes terroristes. Un pays comme le Sénégal pourrait avoir moins tendance à  s’engager, car en s’engageant, on s’expose. La riposte régionale à  venir sera donc, d’abord, une question de volonté politique.

Terrorisme sans frontière

Les attentats de Bamako et de Bruxelles nous rappellent, s’il en était besoin, qu’aujourd’hui la menace terroriste peut frapper à tout moment, et surtout qu’elle s’intensifie. Dans ce contexte de sensibilité sécuritaire mondiale, réadapter les moyens de prévention devient plus que nécessaire

Lundi 21 et 22 mars, le terrorisme frappait à nouveau : deux symboles européens, le quartier géné- ral de l’EUTM (Mission de Formation de l’Union Européenne au Mali) situé dans l’hôtel Azalai Nord Sud de Bamako, n’occasionnant heureusement aucune victime, puis le 22 mars, l’aéroport Zaventem de Bruxelles, qui relie la capitale européenne au reste du monde et la station de métro Maelbeek proche de ces institutions. On déplorait hier dans la capitale belge plus d’une trentaine de victimes et 200 blessés.

Il ne fait aucun doute que la cible des terroristes était l’Europe : sa présence et son action pour l’EUTM, en charge de l’entraînement des forces armées maliennes, le centre névralgique de sa politique et ses valeurs à Bruxelles. Bien que les modes opératoires des deux attentats, revendiqué par Daech pour Bruxelles est possiblement AQMI pour Bamako, soient différents. Quatre hommes armés de fusil et grenade ont pris d’assaut le quartier général de l’EUTM, rappelant les modes opératoires exécutés au Radisson Blu de Bamako, à l’hôtel Splendid de Ouagadougou, ou plus récemment à Grand Bassam en Côte d’Ivoire. Quant aux attaques suicides planifiées et coordonnées à Bruxelles, elles rappellent le drame de l’attentat de Paris du 13 novembre 2015.

Au-delà de l’effroi que l’on peut ressentir, vu la barbarie des assaillants et le nombre de victimes, ces attaques démontrent, encore, la capacité de ces groupes terroristes à frapper efficacement et n’importe où pour semer la terreur. Elles prouvent aussi que pour mener cette « guerre mondiale » contre le terrorisme, il faut non seulement réadapter les capacités analytiques des services de renseignements, mais aussi former suffisamment leurs personnels à ces nouvelles menaces en perpétuelle mutation. Dans le cas de Bruxelles, il y a eu une prise de conscience tardive de la montée de l’islam radical et du radicalisme djihadiste, comme à Molenbeek. À Bamako, les services sont en sous-effectif et devraient enfin se doter d’un département capable de collecter, d’exploiter et de comprendre les enjeux de ces mouvances terroristes pour mieux prévenir les attaques.

Il est aujourd’hui crucial de connecter les événements, d’investiguer et de mettre en perspective toutes ces attaques. Mais aussi d’avoir une réponse commune face au terrorisme, que ce soit entre pays européens ou ici au Mali avec tous les pays de la sous-région, pour mieux contrôler les frontières et renforcer l’échange d’informations et la coopération policière. Car, en face, l’ennemi communique entre mouvements, disposent de capacités militaires, de moyens financiers et d’une idéologie suffisamment ancrée pour leur permettre de braver la mort.

Terrorisme international : vers un plan global de lutte ?

En Afrique sub-saharienne, elle a pour visages Boko Haram (à‰tat islamique en Afrique de l’ouest), Al Shebab, Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (AQMI), Al-Mourabitoune, Ançar Eddine, Mouvement de libération du Macina, ou encore Ançar Al Sharia. Hormis AQMI, tous ces groupes ont plus ou moins fait allégeance à  l’à‰tat islamique (Daesh), qui occupe un territoire à  cheval entre l’Irak et la Syrie. Ce mouvement a réussi à  transporter la terreur dans les pays qui s’acharnent à  le combattre à  travers une coalition internationale, notamment en France et aux à‰tats-Unis. Pour faire face, C’’est le 15 décembre, par la voix de son ministre de la défense et vice-prince héritier, Mohamed Ben Salman, que l’Arabie Saoudite a annoncé la mise sur pied d’une nouvelle coalition de 34 pays musulmans sunnites. l’un des objectifs poursuivis est de répondre aux critiques de l’Occident, qui l’accuse d’avoir fomenté l’émergence du groupe terroriste à‰tat islamique pour déstabiliser ses rivaux chiites que sont l’Irak et la Syrie. Cette coalition hétéroclite rassemble, entre autres, le Maghreb, l’à‰gypte, la Turquie, et des pays du Sahel et d’Afrique noire, dont le Mali, dépourvus de moyens, et qui peinent à  assurer leur propre sécurité. Au menu : renforcement de la coopération, échanges dans le renseignement, et mise en commun des forces, mais aussi un volet « idéologique », qui doit permettre de développer des outils pour contrer les capacités d’endoctrinement des groupes djihadistes. Cela sera t’il suffisant ? Selon le ministre algérien des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la ligue arabe, Abdelkader Messahel, il « ne faudrait pas se baser sur l’action militaire, mais sur d’autres facteurs ». Dans le premier trimestre de 2016, l’Algérie organisera deux conférences sur la lutte contre le terrorisme, la dé-radicalisation et la cybercriminalité. Ces rencontres qui réuniront des experts et des spécialistes de renom, se dérouleront dans le cadre du Forum global de lutte contre le terrorisme. Il s’agira de réfléchir à  une solution qui permettra d’assécher les sources de financement du terrorisme (trafic de drogue, paiement de rançons, crime organisé), et l’utilisation des réseaux sociaux et d’Internet par les groupes terroristes.

COMMANDITAIRES : Une nébuleuse djihadiste, toujours plus complexe

Deux groupes ont revendiqué l’attentat de l’hôtel Radisson. D’abord la katiba Al-Mourabitoune, puis le Front de libération du Macina. Une menace multiforme qui laisse entrevoir des passerelles entre les divers groupes salafistes au Sahel.

L’hôtel Radisson, a été la cible vendredi 24 novembre 2015, de djihadistes toujours plus déterminés à frapper au moment où l’on s’y attend le moins et à saper les efforts de stabilisation au Mali. Cette dernière attaque vient montrer la capacité de groupes terroristes comme Al-Mourabitoune (les Signataires par le sang) et AQMI (Al-Qaeda au Maghreb islamique) à ne plus se cantonner aux attaques dans le nord. Elle prouve aussi qu’entre ces différents groupes, il existe des passerelles étroites. La présence de membres d’origine nigériane au sein de l’organisation Al-Mourabitoune fait penser à une corrélation avec le groupe extrémiste Boko Haram qui opère au Nigeria et au nord du Cameroun et s’illustre par des tueries barbares en ayant recours à des kamikazes. « Ces groupes ont les mêmes objectifs et ont souvent des actions coordonnées. Ils cherchent des cibles symboliques où il y a des regroupements d’étrangers, avec la garantie d’une résonance médiatique importante», souligne à juste titre l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou B. Maïga.

En effet, pour la seule année 2015, le Mali a été frappé au moins cinq fois sur son territoire par les groupes terroristes: Al-Mourabitoune, que dirige Mokhtar Belmokhtar, un djihadiste d’origine algé- rienne, le Front de Libération du Macina dirigé par le prédicateur Amadou Koufa, la katiba Khaled Ibn Al Walid ou encore le mouvement Jund Al Kilhafa qui prêta allégeance à Daesh, mais aussi les cellules actives issues du Mujao ou du mouvement Ansar Dine d’Iyad Ag Ghaly. Une manière de transporter le danger partout.

Ces 3 dernières années, le maillage des forces nationales et internationales appuyé par l’opération Barkhane, a fait subir des pertes lourdes à ces groupes extrémistes qui ont considérablement réduit leur marge de manœuvre », rappelle encore l’expert. Quant aux revendications d’Al-Mourabitoune et d’Aqmi, diffusé sur Al-Jazeera pendant l’attaque, elles exigeaient la libération des détenus djihadistes maliens et la fin de « l’agression » des populations au nord du Mali.

Radisson : 9 heures sous les balles des terroristes

Vendredi 20 novembre 2015, Bamako a vécu dans l’incertitude et l’effroi, alors qu’une prise d’otages était en cours dans l’établissement le plus chic de la ville, l’hôtel Radisson Blu. Des terroristes ont ouvert le feu et pris en otage 170 clients et employés de l’hôtel. C’est au bout de 9 heures d’âpres combats, qu’une opération conjointe et massive a fini par neutraliser les terroristes. Retour sur une prise d’otages sanglante.

Il est 6h45 quand Mohamed, 25 ans, serveur au sein du “service banquet”, pénètre dans l’enceinte de l’hôtel Radisson, situé dans le quartier ACI 2000. Comme tous les jours, il prend son service à 7h. Tout est calme. Il gagne le vestiaire, en sous-sol, avec d’autres collègues, pour enfiler sa tenue de service. À 6h50, des membres du personnel font brutalement irruption dans le vestiaire. « Sortez, sortez, il y a des hommes en haut, ils sont en train de tirer ! », hurlent-ils. Mohammed se fige, effaré, ses collègues paniqués, se ruent vers l’extérieur. Ne manquant pas de sang-froid, le jeune homme décide d’aller voir ce qui se passe. Il remonte le couloir, entrouvre la petite porte de service et glisse sa tête à l’extérieur : « c’est à ce moment que j’ai vu un Blanc (NDLR – client de nationalité russe) se faire égorger. À l’intérieur il y avait des cris partout, ceux des clients, des djihadistes criant « Allahou akbar », partout des coups de feu, ils tiraient sur tout ce qui bougeait, tout était mélangé. Je n’ai plus cherché à savoir… J’ai refermé la porte et je suis redescendu en courant». À ce moment, la prise d’otages meurtrière du Radisson vient de débuter, il est 7h du matin. Tandis que Mohamed ressort à l’air libre, Konaré, un autre employé qui travaille au room service, se cache pour tenter de sauver sa peau. Il n’oubliera jamais le moment où il s’est retrouvé face à face avec deux des terroristes : « quand j’ai entendu les coups de feu, je me suis réfugié dans la salle des bagages, j’ai éteint les lumières et mon portable, et je suis resté dans l’ombre sans bouger. Ils sont entrés. Ils avaient la peau noire, étaient vêtus de chemises et de pantalons jean, et parlaient en anglais. L’un a aperçu mon pied qui dépassait de l’ombre et m’a tiré vers lui. J’ai pensé que c’était la fin ! Je me suis relevé, je me suis présenté à eux en récitant des sourates du Coran. Ils m’ont regardé sans ciller, puis l’un à parlé à l’autre dans une langue que je ne connaissais pas, et l’a tiré par le bras pour sortir de la pièce. Ce dernier a hésité, puis l’a suivi. Je les ai entendu partir, puis de nouveau des coups de feu. Je me suis enfermé, silencieux, dans l’obscurité, sans bouger ». L’attente sous les balles, pour les otages du Radisson pris au piège, durera 1h30 avant l’arrivée des premières forces de sécurité.

Une opération policière d’ampleur  L’alerte est donnée peu après 7 h, les premières forces de police à être sur place sont celles du commissariat du 14ème arrondissement, qui gère la commune IV où se trouve l’hôtel. Ils sont rapidement rejoints par les hommes de la BAC, les forces d’intervention de la police nationale (FIPN) et le peloton d’intervention de la gendarmerie nationale (PIGN). Pour ces unités surentraînées, c’est une première. «Nos forces d’intervention étaient physiquement et mentalement prêtes à intervenir sur le terrain malgré l’inconnu des lieux, ils étaient parés pour s’adapter à la situation», explique un gradé des forces de sécurité. En une vingtaine de minutes, les forces maliennes bouclent le périmètre de l’hôtel et commencent à planifier l’assaut.

Du côté du Radisson, des employés qui ont pu s’échapper se réfugient dans le salon de coiffure qui jouxte l’hôtel et tentent tant bien que mal d’aider les forces de sécurité. « Ils m’ont demandé si je pouvais localiser les issues de secours pour eux, et j’ai fait un schéma. On a essayé de leur donner un maximum d’informations sur l’hôtel, les clients », témoigne un serveur. Vers 8h, un important dispositif composé de la garde nationale, d’officiers de police et d’éléments d’intervention de la MINUSMA, de la protection civile, et de la brigade spéciale d’intervention a rejoint les unités déjà présentes. Ils sont appuyés par des forces spéciales française et américaine. Ces dernières apportent un appui logistique et de renseignement, permettant de se faire une idée plus précise de ce qui se passe à l’intérieur du bâtiment. Un PC de sécurité, une cellule de première urgence, pour assurer la prise en charge médicale des blessés ainsi qu’un soutien psychologique aux personnes évacuées, sont mis en place non loin du théâtre d’opération par la MINUSMA. Un centre de gestion de crise est constitué sous l’autorité directe du ministre de la Sécurité intérieure et du ministre de la Défense. Le Palais des sports de Bamako est réquisitionné pour accueillir et regrouper les otages qui seront exfiltrés lors de l’opération. Sur le terrain la tension est palpable, les véhicules blindés et les pick-up de la police arrivent et démarrent en trombe. Les premiers journalistes sont sur place, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. De nationale, la prise d’otages du Radisson de Bamako devient une information internationale, dont les rédactions mondiales se font l’écho. Le nombre et l’identité des terroristes, restent confus. La gorge serrée, l’angoisse et la peur dans le regard, des rescapés de cet enfer échangent avec les forces de l’ordre, sur ce qu’ils ont vu : «j’ai pu apercevoir au moins 3 terroristes différents », « ils venaient de plusieurs directions, ça tirait dans tous les coins, ils devaient être au moins une dizaine !». « Ils devaient avoir des complices qui étaient déjà à l’intérieur! ». Officiellement, les autorités font état de 2 à 3 terroristes dans l’établissement.

Top assaut  À 9 h, l’assaut est donné. L’objectif principal des forces d’intervention est la libé- ration des otages. En première ligne, ils investissent les lieux, bouclier pare-balles en avant, le sang macule les rangers, les victimes jonchent le sol. « Dès qu’ils sont arrivés les terroristes ont commencé à tirer. Nos forces d’intervention les ont repoussés dans les étages. La configuration des escaliers de l’hôtel et leur position en hauteur, leur permettaient de tirer sur tout ce qui se présentait dans l’escalier », confie une source appartenant aux forces de sécurité maliennes. Les unités d’intervention parviennent à se tailler un passage dans les premiers niveaux de l’hôtel, forçant les djihadistes à se retrancher aux derniers étages. Cette action permet l’exfiltration progressive des otages. Les informations arrivent au compte-gouttes. Les rumeurs vont bon train. Les bilans divergent sur le nombre de morts de part et d’autre : 10, 18 puis 27 victimes. Selon les médias, les terroristes se trouveraient reclus au 7ème étage de l’hôtel Radisson, qui n’en compte que 5… Les caméras retransmettent au monde entier la situation en direct. À 11h, on dénombrait déjà 80 otages exfiltrés, mais aucune nouvelle quant au sort des terroristes. Pendant 3 heures, la situation semble figée. Un officier malien s’énerve: « l’opération a pris du temps parce que les Français ont fait appel à quarante éléments des forces spéciales françaises positionnées à Ouagadougou. L’ordre implicite était d’attendre pour pouvoir conjointement terminer l’opération ». Ce n’est qu’à 14h30 qu’ils arrivent sur le théâtre d’opération, 133 otages ont déjà été exfiltrés par les forces maliennes. À 15h les deux terroristes, quelque part dans les étages de l’hôtel, n’ont plus aucun otage à exécuter entre leurs mains. L’étau peut se resserrer. Dans le même temps, la chaîne de télévision pan-arabe, Al-Jazeera, diffuse la revendication de l’assaut par le groupe djihadiste Al-Mourabitoune dans une opération avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). À 16 h, tout s’accélère. Un assaut conjoint est lancé. Les Maliens montent les escaliers pour se porter au-devant des deux forcenés, acculés au quatrième étage devant une porte bloquée menant sur une terrasse. Les Français les prennent à revers, passant par l’extérieur, et les balles pleuvent. Les terroristes, criblés d’impacts, s’écroulent morts, sans avoir pu utiliser les grenades offensives qu’ils portaient sur eux.

Le bilan de l’attaque est lourd. Officiellement on dénombre 22 morts : 18 clients, 3 membres du personnel de l’hôtel, 1 gendarme malien et deux terroristes, et 7 blessés dont 3 policiers. La majorité des victimes sont d’origine étrangère: six Russes, trois Chinois, deux Belges, une Américaine, un Sénégalais et un Israélien. L’épisode sanglant de la prise d’otages de l’hôtel Radisson s’achève à la nuit tombée. Pour les forces de sécurité maliennes c’est une réussite. Ils accusent des pertes mineures et grâce à leur courage, 133 otages ont pu être sauvés. Le président IBK sur l’ORTM, décrète 10 jours d’état d’urgence et un deuil national de 3 jours.

Le calme revient peu à peu dans les rues de Bamako, et avec lui un malaise lancinant, mélangeant choc et peur de l’avenir. Une seconde séquence commence, celle de l’enquête, qui devra amener des réponses, sur de nombreux points.

Le Cameroun à l’épreuve du terrorisme

En l’espace d’une semaine, deux attaques ont touché la ville, dont un double attentat kamikaze en plein marché. Bilan de ce dernier drame : 21 morts et plus de 70 blessés. Après le Tchad et le Niger, le mouvement terroriste nigérian exporte ses méthodes barbares chez le 3ème voisin membre de la coalition créée en 2014 pour lui faire la guerre. Les observateurs plus ou moins avertis ont décelé dans le drame de Maroua la preuve de la fragilité du Cameroun, malgré les discours va-t-en guerre des autorités. Selon Marie-Claire Nana, éditorialiste au Cameroon Tribune (Quotidien gouvernemental), « ce n’est pas le Cameroun, mais le monde entier qui est aujourd’hui fragilisé par le péril djihadiste. De la Turquie à  la France, en passant par la Belgique, les Etats-Unis, l’Irak, l’Egypte, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, le Mali…. ». A l’instar du Tchad, qui a instauré des mesures drastiques après les attentats de ces dernières semaines, le gouvernement camerounais a lui aussi décidé de ne plus transiger. Intensification des opérations de police, fermeture des débits de boisson à  partir de 18h et contrôle systématique des prêches dans les mosquées, sont censés réduire le risque terroriste. En attendant, on tente de rassurer la population. Des prières ont été organisées dans les lieux de culte, deux milliards de francs CFA et des centaines de tonnes de vivres ont été distribués à  Fotokol et Maroua. Pour le Cameroun, lutter contre Boko Haram est une chose. l’autre chose est de créer des projets de développement pour cette région de l’extrême-nord, considérée comme abandonnée, et oà¹, selon l’historien et politologue Achille MBembé, il ne « reste plus aux jeunes qu’à  se faire enrôler sur les marchés régionaux de la violence ».

Front terroriste au sud : la coopération sous-régionale s’impose

Ces attaques illustrent l’élargissement d’un front terroriste dans le sud du Mali, même si la menace planait sur la région depuis longtemps. Pour rappel, Diabali, dans la région de Ségou, avait été le théâtre d’opérations en 2013, après le déclenchement de l’opération Serval, deux ans avant les attaques de Misséni (région de Sikasso) le 10 juin 2015, de Nara à  la frontière mauritanienne le 27 juin et de Fakola, près de la frontière ivoirienne le 28 juin. Cette localité est bordée de la forêt dense de Sama, o๠des villageois avaient déjà  signalé aux autorités la présence de djihadistes et de caches d’armes. Le mode opératoire de ces attaques asymétriques est presque toujours le même : entrée à  l’aube, surprise des Forces armées du Mali (FAMas) dans les camps militaires, et des assaillants qui, lourdement armés, scandent le nom d’Allah. Pour Fakola, en l’absence des troupes maliennes, des bâtiments administratifs comme la mairie, la gendarmerie et le camp militaire ont été brûlés, avant l’arrivée de l’armée quelques heures après. « Le fait que ces attaques aient eu lieu à  la frontière ivoirienne, montre tout l’enjeu de la coopération inter-à‰tats dans la lutte contre le terrorisme», souligne un éditorialiste. En la matière, le Niger et le Tchad, confrontés à  Boko Haram, détiennent le leadership. Mais des pays comme la Mauritanie, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, qui a annoncé par la voix du porte-parole du gouvernement, Bruno Koné, des renforts près de la frontière malienne, et le Sénégal présent au sein de la MINUSMA, restent encore trop passifs et ont tout intérêt à  renforcer la dynamique anti-terroriste avec le Mali. Cela avait été évoqué en décembre 2014, lors du 1er Forum Paix et Sécurité tenu à  Dakar. Au Mali, nous voilà  revenus à  l’époque o๠l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT) appelait régulièrement ses pairs à  collaborer face à  la menace transfrontalière narco-djihadiste, qui s’est déplacée hors des régions nord du Mali. Ansar Eddine, mouvance islamiste, a revendiqué les attaques de Nara et Fakola. Pourtant, son leader Iyad Ag Ghaly, qui a fait allégeance à  l’à‰tat islamique, se trouverait sur le territoire de l’Algérie, sans que cette puissance régionale dotée d’importants moyens, n’agisse pour le neutraliser. C’’est par la voix d’Ismaà«l Khalil, un prédicateur radical malien, que les actes ont été revendiqués, promettant une multiplication des attaques « en Côte d’Ivoire, au Mali et en Mauritanie, des pays qui travaillent avec les ennemis de l’Islam ». l’urgence d’une coopération régionale accrue s’impose plus que jamais.

Explosion à Bamako : un « projet d’attentat de grande envergure »

l’explosion s’est produite aux environs de 8h du matin ce vendredi, dans un domicile privé, sis dans le quartier périphérique de Sirakoro Méguétana. Elle a causé la mort d’une personne, le gardien de cette résidence appartenant à  un ressortissant burkinabé. l’homme, arrêté sur le site de l’explosion, aurait révélé qu’il s’agit d’un « attentat de grande envergure qui se préparait » dans cette maison, rapporte une source sécuritaire. Un propriétaire connu de la police Trois civils membres du voisinage ont été blessés, selon la police et la déflagration a détruit en partie la maison. Le secteur a été bouclé par les forces de l’ordre, et des experts de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), dont des démineurs étaient visibles sur place dans l’après-midi. Selon la police, l’explosion a été causée par la manipulation d’engins explosifs. « A l’intérieur de la maison, il y avait plusieurs détonateurs (…) l’explosion a été causée par la manipulation de ces détonateurs », avait auparavant expliqué à  l’AFP Moussa Diallo, inspecteur de police présent sur les lieux. « Nous nous interrogeons sur le lien possible entre cette maison de Sirakoro et le camp de Samanko, o๠des armes ont été découvertes (début mars, ndlr) avant l’attentat contre un bar-restaurant de Bamako », le 7 mars a déclaré un responsable de la gendarmerie. Le gouvernement a publié en fin de journée un communiqué dans lequel il rappelle les constatations faites sur place par les enquêteurs. On y apprend que « les services spécialisés ont relevé dans les décombres la présence de composants explosifs dont les origines et la nature seront déterminées par lesdits services » et que « le propriétaire de la maison indiquée répond au nom de Monsieur Kindé Alhassane ». Il s’agit d’un commerçant qui opère dans le commerce de composants chimiques utilisés dans l’orpaillage et ayant des antécédents judiciaires au Mali.

Dammartin/Paris: fin de parcours pour les terroristes

Ils étaient retranchés depuis la fin de matinée à  Dammartin-en-Goà«le (Seine-et-Marne) dans une entreprise o๠ils retenaient une personne. Les frères Kouachi, jihadistes français, soupçonnés d’avoir perpétré mercredi la tuerie à  Charlie Hebdo, ont été tués en fin d’après-midi dans l’assaut donné par le GIGN. Fin de cavale pour les tueurs de Charlie Hebdo L’assaut a été lancé à  17 heures par le GIGN. Des négociations avaient été menées pendant des heures, sans parvenir à  convaincre les terroristes de se rendre. L’opération a duré à  peine quelques minutes et l’otage est sain et sauf, les frères Kouachi n’auraient pas repéré sa présence durant le siège de l’imprimerie. Un gendarme a été légèrement blessé. C’est au volant d’une voiture volée que Chérif et Saà¯d Kouachi, 32 et 34 ans avaient été localisés en début de matinée et pris en chasse par les gendarmes, avant d’investir les locaux de l’entreprise. Des hélicoptères ont survolé le site tout l’après-midi, encerclé par les hommes du GIGN, qui ont mené l’opération appuyés par des équipes du Raid. Les écoles avaient été évacuées et les commerces fermés. Assauts coordonnés Simultanément à  l’assaut à  Dammartin-en-Goà«le, une opération a été menée au sein de l’épicerie casher à  côté de la porte de Vincennes à  Paris. Le preneur d’otage, Amedy Coulibaly, qui réclamait la libération des frères Kouachi, a été tué par les forces de l’ordre. Après plusieurs détonations, des policiers ont pénétré dans le magasin o๠le jeune home de 32 ans, soupçonné d’avoir déjà  tué une policière municipale stagiaire à  Montrouge jeudi, retenait une dizaine de personnes en otage dans une épicerie casher à  côté de la porte e Vincennes à  Paris. Les locaux du magasin étaient entièrement piégés. Quatre personnes sont mortes. Il n’était pas possible dans l’immédiat de savoir si ces blessés étaient des otages ou des membres des forces de l’ordre. Quatre autres otages sont très grièvement blessés, leurs jours sont en danger. Deux hommes du Raid auraient également été touchés dans l’assaut, on ignore pour l’instant le degré de gravité de leurs blessures. Un lourd bilan Le preneur d’otage est donc le même qui a tué une policière, jeudi à  Montrouge. Amédy Coulibaly, un délinquant multirécidiviste né à  Juvisy-sur-Orge. Il avait rencontré Chérif Kouachi, le plus jeune des deux frères impliqués dans l’attentat de Charlie Hebdo, en détention. Les deux hommes avaient été impliqués en 2010 dans l’enquête sur une tentative d’évasion de Smaà¯n Aà¯t Ali Belkacem, ancien du Groupe islamique armé algérien (GIA), condamné pour l’attentat à  la station RER Musée d’Orsay en octobre 1995 à  Paris. Kouachi avait bénéficié d’un non-lieu mais Coulibaly avait été condamné à  cinq ans de prison en décembre 2013. A eux trois, les terroristes qui ont jeté la France dans l’émoi depuis le mercredi auront causé la mort de dix-sept personnes. Le président français s’exprimera à  19h GMT sur cette affaire et sur les circonstances de