Le G5 Sahel sera bien doté de 50 millions d’euros pour lutter contre le terrorisme

Les ministres des Affaires Etrangères des pays du G5 du Sahel sont réunis ce lundi à Bamako pour coordonner la lutte antiterroriste menée par leurs forces armées, dans un contexte où les groupes djihadistes montent en force et redoublent d’attaques meurtrières dans toute la région. L’UE apportera une aide de 50 millions d’euros pour le déploiement de cette force conjointe du G5 Sahel

Plusieurs sujets concernant la lutte contre l’extrémisme au Sahel figurent au programme de la rencontre du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad). Mais un point particulier doit être passé au crible par les ministres réunis à Bamako. Il s’agit de la force militaire commune qui sera chargée de la lutte contre les milices djihadistes au Sahel.

Les premières informations font état d’une subdivision en deux parties de cette force multilatérale. Les ministres préfèrent qu’une partie de la force commune soit composée d’unités destinées uniquement à la lutte contre les bandes terroristes.

La seconde et non moins importante assurera des missions de nature policière. Les effectifs de cette dernière auront pour objectif principal la lutte contre le trafic de drogue, d’armes et d’être humains. Ils seront probablement au front de la lutte contre l’immigration clandestine, sachant que les pays du Sahel sont devenus ces dernières années les plus grands pourvoyeurs de migrants clandestins pour l’Europe.

La force conjointe sera dotée d’un effectif avoisinant les 10 000 hommes devant couvrir toute la zone commune aux cinq pays concernés. Néanmoins une attention particulière sera accordée à la région du Liptako Gourma, située à la frontière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso et qui a été le théâtre de nombreuses attaques de groupes islamistes armés ces derniers mois.

Les pays du G5 Sahel ont besoin de 50 millions d’euros de l’Union européenne (UE) pour mettre en place cette force multinationale et s’attaquer efficacement à cette menace transfrontalière. Selon nos informations, l’UE par la voix de la Haute Représentante/Vice-Présidente Federica Moghérini, soutiendra le déploiement de la force conjointe du G5 Sahel avec une enveloppe de 50 millions d’euros pour sa mise en place effective.

Ces pays occupant une vaste zone de 5 millions de km2 carrés pour une population globale de 65 millions d’habitants,font aujourd’hui face à la menace sécuritaire avec la prolifération de groupes terroristes. Ils sont confrontés à plusieurs défis dont l’avancée du désert, le changement climatique, le fort taux de prévalence de pauvreté, le chômage des jeunes et les problèmes sécuritaires liés au terrorisme et à la criminalité transfrontalière.

Barkhane : « Nous allons chercher les terroristes là où ils sont »

Alors que s’est achevé, lundi 6 février, le sommet extraordinaire du G5 Sahel où les chefs d’État du Mali, Niger, Mauritanie, Tchad et Burkina Faso, ont convenu d’une mutualisation des efforts pour mieux sécuriser et gérer les zones de frontières et de la mise en place d’une force conjointe régionale, pour faire face à un ennemi commun, le terrorisme. Au Mali, la lutte contre cette menace ne faiblit pas. L’opération Filidjo à Gao ainsi que les opérations que la force Barkhane mène à Kidal et dans sa région, ont commencé à donner des résultats. Le Lieutenant-colonel Philippe de la force Barkhane est revenu, pour le Journal du Mali, sur les dernières opérations de la force française en coordination avec les forces maliennes et sur la création de ces forces, mixtes ou conjointes, qui devraient permettre peu à peu une reprise en main sécuritaire dans la région.

Les opérations menées à Gao dans le cadre de l’opération Filidjo et à Kidal, ont permis d’effectuer des arrestations et de saisir du matériel qui pourrait fournir de précieux renseignements. À Kidal, la maison de Iyad Ag Ghaly, chef d’Ansar Dine, a été perquisitionnée le 28 janvier dernier, une première depuis 4 ans, pourquoi maintenant et qu’y avez-vous trouvé ?

Tout d’abord, il y a une limite dans ce que je peux vous répondre concernant cette question. Si je vous dis réellement pourquoi nous avons fouillé cette maison, je compromets la sécurité des opérations. Donc, de manière générale quand nous montons une opération, c’est que nous avons des renseignements qui nous laissent penser que l’opération qui va être menée va être rentable.

Qu’entendez-vous par « rentable » ?

C’est-à-dire que soit on va trouver quelque chose, le genre de chose que l’on cherche, ou alors, cette action va empêcher des groupes armés terroristes de se réimplanter de manière durable dans un endroit, parce que l’on va perturber leur réseau de soutien, leurs informateurs etc. En l’occurrence, on est plus dans cette logique-là en ce qui concerne l’opération à Kidal. En agissant dans cette maison, on a perturbé potentiellement son réseau, Nous avons trouvé dans cette maison des choses qui nous intéressent et que nous sommes en train d’exploiter.

Donc cette opération a été fructueuse ?

Tout à fait et ce qui nous fait aussi penser que cette opération a été fructueuse, ce sont les réactions que vous allez certainement évoquer dans votre prochaine question.

Justement, à Kidal ainsi qu’à Gao, certains se sont élevés contre des pratiques douteuses de la force lors de certaines perquisitions, notamment la saisie de bijoux ou d’argent, qui n’ont pas un réel intérêt dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, pourquoi ces saisies ?

Il faut savoir que nous avons des indicateurs qui nous laissent à penser que nos actions sont très bien perçues, que ce soit pour l’opération Filidjo à Gao ou à Kidal, nous sommes particulièrement soucieux de la perception que peut avoir la population de notre action. À Gao, il y a en effet une somme d’argent qui a été saisie à des fins d’enquête et tant que nous n’avons pas la certitude que cet argent est honnête ou malhonnête, en lien ou pas avec le terrorisme, l’argent est mis quelque part sous séquestre en attendant les résultats de l’enquête. Je vous parle de très fortes sommes qui parce qu’elles étaient importantes nous ont alerté. Concernant les bijoux, la fouille de la maison de la personne à laquelle vous avez fait référence a été effectuée par des équipes spécialisées comprenant des gendarmes. À l’issue de la fouille, il y a un compte-rendu qui est fait, un procès-verbal qui liste les ressources que l’on a saisies. Si après enquête, on s’aperçoit qu’il n’y a rien à en tirer, on les rend. Dans le procès-verbal de l’opération de Kidal, il n’est en aucun cas marqué qu’on a saisi des bijoux.

Donc ces accusations visaient à discréditer le travail de la force, selon vous ?

Ce que je comprends, c’est que parce qu’on dérange les réseaux des groupes armés terroristes, on nous accuse de tous les noms. On a rapidement entendu, ici ou là, qu’après l’opération de Kidal, on avait volé des bijoux et comme ça n’a pas marché, le lendemain ils ont fait dire que nous avions violenté une petite fille. Une photo de cette même jeune fille, souriante avec ses parents et des éléments de Barkhane a d’ailleurs totalement démenti ces accusations.

Le mois de janvier a été un mois particulièrement sanglant, avec l’attaque du camp MOC, ainsi que de nombreuses attaques au nord et au centre du Mali. Est-ce que l’action de la force Barkhane est plus difficile, plus complexe, dans le contexte actuel où les attaques terroristes semblent se multiplier ?

Tout dépend qu’elle est le prisme que l’on prend, si on s’intéresse au mois de janvier, avec le nombre de morts et ceux du MOC, c’est vrai que le bilan est peu positif. Cependant quand on regarde la situation qui prévalait lors de la crise malienne avec la descente des groupes armés terroristes vers Bamako, qui a pu être stoppé et la situation que l’on connaît aujourd’hui, il y a quand même une nette différence. L’État malien est revenu dans certaines de ces villes, notamment à Gao, à Tombouctou et globalement la situation a beaucoup progressé. L’ennemi réagit à nos opérations et aux opérations de l’armée malienne et trouve des failles qui nécessitent de nous adapter. C’est un peu l’histoire du glaive et du bouclier, c’est-à-dire que lorsque nous effectuons des actions qui nous mènent à de très bons résultats, une fois que l’ennemi a compris comment nous avons mené notre opération, ils se réadaptent, c’est comme cela qu’ils utilisent des IED (engins explosifs improvisés – NDLR -) qu’ils placent sous nos convois. Ce qui est sûr, c’est que Barkhane s’adapte en permanence, pour justement être imprévisible et continuer à les perturber.

Votre base provisoire dans la zone d’Abeibara, connue pour être un sanctuaire terroriste, à été démontée, est-ce à dire que votre travail contre le terrorisme dans cette zone a été un succès et ne craignez-vous pas que les djihadistes qui ont été chassés se reconstituent ailleurs comme au centre du Mali par exemple ?

Le PAT (Point d’Appui Temporaire) d’Abeibara servait à notre effort dans le cadre de l’opération Septentrion qui avait pour but de réduire durablement la présence terroriste dans cette région. Une opération ça se prépare, ça se conduit et ensuite il faut l’arrêter. Une fois que l’on a considéré que les résultats étaient obtenus, on a démonté le point d’appui, qui était une base temporaire de départ. Pour répondre à votre question, oui il y a une réarticulation de la force qui va se réorienter vers le centre du Mali, pour des raisons évidentes de sécurité, je ne peux, évidemment, vous dire où.

N’est-ce pas un peu le problème de la force Barkhane, d’évoluer dans un immense territoire avec un nombre insuffisant d’hommes pour mener à bien ces opérations de sécurisation ?

Barkhane ne peut pas être partout tout le temps avec 4000 hommes déployés sur 5 pays, ce n’est pas possible dans une zone grande comme l’Europe, on ne peut pas être partout. Par contre nous cherchons à être où l’on veut et quand on le veut, c’est important, notamment dans le dimensionnement de la force. Nous avons des avions, des hélicoptères etc. donc de manière assez fulgurante nous pouvons basculer, par exemple, de Gao à Kidal, de Kidal à Madama au Niger, etc. On est dans une zone où l’ennemi se joue des frontières où ils essaient de se trouver des planques, ils jouent à cache-cache en quelque sorte et nous nous allons les chercher là où ils sont, comme ils changent d’endroit, nous changeons aussi d’endroit. Ils ont besoin de financement, de soutien, ils ne vivent pas de manière évanescente, et nous cherchons à perturber durablement leurs réseaux.

En parlant de financement, il est clair que l’une des sources de financement du terrorisme dans la région est le trafic de drogue, certains mouvements armés sont notoirement connus pour participer à ses trafics. Pourquoi la force Barkhane n’agit-elle pas contre ces trafics qui représentent une manne financière pour les groupes terroristes ?

La mission de Barkhane n’est pas de lutter contre le trafic de drogue. La mission de Barkhane c’est de veiller à ce que ces réseaux terroristes ne se reforment pas, pour cela notre action est régulière pour éviter toutes résurgences et préparer le terrain pour les forces maliennes quand elles réinvestiront ces zones. Nous n’avons pas vocation à lutter contre le trafic de drogue parce qu’il y a d’autres missions qui sont chargées de le faire.

Cette mission est assurée par une autre force française ?

Non, je ne crois pas.

Après 3 ans d’opérations, la force Barkhane est-elle en train de s’enliser comme on peut l’entendre ici où là, notamment chez certains observateurs et dans les médias ?

Avant de vous répondre, j’aimerais faire une parenthèse. Il y a parfois des formules journalistiques qui sur le papier font bien mais qui en fait ne représentent pas tellement la réalité et ne sont pas ancrées dans le réel. Je constate, qu’il y a pas mal de commentateurs dont quelques-uns dans les salons parisiens qui présentent le verre à moitié vide et ils ont des arguments pour le faire que je ne remets pas en cause. Mais à la force Barkhane, nous voyons le verre à moitié plein et surtout nous voyons qu’il se remplit alors qu’il y a quelques années, il était totalement vide. Aujourd’hui, ce verre continu à se remplir à un rythme qui parfois devrait forcer l’admiration des commentateurs.

À quel niveau constatez-vous ces progressions qui viennent un peu contredire l’impression globale ?

Je prends un exemple, la défense européenne n’est jamais arrivée à un même niveau d’interopérabilité, de volonté de travailler en commun que les Africains dans cette zone-là aujourd’hui. Il y a 3 ans les armées de la sous-région s’ignoraient totalement et n’avaient pas vocation à travailler ensemble. Aujourd’hui on planifie des opérations ensemble. L’opération Garikou a été préparée en commun avec le Mali, le Niger et Barkhane. On a échangé du renseignement et on a opéré ensemble. Cette opération est exemplaire et a montré ce vers quoi il faut tendre. Je vois cette coopération d’une manière très positive. Ils travaillent aux coudes à coudes avec nous car ils ont compris qu’il y avait un ennemi commun et que cet ennemi se défie des frontières et même en joue. Aujourd’hui, il y a des pays de la sous-région qui ont accepté ce qu’on appelle le droit de poursuite, c’est à dire qu’une force armée a le droit de traverser une frontière pour poursuivre l’ennemi sur le territoire d’un état souverain, c’est conceptuellement quelque chose qui serait difficile à admettre en Europe. Ici, ils le font et au plus au niveau. En début de semaine à Bamako le sommet du G5 Sahel à développer ça et c’est formidable.

La mise en place de ces forces, tripartite pour la zone Liptako-Gourma et conjointe pour le G5 Sahel, sonne-t-elle un retrait progressif de la force Barkhane ?

Cette force conjointe est plutôt une très bonne nouvelle. Disons que c’est exactement le but à atteindre de ce que l’on poursuit. Barkhane n’a pas vocation à durer éternellement. À terme, dans l’idéal, il faudrait que Barkhane se retire et que cette force conjointe prenne le relais et que les Africains puissent s’approprier leur propre sécurité.

Terrorisme: Niger, Mali et Burkina créent une force tripartite

Le Niger, le Burkina Faso et le Mali ont décidé mardi à Niamey, de mettre sur pied une force pour lutter contre l’insécurité dans la zone du Liptako-Gourma à cheval sur leurs trois frontières, « en passe de devenir un sanctuaire de groupes terroristes ».

La création de la Force multinationale de sécurisation du Liptako-Gourma (FMS/LG) a été décidée par les présidents du Niger, Mahamadou Issoufou, Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso et Modibo Keïta, le Premier ministre du Mali, à l’issue d’un sommet de l’Autorité du Liptako-Gourma (ALG), une institution créée en 1970 pour développer cette zone qui abrite 45% de la population totale des trois Etats.

« Nous avons décidé (…) de la mutualisation de nos moyens de renseignements, de nos capacités (militaires) opérationnelles pour faire face à la situation sécuritaire dans cette zone » du Liptako-Gourma, vaste de 370.000 km2 et située à cheval sur les trois Etats, a déclaré le président nigérien, Mahamadou Issoufou.

« La région du Liptako, jadis havre de paix est en passe de devenir un sanctuaire de groupes terroristes et de criminels de tous genres », s’alarme le communiqué final du sommet.

« Malgré les efforts déployés par les Etats membres, en relation avec la communauté internationale (…) la situation sécuritaire demeure volatile et préoccupante » dans la zone, insiste le texte du communiqué.

La nouvelle force est à l’image de la Force multinationale mixte créée par le Niger, le Nigeria, le Tchad et le Cameroun qui combat depuis 2015 le groupe islamiste armé Boko Haram dans le bassin du Lac Tchad, a expliqué le président Issoufou. « La Force multinationale mixte a beaucoup affaibli Boko Haram », et « il n’y a pas de raison qu’on ne s’en inspire pas au niveau des trois frontières qui concernent le Burkina Faso, le Mali et le Niger », a-t-il justifié.

L’Autorité du Liptako-Gourma a pour mission la mise en valeur des riches ressources minières, énergétiques, hydrauliques, agricoles et pastorales dont regorge la zone enclavée.

Le président nigérien, dont les forces de sécurité ont été frappées à plusieurs reprises par des groupes jihadistes venus du Mali, a souvent demandé « un mandat plus offensif » pour la force onusienne dans ce pays voisin.

Des analystes craignent que cette insécurité ne compromette la construction d’une « boucle ferroviaire » devant relier le nord du Bénin au sud et l’ouest du Niger et qui remontera à Ouagadougou puis ira jusqu’à Abidjan.