Son corps n’a jamais été rendu à sa famille. Et C’est avec émotion que les anciens camarades de lutte se souviennent de lui, en ce jour anniversaire. Assassiné le 17 mars 1980, dans des circonstances étranges et dans l’indifférence la plus totale, Abdoul Karim Cabral était avant tout un grand leader estudiantin malien dont l’exemple inspirera toujours les générations actuelles et celles de demain. Militant, homme d’idées et d’actions, il a entraà®né toute une masse d’hommes dans le combat pour la démocratie, et à quelques jours de la commémoration du 26 Mars, l’émotion est vive, les souvenirs remontent, depuis 1980, année de prémisses révolutionnaires, et tous ceux qui ont côtoyé Cabral, ont aujourd’hui un devoir de mémoire, un héritage à transmettre… Modibo Diallo, compagnon de lutte témoigne dans le journal 26 mars «Â C’était un soir de l’année scolaire 1976-77 dans l’amphithéâtre de l’Ecole Normale Supérieure o๠nous nous sommes réunis pour mettre sur pied la troupe théâtrale de l’Ecole Normale Supérieure. Je fais ce jour là une rencontre, qui allait devenir l’une des plus marquantes de ma vie. Un des nombreux étudiants ayant répondu à l’appel se présente à moi alors que J’étais secrétaire à la Culture au bureau de l’ADENSUP, l’Association des Etudiants de l’Ecole Normale Supérieure).  Je m’appelle Abdoul Karim Camara, mais je suis plus connu sous le nom de Cabral, surnom qui m’a été donné au Lycée de Badala ; je suis en 1ère année Philo-Psycho-Péda Â. Je me présente à mon tour. La petite réunion se déroule. La troupe est mise sur pied. Les dates de répétition sont arrêtées et le petit groupe se sépare. A partir de cet instant, mes rencontres avec Cabral deviennent de plus en plus fréquentes. En dehors des séances de répétition, les multiples activités de l’ADENSUP (conférence-débats, assemblées générales, récitals, actions de salubrité, etc.) nous en donnaient l’occasion. Car, Cabral était un de ces étudiants qui répondait présent à tous les appels du bureau ; il était un  militant  de l’ADENSUP, qualificatif qui, à cette époque-là , était attribué avec parcimonie et après une période probatoire pertinente. En plus d’avoir été assidu aux répétitions, Cabral tient son rôle avec art et application dans chacune des deux pièces mises en scène ( Ni san cènna, jate tè kalo la  ;  la poudrière astrale éclatera Â). La conviction se lisait dans ses gestes, et la solennité dans sa voix ». 1976- 1978 : les années de turbulence l’année 1976-77 a été ponctuée de deux grèves mémorables (d’abord, celle conte l’introduction du concours d’accès à l’enseignement supérieur, puis celle pour la libération de Boniface Diarra arrêté pour diffusion de mots d’ordre de grève) ainsi que l’arrestation de Tiébilé Dramé (pour participation aux obsèques de Modibo Kéà¯ta) ; Ces grèves furent mémorables à cause de la dureté de la répression de la police. Comme palliatif à la turbulence du front scolaire, le pouvoir entendait organiser les élèves et étudiants dans un cadre o๠il pourrait les contrôler à distance. Un programme de supervision des comités est alors communiqué à tous les établissements d’enseignement secondaire et supérieur. Faut-il boycotter cette mise en place ? Faut-il, au contraire, l’empêcher ? A l’ADENSUP, selon Modibo Diallo , ils pensent que l’erreur consisterait à laisser le champ libre aux  pions  du régime ou à ceux qui n’ont aucune conviction, et qui viennent dans le bureau pour paraà®tre ou pour uniquement organiser les bals et concerts. La stratégie arrêtée poursuit -t-il, consiste à faire élire un bureau constitué d’un noyau de militants sûrs. « Cabral, bien sûr, faisait parti des  favoris Â. Il est élu secrétaire administratif, C’est-à -dire deuxième personnalité du bureau que J’ai eu l’honneur de diriger cette année-là », se souvient Modibo Diallo. Etre responsable, C’est donner le bon exemple « Ceux qui ont placé en Cabral leur confiance, en le proposant et en le faisant élire, ne s’étaient pas trompés. Car, très vite, il s’impose comme un élément incontournable au sein du bureau, par sa disponibilité, par son sens du devoir, sa rigueur morale, sa franchise et surtout en ont très vite fait. Son dévouement pour l’ADENSUP n’avait d’égal que sa volonté d’être, aussi et surtout, un étudiant modèle pour qui l’effort et le respect sans borne pour ses professeurs étaient les premiers commandements. Les nombreuses sollicitations découlant de la qualité de responsable estudiantin, pour lui (et pour nous tous, à l’époque), ne devaient aucunement dispenser des contrôles et devoirs), et encore moins justifier les mauvaises notes. Etre responsable C’est, surtout, donner le bon exemple ; C’est, aussi travailler plus que les autres. » raconte le quinquagénaire. « Cette exemplarité au sein de l’ADENSUP ne passe pas inaperçue au niveau des autres comités d’établissement. En Janvier 1978 se tient le congrès de l’UNEEM (Union Nationale des Elèves et Etudiants du Mali). Les délégués venus, pour la première fois, de l’ensemble du pays doivent se doter de nouveaux statuts et élire un Bureau de Coordination. Là encore, Cabral se fait distinguer par la qualité de ses interventions et par ses qualités humaines. Ses bonnes relations personnelles avec la plupart des délégués de Bamako et l’attention qu’il a portée aux camarades venus des Régions, lui permettent facilement de rapprocher les positions d’arrondir les angles. Il est élu secrétaire à l’Information au Bureau de Coordination de l’UNEEM, que J’ai eu, une fois encore, l’honneur de diriger. Le fait d’appartenir tous deux au Bureau de l’ADENSUP et du Bureau de Coordination amena Cabral et moi à avoir des relations plus suivies tant sur le plan du travail que sur le plan humain. De fait, il devient  mon adjoint  au sein du Bureau de Coordination. Inutile d’ajouter que là aussi, Cabral s’impose par les mêmes qualités que celles rappelées plus haut ». « Cabral s’est toujours présenté comme la sentinelle des intérêts de l’étudiant » Durant toute cette année, que ce soit à l’occasion des petits conflits qui éclataient au sein de tel ou tel établissement, ou autour des questions plus importantes, Cabral s’est présenté comme la sentinelle des intérêts de l’étudiant malien. Nul ne pouvait compter sur lui pour porter atteinte aux principes. Mais, tous pouvaient attendre de lui qu’il amène les uns et les autres, à force de persuasion, au compromis qui ménage l’essentiel. l’image que je garde le plus de ce camarade infatigable, dévoué et désintéressé, est celui d’un compagnon foncièrement honnête, chez qui le calcul était absent, un militant qui s’est toujours placé du côté o๠il pensait que le devoir voulait qu’il soit. En somme, il était de la graine des hommes faits pour marquer leur génération. Fauché prématurément, puisse son exemple de droiture et d’abnégation inspirer ses compagnons de lutte, actifs sur la scène politique du moment, et ses cadets qui affirment le prendre pour idole.
Cabral, un leader fauché en pleine jeunesse
Publié le 17.03.2011 à 00h00 par Journal du Mali

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