Transition : Une union sacrée est-elle possible ?

Dans un message adressé le 15 octobre dernier au Président de la Transition, le Président du Parti pour l’action civique et patriotique (PACP) dissous, Yeah Samaké, appelle à une union des forces pour sauver le Mali. Son initiative relance le débat sur la possibilité d’une union sacrée des Maliens dans un contexte de crise multidimensionnelle profonde.

Dans son message, Yeah Samaké invite à « dépasser les clivages » afin de bâtir ensemble un Mali fort, souverain et prospère. « Je viens en paix, avec le cœur d’un patriote sincère », écrit-il, avant de tendre « une main fraternelle pour le Mali ».

Cet appel à l’unité intervient dans une période où la cohésion nationale est plus que jamais mise à l’épreuve. Mais une union sacrée rassemblant acteurs politiques et forces vives autour des autorités de la Transition est-elle réellement possible dans le climat actuel ?

Méfiance 

L’appel de Yeah Samaké, au-delà de sa portée symbolique, ravive le débat sur les conditions d’un dialogue inclusif dans un Mali fragmenté par les tensions politiques et sociales.

Depuis plusieurs mois, une partie de la population réclame un retour à un ordre institutionnel normal, tandis qu’une autre affiche un soutien indéfectible aux autorités actuelles, convaincue que les anciens dirigeants ont failli. Cette fracture du corps social s’accompagne d’une crispation politique qui rend toute initiative d’union nationale difficile à concrétiser. Comme le souligne un analyste politique, « il ne suffit pas de tendre la main, encore faut-il qu’elle soit saisie. Or, aujourd’hui, la main de la réconciliation se heurte au mur de la méfiance et du ressentiment ».

Depuis la dissolution des partis politiques en mai dernier, la scène politique est figée, et les relations entre la Transition et les anciens acteurs politiques restent tendues. Bien avant cette mesure, plusieurs leaders d’opinion, anciens ministres, Présidents de partis et figures religieuses avaient été arrêtés, réduits au silence ou contraints à l’exil.

Dans ce contexte, l’appel à l’union sonne à la fois comme une exhortation patriotique et comme un rappel de la nécessité du pardon. « L’union des forces est possible, mais elle exige un changement profond des attitudes et des pratiques. Elle suppose un leadership capable d’inclure plutôt que d’exclure, de réconcilier plutôt que de punir, et surtout une confiance mutuelle qui fait aujourd’hui défaut », souligne notre interlocuteur.

Les conditions d’une union nationale crédible 

Malgré les obstacles, plusieurs observateurs considèrent que l’union sacrée de tous les Maliens demeure une nécessité stratégique pour sortir le pays de l’impasse actuelle.

Cependant, pour qu’une telle union soit possible, elle doit reposer sur des bases sincères. La libération des anciens responsables politiques et des leaders d’opinion incarcérés constituerait un signal fort d’apaisement.

« Le Mali a besoin de tous ses fils. L’Imam Mahmoud Dicko, Moussa Mara, Ras Bath, Ben le Cerveau, Rose « la vie chère », Mamadou Traoré dit Le Roi, l’Imam Sékou Sidibé, l’Imam Bandiougou Traoré, etc., ont tous leur utilité dans la gestion de la crise actuelle », estime Sékou Niamé Bathily, élu local et cadre de l’ancien parti RPM.

Par ailleurs, la restauration du débat public permettrait de retisser le lien entre dirigeants et citoyens. Pour M. Bathily, « il faut accepter qu’il y a des Maliens qui souffrent de la gouvernance actuelle du pays et que d’autres ont le droit d’en parler ».

Enfin, la mise en place d’un cadre de concertation réellement inclusif — associant acteurs politiques, religieux, militaires et société civile — pourrait donner corps à l’idée d’un consensus national.

« Le Mali a déjà connu des moments d’unité dans l’adversité, notamment lors de la crise de 2012. Si la Transition actuelle veut réussir, elle doit comprendre que la force d’un État réside dans sa capacité à écouter et à rassembler, non à imposer et à diviser », conclut un ancien responsable politique.

Mohamed Kenouvi

Mali/États-Unis : Washington lève la caution de visa imposée aux voyageurs

Le Département d’État américain a officiellement retiré, le 23 octobre 2025, le Mali de la liste des pays concernés par son Programme pilote de caution de visa, une mesure qui exigeait des voyageurs un dépôt de garantie pouvant atteindre 15 000 dollars. Cette annonce, faite discrètement à travers une mise à jour sur le site officiel du Département d’État, met fin à une tension diplomatique née entre Bamako et Washington depuis la mise en œuvre de ce dispositif jugé pénalisant.
Le programme, instauré pour cibler les nations dont les ressortissants dépassaient fréquemment la durée légale de séjour aux États-Unis, imposait à certains demandeurs de visas de tourisme ou d’affaires (B-1/B-2) de verser une somme comprise entre 5 000 et 15 000 dollars. Ce montant, placé sur un compte du Trésor américain, n’était restitué qu’à condition que le voyageur quitte le territoire américain dans les délais autorisés. Cette exigence avait immédiatement suscité la réaction du ministère malien des Affaires étrangères, qui avait riposté par une mesure de réciprocité stricte, imposant la même caution aux citoyens américains souhaitant se rendre au Mali.

En retirant désormais le Mali de la liste intitulée Countries Subject to Visa Bonds, Washington rétablit les procédures consulaires ordinaires et rend caduque la mesure de réciprocité malienne. Plusieurs pays africains, comme la Tanzanie, la Mauritanie ou la Zambie, demeurent toutefois soumis au programme. Pour Bamako, cette levée constitue un geste diplomatique fort, perçu comme une reconnaissance de la bonne foi du pays en matière de coopération migratoire.

Ce revirement américain s’inscrit dans une dynamique d’apaisement des relations bilatérales, après plusieurs mois de crispation sur fond de différends politiques et sécuritaires. Il permet de faciliter la mobilité des étudiants, hommes d’affaires et familles, tout en levant une barrière financière et psychologique importante pour les citoyens maliens. En toile de fond, cette décision traduit la volonté des deux capitales de préserver un dialogue constructif, malgré un contexte international parfois tendu.

Côte d’Ivoire : Un scrutin sans suspense mais à forte portée régionale

À deux jours de la présidentielle du 25 octobre, la Côte d’Ivoire se prépare à un vote marqué par l’absence de ses grandes figures d’opposition. Face à une scène politique recomposée, Alassane Ouattara aborde ce rendez-vous décisif dans une région en pleines turbulences.

Cinq candidats sont officiellement en lice pour la présidentielle ivoirienne du 25 octobre 2025, validés par le Conseil constitutionnel au terme d’un processus tendu. Le Président sortant Alassane Ouattara, 83 ans, brigue un quatrième mandat sous les couleurs du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix. Face à lui, quatre visages aux parcours contrastés tentent de rompre la logique d’un pouvoir solidement installé. Simone Ehivet, ancienne Première Dame et ex-compagne de Laurent Gbagbo, veut incarner un retour moral et patriotique après des années de silence politique. Jean-Louis Billon, homme d’affaires et ancien ministre du Commerce, mise sur la souveraineté économique et la bonne gouvernance. Ahoua Don Mello, proche de l’ancien Président Gbagbo, prône une alternative nationaliste, tandis que Henriette Lagou ADJOUA, indépendante, s’appuie sur sa réputation de ténacité politique. Malgré la présence de ces profils contrastés, la campagne s’est déroulée dans un calme relatif, sans grands rassemblements, révélant à la fois la discipline du pouvoir et la résignation d’une partie de l’électorat.

Mais, derrière la diversité affichée, la compétition semble déjà pliée. Plusieurs figures majeures de la vie politique ivoirienne – Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Tidjane Thiam et Pascal Affi N’Guessan – ont été écartées de la course pour des raisons judiciaires ou administratives. Ces exclusions nourrissent la contestation et fragilisent la perception de légitimité du scrutin. Le véritable enjeu pourrait alors résider dans le taux de participation. Entre lassitude électorale et sentiment d’inutilité du vote, la mobilisation populaire déterminera la portée politique du résultat.

Au-delà des frontières ivoiriennes, ce scrutin résonne dans une Afrique de l’Ouest en recomposition. La CEDEAO, affaiblie par le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso, tente de restaurer son autorité morale en prônant l’alternance et la bonne gouvernance. Les tensions frontalières, la pression migratoire venue du Sahel, l’inflation et la menace jihadiste complètent un paysage d’incertitudes. Dans ce contexte, la stabilité de la Côte d’Ivoire est un enjeu collectif pour la région, entre promesse de continuité et besoin d’exemplarité démocratique.

À l’heure où la CEDEAO tente de restaurer son image d’espace d’alternance et de stabilité, la Côte d’Ivoire, par son poids économique et politique, reste observée comme le baromètre de la démocratie ouest-africaine.

Crise de carburant : Les revendeurs sur la sellette

Le Mali tente d’enrayer la pénurie de carburant qui paralyse l’économie depuis plusieurs semaines. Les autorités ont restreint la vente aux acteurs informels, une mesure qui accentue les difficultés des populations rurales et de milliers de petits opérateurs.

La crise du carburant affecte désormais tous les secteurs d’activité. Depuis les attaques de camions-citernes survenues mi-septembre, l’approvisionnement est fortement perturbé, aggravant la pénurie jusque dans la capitale. Face à l’ampleur de la situation, les autorités ont annoncé des mesures destinées à stabiliser le marché et à sécuriser la chaîne logistique. Parmi celles-ci, la restriction de la vente par les revendeurs, censée éviter les spéculations et limiter le détournement du produit vers les groupes armés. Une mesure jugée nécessaire mais difficile à appliquer dans un contexte de forte demande et de hausse continue des prix.

De plus, cette crise a déjà provoqué une baisse sensible du transport des marchandises et du trafic urbain, entraînant des pertes économiques estimées à plusieurs milliards de francs CFA. Le Mali, dont la consommation mensuelle avoisine 65 millions de litres pour une capacité de stockage de 53 853 m³, est dépendant à plus de 90% des importations transitant principalement par le port de Dakar. Toute perturbation logistique sur cet axe ou aux frontières fragilise l’ensemble du système énergétique national.

Gestion à long terme

La pénurie a révélé les limites structurelles du dispositif de gestion et de distribution des produits pétroliers. Pour résoudre durablement la crise, les autorités annoncent le renforcement des escortes des camions-citernes, la surveillance accrue de la distribution afin d’éviter les pratiques spéculatives et une politique de stockage plus ambitieuse.

À Bamako, les files d’attente s’allongent devant les stations-service tandis que les revendeurs informels prospèrent. Entre 1 500 et 2 000 francs CFA le litre, les consommateurs n’ont guère le choix. Dans les villes de province, les autorités tentent de rationner la distribution quand le produit est disponible. À Ségou, un conducteur de mototaxi confie : « cela fait trois jours que j’attends. Les stations disent qu’il n’y en a plus. » En attendant le prochain ravitaillement, il espère que « les autorités reprendront le dessus ».

Dans d’autres localités comme Fana ou Moussala, les habitants évoquent les mêmes difficultés d’approvisionnement. Les revendeurs, désormais exclus du circuit, peinent à s’adapter tandis que les populations redoutent une crise prolongée. Au-delà de la gestion immédiate, la situation interroge sur la soutenabilité du modèle énergétique national et le coût croissant des subventions publiques dans un contexte de tensions budgétaires.

Tournoi UFOA-A U17 2025 : Un bilan satisfaisant

Le tournoi de l’UFOA-A U17 2025 s’est achevé le 18 octobre à Bamako, après deux semaines de matches intenses et riches en émotions. Huit sélections de la sous-région étaient en lice pour décrocher le titre et les deux places qualificatives pour la prochaine Coupe d’Afrique des Nations U17.

Champion en titre, le Sénégal a conservé son trophée avec autorité. Invaincus tout au long de la compétition, les Lionceaux ont affiché une solidité collective impressionnante. Emmenés par Souleymane Commissaire Faye, auteur d’un doublé en finale, ils ont dominé le Mali 2–0 pour s’adjuger une troisième couronne zonale après celles de 2018 et 2024.

De son côté, le Mali n’a pas démérité. Logés dans le groupe A avec la Gambie, la Guinée-Bissau et le Libéria, les Aiglonnets ont entamé le tournoi par une large victoire 6–0 face au Libéria avant d’enchaîner avec deux matches nuls (1–1 contre la Guinée-Bissau et 2–2 face à la Gambie).

En demi-finale, les jeunes Maliens ont éliminé la Guinée (2–1) grâce à une belle réaction collective, avant de s’incliner face à un Sénégal plus expérimenté lors de la finale.

Malgré la déception du dernier match, les protégés du sélectionneur Demba Mamadou Traoré ont atteint leur principal objectif : la qualification pour la CAN U17 2026, aux côtés du Sénégal.

Derrière les finalistes, la Guinée-Bissau a décroché la troisième place en venant à bout de la Guinée lors de la petite finale, confirmant ainsi sa montée en puissance dans les catégories de jeunes.

Une vitrine pour la jeunesse ouest-africaine  

Sur le plan individuel, le Sénégalais Souleymane Commissaire Faye a été élu à la fois meilleur joueur et meilleur buteur de la compétition, tandis que son coéquipier Assane Sarr a remporté le trophée de meilleur gardien.

Côté malien, même si la force du collectif a été la clé du parcours, plusieurs talents se sont distingués, à l’image du capitaine Ismaël Kamissoko des Étoiles du Mandé, ainsi que des attaquants Mohamed Sogodogo du FC Malikoura et Fousseyni Sidibé du CSB.

L’organisation de ce tournoi, unanimement saluée par les délégations participantes, a confirmé la capacité du Mali à accueillir de grands rendez-vous sportifs. Au-delà du sacre sénégalais, la compétition a démontré la vitalité et le potentiel du football de jeunes en Afrique de l’Ouest.

Le rendez-vous est désormais pris pour la CAN U17 2026, où le Sénégal et le Mali tenteront de porter haut les couleurs de la sous-région, aux côtés des représentants de l’UFOA-B, la Côte d’Ivoire et le Ghana.

Mohamed Kenouvi

Reprise des cours : Paix fragile dans les écoles publiques

Les élèves des écoles publiques ont repris les cours ce 20 octobre 2025. Près de trois semaines après la rentrée, les enseignants ont accepté de lever leur mot d’ordre d’arrêt de travail consécutif à la suspension de leurs salaires à la suite des conclusions du Système de gestion des ressources humaines (SIGRH). Une reprise bienvenue, mais qui reste suspendue au respect par le gouvernement de ses engagements.

Après dix-neuf jours d’arrêt de travail, les élèves des écoles publiques de Bamako et de plusieurs localités du pays ont enfin retrouvé le chemin de l’école. Alors que la rentrée scolaire 2025-2026 avait officiellement eu lieu le 1er octobre, la Synergie des syndicats de l’éducation avait lancé un mot d’ordre d’arrêt de travail pour exiger la régularisation des salaires suspendus. À la suite de discussions avec les autorités, la Synergie a annoncé le 13 octobre la suspension de son mot d’ordre et fixé la reprise effective des cours au 20 octobre. Partout, l’enjeu est désormais le rattrapage des semaines perdues accumulées.

Une paix précaire

Mais cette reprise s’effectue dans un climat tendu. Outre la course contre la montre que devront désormais mener enseignants et élèves pour rattraper le retard accumulé, les syndicats préviennent que la trêve reste fragile. Dans une lettre datée du 17 octobre et adressée au Gouverneur du District de Bamako, la Coordination des syndicats de l’Éducation signataires du 15 octobre 2016 félicite ses militants tout en invitant les autorités « au respect du chronogramme des traitements de salaires établi le 14 octobre 2025 ». La coordination syndicale prévient : en cas de non-respect des engagements, une grève sera déclenchée automatiquement le 27 octobre 2025.

Si cette reprise est un soulagement pour les parents d’élèves, la stabilité de l’année scolaire demeure incertaine. Certaines représentations régionales de la Synergie dénoncent la lenteur dans la régularisation des salaires et conditionnent la reprise effective des cours à une satisfaction totale de leurs revendications. D’autres continuent le processus d’enrôlement des enseignants concernés.

Pour mémoire, le rapport du SIGRH, remis aux autorités le 15 août 2025, avait révélé plus de 36 000 fonctionnaires fictifs, entraînant la suspension de leurs salaires à partir du mois de septembre. Une mesure qui continue de provoquer de vives tensions dans le secteur éducatif.

Franc CFA : Une monnaie en sursis ou en transition ?

À quatorze mois du lancement annoncé de la monnaie unique Eco et à la veille du quatre-vingtième anniversaire du franc CFA, la question de l’avenir de la monnaie ouest-africaine revient sur le devant de la scène. Entre héritage historique, stabilité économique et souveraineté politique, la région cherche à définir les contours d’une nouvelle ère monétaire.

Créé le 26 décembre 1945, le franc CFA demeure, près de quatre-vingts ans plus tard, l’une des devises les plus anciennes en circulation sur le continent. Instrument de stabilité pour certains, symbole de dépendance pour d’autres, il est au cœur des débats sur la souveraineté et l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest.

Pour l’économiste Modibo Mao Makalou, « le débat sur le franc CFA s’inscrit dans une dynamique plus large, celle d’une réorganisation des zones monétaires ouest-africaines ». Il rappelle : « il existe aujourd’hui deux blocs – l’UEMOA et la Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) – qui devraient converger vers une monnaie unique, l’Eco, prévue pour 2027 ».

Souvent présenté comme un vestige du passé colonial, le franc CFA a pourtant connu plusieurs mutations majeures. D’abord baptisé franc des Colonies Françaises d’Afrique, il devient à l’indépendance franc de la Communauté Financière Africaine pour l’UEMOA et franc de la Coopération Financière en Afrique centrale pour la CEMAC.

La dévaluation de 1994 et la réforme de 2019 ont transformé sa gouvernance. Les pays de l’UEMOA ne déposent plus leurs réserves au Trésor français et la France ne siège plus dans les instances de la BCEAO.

Stabilité monétaire

De plus, l’arrimage à l’euro (1 € = 655,957 franc CFA) demeure un choix de stabilité monétaire comparable à d’autres régimes de change dans le monde. Des pays comme le Danemark, le Maroc ou le Qatar arriment également leur monnaie à une devise forte sans y voir une atteinte à leur souveraineté.

Ce système assure la prévisibilité des prix et la confiance des investisseurs, mais limite la marge de manœuvre monétaire des États membres.

Selon la BCEAO, la zone UEMOA – huit pays dont le Mali – a enregistré en 2024 une croissance moyenne de 5,7% et une inflation de 3,4%, parmi les plus faibles du continent. Les réserves de change, estimées à 16,1 milliards d’euros, couvrent environ quatre mois et demi d’importations, tandis que la dette publique moyenne atteint 52% du PIB.

Réformes inachevées et enjeux régionaux

L’accord signé en décembre 2019 entre la France et les États membres de l’UEMOA visait à moderniser la Zone franc avec le retrait des représentants français, la création d’un compte de garantie à la BCEAO et l’autonomie soutenue de la banque centrale. Ces réformes ont renforcé la gouvernance régionale sans remettre en cause la parité fixe avec l’euro.

L’Eco en ligne de mire

En parallèle, la CEDEAO poursuit le projet de monnaie unique Eco, dont le lancement est prévu pour 2027. Les chefs d’État ont confirmé cette date lors du sommet d’Abuja de juillet 2024, sous réserve du respect des critères de convergence : déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB, inflation maîtrisée, réserves couvrant au moins trois mois d’importations et ratio dette/PIB inférieur à 70. À ce jour, seuls deux pays remplissent durablement ces conditions.

Selon Modibo Mao Makalou, « l’Eco sera une monnaie ouest-africaine émise par une banque centrale fédérale, dotée d’un taux de change flexible adossé à un panier de devises ». Il précise que « seuls les pays respectant les critères de convergence macroéconomique fixés par la CEDEAO seront éligibles », une condition qui rendra la mise en œuvre progressive.

Souveraineté monétaire en débat

Pour l’économiste Étienne Fakaba Sissoko, la question du franc CFA dépasse les frontières de la technocratie. « Le débat sur le franc CFA est à la fois économique, politique et symbolique. Sur le plan économique, il interroge la performance réelle du système : la Zone CFA a assuré la stabilité nominale, mais pas la transformation structurelle des économies. Sur le plan politique, il pose la question du pouvoir : qui décide de la politique monétaire africaine, selon quelles règles et au profit de qui ? ».

Sissoko estime que les réformes menées depuis 2019 ont renforcé la forme plus que le fond : « la parité fixe avec l’euro et la garantie de convertibilité par la France ont été maintenues. L’arrimage est une source de crédibilité, mais aussi une contrainte : il protège contre l’instabilité mais limite la capacité d’adaptation ».

Il plaide pour une transition graduelle : « l’enjeu n’est pas de rompre brutalement, mais de redéfinir la relation monétaire dans un cadre africain maîtrisé : un système plus flexible, appuyé sur un fonds de stabilisation régional et une coordination budgétaire renforcée ».

Le Mali à la croisée des chemins

La sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO en janvier 2025 et la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) redessinent la carte institutionnelle régionale. Ces pays demeurent membres de l’UEMOA, mais leur position au sein du futur Eco reste incertaine.

Pour Étienne Fakaba Sissoko, cette situation crée une zone grise monétaire : « le Mali se trouve à la croisée de trois dynamiques contradictoires : son appartenance à l’UEMOA, sa rupture avec la CEDEAO et son adhésion à l’AES. Cette triple appartenance pose un défi de cohérence monétaire ».

Pour Modibo Mao Makalou, « aucune incompatibilité n’existe pour le moment entre l’AES et l’UEMOA ». Il estime que « ces deux cadres peuvent coexister, car l’UEMOA repose sur un traité solide d’intégration économique et monétaire, avec des politiques sectorielles harmonisées et un Tarif extérieur commun ».

Certains analystes, comme Madou Cissé, appellent à la prudence face à une monnaie propre à l’AES. Dans une analyse publiée récemment, il souligne que ces pays « affichent une balance commerciale déficitaire » et que « près de 40% des importations devraient être couvertes par un stock supplémentaire de devises ». Il estime qu’une monnaie autonome mal préparée pourrait accroître les coûts de transaction et fragiliser les échanges dans une économie encore dépendante des importations.

Makalou souligne, quant à lui, qu’une monnaie nationale « doit reposer sur la solidité de l’économie réelle et sur un appareil institutionnel crédible ». Il rappelle qu’une banque centrale indépendante devrait « assurer la stabilité des prix, gérer les réserves de change et garantir la sécurité du système bancaire ».

Pour autant, des experts s’accordent néanmoins sur la nécessité d’une préparation concertée : « le Mali devra préserver la stabilité de sa monnaie actuelle tout en préparant sa position stratégique dans les recompositions à venir. Sans discipline budgétaire et sans vision partagée du développement, aucune monnaie ne peut être souveraine – fût-elle rebaptisée Eco », conclut Sissoko.

Les précédents guinéen et mauritanien

Rappelons que la Guinée et la Mauritanie faisaient partie de la Zone franc avant de la quitter respectivement en 1960 et 1973. La Guinée, première à se retirer, a connu une crise de liquidité et une inflation rapide après la création du franc guinéen. La Mauritanie, avec l’introduction de l’ouguiya, a subi plusieurs années d’instabilité avant de retrouver un équilibre. Ces expériences illustrent les risques d’une transition monétaire précipitée sans réserves ni instruments de stabilisation suffisants.

Perspectives pragmatiques

La transition vers l’Eco, prévue pour 2027, s’annonce progressive. Plusieurs scénarios sont évoqués : maintien d’un CFA réformé, adoption partielle de l’Eco par les pays les plus préparés ou création de mécanismes parallèles au sein du Sahel.

Pour Modibo Mao Makalou, la réussite de la transition dépendra aussi du rôle du secteur privé. Il appelle à « mobiliser l’épargne régionale, créer des marchés financiers intégrés et allonger la durée des crédits » afin de financer les investissements productifs et environnementaux.

La BCEAO rappelle que l’objectif premier demeure la stabilité macroéconomique et la protection du pouvoir d’achat. Selon ses données 2025, la Zone UEMOA conserve « des fondamentaux solides » malgré les pressions sécuritaires et climatiques.

À l’aube de ses 80 ans, le franc CFA en est aujourd’hui à une étape décisive de son histoire, entre autonomie institutionnelle et dépendance structurelle. Pour les experts, l’enjeu n’est pas la rupture, mais la construction d’une souveraineté monétaire pragmatique conciliant stabilité, intégration régionale et indépendance économique.

MD

Éliminatoires Coupe du Monde 2026 : Le parcours décevant des Aigles

Les éliminatoires africaines de la Coupe du Monde 2026 se sont achevées le 14 octobre 2025 sur une nouvelle désillusion pour le Mali. Malgré une fin de parcours encourageante, les Aigles terminent 3èmes de leur groupe, privés une nouvelle fois d’une qualification pour la Coupe du Monde.

Le Mali avait pourtant démarré ces éliminatoires sous de bons auspices. Le 17 novembre 2023, les Aigles s’imposaient 3-1 face au Tchad au Stade du 26 Mars, lançant idéalement leur campagne. Mais, dès la deuxième journée, les premiers doutes apparaissaient. Un nul frustrant (1-1) à Bamako contre la Centrafrique, alors que la domination malienne avait été nette. Ces deux points perdus à domicile allaient peser lourd dans la course à la qualification.

Les difficultés se sont confirmées quelques mois plus tard. Le 6 juin 2024, les Aigles s’inclinaient à domicile contre le Ghana (1-2), après avoir pourtant ouvert le score. Ce revers face à un concurrent direct a marqué un tournant psychologique, avant un second nul stérile face à Madagascar (0-0) à Johannesburg. Puis, en mars 2025, malgré un éclatant succès de 3-0 face aux Comores, le Mali retombait dans ses travers quatre jours plus tard, incapable de battre une nouvelle fois la Centrafrique (0-0) à Casablanca.

Ces deux matchs nuls face aux Fauves de Bas-Oubangui représentent sans doute le véritable échec des Aigles dans cette campagne. Quatre points perdus face à un adversaire abordable, alors que le Ghana ne laissait aucune miette. Même les victoires suivantes, 3-0 contre les Comores, 2-0 au Tchad et 4-1 face à Madagascar,  n’ont pu permettre de combler le retard accumulé. La défaite 1-0 à Accra en septembre 2025 n’a fait que confirmer la tendance : un Mali solide mais incapable de gagner lorsque l’enjeu s’élève.

Au final, les Aigles terminent 3èmes de leur groupe, derrière un Ghana plus constant et une équipe malgache opportuniste. Cette nouvelle élimination prolonge la « malédiction » du Mali, toujours en quête d’une première participation à la Coupe du Monde.

Pour de nombreux observateurs, cet échec est avant tout celui de l’inconstance. « Le Mali a payé cher son manque de réalisme face aux équipes dites moyennes. Ce n’est pas contre le Ghana qu’on se qualifie, mais en battant ceux qu’on doit battre », estime un analyste sportif.

Mohamed Kenouvi

Handicap : Le long chemin vers l’inclusion

En octobre, Mois de la solidarité et de la lutte contre l’exclusion, le Mali met en avant la situation des personnes handicapées. La deuxième semaine leur est dédiée, rappelant que, malgré les avancées, l’inclusion est un défi quotidien.

Selon l’Enquête démographique et de santé (EDS-VI) 2018, 6,4% des Maliens de 18 ans et plus vivent avec un handicap, un taux qui atteint 27,6% entre 70 et 79 ans et 45,5% au-delà de 80 ans. Malgré des avancées législatives, l’inclusion reste incomplète. Les personnes handicapées rencontrent davantage de difficultés d’insertion économique et sociale, notamment les femmes, plus touchées (6,8% contre 6,2% chez les hommes) et plus nombreuses à souffrir de troubles visuels ou moteurs.

Pour mieux comprendre les disparités, il est utile d’observer les écarts entre les personnes vivant avec handicap et celles qui n’en ont pas. Plus de huit adultes sur dix (81,6%) vivant avec handicap n’ont aucun niveau d’instruction, contre 64,2% chez les personnes sans handicap.

Parmi ces dernières, 22,4% ont un niveau secondaire ou plus, alors que chez les personnes vivant avec handicap, cette proportion ne dépasse pas 9,3%.

Encore du chemin

Au Mali, des efforts sont faits pour assurer l’intégration socioprofessionnelle des personnes vivant avec handicap. Cependant, les acquis restent à consolider pour une meilleure inclusion. Si le quota de 15% au niveau de la fonction publique est un acquis, des progrès sont attendus dans le secteur privé, relèvent les intéressés.

Parmi les avancées figure la Loi du 12 juin 2018 sur la promotion et la protection des droits des personnes vivant avec handicap. Au niveau de la santé, de l’éducation, de la formation professionnelle ou de l’emploi, elle prévoit des mesures spécifiques, notamment sur l’âge limite pour l’inscription à l’école et la participation aux concours.

Mais l’accès à l’éducation est toujours limité. Pour les personnes atteintes de surdité, l’accès à l’enseignement secondaire demeure difficile en raison de l’absence d’établissements spécialisés dans le pays.

La CNDH (Commission nationale des droits de l’Homme) souligne que, malgré les progrès, plusieurs défis persistent : la non-prise en compte de la formation professionnelle dans les politiques publiques, le manque d’informations accessibles en braille ou en langue des signes et l’insuffisance de données statistiques fiables.

Les estimations actuelles situent les personnes vivant avec handicap à environ 10% de la population malienne.

Madagascar : Le retour des fantômes de l’histoire

Une fois de plus, Madagascar replonge dans un cycle politique déjà connu. Entre répétition de l’histoire et éveil d’une jeunesse connectée, la grande île questionne encore sa démocratie fragile.

L’armée a pris le pouvoir le 14 octobre 2025, après le départ précipité du Président Andry Rajoelina, mettant fin à plusieurs semaines de tensions politiques. La Cour constitutionnelle a aussitôt constaté la vacance du pouvoir, tandis que l’Assemblée nationale votait sa destitution, ouvrant la voie à une transition militaire. L’épisode ravive le souvenir du 17 mars 2009, lorsque Rajoelina, alors Maire d’Antananarivo, avait conduit un soulèvement populaire contre Marc Ravalomanana, entraînant sa chute. Quinze ans plus tard, les rôles s’inversent, mais le même scénario se dessine. On assiste à un pouvoir contesté, un pays divisé et une transition à nouveau dominée par l’armée, désormais menée par le Colonel Michael Randrianirina, issu du Corps d’administration du personnel et des services techniques (CAPSAT).

Depuis son indépendance, proclamée le 26 juin 1960, Madagascar connaît des alternances interrompues et des transitions forcées marquées par le retour récurrent de l’armée sur la scène politique. Élu en 2018 puis réélu en 2023, Andry Rajoelina a vu son mandat fragilisé par une crise sociale persistante, la hausse du coût de la vie et la défiance d’une jeunesse connectée.

Force de mobilisation

Dans ce contexte, le mouvement Gen Z Madagascar, né sur les réseaux sociaux début 2025, s’est imposé comme une nouvelle force de mobilisation. Rassemblant des milliers de jeunes autour d’exigences de transparence et de responsabilité, il est passé du virtuel à la rue, avant d’être partiellement récupéré par des acteurs politiques.

Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large, qui traverse plusieurs régions du monde. Inspiré de mobilisations en Asie, le concept « Gen Z » trouve un écho croissant au Maroc, en Algérie et dans plusieurs pays africains. Il rappelle l’esprit du Printemps arabe de 2011 et les mouvements citoyens nés sur le continent africain comme Y’en a marre au Sénégal (2011), Balai Citoyen au Burkina Faso (2013), Lucha et Filimbi en République démocratique du Congo (2012). Tous traduisent une même aspiration à une gouvernance plus proche des citoyens.

Madagascar semble ainsi renouer avec son histoire tout en entrant dans une ère nouvelle, où la jeunesse numérique tente de transformer la colère en conscience civique. Entre espoir et répétition, la Grande Île se retrouve une fois de plus face à son destin politique, suspendue entre passé et renouveau. L’avenir nous dira si le cap sera maintenu ou si les vieux démons continueront de stopper la marche démocratique malgache.

Production aurifère : Une baisse problématique

Le Mali a enregistré une baisse de 23% de sa production aurifère entre 2023 et 2024. Une baisse consécutive aux tensions entre l’État et la société Barrick Gold, exploitante du gisement de Loulo-Gounkoto. Si cette baisse met le secteur sous tension, c’est aussi une opportunité pour mieux orienter la stratégie minière.

De 65,9 tonnes en 2023, la production aurifère a chuté à 51 tonnes en 2024. Les facteurs de cette baisse sont liés en partie aux tensions persistantes entre l’État et la société canadienne Barrick Gold, qui détient 80% de la mine de Loulo-Gounkoto. Depuis l’adoption du nouveau Code minier, en 2023, l’État entretient un bras de fer avec la compagnie. La mine de Loulo-Gounkoto contribue à environ 25% de la production nationale, avec une production qui a atteint 750 000 onces d’or par an, soit environ 25 tonnes, pour une production moyenne de 60 tonnes. L’arrêt de la plus grande mine a des conséquences sur les recettes de l’État, constituées à environ 25% par le secteur minier.

Pour les observateurs, cette baisse de la production va se poursuivre, parce que les mines qui pourraient combler le déficit n’ont pas encore la capacité de le faire. La mine de Fekola, avec environ 17 tonnes, n’y arrivera pas.

Il faut donc s’attendre à des conséquences sur les recettes fiscales et les emplois, environ 10 000 menacés. C’est pourquoi « il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès », explique un membre de la société civile, pour sortir de cette situation qui impacte aussi négativement les sous-traitants, lesquels n’arrivent plus à honorer leurs engagements envers les banques auprès desquelles ils se sont endettés.

Cette baisse intervient aussi à un moment où le prix de l’or a atteint le niveau historique de 4 000 dollars l’once. Une opportunité dont le pays aurait dû profiter pour doubler les recettes de l’État.

Réorienter la politique minière

D’autres projets en gestation, comme la mine de Kobada, des mines moyennes d’une capacité d’une à deux tonnes d’or ou celle de Morila, pourraient contribuer à maintenir la production aux alentours de 50 tonnes. Mais la non-maîtrise de la production des orpailleurs constitue également un manque à gagner.

Pour tirer davantage parti de ses ressources minérales, le Mali doit mettre en valeur d’autres minerais comme le calcaire, le fer ou encore le lithium, surtout pour assurer la transition énergétique et moins dépendre des carburants.

L’État doit mieux s’impliquer dans la chaîne et ne pas se contenter des impôts et des dividendes qui ne profitent pas aux communautés locales. Une bonne politique consistera donc à se servir des ressources minières comme tremplin pour le développement.

Fatoumata Maguiraga

Mme Rokiatou Diakité : « Donner à chaque fille la chance de briller »

Alors que le Mali consacre le mois d’octobre à la solidarité et à l’inclusion, Mme Rokiatou Diakité, Présidente du Réseau des Femmes Leaders d’Afrique Francophone, appelle à un engagement renouvelé pour les droits des filles. Trente ans après Beijing, elle estime que les promesses doivent enfin se traduire en actions concrètes.

Quel regard portez-vous sur la situation des filles au Mali aujourd’hui ?

Les filles du Mali continuent de faire face à de multiples obstacles pour accéder à leurs droits fondamentaux. L’abandon scolaire, les mariages précoces, les violences basées sur le genre et le manque d’accès à la santé reproductive limitent encore leur plein épanouissement. Près d’une fille sur deux quitte l’école avant le secondaire et dans les zones rurales beaucoup restent enfermées dans des traditions qui freinent leur autonomie. Pourtant, je rencontre chaque jour des filles déterminées, créatives et ambitieuses, qui prouvent que le changement est possible.

Où se situent selon vous les principaux manquements dans la protection de leurs droits ?

Les inégalités persistent, malgré les cadres légaux existants. Le manque de ressources, la faible application des lois et l’insuffisance de données freinent les avancées. Trop souvent, les politiques publiques ne tiennent pas compte de la réalité des filles sur le terrain. L’éducation est la clé : lorsqu’une fille a accès à l’école et à la formation, elle gagne en indépendance et contribue au développement de toute sa communauté. L’enjeu aujourd’hui, c’est de rendre ces droits effectifs et accessibles à toutes.

Vous venez de participer au Sommet des Filles d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Qu’en retenez-vous ?

C’était un moment fort. Ce sommet a donné la parole aux filles de la région, leur permettant de partager leurs expériences et leurs aspirations. Elles ont parlé de pauvreté, de violences, mais aussi d’espoir et de leadership. J’ai vu une jeunesse déterminée à ne plus subir, mais à agir. Cette énergie, il faut l’accompagner. Les gouvernements et les partenaires doivent écouter ces voix, intégrer leurs priorités et soutenir leurs initiatives locales.

Trente ans après la Déclaration de Beijing, les progrès sont jugés lents. Pourquoi selon vous ?

Les promesses de Beijing ont inspiré toute une génération, mais les résultats sont fragiles faute de volonté politique et de moyens suffisants. Il est temps de renforcer les budgets consacrés à l’éducation des filles, à la santé reproductive et à la lutte contre les violences. Et, surtout, de garantir leur place dans les espaces de décision. Donner à chaque fille la possibilité d’apprendre, de s’exprimer et de diriger, c’est construire un avenir plus juste et plus fort pour notre pays et pour l’Afrique.

Dialogue doctrinal : Une piste pour la réconciliation nationale ?

Alors que les attaques et les pénuries rappellent la fragilité du pays, l’idée d’un dialogue doctrinal refait surface. Entre réalités sécuritaires et quête de réconciliation, de nombreuses voix appellent à désarmer les esprits avant les armes.

Les longues files devant les stations-service de Bamako reflètent la pénurie de carburant causée par les attaques contre les camions-citernes, paralysant une partie du pays. Cette recrudescence des violences perturbe les échanges économiques et la sécurité des populations, ravivant le débat sur la nécessité d’un dialogue avec les groupes armés.

C’est dans ce contexte que le Professeur Ali Nouhoum Diallo, ancien Président de l’Assemblée nationale, s’est récemment exprimé avec insistance sur la nécessité d’un dialogue doctrinal. Dans une tribune  largement relayée, il appelle à une clarification religieuse conduite par les érudits maliens pour déconstruire les interprétations erronées du Coran qui servent de fondement idéologique aux violences. Selon lui, le retour à la paix passe par la réappropriation du discours religieux et par la parole de ceux qui détiennent l’autorité spirituelle.

L’idée d’un tel dialogue a trouvé un écho particulier lors de plusieurs rencontres nationales, y compris le Dialogue inter-Maliens de 2024, dont le rapport final recommande l’ouverture de discussions doctrinales et communautaires avec toutes les parties, notamment les mouvements armés se réclamant du Jihad.

Les participants y ont vu une étape vers la réconciliation nationale, à condition que le processus soit conduit par des acteurs crédibles et proches du terrain. Des chercheurs jugent cette approche pertinente, mais difficile à mettre en œuvre dans un climat marqué par la méfiance et la fragmentation des acteurs.

Des exemples à dupliquer

Sur le continent, plusieurs pays ont adopté des approches comparables. En Mauritanie, dès 2010 des théologiens ont dialogué avec des détenus radicalisés, permettant à certains de renoncer à la violence et de se réinsérer. En Algérie, la réconciliation nationale après la décennie noire des années 1990 a favorisé des amnisties encadrées et une désescalade durable.

Au Maroc, le programme Moussalaha lancé en 2017 combine rééducation religieuse, accompagnement psychologique et réinsertion socioéconomique. Au Nigeria, Operation Safe Corridor propose un parcours de déradicalisation et de formation professionnelle pour d’anciens membres de Boko Haram. Ces initiatives démontrent qu’un dialogue fondé sur la foi et la raison peut efficacement compléter l’action militaire.

Au Mali, le prêtre allemand Ha-Jo Lohre, enlevé à Bamako en 2022 puis libéré un an plus tard, a partagé son expérience et ses échanges avec de jeunes ravisseurs animés d’un idéal religieux mal compris. Il estime qu’un débat doctrinal mené par des érudits dans les langues locales pourrait les amener à douter de leurs convictions. Il préconise aussi l’usage des médias et des réseaux sociaux pour promouvoir des messages de paix, à l’image des vidéos d’érudits maliens répondant aux discours extrémistes.

Des pistes à explorer

Sur le plan économique, la crise sécuritaire a aggravé les difficultés du pays. Le Président du Conseil national du Patronat, Mossadeck Bally, a récemment souligné les effets de l’insécurité et de la pénurie de carburant, rappelant que la paix ne se conquiert pas par les armes. Il appelle à un dialogue national réunissant gouvernement, secteur privé, société civile et groupes armés pour traiter les causes profondes du conflit et rétablir la confiance. Il estime que la survie du pays passe par une mobilisation collective et une refonte économique et sociale pour combattre la précarité.

Mécanismes endogènes

Pourtant, le ministère des Affaires religieuses, du Culte et des Coutumes dispose d’un Secrétariat permanent chargé d’appliquer la Politique nationale de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme (2021 – 2025). Cette structure forme Imams et enseignants coraniques, promeut la tolérance religieuse et encourage des prêches axés sur la paix et la cohésion sociale, établissant ainsi un cadre institutionnel favorable à un futur dialogue doctrinal.

Ce mécanisme pourrait, en collaboration avec le Haut Conseil islamique et avec l’appui de personnalités indépendantes ou de leaders communautaires respectés, constituer un cadre privilégié pour initier et encadrer ce dialogue doctrinal.

Les appels au dialogue se multiplient parmi les leaders religieux, politiques et économiques, unanimes sur un point : la réponse militaire, bien que nécessaire, ne suffit pas à instaurer une paix durable.

Le dialogue doctrinal s’impose alors comme une voie essentielle pour comprendre et désamorcer l’idéologie de la violence, redonner sens à la foi et restaurer les liens communautaires. En alliant parole religieuse et raison politique, cette approche pourrait restaurer la paix par la connaissance et l’écoute, là où les armes ont échoué.

MD

Lutte contre les cancers féminins : Le Mali progresse mais reste vulnérable

En ce mois d’Octobre Rose, le Mali dresse un état des lieux contrasté de la lutte contre les cancers féminins. Malgré des progrès notables en matière de sensibilisation, de dépistage et de traitement, le pays reste confronté à d’importantes limites structurelles et socio-économiques.

Les cancers du sein et du col de l’utérus demeurent les deux formes de cancer les plus répandues chez les femmes au Mali. En 2020, le pays a recensé plus de 14 000 nouveaux cas de cancers, dont près de 4 400 cas de cancers du sein et du col de l’utérus.

En 2022, ces chiffres ont encore grimpé, avec 2 278 nouveaux cas de cancer du sein et 2 436 cas de cancer du col, selon les données officielles du ministère de la Santé. Cette progression, bien qu’inquiétante, s’explique en partie par l’amélioration du dépistage et une plus grande visibilité des campagnes de prévention menées à l’échelle nationale.

Ces deux cancers, longtemps restés silencieux dans l’espace public, sont désormais au cœur des politiques de santé et des programmes de lutte contre les maladies non transmissibles.

Sensibilisation en hausse

Selon le Dr Madani Ly, cancérologue au Centre international d’oncologie de Bamako et Président de l’association Onco-Mali, les dix dernières années ont marqué un tournant dans la sensibilisation.

« Il y a une avancée énorme sur le plan de la sensibilisation. De plus en plus de femmes ont l’information. Dans presque toutes les structures sanitaires, à Bamako ou à l’intérieur du pays, elles sortent en grand nombre pour se faire dépister. Cela a fait baisser, par exemple, le nombre de cas du cancer du col de l’utérus, parce que beaucoup de lésions précancéreuses ont été dépistées et traitées », affirme-t-il.

Les statistiques confirment cette tendance. En 2024, plus de 91 000 femmes ont été dépistées dans le pays, dont 43 236 pour le cancer du sein et 47 791 pour celui du col de l’utérus.

Parmi elles, 384 cas suspects de cancer du sein ont été enregistrés, dont 134 référés pour un suivi spécialisé. Concernant le col de l’utérus, 751 cas suspects ont été identifiés, aboutissant à 284 biopsies, 394 lésions précancéreuses détectées et 22 cas traités.

« Octobre Rose », une initiative impactante

Cette progression est aussi le fruit des campagnes annuelles « Octobre Rose », initiées par le ministère de la Santé et du Développement social, en partenariat avec l’Office national de la santé de la reproduction (ONASR) et diverses associations de femmes.

Depuis sa première édition, cette campagne vise à informer, dépister et accompagner les femmes à travers des actions concrètes de proximité. Placée sous le thème « Inclusion et engagement pour atteindre les groupes vulnérables », l’édition 2025, organisée du 1er au 31 octobre, ambitionne de toucher un million de femmes, en mettant l’accent sur celles vivant dans des conditions précaires : femmes déplacées, handicapées ou issues de zones enclavées.

Cette campagne s’inscrit dans le thème mondial choisi cette année par l’OMS : « Closing the Care Gap » (Réduire les inégalités d’accès aux soins).

Prise en charge renforcée

Outre les hausses de la sensibilisation et du dépistage, le Mali a aussi accompli des avancées considérables dans la prise en charge. « Il faut noter l’apport du gouvernement du Mali, qui a subventionné en partie depuis des années la chimiothérapie, facilitant ainsi l’accès au traitement, même si cela reste encore largement insuffisant », explique le Dr Madani Ly. Un autre acquis majeur est la création du centre de radiothérapie à l’Hôpital du Mali, offrant des traitements pour les cancers du sein et du col. « Il y a parfois quelques difficultés techniques, mais cela reste une avancée majeure », souligne-t-il.

La formation du personnel médical s’est également renforcée. Selon notre interlocuteur, le Mali compte de nos jours huit oncologues médicaux, qui exercent à Bamako, et de plus en plus de chirurgiens cancérologues et de radiothérapeutes sont formés, tandis que d’autres sont en cours de formation, suscitant un grand espoir de délocalisation du traitement des cancers vers les régions dans les prochaines années.

L’introduction du vaccin contre le papillomavirus humain (HPV) en novembre 2024, soutenue par l’OMS et l’Alliance GAVI, constitue elle aussi un jalon important. Elle vise à réduire à long terme les nouveaux cas de cancer du col de l’utérus, particulièrement chez les jeunes filles âgées de 9 à 14 ans.

MSF en appui

À ces efforts s’ajoute l’appui déterminant de Médecins Sans Frontières (MSF), qui depuis 2018 intervient dans le domaine de la lutte contre les cancers féminins. L’organisation a mis en place des programmes de dépistage et de traitement gratuits du cancer du col de l’utérus et du cancer du sein à Bamako, notamment au Centre de santé de référence de la Commune I.

Grâce à MSF et à son centre d’oncologie pilote, plusieurs femmes ont pu bénéficier d’un dépistage précoce et de soins adaptés. L’organisation contribue également à la formation du personnel soignant, à la fourniture d’équipements de diagnostic et à la mise à disposition de médicaments essentiels.

Ces actions ont permis, selon les données de MSF, de doubler le nombre de diagnostics précoces entre 2019 et 2022 et de réduire sensiblement la part des patientes arrivant à un stade terminal de la maladie.

Des obstacles structurels et sociaux encore tenaces

Malgré ces progrès, les défis restent considérables. Le taux de survie à trois ans du cancer du sein demeure extrêmement faible, estimé à seulement 12,69% selon une étude menée en 2015.

Cette situation s’explique par un diagnostic souvent tardif et par le fait que la majorité des patientes arrivent en soins à un stade avancé de la maladie. Les formes agressives, notamment les cancers triples négatifs, compliquent encore la prise en charge.

Les contraintes logistiques et financières aggravent la situation. « L’une des principales difficultés est d’ordre financier. La chimiothérapie coûte excessivement cher, même si le gouvernement en subventionne une partie », souligne le Dr Ly. Par ailleurs, le Mali ne dispose que d’un seul appareil de radiothérapie et l’accès aux analyses histochimiques et aux laboratoires d’anatomopathologie est très limité.

Les barrières socioculturelles jouent aussi un rôle majeur. « Souvent, les femmes ont peur de se rendre à l’hôpital parce qu’elles craignent la biopsie du sein. D’autres, en raison de la pudeur ou de convictions religieuses, évitent le dépistage du col de l’utérus. Nous devons faire des efforts de sensibilisation pour que ces tabous ne soient plus un frein », insiste le cancérologue.

Ces freins, combinés à la pauvreté et au manque de structures de proximité, expliquent le faible recours au dépistage préventif dans les zones rurales.

Renforcer le financement et décentraliser les soins

Pour améliorer la situation, les experts s’accordent sur plusieurs leviers d’action. D’abord, renforcer le diagnostic précoce et promouvoir une prise en charge multidisciplinaire afin d’assurer un meilleur suivi des patientes. Ensuite, développer l’offre de radiothérapie dans les régions et améliorer l’accès aux analyses histochimiques.

Le Dr Madani Ly plaide également pour un meilleur financement public. « Concernant l’accessibilité au traitement, l’idéal serait d’inclure dans la liste de l’Assurance Maladie Obligatoire les médicaments spécifiques du cancer, qui coûtent très cher. Nous ne gagnerons jamais la bataille contre les cancers sans ce mécanisme », déclare-t-il.

Au-delà de la question des ressources, le renforcement de la formation continue du personnel de santé et la sensibilisation communautaire est indispensable. Car, comme le rappelle le cancérologue, « les avancées sont encourageantes, mais la bataille est loin d’être terminée ».

Mohamed Kenouvi 

Le Mali adhère à l’Accord sur les subventions à la pêche 

Le Mali a déposé le 8 octobre 2025, son instrument d’acceptation de  l’Accord sur les subventions à la pêche de l’OMC, devenant le 114ème membre de l’OMC à le faire. L’Accord sur la pêche entré en vigueur le 15 septembre 2025 vise à assurer la durabilité des ressources en réduisant les subventions pour mettre fin à la surexploitation.

Lors d’une réunion spéciale du Conseil général le 15 septembre, les Membres de l’OMC ont célébré l’entrée en vigueur de l’Accord sur les subventions à la pêche.

Premier instrument multilatéral de l’OMC, il vise à assurer la durabilité environnementale. En interdisant le soutien public aux activités de pêche illégales et à la surexploitation des stocks, il contribue à la protection de la vie marine.

Au cours de cette réunion, la Directrice générale Ngozi Okonjo-Iweala a reçu les instruments d’acceptation de l’Accord de la part du Brésil, du Kenya, du Viêt Nam et de Tonga, portant le nombre total d’acceptations au-delà du seuil des deux tiers des Membres de l’OMC requis pour l’entrée en vigueur de l’Accord.

 

« À un moment où le système commercial international fait face à des défis profonds, l’Accord sur les subventions à la pêche envoie un signal fort : les Membres de l’OMC peuvent œuvrer ensemble, dans un esprit de coopération et de responsabilité partagée, pour apporter des solutions aux défis mondiaux. L’entrée en vigueur de cet Accord rappelle que beaucoup des plus grands défis que nous affrontons se traitent plus efficacement au niveau multilatéral. Les peuples et les nations ont besoin d’un multilatéralisme qui produit des résultats — c’est pourquoi cette journée est si rassurante », s’est réjouie la Directrice Générale de l’OMC.

 

En établissant des règles qui prohibent les formes les plus nuisibles de subventions à la pêche, l’Accord de l’OMC aidera à protéger les stocks de poissons mondiaux et les moyens de subsistance de centaines de millions de personnes qui dépendent de la pêche pour se nourrir, gagner un revenu et être employées.

 

Adopté par consensus lors de la 12ᵉ Conférence ministérielle de l’OMC en juin 2022, les disciplines de l’Accord interdisent les subventions pour la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), pour les stocks surexploités, et pour la pêche en haute mer non régulée.

 

En 2021, 35,5 % des stocks de poissons mondiaux étaient surexploités, contre 10 % en 1974. Il est estimé que les subventions à la pêche marine s’élèvent à environ 35 milliards USD par an à l’échelle mondiale, dont près de 22 milliards sont considérées comme nocives, contribuant à l’épuisement des stocks marins.

 

 

 

Révision annuelle des listes électorales : Un exercice sans les acteurs politiques

La révision annuelle des listes électorales a démarré le 1er octobre et se poursuivra jusqu’au 31 décembre 2025. Mais cette année, pour la première fois, l’exercice se déroule sans la participation des partis politiques, dissous depuis mai dernier. Une situation qui soulève des questions sur la transparence et l’inclusivité de cette révision.

La révision annuelle des listes électorales (RALE) est une opération inscrite dans la Loi électorale, modifiée par l’Ordonnance N°2024-022 du 31 décembre 2024. Elle confère à l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) la responsabilité d’actualiser le fichier électoral, avec l’appui du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.

Concrètement, il s’agit d’inscrire les nouveaux majeurs, de radier les personnes décédées, de corriger les erreurs matérielles et de prendre en compte les changements de résidence ou de circonscription électorale.

L’opération se déroule dans les 845 communes du pays, dans les 7 arrondissements de Bamako et dans 48 missions diplomatiques et postes consulaires à l’étranger.

Les partis politiques absents

Si, sur le plan technique, la RALE 2025 suit son calendrier habituel – du 1er octobre au 31 décembre – le contexte politique actuel la rend particulièrement sensible.

Depuis la dissolution de tous les partis politiques, en mai dernier, aucune formation n’est plus habilitée à participer aux commissions locales de révision, qui regroupaient traditionnellement les représentants de l’administration, de la société civile et des partis. Désormais, seuls les représentants des services techniques et des autorités administratives supervisent les opérations.

Transparence incertaine ?

Ce changement modifie l’équilibre du contrôle citoyen et alimente des inquiétudes sur la transparence du processus. Selon le Premier ministre et ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le Général Abdoulaye Maïga, « toutes les dispositions logistiques et administratives ont été prises pour assurer le bon déroulement des opérations ».

Mais pour de nombreux analystes la réussite et la transparence de la révision des listes ne dépendent pas seulement des moyens techniques et administratifs. « Il faut un contrôle pluraliste du processus, or celui-ci n’existe plus », estime Omar Sidibé, analyste politique. « Même la société civile ne peut pas jouer pleinement ce rôle, car elle n’a ni les moyens logistiques ni la légitimité populaire des formations politiques », affirme-t-il.

De nombreuses conséquences

Selon un autre analyste politique qui a requis l’anonymat, cette absence d’acteurs politiques crée également « un vide démocratique qui affaiblit la crédibilité de la révision ». Il ajoute que « la présence des partis dans les commissions locales permettait une forme de contre-pouvoir et de vigilance citoyenne. Leur exclusion laisse le champ libre à une administration déjà perçue comme dépendante du pouvoir ».

Sur le terrain, plusieurs observateurs craignent également un ralentissement du rythme d’inscription des nouveaux électeurs, notamment dans les zones rurales. Sans les relais locaux des partis, souvent les plus actifs pour mobiliser les citoyens, la sensibilisation à l’inscription pourrait être moins dynamique.

À l’intérieur du pays, des campagnes de sensibilisation ont démarré depuis le 3 octobre dernier dans certaines localités pour encourager la participation massive des populations, mais l’affluence reste timide dans les communes. « Dans notre commune, les gens ignorent même que la révision a commencé », confie une source locale à Douentza. Selon elle, « les partis, malgré leurs défauts, jouaient un rôle-clé de relais entre l’administration et les électeurs ».

Un test pour la crédibilité des futures élections

Dans un contexte de transition prolongée et de désorganisation du champ partisan, la réussite ou l’échec de la révision annuelle des listes électorales en cours, ainsi que dans les années à venir, sans participation des acteurs politiques, pèsera lourd sur la crédibilité des futurs scrutins, même si les élections ne sont envisagées au plus tôt qu’à partir de 2030.

Pour Omar Sidibé, « si l’AIGE parvient à garantir une révision rigoureuse et transparente, ce sera un signal positif. Mais si le processus est opaque, il accentuera la méfiance des citoyens envers les institutions ».

Mohamed Kenouvi

Quand les camions de vidange empoisonnent la route

Chaque jour, à Bamako, on aperçoit des camions chargés de boues de vidange circulant dans les rues, leurs tuyaux mal fermés laissant échapper des effluents nauséabonds avant même d’atteindre les sites de dépotage.

Sur les grands axes comme dans les quartiers périphériques, ces véhicules, censés assainir la ville, laissent derrière eux des traces d’eaux usées mêlées d’odeurs suffocantes. Les passants, les motocyclistes et les automobilistes partagent malgré eux cette contamination de l’air et du bitume, dans une capitale où la densité urbaine rend la situation d’autant plus insupportable.

Selon les données de la Direction nationale de l’Assainissement, Bamako produit plus de 2 000 mètres cubes de boues de vidange par jour, dont une grande partie est évacuée par des opérateurs privés. Mais l’absence de contrôle strict et le manque de centres de traitement fonctionnels conduisent nombre de camions à déverser illégalement leurs charges ou à circuler sans dispositifs d’étanchéité. Ces pratiques exposent la population à des risques sanitaires majeurs tels que la contamination des eaux souterraines, la prolifération bactérienne et l’insalubrité chronique.

Les autorités municipales reconnaissent des difficultés de suivi, notamment liées à l’insuffisance des infrastructures et à la vétusté du parc de véhicules d’assainissement.

En attendant des mesures concrètes, Bamako continue de respirer au rythme des relents d’eaux usées, symbole d’un service public d’assainissement débordé, voire défaillant. Ce désordre visible interroge la capacité collective à faire de la propreté urbaine un droit effectif et non un luxe, dans une ville où la croissance démographique dépasse désormais les moyens de la gestion quotidienne des autorités du District.

MD

Triangle du Balafon : Sikasso s’apprête à vibrer

Le Festival International Triangle du Balafon se tient du 9 au 11 octobre 2025 à Sikasso. Trois jours de spectacles, de compétitions et de débats consacrés au balafon, instrument central de l’Année de la Culture.

La neuvième édition débute ce jeudi après un lancement organisé le 4 octobre au Centre international de conférences de Bamako. Porté par le ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme, en partenariat avec le Gouvernorat de Sikasso, le festival bénéficie également du soutien des plus hautes autorités du pays. Le thème retenu cette année est « Le Balafon, symbole de la transformation sociale dans un nouvel espace souverain ».

Les pays historiquement associés au Triangle – Mali, Burkina Faso et Côte d’Ivoire – participent à l’événement. La Guinée est également annoncée parmi les délégations. La sélection malienne a retenu la troupe Siguidia à l’issue d’un casting organisé par la Direction nationale de l’Action culturelle le 24 septembre 2025. Parmi les artistes confirmés figure Souleymane Traoré dit Néba Solo, accompagné de l’orchestre régional Kéné Star, déjà présent lors du lancement pour une prestation d’ouverture.

Le programme couvre des compétitions de balafonistes, des concerts, des expositions, des visites de sites culturels et un forum consacré au rôle social du balafon dans la cohésion communautaire. Le jury est composé de personnalités issues des milieux culturels du Mali, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire.

Les organisateurs ont annoncé un dispositif de récompenses pour valoriser les participants. Ainsi, le Grand prix Lamissa Bengaly est doté de 1 500 000 francs CFA, le prix de l’Intégration de 1 000 000 francs CFA, le prix de la Ville de Sikasso de 750 000 francs CFA. S’y ajoutent un prix spécial de l’AES de 500 000 francs et une prime de participation de 400 000 francs CFA par troupe.

Créé en 2004, le Triangle du Balafon vise à préserver et à promouvoir un patrimoine musical partagé entre plusieurs États ouest-africains. Le festival se présente comme une scène de transmission où se rencontrent maîtres, jeunes talents et publics venus de différentes régions. À Sikasso, la manifestation réunit institutions, acteurs culturels et habitants autour d’une programmation conçue pour favoriser l’échange, la formation et la diffusion des pratiques traditionnelles.

Pour les autorités, ce festival illustre la place accordée à la culture dans l’agenda national en 2025. Au public il offre une occasion de redécouvrir le balafon dans sa dimension sociale et symbolique. Pendant trois jours, Sikasso sera la vitrine d’un patrimoine vivant et d’un dialogue culturel qui transcende les frontières.

MD

Coton : Vers une relance prudente de la filière

La Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT) a lancé la phase d’égrenage de la campagne 2025 – 2026 avec la première balle de coton fibre produite à Koutiala le 30 septembre 2025. Ce démarrage symbolise la relance d’une filière-clé pour les exportations maliennes et les revenus de millions de ruraux.

Pour cette campagne, la CMDT prévoit 672 000 hectares de coton graine, en hausse par rapport à l’an dernier. Le prix d’achat du premier choix est fixé à 300 francs CFA le kilogramme, selon la décision du Conseil supérieur de l’Agriculture du 6 mai 2025. Pour soutenir la filière, l’État subventionne les intrants. Ainsi, le sac de 50 kg d’engrais minéraux revient à 14 000 francs et le kilogramme de semences de maïs hybride à 1 500 francs. Ces mesures visent à contenir les coûts et à préserver la rentabilité des producteurs face aux tensions du marché mondial.

La CMDT, détenue majoritairement par l’État malien, assure la transformation du coton graine en fibre et son acheminement vers les ports d’Abidjan et de Dakar. En 2023 – 2024, le Mali a produit 445 000 tonnes de coton fibre, se plaçant derrière le Bénin (587 000 tonnes) et le Burkina Faso (480 000 tonnes), mais devant la Côte d’Ivoire (320 000 tonnes) et le Tchad (125 000 tonnes). Les prévisions pour 2025 – 2026 tablent sur environ 700 000 tonnes, selon les conditions climatiques et la maîtrise des ravageurs.

Au plan international, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Moussa Alassane Diallo, a représenté le Mali à la Journée mondiale du Coton tenue à Rome les 6 et 7 octobre 2025, avant de participer à une réunion du groupe C4+ au Brésil. Ces rencontres ont porté sur la valorisation du coton africain et la recherche d’un meilleur accès aux marchés mondiaux pour les producteurs de la sous-région.

Malgré des perspectives favorables, la filière fait face à plusieurs défis. Les jassides ont déjà touché plus de 2 000 hectares dans le sud du pays. En mars 2025, un incendie à l’usine CMDT de Bamako a détruit 1 026 balles de coton, causant environ 250 millions de francs CFA de pertes. Pour contenir ces impacts, l’État a mobilisé 9,938 milliards pour la lutte phytosanitaire et la sécurisation de la campagne.

La relance du coton malien demeure donc prudente, soutenue par l’investissement public, la résilience des producteurs et une coordination régionale renforcée autour du C4+.

MD

Enseignement primaire et secondaire : Vers une grève générale ?

Depuis la rentrée scolaire du 1er octobre 2025, le climat est tendu dans les écoles. Une grève de 72 heures la semaine dernière, reconduite pour 120 heures, perturbe les cours à Bamako et dans certaines régions. Malgré les engagements du gouvernement, le bras de fer se poursuit et une grève générale plane à l’horizon.

La rentrée 2025-2026 n’a pas commencé sous les meilleurs auspices. Dans les établissements du primaire et du secondaire à Bamako et dans certaines régions, les enseignants observent depuis le 1er octobre un arrêt de travail pour protester contre la suspension des salaires de milliers d’entre eux, enrôlés ou non dans le Système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH).

Le mouvement est initié par certaines coordinations régionales de la Synergie des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016, malgré les engagements pris par le gouvernement à l’issue de la réunion du 30 septembre 2025.

Les autorités avaient formulé plusieurs promesses, notamment le rétablissement immédiat des salaires pour les enseignants disposant de récépissés d’enrôlement, la constitution d’une réserve de fonds au Trésor public pour payer les 6 000 agents concernés et la mise à disposition d’un budget pour le déploiement des équipes d’enrôlement dans les régions.

« Des avancées, mais trop lentes »

La Synergie des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 s’était donné jusqu’au 10 octobre 2025 pour déclencher une grève générale sur l’ensemble du territoire national si les engagements du gouvernement n’étaient pas tenus.

À deux jours de l’échéance, Ousmane Almoudou, Porte-parole de la Synergie, souligne qu’il y a eu des avancées, mais trop lentes. « Il y a eu un petit progrès sur le terrain, parce que les listes ont été envoyées et que les salaires de certains enseignants sont déjà traités ». Toutefois, poursuit-il, « ces listes partent au compte-gouttes et, à ce rythme, certains enseignants percevront leur salaire alors que d’autres devront encore attendre ».

Le syndicaliste souligne également que les promesses de déploiement des équipes d’enrôlement dans les régions tardent à se concrétiser. « En principe, elles devaient quitter Bamako le lundi, mais cela reste à vérifier », explique-t-il, déplorant le manque de visibilité sur les actions réellement entreprises sur le terrain.

Concernant la question d’une éventuelle accalmie, Ousmane Almoudou est catégorique : « nous allons nous donner jusqu’à la fin de semaine pour analyser les avancées et évaluer l’évolution de la situation. Mais la grève générale annoncée sera toujours d’actualité si tous les enseignants ne perçoivent pas effectivement leurs salaires », prévient le Porte-parole de la Synergie.

Mohamed Kenouvi