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Birahim Soumaré : « L’enfermement diplomatique n’est pas une option »

À l’approche du sommet de Bamako des 22 et 23 décembre 2025, Birahim Soumaré analyse les enjeux diplomatiques de l’Alliance…

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À l’approche du sommet de Bamako des 22 et 23 décembre 2025, Birahim Soumaré analyse les enjeux diplomatiques de l’Alliance des États du Sahel. L’ancien ambassadeur plaide pour une diplomatie unifiée, ouverte et fondée sur la coopération régionale et la sécurité des populations.

Le sommet de Bamako des 22 et 23 décembre 2025 est-il, selon vous, une étape de consolidation diplomatique de l’AES ou surtout un acte politique ?

Birahim Soumaré : Le sommet de Bamako va constituer une étape importante. Il peut être perçu comme une consolidation diplomatique, mais également comme un acte politique majeur pour les États de l’AES.

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Il s’agira surtout de faire en sorte que les annonces politiques, la création d’institutions et le renforcement de la coopération militaire et économique puissent se traduire par une voie diplomatique unifiée. À certains moments, des nuances ont pu être observées dans les prises de position, notamment sur des dossiers régionaux sensibles. Ce sommet pourrait permettre d’harmoniser davantage le discours, compte tenu des enjeux sécuritaires et de développement.

Les experts et les ministres des Affaires étrangères ont travaillé sur des rapports et des textes préparatoires afin de donner une structuration durable à l’Alliance. Pour autant, cette structuration doit rester ouverte.

La rupture avec la CEDEAO est-elle tenable dans la durée, ou l’AES devra-t-elle recréer des canaux de dialogue régionaux ?

Birahim Soumaré : La sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO a été actée en janvier 2025. À partir de cette date, l’organisation ouest-africaine a été reconfigurée par le départ de ces trois États.

Cependant, aussi bien la CEDEAO que l’AES ont intérêt à négocier des accords bilatéraux ou ad hoc, en particulier pour les États enclavés. Les défis sécuritaires dépassent les appartenances institutionnelles.

Les groupes armés opèrent selon leurs propres logiques stratégiques, indépendamment des cadres régionaux. Il est donc indispensable d’harmoniser la coopération, notamment en matière d’échange d’informations et d’opérations, afin de limiter l’impact sur les populations.

L’exemple des tensions sur l’approvisionnement en carburant au Mali illustre la nécessité de coopérer avec les États côtiers. Les trois pays de l’AES étant enclavés, l’isolement diplomatique ne constitue pas une option viable.

Comment les États voisins non membres de l’AES devraient-ils regarder cette alliance ?

Birahim Soumaré : Certains États perçoivent l’AES comme une rupture susceptible d’affecter la stabilité de la sous-région. Il s’agit néanmoins d’une initiative souverainiste affirmée. Sur le plan politique, cette dynamique peut apparaître ambivalente, car elle met parfois en tension souverainisme et intégration régionale.

L’essentiel est que l’AES se positionne comme un acteur de sa propre trajectoire, cherchant à s’autodéterminer, sans pour autant se fermer à des partenariats avec d’autres pays, y compris avec d’anciennes puissances, dès lors que les intérêts stratégiques et ceux des populations sont respectés.

La diversification des partenariats demeure essentielle. L’AES doit rester ouverte au monde.

Après le sommet de Bamako, quel sera selon vous l’enjeu diplomatique le plus urgent pour l’AES ?

Birahim Soumaré : L’enjeu principal réside dans le renforcement de l’intégration des forces de défense et de sécurité et dans la mise en place d’une diplomatie unifiée, sans confrontation directe avec la CEDEAO. Les trois États de l’AES constituent le Sahel central et sont confrontés à des défis sécuritaires, d’influence et de désinformation majeurs.

Il existe également des risques de frictions entre États de la sous-région, ce qui impose une vigilance accrue.

Sans coordination stratégique sécuritaire à l’échelle sous-régionale, il sera difficile de contenir durablement la menace armée. Ces dynamiques sont étroitement liées à des enjeux de contrôle et d’exploitation des ressources stratégiques, soutenues par des intérêts extérieurs.

Il est important que le sommet mette en évidence ces réalités, notamment autour des ressources minières. Enfin, une évolution de la CEDEAO vers une organisation davantage centrée sur les peuples pourrait faciliter une coopération fonctionnelle avec l’AES. L’espace sous-régional ne doit pas devenir un terrain d’influence de puissances extérieures, mais un cadre de coopération équilibrée au service des populations.

 

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