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CEDEAO : le sommet acte la rupture avec l’AES et annonce une réforme de fond

Réunis à Abuja ce dimanche 22 juin 2025, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États…

Réunis à Abuja ce dimanche 22 juin 2025, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont tenu leur 67e sommet ordinaire dans un contexte marqué par les tensions géopolitiques liées au départ acté du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

Cette session, présidée par le président nigérian Bola Ahmed Tinubu, a abouti à plusieurs décisions structurantes pour l’avenir de l’organisation régionale.

La Conférence des chefs d’État a désigné Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, pour assurer la présidence tournante de la CEDEAO pour l’exercice 2025–2026. Il succède ainsi à M. Tinubu, dont le mandat a été caractérisé par la tentative, restée sans effet, de dialogue avec les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES). La nomination de M. Bio intervient à un moment charnière où l’organisation, créée en 1975, cherche à réaffirmer sa légitimité face aux critiques croissantes sur son efficacité politique et sécuritaire.

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Concernant le retrait de l’AES, le sommet a entériné une période de transition fixée au 29 juillet 2025, correspondant au terme du délai de six mois prévu par les textes en cas de retrait d’un État membre. La CEDEAO maintient, jusqu’à cette échéance, les discussions avec les autorités de transition de Bamako, Ouagadougou et Niamey. Les présidents du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, et du Togo, Faure Gnassingbé, poursuivent la médiation en vue d’un dialogue politique et sécuritaire structuré, bien qu’aucune avancée significative n’ait été enregistrée à ce jour.

Sur le volet sécuritaire, la Conférence a réaffirmé sa volonté d’intensifier la lutte contre le terrorisme, en mettant en œuvre les recommandations du Plan d’action régional 2020–2024, notamment à travers le déploiement d’une force conjointe. Le mécanisme de coordination avec la Force multinationale mixte, l’Initiative d’Accra et les partenaires multilatéraux comme l’Union africaine et les Nations Unies a également été reconduit.

L’ordre du jour a aussi inclus une évaluation des progrès de l’intégration économique régionale. La Commission a présenté une mise à jour technique sur la future monnaie unique, l’ECO, dont le lancement est désormais envisagé pour 2027, sous réserve de la convergence macroéconomique entre États membres. Des engagements ont été pris pour renforcer l’harmonisation fiscale, le commerce intra-régional et les mécanismes de solidarité face aux crises alimentaires et humanitaires qui affectent durablement certaines zones frontalières.

Enfin, les chefs d’État ont exprimé un consensus sur la nécessité d’une réforme institutionnelle profonde de la CEDEAO. Plusieurs délégations, notamment celle du Bénin, ont insisté sur la révision des protocoles de gouvernance, une plus grande transparence dans les prises de décisions et un recentrage sur les missions de base de l’organisation. Cette orientation pourrait donner lieu à la convocation d’un sommet extraordinaire dans les prochains mois, destiné à réviser certains textes fondamentaux.

Ce sommet, malgré l’absence des représentants des pays sahéliens en rupture, confirme la volonté des États membres de préserver un cadre régional structuré, capable d’anticiper les défis de sécurité, de développement et d’intégration. La CEDEAO devra toutefois démontrer, au-delà des déclarations d’intention, sa capacité à se réinventer dans un environnement géopolitique en recomposition rapide.