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Compagnie malienne: Embarquement imminent

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Créée en octobre 1960, la première compagnie aérienne du Mali, Air Mali, a effectué son premier vol le 2 mai 1961. Liquidée vingt-huit ans plus tard, elle fut remplacée par diverses sociétés aux fortunes diverses. Et, depuis 2012, le pays attend une nouvelle compagnie pour contribuer à son désenclavement intérieur et extérieur. Si le Mali représente une opportunité pour le transport aérien, les contraintes sont réelles pour des compagnies évoluant dans un domaine où la concurrence et le nombre limité de passagers sont des défis importants.

«Le gouvernement était le plus gros client. Souvent, ses agents allaient au-delà de la destination. Et donc la compagnie devait émettre des billets, alors que souvent l’État ne payait pas à temps »,

se souvient le commandant Tangara, pilote d’Air Mali de 1965 à 1985. La compagnie étant obligée de payer cash le carburant, poursuit-il, cela créait des tensions de trésorerie.


Malgré les difficultés, Air Mali n’était pas déficitaire au moment de sa disparition.   «C’est sous la pression des institutions financières qu’ils ont fermé », soutient Kanté, steward durant la même période. Même s’il y avait des dérapages, la compagnie tenait bon, parce que c’était l’une des pionnières, ajoutent les anciens. L’objectif n’était pas de faire de l’argent, mais de désenclaver le pays et de permettre à un maximum de Maliens de se déplacer, explique M. Cheick Santara, ancien gestionnaire d’Air Mali. Cet objectif noble s’annonçait pour le moins compliqué sans subventions, ajoute M. Santara, membre de l’Association des Anciens travailleurs d’Air Mali (AATAM), qui, avec la Fédération des Anciens Travailleurs de compagnies aériennes (FATAC), attend la renaissance d’une compagnie malienne.


Cette expérience, qui a fait « la fierté du Mali », ne s’est malheureusement pas renouvelée avec les sociétés ayant pris le relais. Malitas, STA Mali, la CAM,  puis Air Mali SA, qui étaient majoritairement privées, n’ont pas réussi « à faire face ». La dernière a tenu jusqu’à la crise de 2012. Ses responsables (Groupe Aga Khan) ont d’abord expliqué vouloir attendre que la crise passe avant de reprendre. Or, selon les règles de l’aviation civile, l’agrément est retiré au bout de 6 mois d’inactivité. «Le principal actionnaire avait des relations avec le régime déchu d’ATT et n’a donc pas voulu continuer », explique un acteur du secteur.

Volonté politique Burkina, Côte d’Ivoire ou Mauritanie, dans plusieurs pays de la sous-région,  malgré les difficultés, les compagnies résistent. Pour disposer d’une compagnie et contribuer au désenclavement du pays, il faut une volonté politique forte, « car une compagnie va forcément perdre de l’argent à un moment donné », explique M. Mohamed Diallo, spécialiste de l’aviation civile. Et il faut que l’État les subventionne, par des facilités fiscales ou autres exonérations.


Au Mali, l’État a-t-il les moyens d’investir et d’accumuler des déficits durant les premières années ? Par les temps qui courent, il est raisonnable d’en douter.

Il faut en outre envisager le recrutement de personnes compétentes, sans privilégier seulement les nationaux. Des critères indispensables au démarrage d’une nouvelle compagnie.

Compagnie régionale ? Malgré le soutien indispensable des autorités, les compagnies nationales « sont vouées à l’échec », selon M. Cheick Kéïta. Parce que ces compagnies ont les mêmes lignes et que le nombre de passagers n’est pas extensible à souhait. Pour développer le transport aérien en Afrique de l’Ouest, il faut donc se mettre ensemble, suggère-t-il. D’où le projet Air Sahel, qui devait fédérer les moyens du Mali, du Niger, du Tchad, de la Mauritanie, et du Burkina Faso. Las!  Ces deux derniers continuent de développer leur compagnie nationale, au grand dam des autres pays.


Pourtant, dans le contexte malien, une compagnie est bien viable, parce que Bamako est l’un des aéroports qui reçoit le plus de trafic, avec une population de grands voyageurs, expliquent les spécialistes.  Mais pour profiter de cette position géographique « idéale » et assurer sa viabilité, la gestion doit être exempte de toute ingérence politique.


« Ceci doit rester une affaire de spécialistes », prévient M. Diallo. La réussite d’une compagnie dépend de la gestion des coûts, parce que l’environnement est très concurrentiel. Il faut d’abord du personnel en nombre limité et compétent. Une première condition remise en cause dès lors qu’intervient « le relationnel », qui entraîne un sureffectif, prévient le spécialiste. Une réalité dans la plupart des structures étatiques.


Le marché malien peut cependant être rentable, car une compagnie de droit malien qui fait des vols à la demande s’en sort plutôt bien, ajoute M. Diallo. Comme alternative, les multinationales peuvent représenter la solution idéale, mais elles ont montré leurs limites. Lorsque plusieurs pays se regroupent pour créer une compagnie, chacun veut avoir les mêmes avantages et les mêmes droits, alors qu’ils n’ont pas les mêmes capacités économiques et le même potentiel en termes de passagers.


Par rapport aux postes de responsabilité à occuper, au lieu de cadres techniquement compétents, certains pays feront « des nominations politiques ». Des facteurs peu favorables à la réussite de ce type de projet.


Cependant, l’option d’une multinationale présente des avantages, comme la somme  des droits de trafic appartenant à chaque pays ou la mobilisation des fonds très importants nécessaires pour une compagnie d’une certaine taille. C’est ce modèle qui a servi au développement de la défunte Air Afrique, dont beaucoup d’anciens cadres restent nostalgiques. « Une compagnie africaine trop forte se trouve directement combattue par les grandes compagnies qui se partagent le ciel africain », se plaint l’un d’entre eux. 

Désenclavement Face à l’insuffisance accrue des routes et à l’absence du chemin de fer, la nécessité de développer le transport aérien est devenue une urgence. Pour réussir ce pari, même s’il fait appel à des privés, l’accompagnement de l’État est nécessaire. Surtout lorsqu’il a investi dans des aéroports à l’intérieur, dont il faut assurer la rentabilité. Pour ce faire, une stratégie bien pensée s’impose, car de nombreux paramètres entrent en ligne de compte. Le coût d’exploitation, la fréquence des vols, le type d’avion, ou encore les taxes d’aéroport, en sont quelques uns.


Face à l’absence de compagnie, l’État malien a multiplié les appels et un fonds privé émirati, basé à Abu Dhabi, a manifesté son intérêt. Fly Mali a donc obtenu l’autorisation officielle des autorités et le processus de certification nécessaire au lancement des activités se poursuit.


Selon le Directeur général  récemment nommé, Elhadj Baba Haïdara, dit Sandy, ancien député de Tombouctou, le permis d’exploitation aérien est en cours de recherche. «Les objectifs du projet sont de commencer les vols au début du mois de mars 2020 », ajoute le responsable. Se réjouissant du potentiel que représente le Mali, qui est « un hub naturel et un pays de voyageurs, avec une diaspora importante », M. Haïdara entend mettre en place « une bonne organisation et une bonne gestion ». Celles qui lui ont permis de « redresser Air Mali qui s’apprêtait à déposer le bilan » et qu’il a dirigée de 2000 à 2002.

La société compte participer pleinement au désenclavement intérieur, avec des avions de 50 et de 17 places, qui relieront principalement les villes de Kayes et Mopti, ainsi que Gao et Tombouctou. Elle proposera aussi des vols à la demande. En attendant le démarrage, l’Etat a autorisé une autre compagnie,  Afrikayes Air, à effectuer des vols Bamako-Kayes en partenariat avec Air Burkina, jusqu’au mois de février 2020.


Fly Mali entend également se positionner sur les vols régionaux, avec notamment un Boeing 737-500 de 120 places, pour assurer la désserte d’Abidjan, Accra, Libreville, Cotonou et Dakar. Quant à Niamey, elle sera reliée à partir de Gao. Dans une deuxième phase, d’autres capitales africaines seront désservies, et à terme Paris.

Fatoumata Maguiraga

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