Alors que la justice malienne continue d’examiner la légalité de la dissolution des partis politiques décrétée le 13 mai dernier, l’issue des procédures engagées par les anciens responsables des formations politiques dissoutes est très attendue.
Plus de deux mois après la décision gouvernementale de dissoudre l’ensemble des partis politiques, le sort de cette mesure est, depuis quelques semaines, suspendu aux différentes juridictions nationales.
Cinq requêtes ont été introduites devant les tribunaux de grande instance des Communes I, III, IV, V et VI du District de Bamako, pour faire constater une atteinte grave aux libertés fondamentales, notamment la liberté d’association et le droit de participation politique garantis par la Constitution du 22 juillet 2023. Selon les requérants, il ne s’agit pas de contester un acte administratif, mais plutôt de protéger des droits fondamentaux que le juge civil est compétent à garantir.
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Cependant, l’avancée de ces procédures varie selon les communes. Si les tribunaux des Communes III, IV et V se sont déclarés incompétents, orientant les affaires vers la section administrative de la Cour suprême, les tribunaux des communes I et VI avaient fixé des audiences aux 7 et 8 juillet derniers, avant que celles-ci ne soient finalement reportées aux 28 et 29 juillet 2025.
En Commune I, l’absence des avocats de l’État a entraîné le report, tandis qu’en Commune VI, malgré la présence de toutes les parties, le juge a estimé nécessaire de poursuivre l’examen avant de rendre un jugement.
Au-delà des juridictions civiles, une requête a été déposée devant la Section administrative de la Cour suprême. Conformément aux règles, elle a été transmise au Contentieux de l’État pour permettre au gouvernement d’apporter ses observations.
La Cour constitutionnelle en arbitre final
Quelle que soit l’issue devant les juridictions civiles ou la Section administrative de la Cour suprême, la dernière étape sera la saisine de la Cour constitutionnelle, seule habilitée à juger de la conformité d’une loi ou d’une décision aux dispositions de la Constitution du 22 juillet 2023.
Cette Cour constitutionnelle, qui sera alors face à sa propre crédibilité, confirmera-t-elle la dissolution, au risque d’être perçue comme un instrument politique ? Ou bien osera-t-elle l’invalidation, ouvrant ainsi une crise institutionnelle majeure ?
Depuis l’annonce de la dissolution des partis politiques, la question n’est plus seulement celle de l’avenir des formations concernées, mais celle de la capacité du système judiciaire à se positionner face à une décision politique d’une telle ampleur, même si très peu d’observateurs s’attendent à une décision de justice qui contredirait les autorités de la Transition.
Quel aboutissement ?
Pour Soumaila Lah, analyste politique, « il est difficile de se prononcer sur l’issue de cette affaire, car nous n’avons pas tous les éléments entre nos mains ». Il souligne cependant que la décision des tribunaux des Communes I et VI de juger l’affaire sur le fond constitue « une bonne avancée », rappelant qu’« il n’aurait pas été orthodoxe de laisser croire aux Maliens qu’un individu ou une poignée d’individus peut décider de dissoudre tous les partis politiques du pays par simple volonté ».
Par ailleurs, certains analystes soulignent que l’enjeu dépasse la question juridique. Une annulation de la dissolution relancerait immédiatement les anciennes formations, rétablirait leur capacité d’action et redonnerait vie aux oppositions politiques, dans un contexte sécuritaire et économique déjà tendu.
À l’inverse, une validation ouvrirait la voie à un système politique radicalement repensé, où la refondation annoncée prendrait forme par la création de nouveaux partis et la mise à l’écart des acteurs traditionnels.
Même si le droit est clair quant à la protection de la liberté d’association et du pluralisme politique, le contexte, marqué par une transition prolongée et les réformes institutionnelles et politiques issues des Assises nationales de la Refondation, ainsi que par les recommandations des forces vives de la Nation lors des consultations nationales en avril dernier, risque de peser sur la décision finale de la justice.
Mohamed Kenouvi