Dans la mythologie grecque, Kronos est ce Titan qui, prévenu par une prophétie qu’un jour un de ses enfants le détrônerait, les dévore tour à tour à leur naissance. L’un d’eux, Zeus, échappa au même sort que ses frères et sœurs et accomplit par la suite cette prophétie. La révolution qui dévore ses enfants est l’une des formules les plus usitées pour décrire la situation d’Adama Diarra. Celui qui est surnommé Ben le Cerveau, leader du mouvement Yerewolo Debout sur les remparts, réputé proche de certaines autorités militaires de la Transition, et membre du CNT n’est finalement plus qu’un « justiciable » comme les autres. Il a été placé sous mandat de dépôt le 5 septembre pour « atteinte au crédit de l’État ». Quelques jours plus tôt, dans une sortie médiatique, il avait exigé le respect du délai de la Transition, arguant que les Maliens ne pourraient plus supporter les effets de nouvelles sanctions de la CEDEAO en cas de prolongation. Il avait aussi dénoncé des arrestations extrajudiciaires. La promptitude avec laquelle la justice s’est emparée de cette affaire peut laisser songeur, alors que fin 2021 la CODEM et le PARENA, deux formations politiques, avaient porté plainte contre lui pour des accusations sans fondements. Il avait par la suite demandé pardon à ces deux partis. Le cas Adama Ben Diarra rappelle celui d’Issa Kaou Ndjim, ancien membre du CNT et grand soutien du Colonel Assimi Goïta. « On ne mord pas la main qui vous donne à manger », a-t-on coutume de dire. Cette main, une fois mordue, se retire, et avant que les traces de morsure ne disparaissent les dents qui en sont responsables peuvent être cassées. C’est un message qui est ainsi envoyé. Nul n’est à l’abri. Surtout ceux qui veulent circuler hors des clous de la Transition.