Loin d’être un acte isolé, cette attaque s’inscrit dans un schéma d’agressions successives contre des intérêts étrangers dans l’ouest malien. Le 4 mai, une société chinoise liée à l’orpaillage à Laghamané a été visée, puis le 17 mai un convoi logistique entre Diéma et Sandaré a été attaqué, causant la destruction de deux camions, d’un excavateur et la mort de plusieurs soldats selon des sources locales. Deux pick‑ups et du matériel militaire ont également été saisis.
Cette montée en puissance des attaques, notamment dans des zones périphériques jusqu’alors relativement épargnées comme Kayes, illustre un déplacement stratégique des groupes djihadistes affiliés au JNIM. Selon un rapport de l’Africa Center, les incidents violents dans la région de Koulikoro et Kayes ont presque triplé depuis le coup d’État de 2020. En 2023, près de 924 civils ont été tués dans tout le Mali dans le cadre d’opérations militaires et djihadistes, contre 84 en 2019, avec une progression particulièrement forte dans le sud-ouest .
ACLED relève quant à lui que le JNIM a étendu ses actions vers l’ouest malien au début de 2025, multipliant les attaques visant routes et sites économiques étrangers, notamment dans la région de Kayes .
Du point de vue socio-économique, le contexte local est particulièrement fragile : le PIB par habitant du Mali est d’environ 912 USD en 2023, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, et le chômage des jeunes reste endémique. La région de Kayes souffre aussi de discriminations persistantes, y compris l’esclavage par ascendance touchant environ 12 à 15 % de la population, qui alimente l’exclusion et la radicalisation latente .
L’arrêt des travaux de COVEC, financés à hauteur de 50 à 80 millions USD par la Banque africaine de développement et la Coopération chinoise, pourrait isoler davantage la région, fragiliser les perspectives économiques et détourner les investisseurs étrangers. Par ailleurs, l’armée malienne, concentrée sur les zones du centre (Ségou, Mopti) et du nord (Tombouctou, Gao), peine à sécuriser Kayes et ses axes stratégiques, laissant des poches urbaines et rurales sans couverture militaire suffisante. D’où la nécessité de revoir la stratégie.