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Mamadou Oumar Sidibé : « Je crois toujours en un Mali prospère et émergent »

Dans l’entretien exclusif qu’il a bien voulu nous accorder, le Président du Parti pour la restauration des valeurs du Mali…

Dans l’entretien exclusif qu’il a bien voulu nous accorder, le Président du Parti pour la restauration des valeurs du Mali (PRVM-FASOKO) et de la plateforme ANW KO FASOKO, Mamadou Oumar Sidibé, répond sans détours à nos interrogations sur plusieurs sujets. Le PRVM-FASOKO, son parcours personnel et son engagement, la marche de la Transition et la probable dissolution des partis politiques sont, entre autres, les aspects évoqués. Propos recueillis par Mohamed Kenouvi

Le PRVM-FASOKO a été fondé en 2013. Quel bilan faites-vous de ces 12 années d’existence, en termes d’implantation et d’activités politiques ?

Après douze années d’existence, le PRVM-FASOKO se porte bien. Notre parti est implanté sur l’ensemble du territoire national, avec des structures de base solides et actives : comités, sous-sections et sections. Nos activités s’inscrivent pleinement dans l’objectif principal de tout parti politique, la conquête et l’exercice du pouvoir. Mais, au-delà, nous accordons une importance particulière à la formation citoyenne de nos militants, fondée sur des valeurs cardinales des Dambé, Danaya et Ladiriya, pour marquer notre présence sur l’ensemble du territoire.

Actuellement, on traite injustement les partis politiques de tous les maux. Une propagande inédite a souillé les hommes et les formations politiques. Je déplore cette stigmatisation croissante dont elles font l’objet. Pourtant, selon l’actuelle Constitution en vigueur, ce sont bien les partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage universel et à la gestion de la Cité. C’est pourquoi je suis et reste convaincu que ce sont les acteurs politiques qui doivent bâtir la 4ème République à laquelle nous aspirons.

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Comment évaluez-vous la représentativité du PRVM-FASOKO dans les instances de gouvernance locale, régionale et nationale depuis sa création ?

Depuis sa création, le PRVM-FASOKO a participé à toutes les élections. À ce jour, il dispose de près de 400 élus communaux. Aux législatives de 2016, nous avons obtenu 2 députés. En 2018, j’ai été candidat à l’élection présidentielle et me suis classé au rang de 10ème sur 24 candidats. Lors des législatives de 2020, nous avons obtenu 5 sièges à l’Assemblée nationale, dont 3 ont été spoliés. À ce jour, le parti continue de recevoir des adhésions et poursuit sa dynamique d’expansion.

Le PRVM-FASOKO met un accent particulier sur les valeurs traditionnelles maliennes. La Transition actuelle place également la refondation et la promotion des valeurs nationales au cœur de son action. Comment appréciez-vous les efforts en cours pour restaurer ces valeurs ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que depuis sa création le PRVM-FASOKO a inscrit dans sa vision politique la restauration des valeurs sociétales comme fondement de la 4ème République. Nous avons soutenu et accompagné les initiatives dans ce sens et la plus récente est le projet Faso Baro. Je salue les efforts entrepris par la Transition actuelle dans ce domaine, même si des insuffisances subsistent. À mon sens, ces principes doivent se traduire en actions concrètes, pérennes et inclusives.

La plateforme ANW KO FASOKO, que vous présidez, a été créée en 2021. Quels étaient ses objectifs initiaux et quel bilan provisoire tirez-vous après quatre années d’existence ?

La plateforme ANW KO FASOKO a effectivement été fondée en octobre 2021. C’est un regroupement politique et électoral composé de plusieurs partis politiques, mouvements associatifs et personnalités ayant une vision commune, avec des objectifs communs : affronter ensemble les échéances électorales. En quatre ans, nous avons réussi à construire un ancrage institutionnel solide et à mobiliser de nombreux citoyens engagés autour de la refondation de l’État. Le bilan est globalement satisfaisant, même s’il reste encore beaucoup à faire.

Votre parcours initial ne semblait pas orienté vers la politique. Quelles raisons ou circonstances vous ont amené à vous engager dans ce domaine ?

Mon engagement politique est né d’une volonté sincère de servir le Mali autrement. Effectivement, à la base, ingénieur en informatique et inspecteur des Douanes, j’étais apolitique jusqu’à la crise de 2012. Face à la rupture constitutionnelle, j’ai compris qu’il ne suffisait plus d’observer ou de critiquer, mais d’agir. À partir de cet instant, j’ai refusé de laisser la gestion du pays à ceux que l’on qualifie souvent de « politiciens professionnels ». Car lorsqu’on se laisse gouverner par ceux que l’on juge incompétents on finit par subir leurs échecs. Cet état de fait m’a mené vers la politique et amené à m’intéresser à la destinée de ce pays pour faire de la politique autrement.

Vous avez été candidat à l’élection présidentielle de 2018. Quelle vision portiez-vous alors pour l’avenir du Mali ?

Effectivement, j’étais candidat à la présidentielle de 2018. Ma vision reposait sur un nouveau contrat social fondé sur le renouveau politique, pour remettre le Mali sur la voie de l’émergence. Cela passait par une révolution dynamique, des réformes politiques profondes, la reconstruction nationale, la relance économique et la restauration de nos valeurs sociétales dans un environnement apaisé de démocratie et de liberté.

Compte tenu des évolutions politique et sécuritaire de ces dernières années, cette vision a-t-elle évolué ou s’est-elle adaptée à la nouvelle donne nationale et internationale ?

Elle s’est renforcée. Le contexte sécuritaire, géopolitique et sociopolitique que nous connaissons confirme la pertinence de notre projet. Je crois toujours en un Mali souverain, stable, prospère et émergent.

Quel est votre regard sur le bilan de la Transition depuis la « rectification » intervenue en mai 2021 ?

Généralement, je préfère attendre la fin du processus transitoire pour dresser un bilan exhaustif. Néanmoins, de par ce que l’on voit, force est de constater que les mêmes difficultés et défis d’il y a cinq ans demeurent : insécurité, faible pouvoir d’achat, cohésion sociale fragilisée, etc.

La Transition essaie tant bien que mal de relever le défi. Elle a eu le mérite de poser les jalons d’un renouveau institutionnel et géopolitique. Des réformes importantes ont été amorcées, mais des lenteurs persistent, notamment sur les questions de calendrier électoral et de dialogue inclusif. Il faut l’aider à aller vers la 4ème République. Ce n’est pas chose facile.

Selon vous, les objectifs initiaux ayant motivé la mise en place de cette Transition sont-ils en voie de réalisation ?

Il y a eu partiellement des avancées. On note la promulgation de la nouvelle Constitution par le Chef de l’État et le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité. Mais d’autres objectifs, comme le retour à l’ordre constitutionnel normal, sont en train d’être renvoyés aux calendes grecques et les défis sécuritaires et économiques subsistent toujours de manière persistante.

La dissolution des partis politiques, recommandée par les Forces vives de la Nation, suscite des réactions au sein de la classe politique. Quelles sont les initiatives que vous envisagez de prendre dans ce contexte ?

Nous sommes fermement opposés à toute forme de dissolution brutale. Comme je l’ai dit précédemment, ce sont les partis politiques qui concourent à la quête de la magistrature suprême, donc les acteurs constitutionnels. S’il est nécessaire de rationaliser le paysage politique, cela doit se faire conformément aux lois qui régissent les partis politiques, dans le respect de la Constitution.

Au sein du Forum des Partis et Mouvements Politiques (FPMP), nous avons initié des discussions pour adopter une position commune, c’est-à-dire aller en rangs serrés. Cela a conduit à des séries d’initiatives. Le PRVM-FASOKO, avec d’autres formations politiques, a fait des propositions communes concernant la relecture de la Charte des partis politiques et a saisi officiellement le ministre délégué auprès du Premier ministre, sans réponse. Les 101 partis politiques signataires ont organisé des conférences de presse pour dénoncer la démarche et les méthodes des autorités. La majorité des formations politiques ont boycotté les concertations.

Nous avons suivi les recommandations des Concertations nationales qui demandent, entre autres, la dissolution des partis politiques, le durcissement des conditions de création par le paiement de 100 millions de francs CFA, la suppression du financement des partis politiques et du statut du Chef de file de l’Opposition et l’interdiction du nomadisme politique. Par ailleurs, ces concertations recommandent spécifiquement la révision de la Charte de la transition, tout en donnant au Président de la Transition un nouveau mandat de cinq ans à partir de 2025, renouvelable, à l’instar de ses pairs de l’AES. Elles exigent également le paiement d’une caution de 250 millions de francs CFA pour être candidat à l’élection présidentielle et instaurent un scrutin à seul tour.

À l’analyse, ces recommandations vont bien au-delà des termes de référence initiaux. Comparons ce qui est comparable : le Mali construit encore sa démocratie. Il ne peut être mesuré à l’aune de démocraties centenaires.

Le Président de la Transition a pris des engagements vis-à-vis du processus transitoire. Le respect de la Constitution du 23 juillet et de la Charte de la Transition s’impose à tous les Maliens et Maliennes. Toutes les voies de recours juridictionnel et constitutionnel sont envisageables pour empêcher une dissolution éventuelle des partis politiques sans bases légales.

En dehors des propositions sur la relecture de la Charte des partis politiques, quelles sont les principales actions menées par le FPMP depuis votre prise de fonction en octobre dernier ?

Depuis ma prise de fonction à la tête du Forum des Partis et Mouvements Politiques, plusieurs actions ont été initiées, notamment un atelier pour expliquer le contenu de la nouvelle Constitution et une réflexion sur la révision de la Charte des partis politiques. Aussi, nous avons tenu à trouver des consensus sur des questions d’intérêt national. Aujourd’hui, les partis et mouvements politiques membres du Forum sont plus que jamais déterminés à parler d’une même voix sur les questions d’intérêt national et à défendre la démocratie et le pluralisme politique. D’ailleurs, mon mandat est arrivé à son terme ce mois d’avril et un nouveau Président sera désigné conformément à nos textes.

Le retour à l’ordre constitutionnel apparaît incertain, malgré des perspectives initiales qui laissaient penser à des élections en 2025. Quelle est votre position à ce sujet et envisagez-vous des actions pour encourager une transition vers des institutions élues ?

Depuis sa création, le PRVM-FASOKO œuvre pour un changement profond de la vie publique. Ce qui fait que le parti s’est bien construit et bien installé. Quoi qu’il arrive, nous allons continuer dans la dynamique enclenchée. Nous sommes prêts et nous serons prêts quand les élections seront organisées. Enfin, le retour à l’ordre constitutionnel est un impératif pour la réussite de la Transition. Le Président de la Transition a inscrit au point 8 de la Lettre de cadrage adressée au gouvernement en place l’organisation d’élections transparentes, sécurisées et apaisées.