Ce que les Maliens retiennent de 2018

À quelques heures de la fin d’année, les Maliens confient au Journal du Mali ce qu’ils ont retenus de 2018.

Abbé Thimotée Diallo, curé de la Paroisse de Badalougou

 


Le pays a été profondément marqué par les élections. Avant, pendant et après. J’ai assisté à beaucoup de rencontres, au niveau de la société civile. J’ai reçu beaucoup de personnalités, de la société civile, des partis, pour présenter leurs projets ou avoir des bénédictions. Avant les élections, c’était la grande peur. On se demandait si elles allaient avoir lieu. Mais Dieu merci les choses se sont passées relativement bien. On ne s’attendait pas à ce que cela se passe comme ça. Beaucoup de gens étaient pessimistes. Avant les élections, c’était la grande peur. L’après élection, on y est encore avec l’opposition qui ne reconnaît pas le régime. Mais plusieurs associations et personnes, ainsi que les leaders religieux s’investissent pour la paix.


Komba Koné, sage-femme

2018 a été une année très difficile. Sur le plan financier d’abord. En tant que salariée, nous n’avons rien pu économiser. Personnellement, j’ai consommé mon salaire jusqu’au dernier sou. Impossible de compter sur quelqu’un d’autre. Si ton voisin vit la même situation que toi, comment lui demander quoi que ce soit? Les produits sont devenus de plus en plus chers, avec chaque jour des augmentations. Le riz, les condiments tout est cher. Si vous êtes mère de famille, vous comprenez aisément ce que cela représente. Aussi, sur le plan sécuritaire, la situation n’a cessé de se dégrader. Difficile même d’avoir une once de sérénité.
Du coup pour 2019, j’espère que le pays sera plus apaisé. Que les autorités pensent aux travailleurs et les payent convenablement. Parce que pour lutter efficacement contre la corruption, il faut revaloriser la situation salariale des travailleurs. Nous sommes submergés de travail, mais nous gagnons très peu, comparativement aux homologues de la sous-région. Il faut penser aux travailleurs.


Koniba Samaké, Juriste


Je dirais que l’évènement qui m’a beaucoup marqué au cours de l’année 2018, c’est la situation des étudiants, particulièrement ceux de la faculté de droit privé. Cette année au cours même des examens, il y a eu des affrontements entre les membres de l’AEEM, ce qui a impacté la qualité des examens. Les étudiants étaient déjà dans la salle en train de traiter les sujets quand les affrontements ont éclaté. Certains étaient paniqués au point où ils n’ont pas pu terminer ou traiter efficacement les sujets. Cela est très triste pour le pays, surtout quand on sait que l’avenir repose sur la jeunesse. C’est vraiment une situation qui m’a beaucoup touchée.
L’évènement positif que je retiens est le don d’ordinateurs que l’État a fait aux étudiants. J’ai une amie qui était vraiment dans le besoin et elle en a bénéficié parce que son nom figurait parmi les récipiendaires. Même si l’université malienne est souvent taxée d’ « inutile », c’est une preuve que la compétence paye quand on est sérieuse.

Maitre Amadou Tiéoulé Diarra, Avocat

 


Ce qui m’a surtout marqué en 2018 c’est qu’il y a eu une recrudescence des tueries à l’endroit des forces armées, mais la conviction chez eux d’un idéal de défense de la patrie est restée malgré tout. Si nous voyons le nombre de soldats mort dans la défense de la patrie publié par l’ONU et la Minusma, cela pouvait donner lieu à une défection. Mais au lieu de cela, les forces armées se sont convaincu que seule la défense de la patrie peut sortir le Mali de cette situation malgré les distorsions entre la classe politique. Cela est à saluer. Il y a une explication à cela. Est-ce que c’est parce que nos forces armées ont été bien équipées qu’ils n’ont pas peur d’affronter les ennemis ou c’est la conviction de la défense du territoire national ? Je pense que les deux réponses sont liées parce que les équipements font l’armée et évidemment les forces armées ont une conviction de défense des frontières du pays.
En dehors de cela, l’autre évènement, c’est la grève de la magistrature pendant deux mois et 15 jours où ceux qui sont censés rendre la justice au nom de l’Etat et pour les citoyens ont cessé de travailler. Beaucoup de citoyens qui attendaient les réponses judiciaires à leurs plaintes et à leurs préoccupations sont restés pendant deux mois et demi dans cette situation, ce qui a aggravé leur situation sociale, leur situation pécuniaire, et même leur situation d’individu tout court, étant créancier des droits de l’homme.
Il y a aussi un autre aspect que nous devons ajouter. C’est celle de la quête du pouvoir entre la majorité et l’opposition qui a émaillé pratiquement le deuxième semestre de l’année. Ce qui fait qu’en dernière instance, on constate qu’il n’y a pas de contribution majeure pour l’édification du pays en dehors du pouvoir. Nous aurions souhaité voir la question de la paix et de la sécurité au Mali réunir tous les partis même quand on n’est pas au pouvoir. Malheureusement, cette question de la paix ou de la reconstruction même du Mali se pose aujourd’hui en termes de quête du pouvoir. C’est ça un peu le drame.

Ibrahima khalil ben Mamata toure, Juriste-fiscaliste

Ce que je retiens de façon générale de cette année 2018, c’est le blocage de notre pays à travers plusieurs événements. L’insécurité avec son cortège de morts un peu partout et principalement au centre et au nord du Mali qui sont de véritables bourbiers. Pis, la crise du centre prend des connotations ethno-communautaire ce qui est dangereux pour une République. En second lieu, l’organisation d’une élection présidentielle bâclée avec une fraude généralisée et un bourrage des urnes qui ramollissent considérablement la démocratie.

Les résultats issus de cette élection ont creusé un grand fossé politique avec des contestations suivies de répression violente et d’arrestation extrajudiciaire notamment des enlèvements d’opposants.

Les nombreuses grèves, celles des magistrats, des enseignants, des cheminots…
L’absence de dialogue et l’indifférence du Président de la République à prendre à bras le corps les problèmes du pays,ce qui m a terriblement marqué pendant que des tensions naissaient, je n’ai pas senti le leadership du Président a parler avec son peuple pour l’apaisement.

Nouhoun Cissé, Spécialiste en Développement durable

 

2018 fût une année de plusieurs maux au Mali et pratiquement sur tous les plans.
Sur le plan sécuritaire, les attaques et enlèvements ne cessent de croître que ça soit en milieu rural ou urbain.
Le conflit intercommunautaire qui se passe au centre a fait oublié celui de la rébellion ou du djihadisme séparatiste du Nord. Les populations locales sont laissées à leur sort sans soutien aucun. Elles ne savent même plus en qui faire confiance.
Sur le plan économique, rien ne va plus, seul en milieu urbain, les gens s’accrochent un peu avec les activités commerciales, chose qui rapporte peu de nos jours avec la cherté de la vie. En milieu rural avec la multiplication d’attaques et braquages, les forains se réservent de toutes activités. Ils se font dépouiller de tout ce qu’ils ont comme ressources et ne peuvent plus financer leurs propres activités.
Sur le plan politique, le gouvernement a montré ses limites. Des grévistes à tous les niveaux que ça soit le secteur public ou privé. Les questions que je me pose sont les suivantes : Qui a réellement réélu IBK ? Sur quel bilan ?
À peine réélu, les problèmes surgissent de tous les côtés, tout le monde veut aller en grève.
Partant de cette analyse, est ce que c’est le peuple qui a réellement réélu le président et pour quelle fin ?
Par rapport à l’opposition, ils me font rire pour ne pas dire pleurer, je les trouve aussi incapables que le gouvernement. Ils sont opposants d’intérêt personnel et non d’intérêt public. Ils ne savent que dénigrer et semer la terreur, mais jamais la solution aux problèmes. Je suis déçu de leur chef de file, selon l’histoire de 100 millions qu’il aurait donné à un arnaqueur pour que lui et sa bande puissent voter pour lui, je me réserve du titre chef de religieux ou guide islamique pour ces genres d’opportuniste. Niafunké que je connais bien dont il est l’élu, ces 100 millions pouvaient apporter beaucoup dans le cadre du développement. Ils sont combien qui n’ont pas encore de l’eau potable ni de soin dans ledit cercle ?
Que des jeux d’intérêts au Mali et le pire, c’est l’entrée de soi-disant musulmans dans ce jeu.

 

Alhamdou Ag Illyene : ancien ambassadeur du Mali au Niger

 


Il y a une seule chose qui m’a marquée au Mali cette année : c’est la résilience du peuple malien face aux difficultés. Parce que, ce que n’est pas tout le monde qui peut vivre ce que nous avons vécu et être encore là. Tous ces morts, toutes ces attaques sont des difficultés et malgré cela nous sommes restés un peuple résilient. J’espère que cette capacité de résilience va nous permettre de sortir de la crise, parce que quand vous subissez des chocs et que vous arrivez à les surmonter, c’est que que après vous pouvez les résoudre.