28e sommet de l’UA, le bilan

Alors que l’effervescence du sommet retombe sur la ville d’Addis-Abeba et que l’aéroport international de Bolé laisse partir le flot de délégués qu’il avait accueilli ces derniers jours,  on peut dresser un bilan de ce 28e sommet de l’Union Africaine qui s’est voulu celui d’un certain renouveau,  si ce n’est d’un renouveau certain…

Pour que vive la jeunesse

C’est en somme ce qu’ont voulu faire passer comme message au continent les chefs d’État et de gouvernement ou leurs représentants dans la capitale éthiopienne. Pour tirer profit du dividende démographique pour développer le continent, thème de la rencontre, l’Afrique a besoin de deux choses : de politiques volontaristes et d’une jeunesse engagée. La seconde s’est manifestée par une présence de qualité à ce sommet et même quelques jours auparavant lors du pré-sommet sur le genre. Cette jeunesse est venue avec des projets pour faire évoluer le continent, en particulier grâce aux applications des nouvelles technologies dont les projets fleurissent aux quatre coins de l’Afrique. La volonté politique s’est de nouveau manifestée à travers des décisions prises pour renforcer le leadership féminin, à travers le renforcement des stratégies et actions en matière de genre et développement. Les décideurs ont lancé l’appel à la jeunesse de se saisir des opportunités qu’offrent le continent afin de créer de la richesse et du bien-être. L’initiative de l’Afrique sur les énergies renouvelables, dirigée par le Malien Youba Sokona, a présenté un rapport d’étape sur les énergies renouvelables présentées comme un des secteurs encore peu exploités alors que le potentiel et la demande énergétique demeurent énormes. L’alliance Smart Africa, sous le leadership rwandais a, en une année, enregistré des avancées. À l’instar du projet déjà lancé par les pays membres de l’Alliance, à savoir, le « réseau unique » qui permet aux ressortissants des pays membres d’être interconnectés au tarif local et sans taxes d’itinérance. Un projet pilote de « réseau unique » existe depuis l’année dernière entre le Gabon et le Rwanda.

« La réforme Kagamé »

Elle est en fait intitulée «L’impératif de renforcer notre union » et a été présentée le 29 janvier à huis clos aux chefs d’état et de gouvernement. Le rapport élaboré par le président rwandais à la demande en 2016 de son homologue tchadien, alors président de l’UA, est sans complaisance. « Nous avons une organisation dysfonctionnelle, dont la valeur pour nos Etats membres est limitée, qui a peu de crédibilité auprès de nos partenaires internationaux, et en laquelle nos citoyens n’ont pas confiance », peut-on lire dans le document que nous nous sommes procuré et qui devra être présenté dans les prochains mois à la nouvelle administration de la commission. Les questions comme celles du fonctionnement vieux et lourd de cette administration mais aussi de son financement y sont, entre autres, évoquées. Le document énonçait un certain nombre de propositions, comme échéancier de mise en oeuvre à l’appui. « Encore des bonnes intentions », déplore un diplomate auquel il est fait réponse, par la voix d’un employé de la commission, que « toute marche commence par un pas», « Kagame connaît ses pairs et il connaît le système. Les actions qu’il propose sont réalistes et réalisables», poursuit notre interlocuteur. Si le rapport a été adopté « sous réserve de certains amendements », plusieurs questions restent encore en suspens. Comme celle du mode de désignation des commissaires qui sont élus et que la réforme propose de faire nommer par le président de la commission. « S’ils avaient voté ça, il aurait fallu l’appliquer et l’élection des commissaires prévue le lendemain n’aurait pas eu lieu. Or, les enjeux sont énormes à ce niveau », nous explique-t-on. Il faudra attendre le prochain mandat de Moussa Faki Mahamat ou son successeur pour voir cette innovation entrer en vigueur.

Élection et élections

Si l’élection du président guinéen Alpha Condé à la tête de l’Union est passée comme une lettre à la poste, c’est finalement après sept tours de scrutin que l’Union Africaine a élu le nouveau président de sa commission. Alors que le Sénégalais Abdoulaye Bathily était annoncé favori, c’est contre toute attente, le Tchad qui est à l’honneur, à travers son ministre des Affaires étrangères. «Nous avons travaillé très dur pour arriver à ce jour et à ce résultat. Il a fallu convaincre tous les pays et les blocs régionaux que moussa Faki Mahamat était le candidat de l’Afrique et la figure la plus consensuelle aujourd’hui », explique un proche de l’équipe de campagne du Tchadien. Avec le Ghanéen Thomas Kwesi Quartey, ils forment le duo sur lequel reposera entre autres, la mise en oeuvre de la réforme de l’UA. Ils continueront avec une équipe de huit commissaires dont l’élection aura été l’un des temps forts de ce sommet, le vote ayant été repris, pour cause d’irrégularités constatées. Le scrutin électronique à l’aide de télécommandes a permis de détecter et d’en exclure le responsable. La prise en charge numérique de ce sommet en a d’ailleurs été l’un des bons points avec des capacités de connexion augmentées et des supports de communication, à l’exemple de l’application spéciale Sommet.

Sont donc désormais également membres du directoire de l’Union Africaine : Smail Chergui de l’Algerie (Paix et Sécurité), Anthony Mothae Maruping du Lesotho (Economie), le Congolais Martial De-Paul Ikounga ( Ressources humaines et science et technologie), la Burkinabè Cessouma Minata Samate (Politique), l’Ivoirienne Amani Abou-Zeid (Infrastructure et Energie), la Soudanaise Amira Elfadil Mohammed (Affaires sociales), le Zambien Albert M. Muchanga (Commerce et Industrie) et l’Angolaise Josefa Leonel Corréa Sacko (Economie rurale et agriculture).

Des premières et des retours

«L’Afrique est mon continent, et ma maison. Je rentre enfin chez moi, et vous retrouve avec bonheur ». C’est avec émotion que le Roi Mohamed VI, petit fils de Mohamed V, chantre du panafricanisme, s’est exprimé à la tribune de l’UA, pour la première fois en tant que dirigeant d’un État membre, ce mardi 31 janvier dans l’après midi. Après un an de négociations, de contestations, l’heure de réconciliation entre l’instance continentale et l’un de ses pays fondateurs a sonné. Le vote, après de longues discussions le 30 janvier a entériné l’admission du Maroc. Un bon point pour l’Union si l’on en croit les pro-retour qui se sont avérés les plus nombreux. Les attentes sont désormais nombreuses envers l’enfant prodige qui pourrait apporter son leadership en matière de développement au service du continent.

Sont également montés à la tribune le vice-président cubain et le président de l’Autorité palestinienne,  qui ont rappelé les liens entre leurs pays et le continent. Ce fut une première pour le nouveau secrétaire général des Nations Unies. Antonio Gutieres a souhaité une plus forte collaboration entre les deux instances pour mieux faire face aux défis continentaux et mondiaux.

Le sommet de l’UA à Addis Abéba, vue des coulisses

Le 28e sommet de l’Union africaine qui se tenait à Addis Abéba, a fermé ses portes mardi 31 janvier. Pendant les votes, en marge des réunions de ces grands chefs d’État, des anecdotes, parfois croustillantes, ont ponctué l’événement. Regard sur les coulisses d’un sommet majeur où l’on pouvait croiser l’ensemble des chefs d’État africains.

Un vote à deux télécommandes

Dans la matinée du mardi 31 janvier,  une rumeur court les murs du siège de l’Union Africaine.  Alors que presque tous les commissaires avaient été élus,  le vote a été stoppé net: il y avait un problème dans la salle. Après investigation, selon nos informations,  l’une des délégués,  avait été prise en flagrant délit de fraude.  La déléguée représentant le ministre des Affaires étrangères mauritanien a voté à plusieurs reprises avec deux télécommandes au lieu d’une. Résultat,  tous les votes précédant la découverte de ce procédé peu honorable, ont été purement et simplement annulés. Les scrutins ont repris,  provoquant parfois des retournements de situation, certains élus ne l’étant plus. Une situation qui a provoqué l’ire de plusieurs pays qui avaient même décidé de boycotter le vote avant d’être ramenés à la raison. Notre indélicate déléguée s’est quant à elle retrouvée interrogée par la police avant d’être embarquée, manu militari, dans un avion pour la Mauritanie. On ne sait pas encore quel sort lui y a été réservé…

La djatiguiya à l’éthiopienne

Accès à Internet rétabli,  circulation aux abords du siège de l’UA fluidifieé, sécurité maximale,  l’Ethiopie a déployé son expertise en matière d’organisation de rencontres de haut niveau.  Les drapeaux de tous 54 les pays flottent dans la ville tandis que sur le lieu de la rencontre, de charmants jeunes gens arborant les drapeaux en écharpe, apportant aide et informations aux participants dans leurs langues. 3000 personnes ont été enregistrées comme participants à ce sommet.

Les absences remarquées

Tous les journalistes ont fait le pied de grue devant la salle de plénière Nelson Mandela pour arracher quelques mots aux chefs d’État présents.  De ceux que leur service de sécurité n’ont même pas laissé approcher à ceux qui sont venus d’eux-mêmes dire quelques mots, les fortunes des reporters ont été diverses.  Et ceux qui attendaient de poser des questions au nouveau président gambien Adama Barrow sont restés bredouilles.  Ce dernier fait parti des grands absents de ce sommet. Sur la liste on peut ajouter les non-attendus : Kabila (RDC), Nkurunziza ( Burundi), Biya (Cameroun) mais aussi le Nigérian Buhari ou encore le Malien Ibrahim Boubacar Keita.  L’état de santé de ce dernier, qui est l’objet de rumeurs au Mali, nous a poussé à poser la question au Premier ministre Modibo Keita, à l’issue d’une rencontre avec les Maliens d’Addis-Abeba.  » Le chef de l’État nous a donné tout au long de ce sommet les consignes pour notre participation de bout en bout.  J’ai été en contact avec lui et je lui souhaite le meilleur. Nous devons apprendre à gérer les rumeurs et ne pas nous laisser gérer par la rumeur » a-t-il répondu.

Le Tchad fête Faki

L’ambassade du Tchad à Addis-Abeba a refusé du monde ce mardi 31 janvier.  Le président Idriss Deby y recevait environ 300 personnes dont des chefs d’État, des diplomates, pour célébrer l’élection de Moussa Faki Mahamat à la présidence de la commission de l’Union Africaine. Un avion spécial a été affrété de Ndjamena avec à son bord des membres du gouvernement, des proches et des artistes, pour venir fêter le fils du pays.  C’est sur les pas de danse du président tchadien que la soirée a pris fin avant nous a-t-on dit en attendant « la vraie fête qui aura lieu à Ndjamena « 

Élection de Moussa Faki Mahamat : « La logique des blocs n’a pas fonctionné »

C’est donc le ministre des Affaires étrangères tchadien qui sera, à compter de mars prochain, le président de la Commission de l’Union Africaine. Alors que les pronostics le classait au mieux à la troisième place après le sénégalais Abdoulaye Bathily et la kenyane Amia Mohamed,  Moussa Faki Mahamat a finalement obtenu les suffrages des chefs d’État et de gouvernement présents à Addis-Abeba, face à cette dernière, il aura fallu 7 tours de scrutin pour départager les cinq candidats en lice. La présidence de la commission de l’Union africaine fait traditionnellement l’objet d’une rotation informelle entre les régions du continent. L’Afrique de l’ouest semblait s’être mobilisée pour assurer la succession du bloc Anglophone-Afrique australe.

 Mais « la logique des blocs n’a pas fonctionné », explique le journaliste Siddik Abba du Monde Afrique. « Au premier tour,  le candidat sénégalais totalisait moins de voix que de pays de la CEDEAO. C’est vous dire que c’était perdu d’avance », poursuit-il.

 Un vote de « reconnaissance »

C’est la lecture que l’on peut faire de cette élection. Les pays du G5 Sahel doivent beaucoup au leadership tchadien dans la lutte contre le terrorisme. « Ils ont tous voté pour le candidat tcahdien et ont été suivis par les pays d’Afrique centrale, dès que le candidat équato-guinéen est tombé », explique-t-on dans les coulisses du sommet. Abdoulaye Bathily a également « payé la mauvaise publicité qui faisait de lui le candidat du Maroc. Les pays anglophones n’ont pas gobé cela »,  poursuit notre source.

 Qui est le nouveau Président de la Commission de l’UA ? 

Ancien Premier ministre de son pays, Moussa Faki Mahamat est âgé de 56 ans, porte cheveux gris et parle français, arabe et anglais. Elu pour un mandat de quatre ans le ministre tchadien des Affaires étrangères connaît tous les dossiers stratégiques dans lesquels son pays s’est engagé : Libye, Mali, Soudan du Sud et Centrafrique, jusqu’à l’intervention actuelle dans le Sahel et dans le bassin du lac Tchad. Avec son expérience dans les questions de sécurité,  ce proche d’Idriss Deby Itno pourrait apporter un nouveau souffle au département Paix et sécurité, l’un des plus importants de l’UA,  mais dont les résultats sous l’ère Dlamini-Zuma ont été critiqués. Il a annoncé qu’il placera « le développement et la sécurité » au coeur de son action et qu’il bénéficierait du soutien de la France et des Etats-Unis qui travaillent avec son pays, le Tchad, pour lutter contre le terrorisme dans la zone du Sahel mais aussi en Libye.

Le Maroc réintégré dans l’Union africaine

La Conférence de l’Union africaine a fini par atteindre le consensus qui valide l’admission du Maroc à l’UA.

Le 28ème sommet de l’Union africaine(UA) s’est ouvert le 30 janvier avec un agenda très chargé. La cinquantaine de chef d’États présents a étudié les rapports des experts réunis depuis une semaine déjà dans la capitale éthiopienne et ont procédé à plusieurs votes dont celui qui a permis de renouveler la commission qui gère l’instance continentale. Ce scrutin s’est poursuivi très tard dans la nuit, des irrégularités étant apparues, obligeant à reprendre l’élection des commissaires, avons nous appris. L’élection du président de la commission s’est quant à elle passée sans encombre et c’est donc le Tchadien Moussa Faki Mahamat qui remplacera Dlamini Nkosazana Zuma. « C’est une vraie victoire pour la diplomatie tchadienne. Il faut reconnaître que nous n’étions pas favoris mais nous avions pleinement confiance dans les qualités de notre candidat » s’est réjoui un diplomate tchadien.

Le moment fort de cette première journée est sans nul doute le vote sur le réadmission du Royaume du Maroc. Le Roi Mohamed VI a fait le déplacement d’Addis-Abeba pour rappeler à ses pairs africains le désir de son pays, manifesté il y a plusieurs mois, de reprendre sa place au sein de l’instance continentale.  C’est en fin de soirée que les chefs d’États ont entériné cette décision par un vote à 39 voix sur 54. Il faut dire que les discussions sur cette réadmission ont été houleuses. Le royaume chérifien a en effet posé comme condition à son  retour, le retrait de la République Arabe Sahraouie Démocratique proclamée (RASD). La reconnaissance de cet État avait été à la base du retrait du Maroc en 1984 pour marquer son désaccord sur le dossier du Sahara occidental. Le Maroc revendique en effet  la souveraineté sur ce territoire, dont les soutiens, au nombre desquels les géants sud-africain, nigerian et algérien, ont tenté  jusqu’au bout de faire obstacle au retour du Maroc.

Un retour qui ne signifie d’ailleurs pas l’exclusion de la RASD. La question reste donc de savoir le sort que lui réserve l’UA ou si le Maroc a accepté de mettre de l’eau dans son vin et d’appréhender le problème avec d’éventuelles solutions au plan continentale. « L’admission est faite, c’est le plus important » a déclaré, après le vote, le président sénégalais Macky Sall. Un moment historique sera la levée du drapeau marocain aux côtés des 53 autres, symbole de ce retour.

Le guinéen Alpha Condé élu président de l’Union africaine

Le chef d’État de la Guinée-Conakry Alpha Condé a été choisi par ses pairs pour prendre le commandement de l’Union africaine à l’ouverture du 28e sommet qui se tient  du 30 au 31 janvier à Addis Abeba.

Le président guinéen, Alpha Condé, a été élu président de l’Union africaine (UA) pour l’exercice 2017 à l’ouverture du 28e sommet de l’UA, qui se tient à Addis Abeba. Il remplace ainsi pour un an, le président tchadien Idriss Deby Itno dont le mandat est arrivé à terme. La présidence de l’UA devait revenir conformément à une règle de rotation, à la région ouest-africaine  (Cedeao) dont les pays s’étaient mis d’accord pour la candidature unique du chef d’État guinéen.

Dans une allocution suite à l’annonce de son élection  le président guinéen a mis l’accent sur la nécessité de renforcer l’unité du continent et renforcer l’intégration de ses peuples.  Condé s’est engagé à œuvrer, avec le soutien des pays membres de l’UA, pour faire de l’organisation continentale une institution crédible.

Le nouveau président de l’UA, dont le mandat est de 12 mois, s’est réjoui des progrès réalisés sur la voie de la réforme de l’organisation, une tache qui a été confiée au président rwandais, Paul Kagame, lors du sommet africain, qui s’est tenu en juillet 2016 à Kigali (Rwanda). Sur le plan économique et social, le président guinéen a souligné qu’ »en dépit des efforts consentis par les pays africains, beaucoup reste à faire pour améliorer les conditions de vie des populations ».

Renforcer l’intégration des jeunes

« L’Afrique demeure certes l’un des continents les plus dynamiques avec un taux de croissance annuel de l’ordre de 5 % du produit intérieur brut », a-t-il dit, concédant que cette croissance ne s’est pas traduite par une amélioration des conditions de vie. Revenant sur les moyens d’améliorer ces conditions de vie, le nouveau président de l’UA a cité l’industrialisation. Cependant, a-t-il dit, « cette industrialisation ne peut se faire sans l’élargissement de l’accès à l’énergie ».

Promettant de faire de cette question une priorité lors de son mandat à la tête de l’organisation continentale, le président guinéen a souligné que le thème choisi pour l’actuel sommet africain, à savoir «Tirer pleinement parti du dividende démographique en investissant dans le jeunesse», doit interpeller les dirigeants du continent. « L’Afrique doit mobiliser les investissements nécessaires pour renforcer l’intégration des jeunes », a-t-il ajouté.