333 Saints de Tombouctou : Qui sont-ils ?

Parmi les nombreux mystères de la cité antique située aux confins du fleuve Niger, on peut sans doute compter les 333 Saints. Tombouctou, « la perle du désert », continue de séduire et d’éveiller les curiosités, mais qui sont-ils ?

« Les Saints représentent un élément cultuel fort, leurs mausolées sont visités les lundis, jeudis et surtout les vendredis. Contrairement à ce que les occupants insinuaient, les Saints ne sont pas vénérés. On fait des prières et on demande les faveurs de Dieu par leur intermédiaire », explique Sane Chirfi Alpha, responsable de l’ONG SAVAMA-DCI. 

Le nouveau marié, les jeunes circoncis les visitent. La nouvelle mariée aussi, après une année de claustration, poursuit-il.

Des hommes de Dieu

Ils sont 333 Saints à entourer la ville et à la protéger des forces du mal, selon Salem Ould Elhadje, dans son livre « Les Saints de Tombouctou ». 13 sont particulièrement célèbres, dont Sidi Yahia, dont la sépulture est au cœur de la ville, considéré comme le Saint patron de TombouctouLeur prénom est souvent précédé du titre de Cheickh Sidi, qui peut être traduit par « notre professeur, notre guide ».

Devenus « à force de prières et de dévotions, un ami de Dieu (waliyyou’ Allah) », ces savants et pieux sont issus de différentes communautés, Arabe, Kounta, Sonhgoy, Peul, Bamanan ou encore Soninké.

Les Saints, il y en aurait plus que 333, ce chiffre étant protecteur selon l’ésotérisme islamique. 16 mausolées préservent leur esprit et sont jalousement gardés, comme les mosquées, les manuscrits ou encore le paysage architectural de Tombouctou, classée au patrimoine culturel de l’UNESCO en 1988. Ce qui a justifié la reconstruction des sites détruits en 2012 suite à l’invasion terroriste. « Une période de reconstruction qui dure encore », avec une sensibilisation des communautés pour les impliquer, selon El Boukhari Ben Essaouti, chef de la Mission culturelle.

Des femmes figurent bien parmi les Saints. On peut citer Nana Mariam à la bibliothèque el Wangari, Nana Fatouma Koyma Mint Moulaye Omar au camp militaire, Nana Mâma al Mokhtar près de la porte ouest de la mosquée Sankoré ou Nana Fakassuya du côté est.

Même si l’on note moins de ferveur, « les pratiques demeurent », estime l’historien et chercheur Sane Chirfi Alpha. Parce qu’il existe des passages obligés pour les rites de mariage et du port du turban, qui imposent des visites aux Saints.

Si la destruction des mausolées a été « une douche froide », leur reconstruction est une volonté commune, car « le Saint est au-delà du physique, un esprit, une âme » qu’on ne peut tuer, conclut Sane Chirfi Alpha.

« Les mystères de Tombouctou » : L’histoire fascinante de la cité

Publié aux Éditions La Sahélienne en novembre 2017, l’ouvrage « Les mystères de Tombouctou, la ville mystérieuse » sera officiellement présenté le 26 juin prochain à l’Institut français du Mali. Son auteur, Ali Ould Sidi, nous dévoile ici le contenu du livre, où il analyse la perception que les explorateurs avaient des mystères de la cité et vante sa spécificité de ville multiculturelle et exemple vivant de la diversité des expressions.

C’est en réponse à une promesse faite à la jeunesse malienne et aux voyageurs qui se posent la question de savoir ce que sont les mystères de Tombouctou qu’Ali Ould Sidi a écrit ce livre. Qui de mieux que ce natif de la ville des 333 saints, historien et chef de la mission culturelle de la ville durant 20 ans, pour répondre ? « Nous avons essayé d’apporter des éclaircissements sur l’aspect mythique et mystique de Tombouctou, aussi ville du savoir et cité universelle », dit Ali Ould Sidi. « Il fallait s’intéresser aux éléments qui ont prévalu à sa célébrité, notamment l’université, mais surtout au patrimoine tangible qui a abrité cette université, à savoir les mosquées de Sankoré, Djingareiber et Sidi Yahia, ainsi que les savants qui ont fait des miracles », ajoute t-il.

L’écrivain tente aussi d’évaluer dans cet ouvrage la contribution de Tombouctou au commerce international ainsi que son rôle millénaire de cité savante, pourvoyeuse de manuscrits considérés comme de véritables armes de pacification massive. « Jusqu’aux premières années de sécheresse, Tombouctou était un important centre d’échanges, car la ville n’était pas seulement une métropole religieuse, elle était aussi au centre d’un trafic économique important. Le commerce  et l’artisanat étaient florissants », écrit-il.

Le livre, tiré à 500 exemplaires, est disponible à la Bibliothèque Nationale, à la librairie Ba et au Musée National au prix de 7 500 francs CFA. C’est la deuxième publication de l’auteur, après « Le patrimoine culturel de Tombouctou : enjeux et perspectives », en 2008. Trois autres ouvrages seront prochainement disponibles, dont « Les explorateurs oubliés de Tombouctou », à en croire Ali Ould Sidi.

Né en 1954 à Tombouctou, Ali Ould Sidi est détenteur d’une maitrise en Histoire – géographie de l’École Normale Supérieure de Bamako et d’un Master of Arts en Géographie culturelle de Western Illinois University, aux Etats-Unis. Entre 2009 et 2013, il fut membre du comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, avant de devenir Président de la Délégation Spéciale de la commune urbaine de Tombouctou en 2014. Il est actuellement membre du Conseil Économique, Social et Culturel du Mali.