À la croisée des chemins, la rencontre du métissage culturel

C’était l’occasion pour les acteurs culturels de part et d’autre du Mali, de l’Allemagne et de la France de se réunir pour discuter  ou simplement profiter de la créativité artistique que la migration engendre. Cette rencontre s’est tenue du 18 au 25 novembre 2017 à Bamako, Kayes et Sikasso. 

« À la croisée des chemins » est  grâce à deux structures, l’Institut français et l’Ambassade d’Allemagne, mais aussi grâce à un panel de partenaires qui a eu lieu grâce à différents acteurs culturels locaux tels que le Blonba. Le mot d’ordre est de dire que la migration a des aspects positifs notamment sur le plan culturel. C’est une main-tendue entre la France, l’Allemagne et le Mali. 

Le défi était grand et « très dense » selon Corinne Micaelli-Mulholland, directrice de l’Institut français. Car organisé un évènement sur 10 jours avec chaque soir un concert, une pièce de théâtre ou un défilé de mode nécessite une volonté sans faille. D’ailleurs, selon Marion Bargès, de l’agence de production Looping production « lorsque la motivation et l’envie sont communes, cela se déroule comme du papier ». 

Bien, heureusement, le public a répondu présent. Plus de 20 personnes sont venus au Mali, ce pays qui n’a pas la côte, pour parler de migration et de culture. « Le but n’était pas faire de la politique. On veut juste dire que la migration, c’est beau aussi. C’est positif et c’est créatif », se réjouit Madame Bargès. 

Conférences

Les conférenciers, les tables rondes étaient « passionnants » se réjouit madame Michaelli-Mulholland. Et ont eu lieu dans un lieu de savoir, à savoir l’Université de Kabala, qui donnait le ton sur l’objectif et le but visés. À l’Université de Kabala, le but était de parler aux jeunes, la couche de la population la plus touchée par les cotés négatifs de la migration sous l’angle de la culture et de la création artistique.
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Le but de toutes ces tables-ronde était de dire qu’ « être migrant, ce n’est pas mauvais. Le terme « migrant » est positif, même pour l’Européen qui s’est installé en Afrique et qu’on appelle « expat ». Le terme « citoyen du monde », c’est beau. Il faut le dire également à ces migrants qui quittent le sud pour aller au nord » plaide Marion Bargès.

Théatre 

Le 18 novembre a eu lieu à l’espace culturel Blonba l’avant-première de l’adaptation théâtrale du livre de Moussa Konaté (auteur malien décédé en 2013) « Un appel de nuit ». « C’est une confidence des parents maliens à leurs enfants français et une confidence des enfants français à des parents maliens. Une confidence d’une partie de la société française à cette partie qui n’a pas de lien avec l’Afrique. Une confidence des Maliens de France pour les Maliens du Mali. Et cette confidence fait du bien à tout le monde », affirme Jean Louis Duvauroux, co-fondateur de l’espace culturel Blonba. Il est impossible pour cet afro-ascendant de voir les aspects négatifs de la migration lorsqu’il a lui-même épousé une Malienne et est désormais père d’un fils franco-malien. Ce spectacle « libère » ainsi les enfants de parents qui viennent de civilisation différente. 

© Hadejah Maïga

Musique 

Un panel de musiciens a fait son show. En ouverture Rachid Taha, Algérien résidant en France, ainsi que le balafoniste Aly Keita, vivant à Berlin ont célébré le métissage culturel. Paul Chandler à travers un documentaire « It must make peace » a relaté les enjeux des pratiques musicales traditionnelles. Fatoumata Diawara a fait un véritable ode aux valeurs d’unité, de cohésion en faisant un hommage à « l’African daddy », Nelson Mandela et en rappelant que le « sang qui coule dans nos veines est rouge que l’on soit au Mali, aux Etats-Unis, ou en Libye. »

Carrefour de la mode 

L’évènement étalé sur 10 jours s’est clôturé avec un défilé de mode de créateurs d’origine malienne accompagnés de prestations musicales d’artistes notamment celle du Groupe touareg Anama, entre autres. 
Était présent le styliste malien de renommée internationale Lamine Badian Kouyaté, le visage derrière la marque Xuly Bet qui prône le Mali ailleurs et s’inspire de l’ailleurs et du Mali pour promouvoir le Mali. Il n’avait pas défilé depuis 20 ans au Mali et a assuré au Journal du Mali que pour lui « défiler au Mali, c’est déjà retrouver ses racines ». S’étant lancé dans la création de mode en 1995, la mode était un moyen pour lui de redynamiser l’Afrique. 

© Hadejah Maïga

« C’était un challenge de réunir dans un seul évènement des tables-rondes, conférence, du théâtre, du spectacle, de la danse dans le seul but de fêter le métissage de culturel. Mais en une semaine, on peut fièrement dire qu’on a fait bouger Bamako », se réjouit Paméla Badjogo, régisseur de l’évènement. « Toujours dans l’esprit du métissage culturel, on réfléchit sur une seconde édition », a t-elle conclu. 

La rencontre des musiques africaines et européennes

L’évènement intitulé «  À la croisée des chemins », a initié une table ronde, à l’Institut Français de Bamako, le 22 novembre 2017, intitulée « L’impact des musiques d’Afrique en France et en Europe». Cette activité avait pour but d’expliquer la présence africaine en Europe et son impact par François Bensignor, journaliste, spécialiste de la musique et Keltoun Wallet Emastagh, musicienne, poète et peintre.

C’est dans les années 80, que les artistes africains ont commencé à s’installer en France à la recherche de producteurs. Des artistes comme Salif Keïta, Papa Wemba, Angelique Kidjo, Casera Evorio et plein d’autres ont impressionné le public européen, ils ont marqué l’histoire de la musique européenne. « C’est en ce moment, il y a une ouverture d’esprit de la part des Européens en faveur des musiques africaines », a affirmé François Bensignor, Journaliste, spécialiste de la musique.   .

La rencontre des cultures

Les artistes africains ont influencé la musique européenne avec leurs façons de faire la musique. « Les Européens ont vite compris, qu’ils peuvent améliorer et adapter cette musique à leur continent », a déclaré le spécialiste de la musique. Avec la rencontre des artistes chacun donne quelque chose à l’autre tout en gardant sa propre identité culturelle pour créer une nouvelle chose. Les artistes doivent connaître d’où ils viennent avant de rencontrer l’autre. « La collaboration entre les musiciens tels que Ballakè Sissoko et Jean-François Cigale, chacun garde son identité, chacun ajoute plus d’âme et plus de cœur possible pour donner une nouvelle création », a expliqué le journaliste. La musique, elle est universelle, les artistes s’inspirent les uns des autres, et avec les voyages les hommes ramènent avec eux des souvenirs. Le rap est aussi le fruit du métissage culturel « A travers les voyages, il y aura des échanges, les artistes prennent un peu de tous pour construire ou de créer une nouvelle musique », a exprimé Keltoun Wallet Emastagh, musicienne, poète et peintre.

La compréhension mutuelle

Avec ce nouveau système de vie, les hommes doivent renforcer ce dynamisme, qui est entrain de créer une nouvelle musique mondiale. Chaque fois, qu’il y a une rencontre culturelle, il y a un échange, et tout le monde sort enrichi. Personne ne doit perdre son identité. Les artistes ont le devoir d’éveiller la conscience des uns et des autres pour construire un monde dans la diversité. « Nous avons le devoir de chercher le meilleur de nous-mêmes au lieu de s’accuser mutuellement en tant que citoyen, nous devons donner le mieux de nous-mêmes », a souligné Keltoun Wallet. Le monde a évolué parce qu’il y a eu ces rencontres et ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes, donc, elles ne peuvent pas être négatives, a-t-elle conclut.

Jacques Coulibaly