Anti-terrorisme : la difficile équation de Barkhane

Prises entre le marteau de l’opération Barkhane et l’épée des djihadistes, les populations des régions du nord, en particulier celles du cercle d’Abeïbara, ne savent plus à quel saint se vouer.

Lancée le 1er août 2014, Barkhane est une opération menée au Sahel par l’armée française pour lutter contre les groupes armés djihadistes. Elle a pris la suite de l’opération Serval qui a stoppé l’avancée des djihadistes à Kona en janvier 2013. Si la légitimité de ces opérations n’est pas à remettre en cause, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment en minimiser l’impact sur la vie des populations riveraines des zones d’intervention, surtout en ce qui concerne les atteintes aux libertés de mouvement des personnes, souvent des nomades. La résolution de cette équation semble ne pas être chose aisée pour le commandement de Barkhane, si l’on en croit les témoignages qui se multiplient dans les régions concernées. La recrudescence des opérations dans les localités de Tessalit et d’Abeïbara, dans la région de Kidal, entraine des flux massifs de populations vers l’Algérie. « 40 à 50 familles, soit environ 500 personnes, sont déjà en Algérie. Ils fuient la violence des opérations qui s’intensifient et semblent de plus en plus être menées à l’aveugle », explique un élu local. « Et pourtant, au début tout marchait bien. Le contact était bien établi entre la force et les habitants, elle donnait des médicaments et aidait beaucoup la population. Depuis quelques temps maintenant, c’est la peur qui règne chez nos populations. Les militaires viennent dans les hameaux prendre les gens et les amènent on se sait où pour les libérer après », ajoute-t-il.

Bavure ? Ce qui a accentué la peur au sein de la population, c’est la mort dans des circonstances non encore éclaircies du petit Issouf Ag Mohamed. Ce berger rassemblait les animaux de la famille le 30 novembre dernier à Tibagatene, dans le cercle d’Abeïbara. « Ce jour-là, deux hélicoptères sont passés au-dessus du campement. Bientôt, ils entendirent des tirs. Certains disent qu’il s’agissait de roquettes, d’autres de mitrailleuses. Puis le calme est revenu. Vers 15 heures, un seul hélicoptère était de retour sur les lieux. De loin, les nomades crurent voir des soldats descendre, s’activer quelques minutes au sol, puis repartir », raconte une source. C’est le lendemain, constatant son absence, que les habitants retrouvèrent le corps sans vie du petit garçon dont la mort est, selon eux, imputable à une bavure des forces françaises. Contacté à plusieurs reprises, le commandement de la force n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. « C’est vrai qu’il y a un terrorisme résiduel et les nomades et bergers sont des suspects potentiels. Ils sont obligés de faire la politique du ni vu ni connu pour sauver leur peau. De là à faire d’eux des terroristes, c’est démesuré », conclut un habitant.