Mali-Accord pour la paix : Un document qui cristallise les critiques

Plus de cinq ans après sa signature, les avancées dans l’application de l’Accord de paix issu du processus d’Alger restent très mitigées. Aujourd’hui, des voix s’élèvent, et vont croissant, en faveur de sa relecture.   

Installation des autorités intérimaires, DDR, mise en place du  Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), entrée de la nouvelle armée reconstituée à Kidal et tenue d’une réunion du CSA dans la même ville. Ce sont des avancées majeures réalisées dans le cadre de l’Accord pour la paix. Un Accord qui devait « rétablir l’autorité de l’État et créer les conditions d’une paix durable » au Mali. Au regard des défis qui restent à relever, le chantier est titanesque. Selon le politologue Boubacar Salif Traoré, « tout cela ressemble à une belle vitrine, dont l’arrière-boutique est en travaux, car sur le fond rien n’est réellement réglé, ni stabilisé ».

« C’est un gouvernement très affaibli qui signa l’Accord en 2015. Ensuite, ses membres ne se sont jamais approprié le texte et il ne fut pas disséminé auprès de la population. Chacun y est donc allé de son interprétation sans que le gouvernement n’agisse. En 5 ans, l’Accord a perdu de sa substance, au point d’être décrié par une large partie des Maliens. L’absence d’inclusivité et le sentiment de négligence du texte par les autorités pendant plusieurs années ont fait que son application devient quasiment impossible », explique-t-il.

La relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation fut un souhait des Maliens lors du Dialogue national inclusif de décembre 2019. Une année après, des politiques et associations de la société civile élèvent la voix pour la même chose. « Ce rejet s’explique le plus souvent par la non maîtrise de l’Accord. Rares sont ceux qui peuvent dire réellement ce qu’ils lui reprochent. Ceux qui le maîtrisent pensent qu’il est trop déséquilibré en faveur des anciennes forces rebelles », explique Salia Samaké, politologue. C’est le cas de « Songhoy chawaara batoo », coalition d’une dizaine d’organisations et de faitières de la communauté songhoy. Elle pense que  l’Accord pour la paix et la réconciliation contient des dispositions discriminatoires. « Ils ont pris dans l’Accord ce qui enarrange certains. L’une des mesures qui nous semblent discriminatoires est la création de la nouvelle Zone de développement des régions du Nord (ZODERN), qui est anticonstitutionnelle et injuste. On peut même dire qu’elle repose sur les principes de l’apartheid. 26 conseillers parmi lesquels 5 seulement sont Noirs. Les 21 autres sont Arabo-berbères. La région de Taoudéni, qui vient d’être créée, a 7 conseillers, Tombouctou 6, Kidal 6, Ménaka 5 et Gao 5. Cela est injuste. Si on ne fait pas attention et qu’on laisse passer ce document, dans 50 ans ce qui est arrivé en Palestine nous arrivera. Le second scénario, c’est une « mauritanisation » de notre crise, avec 80% de Négro-berbères,  mais 20% d’Arabes  avec les pouvoirs politiques et militaires. On ne demande pas de rejeter l’Accord en bloc mais de le relire », explique Almahady Moustapha Cissé, Coordinateur de la coalition.

Relecture prochaine ? Dans le Plan d’action du gouvernement de transition, « diligenter la relecture de l’Accord » fait partie des priorités pour renforcer la sécurité. Parmi les actions prévues, « l’organisation de concertations avec les parties prenantes sur la relecture de l’Accord de paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ». La communauté internationale et les groupes armés signataires accepteront-ils cette relecture?

« Les groupes armés l’ont fait savoir à plusieurs reprises, ils sont opposés à la relecture. D’ailleurs, pour moi, ce terme n’a aucun sens. Il faut rendre l’Accord inclusif, en expliquant que ce qui sera valable à Kidal le sera également à Sikasso ou à Kayes. Il faut confronter l’Accord au réel et sortir du cadre strictement institutionnel. La communauté internationale est dans un dilemme, dans l’obligation de trouver un équilibre. Elle a toujours affirmé vouloir l’application effective de l’Accord. D’ailleurs, sa mise en œuvre est la mission principale de la MINUSMA. Mais elle sait également qu’il y a de nombreuses tensions autour de ce sujet y compris au plan politique. Tout dépendra des deux principaux acteurs, le gouvernement malien et les groupes armés signataires », estime Boubacar Salif Traoré.

Pour Salia Samaké, les groupes armés seront « d’accord pour la révision, mais souhaitent que cela soit fait à travers la procédure définie dans l’Accord ». Quant à la communauté internationale, « il ne lui revient pas d’être d’accord ou pas. C’est aux parties maliennes de prendre l’initiative. Jusqu’à preuve du contraire, elle accompagne », conclut-il.

Boubacar Diallo

Mali – Accord de paix: 3 Questions aux Professeur Younoussa Touré

Cette semaine, l’anthropologue et Professeur Younoussa Touré répond aux trois questions de la rédaction sur l’accord de paix. 

Quels sont les principaux obstacles à la mise en œuvre de l’Accord ?

Après sa signature, il n y a pas eu assez de communication afin que le peuple malien comprenne dans quelles conditions il a été signé, les lignes rouges et les espaces au sein desquels on peut se mouvoir. Lorsque les gens n’ont pas d’explication, ils se font souvent une idée erronée et les signataires ont moins d’audace. Il y a aussi une tendance à dénoncer parce qu’on n’était pas à la table de négociation.

Les parties signataires sont-elles de bonne foi ?

L’Accord a été signé entre des mouvements dissidents. Il y a eu ensuite des mouvements non dissidents et finalement la communauté internationale. Et elle a voulu regrouper les parties maliennes en un seul bloc. Cela signifie que rebelles et non rebelles travaillent ensemble pour mettre l’Accord en œuvre. Dès lors, le gouvernement était esseulé. Or l’Accord dit que c’est lui qui est chargé de la mise en œuvre. Il est hésitant parce qu’il a peur de la société civile et des activistes qui n’ont pas compris pourquoi il a signé.

Faut-il envisager une relecture ?

La relecture suppose que les gens n’ont pas pu mettre en œuvre. Il faut d’abord se mettre ensemble et voir quel est le problème. Il y a une solution politique à tout. Il ne faut pas que l’on pense que c’est éternel. On peut changer lorsque les conditions évoluent. C’est ce que l’on a fait pour la régionalisation. Certains craignent de perdre des privilèges.

Blocages dans l’Accord pour la paix : à qui la faute ?

Prévue pour le 15 juin, la 40ème session du Comité de suivi (CSA) de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali doit faire un nouveau point sur sa mise en œuvre. Censé aboutir à une « paix globale et durable, garantissant une solution définitive à la crise qui affecte le Nord du Mali », l’Accord est encore loin de l’espoir suscité. Cinq ans après, aucun des axes ne connaît une mise en œuvre satisfaisante, selon les acteurs. Réformes institutionnelles et politiques, défense et sécurité, développement et réconciliation nationale, ou encore justice et questions humanitaires, « les problèmes restent entiers ». Si une relecture peut s’avérer nécessaire, l’Accord doit être mieux partagé afin que l’ensemble de la population y prenne une part active, mais aussi que les parties signataires agissent avec plus de bonne foi.

Dans un communiqué rendu public le 28 mai 2020, en prélude à la 40ème session du CSA, la MINUSMA a exhorté « les parties signataires à s’abstenir de tout acte contraire à l’esprit de l’Accord ou susceptible de remettre en cause, non seulement la souveraineté et l’intégrité territoriale du Mali (…) », quelques jours après le refus de la CMA de laisser entrer à Kidal le bataillon de l’armée nationale reconstituée. Un communiqué du gouvernement reprochait au mouvement de s’emparer de fonctions régaliennes de l’État.

Ce « manque de confiance et de bonne foi des parties prenantes, mouvements signataires, Gouvernement et médiation internationale est le premier obstacle à la mise en œuvre de l’Accord », selon un observateur. Ainsi, malgré la signature de l’Accord,  les ex-rebelles restent armés et contrôlent toutes les régions du Nord du pays, ajoute t-il. Mais ce qui a manqué le plus depuis la signature, « c’est un réel portage politique », estime Monsieur Mahamadou Diouara, sociologue. « C’est un document éminemment politique, qui engage la Nation sur un chemin réformateur qui engendre beaucoup de changements et dont la matérialisation implique la participation inclusive de l’ensemble des composantes de la Nation, au niveau national et local ».

Accord non inclusif

Ce projet politique déterminant aurait obtenu les résultats escomptés s’il avait été mieux partagé, estime les observateurs. Tous les acteurs de sa mise en œuvre concrète, notamment les populations, devraient en avoir une conscience claire, afin d’en comprendre les « tenants et les aboutissants », ainsi que leurs rôles dans le processus.

« Malheureusement, depuis sa signature, ni le gouvernement ni les groupes armés signataires ne sont allés vers le peuple » pour expliquer le contenu de ce document signé en son nom, lui faire connaître les dividendes attendus, les rôles et les risques encourus en cas de non application.

L’absence de ce préalable, essentiel à l’appréhension du processus par la majorité des acteurs, a eu pour conséquence de faire de « la mise en œuvre de l’Accord une entreprise isolée entre le Gouvernement, la CMA, la Plateforme », ajoute M. Diouara.  Entre ces acteurs, les groupes non signataires et une partie de la société civile, qui manifestent leurs désaccords pour une disposition non appliquée ou le retard accusé dans l’application d’une autre. Pendant ce temps, la question de la qualité de l’Accord reste en suspens et ne permet pas au citoyen de participer à son application.

Or le projet politique porté par l’Accord est celui de la régionalisation. Une étape dans le processus de décentralisation pour offrir des réponses locales à des questions dont la connaissance et la maîtrise échappent souvent à l’État central. Mais, dans la réalisation de cette ambition, au lieu d’une vision globale capable d’assurer une mobilisation accrue de tous les acteurs, les parties prenantes ont privilégié « des questions subsidiaires, priorités d’intérêt immédiat ».

Intérêts particuliers

Dès lors, cette défense d’intérêts partisans a transformé « en condition imparable une disposition de l’Accord » : les autorités intérimaires, celles qui devaient durant une période transitoire permettre aux parties signataires, grâce à une convention, d’assurer ensemble la sécurisation des zones à conflit avec un Mécanisme opérationnel de coordination (MOC).

Ces forces, composées de combattants de chaque groupe signataire et de militaires, sous le commandement d’un officier supérieur de l’armée, devaient effectuer des patrouilles mixtes afin de permettre aux autorités d’exercer leurs missions.

L’impossibilité d’accomplir « correctement » ces missions a conduit à la mise en place d’autorités exceptionnelles. Ce qui n’a fait que « réveiller les peurs des populations du nord qu’une communauté se voit octroyer les droits et privilèges de disposer de la destinée des collectivités », estime le sociologue Diouara. Des craintes qui se sont  d’ailleurs justifiées, contribuant à démobiliser les acteurs locaux.

L’absence de vision globale dans la mise en œuvre de l’Accord a aussi entraîné la mise en avant d’une autre question comme condition, celle du DDR. Ainsi, au lieu d’une mobilisation des énergies et intelligences de chaque collectivité, c’est la réinsertion qui a été « vendue » aux jeunes, déplore le sociologue. Engendrant une course aux armes afin d’être affilié à un groupe armé et reconnu comme ex-combattant.

Alors qu’il aurait fallu que chaque région puisse s’organiser, créer une fonction publique territoriale et mettre en place une police territoriale, sous l’autorité du chef de l’exécutif local, élu au suffrage universel direct et appuyé à chacune des échelles  par un comité consultatif local de sécurité composé de représentants des jeunes, des femmes, des autorités traditionnelles. Cela aurait permis de mobiliser les jeunes de chaque ethnie pour constituer une force territoriale afin d’assurer cette sécurité et empêché les affrontements entre différentes ethnies à Mopti.

Mais une mauvaise lecture de l’Accord a engendré une mobilisation contre lui, empêchant cette mesure et favorisant les clivages intercommunautaires et l’émergence de singularités et fondamentalismes.

Pourtant, un tel programme pour utiliser les ressources locales allait créer de l’emploi  et de l’espoir, ainsi que de nouvelles aspirations.

Mauvaise foi

Manifestement, les parties prenantes de l’Accord font preuve de mauvaise foi. « Elles font semblant de jouer leurs rôles », mais comme « au chat et à la souris, prenant en otage le peuple et le pays », parce qu’elles « semblent toutes servir des intérêts personnels et/ou communautaires », plutôt que l’intérêt général, souligne un acteur.

Les principes et les engagements sont clairs et hiérarchisés, précise M. Diouara. L’unité, la souveraineté de l’État sur le territoire, la forme républicaine et la laïcité sont des principes acquis et acceptés par toutes les parties.

À partir de là, les gestes de la CMA ne peuvent se justifier que par « l’architecture institutionnelle de la mise en œuvre de l’Accord, la faiblesse de l’État malien et la duperie de la médiation de la communauté internationale », analyse cet observateur.

Rappelant que l’Accord prevoyait que 90 jours après sa signature les groupes armés donneraient la liste de leurs combattants et armes à la Commission technique de sécurité (CTS), pendant que les MOC sécuriseraient les sites de cantonnement, dont la MINUSMA en avait construit huit une année après la signature, le sociologue Diouara déplore « qu’à ce jour, ces forces n’aient pas déposé les armes. Nous sommes comme au jour de la signature ».

S’il n’est pas exclu de relire le texte de l’Accord, parce qu’il a été rédigé dans un contexte qui n’est pas le même actuellement, certaines déclarations ayant été plus « néfastes » qu’utiles, il est indispensable que « les gens en aient une compréhension claire », suggère M. Diouara.

Il faut surtout lui « donner une chance d’obtenir l’adhésion d’une grande partie des Maliens, afin qu’il soit un instrument approprié de paix, de prévention des crises, porteur de développement équilibré des régions du Mali », conclut un acteur.

Fatoumata Maguiraga

Quelques dates…

Infographie: Boubacar Diallo et Marc Dembelé

Sidi Brahim Ould Sidatt : « Notre volonté n’a jamais été de participer au gouvernement »

Du 27 au 29 avril s’est tenue à Kidal la 6ème session du Comité directeur de la CMA. Au cours de cette  cérémonie, le Président en exercice,  Alghabass Ag Intallah, a passé le témoin à Sidi Brahim Ould Sidatt pour six mois. Le nouveau Président, Secrétaire général du MAA détaille ses ambitions pour ce nouveau mandat.

Sous quel signe placez-vous votre mandat ?

Celui de la continuité dans le processus de mise en œuvre de l’Accord. Une feuille de route a été  signée avec le gouvernement du Mali et l’ensemble des acteurs lors de la dernière rencontre du Conseil de sécurité de l’ONU. Celle-ci parle des réformes politiques et institutionnelles, de l’armée reconstituée, de la formation et du déploiement des premières unités, de la zone de développement du nord. Ce sont les priorités, mais il faut aussi doter les autorités intérimaires d’un appui pour qu’elles puissent financer des activités socio-économiques pour les populations. 

Quelle analyse faites-vous de la mise en œuvre de l’Accord ?

Beaucoup d’activités ont été faites au cours des  quatre années, mais elles ont été superficielles. Les actions essentielles pour rendre l’Accord irréversible n’ont pas été menées, notamment la réforme constitutionnelle, la reconstruction d’une armée nationale, capable de défendre l’intégrité de tout le territoire, et une zone de développement avec une stratégie spécifique, qui permettra de mettre les régions du Nord au même niveau que les autres parties du pays. 

Un affrontement vous a opposé au MSA le 3 mai à Talataye. Comment est-il advenu ?

D’abord, le poste de la CMA qui est à Talataye est constitué essentiellement des populations de cette localité. Nous avons pour l’installer travaillé avec des gens du MSA. Nous l’avons mis en place d’un commun accord dans la quiétude et l’entente.  L’attaque est venue du côté du MSA. C’est à eux qu’il faut demander pourquoi ils ont attaqué un poste dont ils avaient consenti à la mise en place. S’ils devaient le faire, ils auraient dû nous appeler pour que nous puissions trouver une solution sans en arriver à l’affrontement. La CMA est perplexe jusqu’à présent par rapport à ce qui a poussé les gens du MSA à délibérément violer le cessez-le feu.

Que pensez-vous de l’Accord politique ayant abouti à la composition du gouvernement ?

Notre volonté n’a jamais été de participer au gouvernement, mais à la mise en œuvre de l’Accord délibérément signé par les parties maliennes. Si ce gouvernement dit de large ouverture est prêt pour la mise en œuvre de cet accord, nous ne pourrons que le féliciter.

2ème mandat d’IBK : Les fortes attentes des Maliens

Avec son investiture le mardi 4 septembre 2018, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita a officiellement entamé son deuxième mandat à la tête du Mali. Un quinquennat que le chef de l’État veut consacrer à la jeunesse. Nombreuses sont aussi les attentes d’autres secteurs-clés.

« Nous voulons que les jeunes soient responsabilisés dans les instances de prise de décision. Étant majoritaires, nous souhaiterions que le Président prête une oreille attentive à ses alliés politiques et s’implique au niveau de l’administration pour y parvenir », plaide Souleymane Satigui Sidibé, Président du Conseil national de la jeunesse. Pour lui, les jeunes ne sont pas assez pris en compte dans les organes de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. C’est pourquoi il espère une résolution définitive de cette situation au cours des cinq prochaines années de gouvernance.

Les femmes aussi

Les femmes doivent être au cœur du développement du pays, vu leur rôle essentiel dans le sous-bassement même de notre société. Elles attendent elles aussi de grandes avancées dans leur condition sous l’ère IBK II. « L’autonomisation économique de la femme est un important défi. Étant le pilier de tout, elle doit être soutenue pour se sentir à l’aise et intervenir dans la résolution des problèmes », affirme Oumou Dembélé, Présidente du Cadre de concertation des femmes des partis politiques du Mali. L’égalité du genre, une problématique sensible dans la vie de la Nation et qui tient à cœur au Président Ibrahim Boubacar Kéita, revient avec insistance dans les attentes des femmes maliennes. « Nous demandons au Président d’appliquer la Loi 052 pour la prise en compte du genre et d’y veiller à tous les niveaux », appuie pour sa part Nana Sissako, Présidente du Groupe pivot Droit et citoyenneté de la Femme. « Nous avons beaucoup d’espoirs avec cette loi pour la réduction des inégalités sociales », poursuit-elle.

L’éducation, une priorité

Le secteur de l’éducation en général, très important, n’est pas en reste. Comme le souhaite Hamida Ag Bella, professeur de philosophie à Tombouctou, « il faut une amélioration des conditions du personnel enseignant et de l’organisation même du travail, à travers la mise à disposition des enseignants et des apprenants de supports adéquats, conformes au programme officiel ». Par ailleurs, Konimba Samaké et Ousmane Sankaré, tous deux étudiants en fin de parcours, s’accordent pour appeler le Président IBK à une sécurité accrue en milieu universitaire et à la lutte contre la corruption administrative qui gangrène le secteur.

Sécurisation des élections : L’ultime défi

Annoncé par le gouvernement, le plan de sécurisation des élections de 2018 comporte un dispositif d’environ 11 000 agents, des aéronefs, plusieurs véhicules, des pinasses et même des motos. Un déploiement important qui ne semble pourtant pas rassurer tous les acteurs. Alors que certains invoquent une nécessaire implication des populations, d’autres pointent du doigt des manquements qui compromettent déjà la distribution des cartes d’électeurs et le déroulement serein de la campagne électorale.

« Même si on envoie des milliers d’hommes pour sécuriser le pays, si ce n’est pas en accord avec la population, ces hommes ne pourront rien faire. C’est quand la population et les forces de sécurité sont ensemble que cela peut marcher », explique l’Honorable Souleymane Ag Al Mahmoud,  député élu à Ansongo, dans la région de Gao. « Certaines localités sont prêtes à organiser les élections, mais ne veulent pas entendre parler de forces étrangères pour les sécuriser », ajoute l’élu. Si les élections n’ont pu se tenir à Talataye en 2013, c’est en raison d’une confusion des rôles entre la MINUSMA et les Famas, chaque entité voulant assurer le transport du matériel et du personnel chargé de gérer les élections, explique encore le député d’Ansongo. Et, lorsque  la situation a été éclaircie, juste quelques heures avant le début des opérations de vote, il était techniquement impossible d’acheminer le matériel dans cette commune située à plus de 200 km du chef-lieu de cercle d’Ansongo. Il faut donc tirer les leçons du passé et éviter de répéter les mêmes erreurs.

Et, pour ce faire, l’implication des acteurs locaux est indispensable. « Nous nous préparons à accompagner le gouvernement dans tout ce qu’il veut entreprendre pour la sécurité. Nous connaissons le terrain et nous avons nos techniques et nos stratégies sur les sites », note l’Honorable Ag Al Mahmoud. Chefs de villages ou de fractions, responsables locaux ou population, tout le monde a une responsabilité et est prêt à l’assumer, affirme t-il. Il faut juste que les gens se sentent impliqués. Ils ne veulent plus être «  marginalisés », car l’une des raisons de la généralisation de l’insécurité, c’est aussi « la frustration », selon le député.

Situation précaire

De retour dans leur localité  de Dinangourou, située à environ 100 km de Koro, dans la région de Mopti, le convoi raccompagnant les élèves de la neuvième année venus passer leurs épreuves du DEF à Koro, a sauté sur une mine, faisant 2 morts, le 7 juin 2018. Un acte qui prouve à suffisance que l’insécurité est bien une réalité dans cette zone du Mali, selon M. Amadou Aya, porte-parole du parti Yelema et originaire de la localité.

Ces actes sont très inquiétants, selon le député d’Ansongo, mais peuvent être évités. S’il n’ignore pas les autres actes mettant en cause la sécurité, notamment « les braquages, qui sont le fait de petits bandits », le député reconnaît que d’importants efforts restent à fournir pour  « mettre l’armée dans les conditions ». Malgré tout, il affirme que c’est le « Centre qui inquiète, plus que le Nord », car certains maires ne peuvent plus se rendre dans leurs localités pour parler avec les populations.

La sécurité, en tout cas, reste l’un des « défis importants de ces élections », selon M. Aya. Et cette sécurisation ne concerne pas seulement le jour des élections. Il faut donc une sécurisation en amont et en aval et, déjà, la distribution des cartes d’électeurs soulève les inquiétudes. « On sait qu’une grande partie du territoire est sous le contrôle des terroristes, avec une absence totale de l’administration et d’écoles. Donc, dans ces conditions, il sera extrêmement difficile de distribuer les cartes d’électeurs à hauteur de souhait », s’inquiète M. Aya.

En outre, dans la région de Mopti et une grande partie de la région de Ségou, des arrêtés pris par les gouverneurs ont interdit la circulation des engins à deux roues et d’autres types de véhicules légers. Ce qui complique davantage les opérations de distribution, rendant difficile les déplacements des populations vers les centres où elles doivent récupérer ces documents. Toutes choses qui compromettent la participation de nombreux électeurs. L’autre impact de ces mesures est la difficulté enregistrée pour battre campagne, selon le responsable de Yelema.

La multiplication des actes terroristes, les affrontements intercommunautaires et les déplacements de population font en effet craindre le pire à M. Aya. Car si cela continue, il sera difficile, voire impossible, de tenir des élections paisibles et crédibles. Quant aux garanties nécessaires pour organiser le scrutin dans les conditions idoines, c’est à l’État de les fournir. « C’est au gouvernement de mettre en œuvre les stratégies pour assurer notre sécurité. Je constate que ces conditions ne sont pas réunies. Nous n’avons pas encore suffisamment de garanties », ajoute le porte-parole de Yelema, qui regrette qu’en tant que responsable politique il ne puisse pas se rendre auprès de ses militants pour les sensibiliser.

Enjeu majeur de ce scrutin, qu’elle « pourrait affecter », « l’insécurité affecte aussi les élections sur le contenu et la confiance des populations en l’État et les politiciens », selon M. Aurélien Tobie, chercheur senior et Coordinateur des activités du programme Sahel / Afrique de l’Ouest  à l’Institut International de Recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Une situation qui se détériore depuis 2012, et les « populations se demandent si les services de l’État peuvent réellement améliorer leur quotidien », ajoute le chercheur.

Implication collective

Et, dans ces conditions, seule une véritable cohésion entre population et forces de sécurité peut contribuer à endiguer l’insécurité et à instaurer un climat apaisé. « Une interaction apaisée entre forces de sécurité et populations est essentielle pour rétablir le lien de confiance et améliorer l’adaptation des forces de sécurité au contexte dans lequel elles opèrent », estime encore le chercheur du SIPRI.

Pour sa part, le gouvernement mise sur l’ensemble des moyens déployés et les acteurs qui seront impliqués. Parmi eux, les groupes signataires de l’Accord pour la paix, qui se sont engagés lors, de la 23ème session du CSA en janvier 2018, dans une feuille de route, pour « l’organisation et la sécurisation des élections ». Et, pour mettre en œuvre cet engagement, « les parties signataires sont à pied d’œuvre pour définir un plan de sécurisation assorti d’une réelle répartition des rôles et des responsabilités de toutes les parties prenantes. Tout cela va être bouclé d’ici le 20 juin 2018 », assure M Ould Mahmoud Mohamed, porte-parole de la CMA.

Si elle se dit prête à « endosser » cette responsabilité, la CMA n’occulte pas cependant la réalité du terrain, où les attaques continuent. Mais ces attaques « ne sont que le résultat de la non mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, ce qui fait que d’autres forces occupent le terrain et imposent leurs lois ». Et le scrutin pourra se tenir dans un climat apaisé « si nous finalisons les plans de sécurisation à temps. Nous pourrions, dans les régions du Nord, assurer la tranquillité pour tous en vue de réaliser des élections paisibles », précise le porte-parole de la CMA, qui note cependant que des défis à relever, à savoir la participation des réfugiés et la mise en place effective des autorités intérimaires, persistent.

Les 11 000 agents, principalement des éléments des forces armées, sont en tout cas, selon le ministère de la Sécurité,  prêts à assurer leur mission de sécurisation.  Puisqu’il ne s’agit pas de leurs fonctions habituelles, ils ont donc subi des formations. Dans les zones où l’administration est absente, ce sont les groupes armés qui prendront le relais. Ils assumeront la sécurisation des élections, conformément à « un cahier des charges » qui doit encore être défini.

CME : Plaidoyer musclé pour une inclusion dans l’Accord

Il y a deux semaines, la Coordination des Mouvements de l’Entente (CME) a organisé à Tin-Aouker, dans la région de Gao, son premier congrès. Elle a invité la communauté internationale et les autorités maliennes à trouver des solutions pour son inclusion dans les organes de l’Accord. A défaut, elle n’exclut pas un recours à la force.

L’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, signé respectivement par la Plateforme le 15 mai et par la CMA le 20 juin 2015 à Bamako, avait suscité, au-delà des réticences, de grands espoirs. Les trois parties signataires ont été mises ces trois dernières années à rude épreuve. La  mise en œuvre du document progresse à pas de tortue. Au même moment, les mouvements dissidents de la CMA et de la Plateforme montent au créneau pour former la Coordination des Mouvements de l’Entente (CME), qui regroupe le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition pour le Peuple de l’Azawad (CPA), le Front Populaire de l’Azawad (FPA), le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) et le Mouvement Populaire pour le Salut de l’Azawad (MPSA). Depuis des mois, la CME réclame son implication dans le processus.

Haussant le ton, elle a organisé son premier congrès ordinaire les 28, 29 et 30 avril à Tin Aouker, dans la région de Gao. « Durant trois jours, nous avons parlé de l’Accord, de son application, de la politique générale et de la protection de nos populations et de leurs biens », dit le Colonel Hassan Ag Mehdy, Secrétaire général du FPA et Coordinateur général des forces armées et de sécurité de la CME. Selon lui, « sans l’inclusivité, ce processus n’ira nulle part ». Dans sa déclaration, la CME prévient « qu’en cas d’absence de solutions idoines, elle  se réserve le droit d’utiliser tous les moyens, y compris la force, pour faire prévaloir ses droits ». « Nous sommes des mouvements signataires et nous ne comprenons pas pourquoi nous ne sommes pas dans les organes de réflexion », s’étonne le Secrétaire général du FPA.

Mais pour Mohamed Ould Mataly, membre de la Plateforme et du CSA, « la CME est dans l’Accord, elle ne peut s’estimer négligée. Les parties signataires tiennent compte de la CME. Dans l’application de l’Accord, elle aura sa part normalement. Mais, pour le moment, rien n’a été acté pour qu’on affirme qu’on les a mis à l’écart », rétorque  l’Honorable.

An III de l’Accord pour la paix : L’opinion de quelques Maliens

A l’occasion des trois ans de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, quelques Maliens se prononcent sur sa viabilité. Nombre d’entre eux sont très critiques envers ce texte, qui devait ramener la quiétude.

El Hadj Bamoussa Touré, coordinateur des chefs de quartier de Bamako : « On ne peut pas mettre un peuple d’accord s’il n’en a pas la ferme volonté »

L’Accord est une œuvre humaine et donc ses insuffisances. Mais elles sont tellement minimes qu’elles ne doivent pas nous empêcher de le réaliser dans l’intérêt supérieur de la Nation. Il nous revient de nous faire violence pour nous l’approprier, l’appliquer et réunir les conditions pour qu’il devienne réalité. C’est aux Maliens qu’il revient de lui donner son vrai contenu, la volonté de réussir la réconciliation nationale. On ne peut pas mettre un peuple d’accord s’il n’en a pas la ferme volonté.

Mohamed Ould Mahmoud, porte-parole de la CMA : « La déception est grande par rapport à la mise en œuvre »

C’est le seul accord qui nous lie au Mali. Il y a des engagements, sur les plans politique, sécuritaire, économique et même culturel. Il y a des problèmes dans la mise en œuvre. Le contexte aussi a changé, au centre et dans les attentes par rapport à l’Azawad. Il faut le réactualiser et l’adapter, mais il reste valable. L’instabilité du gouvernement ne nous a pas permis d’avancer. L’Accord souffre dans sa dimension politique. On devrait avoir au moins la régionalisation, qui consacre l’autonomie de gestion et la responsabilisation des populations locales. La déception est grande par rapport à la mise en œuvre.

Bocary Tamboura, animateur : « Chacun s’occupe de ses affaires et attend que tout soit résolu »

La situation que nous vivons prouve que l’Accord n’a pas été mis en œuvre. S’il avait été respecté et que les groupes armés avaient été désarmés, ce qui se passe au centre du pays ne serait pas arrivé. Ceux auxquels on avait promis l’intégration sont laissés pour compte. Au centre, on profite des ambiguïtés pour agir. Il y a une grande déception. L’accord sera valable si les parties prenantes accélèrent sa mise en œuvre. Chacun s’occupe de ses affaires et attend que tout soit résolu. Ceux qui sont en haut, dans de bonnes conditions, ne savent pas comment les gens souffrent ici. Ils n’ont pas le souci de la population.

Fatoumata Aliou Maiga, étudiante : « Chaque jour, des personnes sont tuées au nord »

Cet accord n’est qu’un papier. Il n’y a pas eu d’avancée. Chaque jour, des personnes sont  tuées au nord. Les choses ont empiré. Ceux qui sont au gouvernement sont complices de ceux qui font des bêtises sur le terrain. Quand on arrête des bandits, trois jours après ils sont relâchés. A mon avis, rien de ce qui devait être appliqué ne l’est. Les populations n’y croient plus. Le pays est en guerre. Les gens qui ont signé l’Accord savent qu’il est inapplicable. La division est toujours présente dans leur esprit.

Mohamed Touré, chômeur : « Il faut organiser des assises nationales souveraines »

Trois ans après, les lignes n’ont pas bougé. On ne peut pas dire que l’Accord est valable. On s’attendait à quelque chose de positif. Vous avez entendu parler des attaques à Tombouctou ? C’est comme cela presque chaque jour. Il n’y a eu ni cantonnement, ni démobilisation, ni réinsertion. Il faut que cet Accord avance, parce que nous attendons les  dividendes de cette paix. Il faut organiser des assises nationales souveraines, aller dans les villages, parler aux gens. Ensuite la paix pourra revenir. Les conférences et ateliers à Bamako ne vont rien amener. Le fait même de consulter les gens, comme vous, rares sont ceux qui le font.

Arouna Samaké, enseignant : « J’ai l’impression qu’il n’y a jamais eu d’Accord »
3 ans après, il reste beaucoup de choses à faire. Il n’y a pas de bilan concret. Tout dernièrement, une infime partie de l’Armée a fait son entrée à Kidal, dans le cadre du MOC, qui est purement politique. Je suis optimiste, mais il y a toujours des problèmes. La position de la France est ambiguë, elle joue un double jeu. On devrait prioriser la mise en œuvre du DDR, incontournable pour la réussite. Jusqu’à présent, j’ai l’impression qu’il n’y a jamais eu d’accord entre le gouvernement et les ex-combattants. Il est vraiment temps que le gouvernement cesse de badiner avec les sentiments du peuple.

An III de l‘Accord pour la paix: Des avancées, mais surtout des chantiers…

« Ce n’est pas l’anniversaire de l’Accord »… Cette réponse d’un membre d’un groupe armé donne une idée de la divergence d’opinions qui entoure encore l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, signé le 15 mai 2015 et parachevé quelques semaines plus tard, le 20 juin. En trois années de mise en œuvre, des étapes ont été franchies, mais il semble aux Maliens que la tâche reste énorme, tant les enjeux, en particulier sécuritaire mais aussi du côté de la réconciliation, sont encore importants. Accord pour la paix, An III, quel chemin nous reste-t-il à parcourir ?

Si on devait noter sur 20 la mise en œuvre de l’accord, Aboubacrine donnerait « un 10. Tout juste la moyenne. Parce que je suis large », sourit cet enseignant qui, déplacé du nord en 2013, s’est finalement installé à Bamako. « Il y a un sentiment, que je crois partagé, d’immobilisme. C’est aussi comme si on était pris en otages par cet accord. On n’arrive pas à avancer à notre rythme, mais on ne peut pas en sortir non plus », soupire le quadragénaire, pour qui ce qui manque le plus c’est la bonne volonté. Son propos est repris jusque dans les instances internationales, où la question du Mali continue de préoccuper, même si les avancées et autres signaux positifs sont salués et soutenus. Dans ses rapports trimestriels, dont le dernier a été présenté au mois de mars au Conseil de sécurité, le Secrétaire général des Nations Unies souligne les actions entreprises avec succès, mais aussi les chantiers restants, appelant surtout les parties à faire preuve d’engagement pour une mise en  œuvre diligente de l’accord.

Equilibrisme Les contraintes dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord sont nombreuses. Elles ont pour noms sécurité, priorités de développement multiples, immensité du territoire, multiplicité des acteurs et de leurs intérêts. Ce dernier paramètre est d’autant plus important que ce sont ces acteurs qui implémentent sur le terrain le processus. Qu’ils soient des mouvements indépendantistes, qui se réclament désormais de l’accord sans abandonner leurs ambitions autonomistes, voire territorialistes, ou qu’ils soient des groupes dit « pro gouvernement », la difficulté de l’exercice réside dans le fait de mettre tout le monde « d’accord ». Sans compter que le gouvernement lui-même poursuit son agenda et doit faire face à d’autres défis inhérents à la gestion quotidienne de la chose publique. C’est donc à un jeu de funambule que se livrent et la médiation et les parties pour trouver l’équilibre qui permette d’avancer. De la composition des commissions de travail à la clé de répartition des quota de recrutement dans l’armée et le paramilitaire des anciens combattants des groupes armés, tout est pesé pour respecter les forces en présence et n’en frustrer aucune, au risque de voir la machine se gripper, comme ce fut le cas à plusieurs reprises. « C’est frustrant de voir qu’à chaque discussion, chacun s’arque-boute sur ses positions et intérêts. Pour ramener le collectif au centre du débat et avancer, ça prend des jours voire des semaines. Mais on finit par y arriver », explique un diplomate qui décrit des situations parfois très tendues aux réunions mensuelles du Comité de suivi de la mise en œuvre de l’accord (CSA). La dernière, la 23ème, a permis de fixer un cadre d’actions prioritaires, chronogramme à l’appui. « Nous avançons, même s’il y a quelques retards ici et là. La dynamique est la bonne », se réjouit le Commissaire à la réforme du secteur de la sécurité. Pour la paix et la réconciliation au Mali, plusieurs structures ont en effet été mises en place. Il s’agit du Comité de suivi de l’accord (CSA), présidé par l’Algérie, du Conseil National pour la réforme du secteur de la sécurité, présidé par le Premier ministre, dont le bras technique est le Commissariat à la réforme du secteur de la sécurité, de la Commission nationale DDR, en charge du désarmement et de la démobilisation, et de la Commission Vérité justice et réconciliation(CVJR). Elles travaillent ensemble afin de mettre en œuvre, de manière quasi simultanée et en collaboration avec les parties, les actions inscrites dans l’accord. La plupart d’entre elles ont d’ailleurs intégré des représentants de mouvements non signataires de l’accord, pour sceller l’inclusivité, qui est un maître-mot pour réussir.

Sécurité avant tout ? A ce jour, les actions les plus médiatisées relèvent sans conteste du secteur de la sécurité. La mise en place des bataillons du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal cristallise les efforts, car, pour les parties, « c’est la condition pour que tout redémarre. La sécurité pour rassurer les gens, c’est cela le plus urgent. Il faut aussi accélérer le retour des anciens combattants dans les rangs », explique un cadre de la Plateforme. La sécurité, oui, mais pas que. Le développement, et en particulier celui des régions du nord, qui ont vu leur nombre passer à six dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord, en est l’autre volet important. L’installation des autorités intérimaires, qui devait, en entérinant le retour de l’administration, permettre le retour à la normale, est loin d’avoir produit les fruits escomptés. Si les partenaires internationaux continuent de montrer leur volonté d’accompagner financièrement la mise en œuvre des actions, les questions sécuritaire, mais aussi de l’ancrage institutionnel, de la gouvernance ou encore des droits de l’homme restent sur la table. Le CSA, dans une présentation faite lors de la rencontre des chefs religieux du 13 au 15 mai, comptabilise comme avancées dans le volet Développement économique et social de l’accord, « la création des Agences de Développement Régional (ADR) dans toutes régions, sauf Taoudénit et Ménaka, la mise en place des Conventions-État / Collectivités (signature et mise en œuvre des CPER/D) au niveau de l’ensemble des régions du Mali, exceptées les régions de Kayes, Koulikoro, Taoudénit, Ménaka et le District de Bamako, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre de grands projets et programmes de relèvement et de reconstruction ». Ceux-ci, s’ils ont permis une amélioration substantielle des conditions de vie des populations affectées par la crise, sont encore insuffisants pour combler des besoins plus urgents les uns que les autres. Prochaine étape, la création de la Zone de développement des régions du Nord, pour rassembler les synergies et accélérer les efforts d’investissements en faveur desdites régions.

Justice et droits de l’homme DDR, intégration, reconstruction… Quid de la justice ? Elle aussi poursuit son travail, assure-t-on au CSA. L’un des principes pour l’inclusion des mouvements et de leurs combattants et que ceux qui ont du sang sur les mains soient exclus du processus. La justice fera son œuvre en ce qui les concerne. « Si c’est le cas, ça prend du temps », déplore A.B. (pseudonyme), victime d’exactions pendant la crise à Tombouctou et qui attend que ses bourreaux soient arrêtés. « On nous parle de réconciliation, mais il faut impérativement que les gens coupables soient mis en prison et jugés, et non libérés, voire jamais inquiétés. La réconciliation a un prix, ce n’est pas le pardon, c’est la justice », conclut-elle. La CVJR est dans cette logique, assure-t-on du côté des acteurs. Il y a en cours un gros travail d’écoute et de collecte de dépositions sur le terrain. Prochaine étape : la constitution de dossiers qui seront dirigés vers la justice, ou pas. En attendant, les acteurs non gouvernementaux sont de plus en plus nombreux à s’activer sur le terrain, afin que la question de la justice, et plus globalement celle des droits de l’homme, reste au cœur du débat et que les « affaires », qu’elles datent de la crise ou soient plus récentes soient toutes prises en compte.

ll y a du retard mais on avance, assurent les membres du CSA. « Les difficultés rencontrées ne doivent pas occulter les avancées, même si elles se font avec beaucoup de compromis ». C’est un accord « pour la paix ». Il s’agit donc d’un  processus qui, même s’il trébuche et ralentit, doit atteindre son objectif : créer les conditions d’une paix durable et d’un développement équitable au Mali.

Tombouctou et Kidal : enfin le MOC

Le mécanisme opérationnel de coordination (Moc), régulièrement évoqué  tarde à se mettre en place dans les régions du Nord.  Prévue par l’Accord pour la paix, réaffirmée  comme indispensable par la feuille de route signée  le 22 mars, l’installation de cet outil annoncé le 30 avril  à Tombouctou et  à Kidal n’a pas lieu,  mais reste programmée.

Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Tieman Hubert Coulibaly avait lors de sa conférence de presse  du 19 avril affirmé que ce dispositif essentiel  allait démarrer dans « dix jours ». Engagement non tenu, témoignage  des difficiles dépassements que les parties auront  à opérer pour avancer. Prévue officiellement pour 30 avril, la mise en place du mécanisme opérationnel de coordination à Tombouctou et à Kidal a donc été de nouveau ajournée.

Le MOC et le processus de Démobilisation, Désarmement et réinsertion(DDR) constituent le volet sensible inclus dans les mesures sécuritaires intérimaires. L’un reste  un préalable pour l’autre. La 28e réunion de la  Commission Technique de Sécurité (CTS) tenue le 19 avril à Bamako avait recommandé l’installation de ces mécanismes de coordination dans les deux régions concernées. Selon la MINUSMA, les partis signataires ont annoncé lors de la dernière session du CSA, leur engagement à « démarrer graduellement  l’opérationnalisation des unités mixtes de MOCs de Tombouctou et de Kidal avec l’enregistrement d’une cinquantaine de combattants » pour chaque région. Des informations confirmées par  Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. « Il  y a juste un problème de  regroupement des différentes parties qui n’est pas encore fait. Du côté de la CMA, tout l’effectif est regroupé à Ber et attend qu’il rejoigne Tombouctou. Celui de Kidal est sur place.  Les FAMAs  ont déjà  désigné leur effectif mais n’ont  pas rejoint le groupe », informe-t-il. Une  première vague de 51 officiers issus des différentes parties dont 17 pour chacune pour chaque région sera bientôt acheminée. « Nous nous sommes dits qu’ au lieu d’attendre  les  200, il faut démarrer pour que chaque deux semaines  le même effectif suivra », précise Ilad Ag Mohamed. Avec la signature de la feuille de route pour la mise en œuvre du chronogramme d’actions prioritaires endossées par la 23è session du comité de suivi de l’Accord, cet énième report n’entame donc pas l’optimisme des acteurs.  La poursuite de la mise en œuvre de ce nouveau  chronogramme devrait contribuer à faire avancer un processus dont chacune des étapes  est indispensable pour le succès de l’Accord.

La justice, condition essentielle de la réconciliation

Pour accélérer le processus de réconciliation nationale, le Président de la République a annoncé une loi d’entente nationale dont l’avant-projet a été présenté au Chef du gouvernement par le Médiateur de la République il y a quelques jours. Cette loi, censée relancer un processus en panne, suscite la réserve de plusieurs associations de défense des Droits de l’Homme, qui craignent un risque d’instauration de l’impunité. Certaines préconisent d’y surseoir en attendant que la justice fasse son travail, car elle est le préalable à toute réconciliation.

« La justice peut être un moyen de réconciliation, mais en aucune manière la justice ne saurait être un obstacle à celle-ci.  Car la réconciliation sous-entend le règlement du conflit et l’entente entre les individus. Si certains de ces individus commettent des violations contre d’autres, ils ne peuvent se réconcilier sans justice », estime Drissa Traoré, Coordinateur de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH). L’association fait partie des 32 qui émettent leurs réserves quant à l’adoption d’une telle loi. Si l’AMDH n’est pas opposée à l’adoption de la loi d’amnistie prévue par l’Accord de paix, elle juge cependant le « moment non approprié ». Une telle loi doit, selon elle, donner toutes les garanties pour ne pas aller justement à l’encontre de l’Accord de paix. Bien qu’ayant prévu des mesures d’apaisement, il prévoit en effet qu’il n’y aura pas d’amnistie pour les auteurs de crimes contre l’humanité et de violences sexuelles. « Si nous adoptons cette loi, tout porte à croire que cette réserve de l’Accord ne sera pas respectée », craint M. Traoré.

Des craintes justifiées ? Plusieurs raisons justifient cette crainte, selon le coordinateur de l’AMDH. Les enquêtes judiciaires, même si elles ont été entreprises, n’ont pas enregistré d’avancées significatives. Malgré la création de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) en 2014, qui n’a commencé à travailler qu’en 2016, celle-ci n’a pas encore rendu de rapport. De plus, la Commission d’enquête internationale prévue par l’Accord n’a rien effectué encore. Toutes ces raisons font qu’il n’existe pas encore de base légale pour « distinguer ceux qui ont, ou pas, du sang sur les mains », ajoute M. Traoré. L’adoption d’une loi d’amnistie en l’état nous ferait donc courir 2 risques : d’abord l’impunité, car certains pourraient ainsi bénéficier de la loi alors qu’ils ont commis des crimes, et ensuite l’arbitraire, car d’autres ne bénéficieraient pas de ces mesures simplement parce que les enquêtes ne l’auraient pas déterminé. C’est pourquoi l’AMDH demande au Président IBK de surseoir au processus de cette loi, et parallèlement, de « pousser la justice à mener les enquêtes », afin qu’une telle mesure soit prise sur une base légale. L’organisation sollicite également que « cette suspension » soit l’occasion d’associer les organisations de défense des Droits de l’Homme à la rédaction d’une loi consensuelle, qui prendra aussi en compte « les préoccupations en matière de justice ».

Éviter les vengeances Le préalable de justice est d’autant plus nécessaire « qu’une réconciliation sans justice peut promouvoir la vengeance », redoute le défenseur des Droits de l’Homme. Le processus de réconciliation actuellement en cours concerne tous les actes commis lors des différentes rebellions, de l’indépendance à maintenant, y compris les actes commis lors de la crise de 2012. L’organisation, qui travaille avec toutes les parties, note que certains acteurs estiment que c’est l’absence de justice pour les faits antérieurs qui justifie la résurgence des conflits.

Ces conflits récurrents et la crise de 2012 ont mis en péril l’existence même de l’État, déchiqueté le tissu social et remis en cause le vivre-ensemble. Le Mali est donc devenu un terrain « occupé par des gens venus d’ailleurs qui l’empêchent de progresser. La plaie est profonde », s’indigne l’ancien Premier ministre et Président de l’association Ir Ganda Ousmane Issoufi Maïga. Pour parler de réconciliation nationale, il faut régler ces problèmes et cela ne peut aller sans justice, une justice pour tous, précise M. Maïga. « La réconciliation, nous y travaillons, l’Etat y travaille, mais il faut qu’il y ait la justice, un préalable à tout dans une société organisée ». Sans nier le rôle des autres acteurs qui peuvent contribuer à sensibiliser, « la justice doit être le dernier recours », selon M. Maïga. La réconciliation et le pardon seront alors possibles.

Se parler entre Maliens S’il ne peut se prononcer sur la loi d’entente nationale, dont il ne connaît pas le contenu, l’ancien Premier ministre estime qu’il faut qu’il y ait un débat. « Les gens doivent se parler, se réconcilier. Nul n’est parfait, mais on ne peut pas brûler les étapes, il faut communiquer ». Communiquer avec tous les acteurs, y compris ceux qui ne sont pas signataires du processus de paix. Car, malgré les discussions engagées et la présence de médiateurs, le processus de réconciliation semble bloqué. Il faut donc élargir la base du dialogue, pour que « tout le monde se retrouve autour du Mali ». Une mission difficile, que ni une association seule, ni un parti ou un quelconque regroupement ne peut réussir. Pour retrouver la base sociale qui a fait la force du Mali et reconstruire cette Nation, il faut « considérer que le Mali est un bien commun », préconise M. Maïga. Mais cela n’est possible qu’en aidant l’État à s’établir. Un État laïc et démocratique, avec des institutions fortes.

La promotion de l’État de droit auprès des communautés est l’une des missions de la CVJR, dont la mise en place a été prévue par l’Accord de paix. Jugée par ses responsables comme « l’un des mécanismes du processus de paix au Mali qui fonctionne le mieux », elle doit contribuer à la réconciliation nationale à travers la recherche de la vérité et de la justice. Un objectif ambitieux, même si la Commission estime que « sa neutralité » lui permet de travailler à équidistance des autres acteurs du processus, avec le soutien de l’État et des partenaires. Avec les 7 000 dépositions déjà reçues, la tâche de la CVJR s’annonce difficile. Ces dépositions, qui concernent les « victimes » des coups d’État et des rébellions depuis 1960, serviront de base pour analyser les violations des Droits de l’Homme. La Commission envisage prochainement l’organisation d’audiences publiques, la mise en œuvre d’une politique de réparation et des équipes mobiles qui seront installées dans les chefs-lieux de cercle.

Des réparations pour les victimes La réparation est bien sûr envisagée dans les mesures de réconciliation, mais « la meilleure réparation est la justice », prévient Drissa Traoré de l’AMDH. « Une victime qui voit ses droits à la justice et à la réparation garantis est plus à même d’accepter le pardon qu’une victime dont les droits sont lésés et qui n’a pas forcément besoin d’une réparation financière pour pardonner », explique M. Traoré. Car il faut à tout prix éviter « une réconciliation de façade », faite sans base légale.

De plus en plus nombreuses à vouloir prendre une part active à ce processus de réconciliation, les associations, souvent communautaires, ne risquent-elles pas de mettre en péril cet objectif ? Le risque est réel, reconnaît le Président de l’association Ir Ganda, qui précise d’emblée que son association est « culturelle ». Elle se veut un regroupement de plusieurs communautés qui partagent une culture, mais va au-delà pour rassembler tous les Maliens autour « du bien commun ». Si Ir Ganda a vu le jour, malgré l’existence de plusieurs autres associations au niveau régional ou au niveau des cercles, c’est parce qu’elle veut être une plateforme de réflexion, selon son Président. « Le Mali n’arrive plus à réfléchir sur son développement. Il faut que les Maliens se parlent sans médiateurs et se disent même les choses qui fâchent », seule condition selon M. Maïga pour retrouver le vivre-ensemble sur la base culturelle que nous avons en partage.

Processus de paix au Mali : Où sont les femmes ?

Piliers de la famille et de la société, les femmes sont en marge du processus de paix au Mali. La place qu’elles occupent dans leurs foyers et la puissance de leur approche font pourtant d’elles des actrices indispensables pour que chacun hume le vent de la paix. Elles sont exclues d’un processus qui se doit d’être inclusif, car c’est un leurre sans elles.

Elles sont mamans, épouses, sœurs, tantes, cousines. Elles sont le point focal de toutes les sensibilités, les meilleurs instruments de tous les apaisements. Leurs actes et leurs paroles tracent le chemin qui mène à la paix. Elles, ce sont les femmes. La crise de 2012, dont le pays se relève avec peine, a abouti en 2015, entre le Gouvernement, la CMA et la Plateforme, à la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Le texte prône, dans son Chapitre I, l’implication « des femmes et des jeunes », mais les acteurs sont toujours muets quant à la prise en compte de ces dispositions.

Actrices incontournables Fatoumata Maiga, Présidente de l’ONG Association pour les initiatives de paix (AIP), s’insurge contre cet état de fait. « Les femmes sont carrément exclues de toutes les structures de mise en œuvre de l’Accord, alors que sans leur implication et celle des jeunes au niveau communautaire, il n’y aura jamais de paix. Il ne faut pas que les gens se leurrent. Il faut qu’on les associe », plaide-t-elle. Présentes sur le terrain, actives pour faire baisser les tensions intercommunautaires, les femmes, selon elle, qui a participé aux négociations d’Alger en 2014, jouent un rôle prépondérant. « Malgré ce qu’elles font pour dénouer les crises, elles n’ont pas été associées formellement. Mais, quand ça coince, on leur demande de s’investir pour calmer les choses », dénonce-elle, très déçue. Imprégnée de la genèse des crises au Nord du Mali, l’organisation qu’elle pilote vit le jour en 1998, un an après la Flamme de la paix, dont elle fut l’une des protagonistes. Impliquer les communautés à la base semble être l’approche de toutes les associations qui militent pour la paix et la sécurité au Mali et c’est celle que privilégie la Coalition nationale de la société civile pour la paix et la lutte contre la prolifération des armes légères (CONASCIPAL).

« Ce que femme veut, Dieu le veut », dit l’adage. Si les femmes conservent leur capacité de résolution des conflits, les négliger peut aussi s’avérer fort regrettable. Emprunter un chemin sans elles, c’est risquer de tourner en rond. « La femme, c’est une maman, qui peut dire à son enfant ce qu’aucun homme ne peut lui dire. Une épouse, qui est au courant de ce que fait son mari. Elle a la possibilité de lui exposer les choses comme même sa maman ne pourrait pas », affirme la Présidente de l’ONG AIP. Pour Madame Sacko Kadi Kamissoko, Présidente de l’association des Sœurs unies de Tabacoro, « la femme, c’est le disque dur même de la société. C’est elle qu’on voit en premier lieu. C’est d’elle que viendra le dénouement de cette crise », assure-t-elle. « Si les femmes s’engagent, je vous assure qu’il y aura la paix dans ce pays », prophétise-t-elle.

La paix, un mirage ? S’il y a un vocable qui a été très utilisé ces dernières années c’est bien « paix ». Plus le mot revient, plus la situation se dilue. Des communautés ayant vécu en symbiose sont désormais sur le qui-vive. « Ce qui s’est passé à Gao, on aurait pu l’éviter, mais on a laissé la situation pourrir et dégénérer », regrette Fatoumata Maiga. Les femmes ont l’impression qu’elles ne comptent pas et « quand on les met dans certaines situations, elles le font savoir », avertit-elle. Elle fait partie du Collectif des femmes leaders qui avait, lors de la 23ème session du CSA, réclamé leur prise en compte dans les instances de l’Accord. «Nous voulons que les femmes soient parties prenantes de tout le processus, du sommet à la base », exige-t-elle, évoquant une violation de l’Accord. Selon elle la paix est possible, il suffit d’analyser certaines conclusions de la Conférence d’entente nationale. « On n’a pas dit de parler avec Iyad Ag Agaly ou Amadou Kouffa, mais avec les gens des villages. A Segou ou à Ménaka, pourquoi ne pas ramener sur le droit chemin les jeunes qui se battent pour ces chefs-là ? ». Elle en est certaine : « si les gens veulent sauver le pays, on le sauvera ».

 

Commissariat à la Réforme du Secteur de la Sécurité : le plan annuel d’opération adopté

L’atelier d’élaboration du plan opérationnel 2018 du Commissariat à la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) s’est tenu sur deux jours (7-8 mars 2018) à l’Azalai Grand hôtel de Bamako. Rassemblant plusieurs acteurs autour de la table de réflexion, les travaux se sont achevés jeudi 8 mars par l’élaboration d’un nouveau plan annuel d’opération.

Les travaux de l’atelier se sont ouverts mercredi par les mots du Commissaire à la RSS, l’Inspecteur Général Ibrahima Diallo, qui a tenu à rappeler le caractère primordial de la rencontre. « Nos discussions vont indiquer de façon concrète les taches qui permettront au Commissariat d’avancer  vers la réussite de ses missions, y compris celles relatives à la mise en œuvre des dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. » a-t-il déclaré.
Anne Bennet, représentante du Centre Suisse pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées (DCAF en anglais) s’est pour sa part réjoui de constater que des progrès significatifs ont été accomplis durant ces deux dernières années de la mise en œuvre du processus de RSS au Mali.
Après des heures de discussions et de débats constructifs dans les différents groupes, les participants sont parvenus unanimement à l’adoption du plan d’opération 2018 dont les principaux axes stratégiques sont le renforcement des capacités des membres du Conseil national à la réforme de la sécurité, l’élaboration de la stratégie nationale de la RSS, l’appropriation du processus par les acteurs nationaux, la coordination des acteurs nationaux et internationaux, le suivi-évaluation du processus de RSS et du système de défense et de sécurité, la collaboration avec la commission DDR (Démobilisation, désarmement, réinsertion) et la commission d’intégration et enfin la nomination du personnel de l’unité technique.
Ces différents axes stratégiques visent l’atteinte des objectifs tels qu’entre autres la participation effective de toutes les parties prenantes nationales au processus d’élaboration de la stratégie nationale de la RSS, la création d’une synergie d’action entre les interventions d’acteurs nationaux et internationaux tout au long du processus d’élaboration de la RSS et la contribution efficace du DDR et de la commission d’intégration.
« Les recommandations essentielles de cet atelier sont d’abord la finalisation de la stratégie nationale et ensuite faire en sorte que le Commissariat soit véritablement opérationnel en le dotant d’un cadre organique qui permettra aux cellules d’être efficace » a indiqué l’Inspecteur Général Ibrahima Diallo à la fin des travaux.
Ce plan opérationnel désormais établi sera prochainement présenté lors d’un nouvel atelier les 27,28 et 29 mars sur la réforme du secteur de la sécurité, qui verra la participation non seulement des membres du Conseil national à la réforme de la sécurité et de ceux du Commissariat, mais aussi d’experts nationaux et étrangers.

Conférence de presse de la MINUSMA : MOC et  DDR  dans l’attente

 

Le directeur de la section de la Réforme du Secteur de la Sécurité et du DDR  a tenu une conférence de presse  le 25 janvier au quartier général de la MINUSMA à Badalabougou. Elle intervient  à  la veille de la présentation aux membres du conseil de sécurité, du rapport  trimestriel du secrétaire général de l’ONU  sur la situation au Mali. Dans son exposé, Samba Tall a établi l’état d’avancement du mécanisme opérationnel de coordination et du processus de cantonnement, démobilisation désarmement et réinsertion.

Longtemps attendu, l’opérationnalisation du mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Kidal et Tombouctou et le processus de cantonnement, désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) ne sont pas encore lancés. Selon Samba Tall,  directeur de la section du Secteur de la Sécurité et du DDR le mode opératoire de cantonnement  qui est un préalable a été déjà adopté  depuis octobre 2015 par le gouvernement et les groupes signataires.

Il a précisé que ces mouvements signataires  ont déposé les listes de leurs combattants pour les Mocs mais ils n’ont pas jusque-là soumis les listes globales certifiées  comme prévue par l’Accord de paix. Nonobstant,  des points pour l’avancement du processus sont toujours en discussions, notamment sur la question des critères d’éligibilités  pour  le DDR et l’intégration. « Globalement c’est fait, mais il y a quelques discussions en cours  pour les  finaliser »,  rassure le responsable du DDR. En principe c’est après toutes les phases préparatoires qu’intervient la phase de cantonnement. « La MINUSMA a déjà construit huit  sites de cantonnement  et le gouvernement est en train d’en aménager deux autres », informe  Samba Tall. Toutes les procédures administratives et financières pour soutenir les combattants sont remplies. « Les budgets  sont  totalement mobilisés et à disposition»,  rassure le directeur.

Relatif au DDR, Samba Tall souligne que le désarmement est volontaire. La  procédureconduite par commission nationale de DDR avec l’appui de la MINUSMA consistera  à vérifier le statut du combattant. « On en enregistre ses données, son arme  et on lui donne une carte de démobilisé », explique Samba Tall.  Il est prévu de faire des séances de formation aux  personnes qui seront réinsérées dans la vie civile et d’autres séances pour celles qui évolueront dans l’armée. « Ceux qui n’ont jamais eu un métier, nous les formerons à un métier pour qu’elles reprennent pied dans la société », souligne le directeur.  « Ceux qui seront choisis pour intégrer les forces de défense et de sécurité, seront conduits  dans des centres de formation de l’armée », poursuit Samba Tall.  Tout ce processus ne saurait démarrer selon le directeur du DDR sans le mécanisme opérationnel de coordination qu’il considère comme « un préalable au cantonnement ».  « Il y a des discussions en cours en ce moment entre les trois partis,  sous la  houlette  du  haut représentant du chef de l’Etat pour la mise en œuvre de l’Accord  sur les derniers détails pratiques pour la  mise en œuvre du Moc deTombouctou et de Kidal  et aussi le renforcement de celui de Gao », le directeur Samba Tall. Selon lui,  les Mocs de Tombouctou et de Kidal seront mis en œuvre dans le mois de février, permettant ainsi enchaînement avec le cantonnement. Les membres du conseil de sécurité de l’ONU ont  exprimé le 24 janvier  impatience face à la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord. « Les membres du conseil ont exprimé d’une même voix leur voix leur impatience face aux retards qui continuaient d’entraver la mise en œuvre intégrale des principales dispositions  de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali », souligne la déclaration à la presse faite par le conseil.

 

 

 

SBM en Algérie : Nouveau souffle pour la coopération

Pour sa première visite à  l’extérieur du Mali, le premier Soumeylou Boubèye Maïga s’est rendu en Algérie les 13 et 14 janvier 2018. Chef de file de la médiation internationale dans les négociations de l’Accord de paix, l’Algérie reste un acteur majeur dans la mise en oeuvre de cet accord.

« Sur le plan bilatéral, nous avons reçu la confirmation de la volonté constante de l’Algérie de nous accompagner dans la mise en œuvre de l’Accord», s’est réjoui le premier ministre malien à l’issue de sa rencontre avec le président algérien Abdel Aziz Bouteflika. Pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord, qui semble marquer le pas, deux ans après sa signature, Soumeylou Boubèye Maïga, souhaite un accompagnement en particulier dans le processus des DDR (Démobilisation, Désarmement et Réinsertion), ainsi que la sécurisation de l’ensemble du territoire malien. Cette visite de deux jours était aussi l’occasion pour les deux pays de renforcer leur coopération, notamment sur le plan économique et aussi à  travers la façon de « trouver les formes d’une présence » de l’Algérie dans le cadre de la sécurité régionale. Une coopération économique qui est déjà  en marche, selon les autorités à  travers la présence de l’Algérie à la douzième édition de la FEBAK à  Bamako, comme invité d’honneur. Le premier ministre malien qui a annoncé la tenue d’un cadre d’échanges entre les opérateurs des deux pays d’ici la fin du trimestre, espère que les relations économiques, seront bientôt à« hauteur des relations institutionnelles».

Donner un nouvel élan

Une convergence de vue, c’est sans doute ce qui pourrait qualifier cette visite du premier ministre malien, qui a aussi rencontré son homologue algérien. Des échanges dont l’objet était de « procéder à  une évaluation de nos relations, de la situation et comment donner un nouvel élan à  nos relations afin de pouvoir avancer sur les enjeux sécuritaires qui nous concernent et sont fondamentaux pour nos deux pays », selon le premier ministre Maïga et afin que des « progrès significatifs » puissent être enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord et la sécurisation du Mali. Des souhaits partagés par le premier algérien Ahmed Ouyahia qui a réaffirmé« la solidarité entière envers le Mali et notre attachement irréversible à  la préservation de l’indépendance, de l’intégrité et l’unité du Mali».

MOC : un grand pas en un an

Colonne vertébrale du retour de l’administration dans les régions du Nord, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) est indispensable dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix. Un an après l’attentat qui a endeuillé le premier camp MOC, à Gao, qu’en est-il de ce dispositif, censé réduire tout vide sécuritaire, avant, durant et après les processus de cantonnement, d’intégration et de DDR ?

Le 18 janvier 2017, le camp du Mécanisme opérationnel de coordination de Gao a été ensanglanté par le pire attentat jamais mené sur le sol malien. 55 personnes au moins y ont perdu la vie et plus d’une centaine ont été blessées. Le dispositif est crucial, indispensable même, dans le processus de redéploiement des forces de défense et sécurité reconstituées. Un an après l’attaque, la conviction des responsables du MOC n’a pas été ébranlée par l’ampleur du choc. Des éléments de la CMA, de la Plateforme et des forces armées maliennes ont démarré les patrouilles mixtes dans la Cité des Askia. « Les hommes qui sont en train de diriger  le MOC sont convaincus qu’il est la solution pour que tous les belligérants se rapprochent  et se fassent confiance », soutient le colonel Mahamane Boubou, Coordinateur adjoint de la Plateforme au MOC de Gao. L’attaque, revendiquée par le groupe Almourabitoune, a généré un sentiment de solidarité chez les survivants. « Le fait que nous ayons marché sur la chair de nos camarades a été pour nous une motivation pour continuer », estime le colonel Mahamane Boubou. « On a travaillé la confiance. Au départ, les gens ne pouvaient même pas s’asseoir ensemble, mais, aujourd’hui, chacun d’entre nous rend visite à ses camarades », se satisfait-il. L’effectif, qui était de 600 éléments, est passé à plus de 700 aujourd’hui, avec la  participation de certains mouvements dissidents.

Statu quo

A une semaine de l’anniversaire de l’attentat, c’est toujours  le statu quo dans la mise en place des MOC de Kidal et de Tombouctou. « La CTS en parle tous les jours, mais on attend toujours. Nous sommes prêts à recevoir tous les combattants. C’est certainement un problème entre les responsables des mouvements et le gouvernement concernant les arrangements sécuritaires », estime le colonel Mahamane Boubou. Le ministre de la défense, Tiéna Coulibaly,  a évoqué lors de la dernière session du CSA les rencontres qui  auront lieu sur cette question, estime que les MOC sont un préalable au lancement du DDR.

XXIème Session du Comité de Suivi de l’Accord : Pas d’obstacle majeur

 

Le comité de suivi de l’Accord a tenu sa 21ème Session  le 24 octobre à l’ex CRES de Badalabougou. Elle était présidée par son président Ahmed Boutache en présence de toutes les parties. Au menu  des discussions, la loi portant  code des collectivités territoriales et l’opérationnalisation des autorités intérimaires et du MOC au Nord.

La 20eme  session du  CSA s’est tenue le mardi 24 octobre à l’ex-Cres de Badalabougou. Présidée par Ahmed Boutache, cette réunion a enregistré la présence de toutes parties impliquées dans la mise en œuvre de l’Accord. Le Président du CSA a salué les efforts fournis par le gouvernement qui a assuré le payement  d’une partie des indemnités des membres des groupes armés  au comité.  Avant cette rencontre les deux principaux groupes signataires ont fustigé l’attitude du gouvernement sur l’adoption de la loi portant code des collectivités territoriales malgré qu’ils aient formulés des  propositions importantes. Pour aplanir les dissensions sur la question et sur les autres préoccupations relatives au calendrier électoral et l’opérationnalisation du MOC,  les parties ont formulé leur volonté de se retrouver prochainement. La CMA et la Plateforme lors de cette réunion se sont engagées à accepter en leur sein  les autres groupes armés, notamment  de la Coordination de l’Entente, comme l’exige  le principe d’inclusivité. Le diplomate Algérien Ahmed Boutache a menacer de faire recours si nécessaire  à l’article 58 de l’Accord qui lui donne le pouvoir de faire participer aux réunions du CSA d’autres  acteurs en cas de besoin. Le ministre malien de la défense présent à cette réunion s’était réjoui de l’atmosphère qui a prévalu tout au long des échanges. Il a par la même occasion assuré de  la disponibilité du gouvernement du Mali sur toutes les questions relatives à l’Accord. Il faut dire que de plus en plus la communauté internationale s’impatiente de voir des progrès palpables de cet Accord signé depuis 2015. Les ambassadeurs des 15 pays membres du conseil de sécurité de l’ONU,  séjournés au Mali il y a peu, ont eux aussi  exprimé leur inquiétude face à l’insécurité persistante dans le pays. Ils n’ont pas  aussi caché leur   impatience  aux signataires de l’Accord.

 

 

 

Mali: Le Conseil de Sécurité met la pression

La mission de l’instance onusienne a quitté Bamako en fin de semaine dernière. Elle y aura passé des heures à échanger avec les différents acteurs de la mise en oeuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale au Mali. Plus de deux ans après sa signature, peu d’avancées et beaucoup d’exaspération de la part de la communauté internationale qui soutient le processus.

C’est la deuxième mission de ce type qu’organise le Conseil de sécurité des Nations Unies au Mali. Objectif, venir toucher du doigt les avancées et presser les acteurs à accélérer la mise en oeuvre de l’accord. C’est à l’initiative de la France que cette visite a eu lieu, regroupant les diplomates des 15 pays membres du Conseil. Ces derniers ont,  comme ils l’ont déclaré à la presse à l’issue de leur séjour, manifesté leur « impatience » à propos des retards dans l’application de l’accord. Ils ont exigé « de nouvelles avancées concrètes, importantes, irréversibles », qui devraient intervenir dans les semaines à venir, « en tout état de cause avant la fin de l’année ».

La délégation s’est également rendue en Mauritanie et au Burkina Faso, membres du G5 Sahel avec le Niger et le Tchad.

Profonde préoccupation

Les ambassadeurs ont appelé au Mali les signataires à des efforts afin de palier « la persistance de retards importants dans la mise en œuvre de dispositions centrales de l’accord, préoccupation aussi face au risque que, sans nouvelle dynamique positive, les progrès réalisés jusqu’ici soient perdus”, déclarait l’ambassadeur de France à l’ONU, François Delattre.

L’ONU insatisfaite de la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation

 

 

Le Secrétaire général de l’Organisation des  Nations Unies,  a produit un rapport sur la situation au Mali. Ce dit rapport qui couvre la période de mi-juin à mi-septembre  2017, met l’accent sur des faits majeurs sur le plan politique et sécuritaire, entrainant le retard  dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Le gouvernement qui,  en dépit de  tout,  note des avancées significatives  réaffirme sa volonté de poursuivre les efforts.

Le rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la situation au Mali, rendu public le  03 octobre dernier, évoque la détérioration de  la situation depuis le précédent rapport (S /2017/478) et l’adoption de la résolution 2364  du 26 juin 2017. Une dégradation due surtout à des faits politiques et sécuritaires.  Selon le rapport,  la reprise des affrontements entre les groupes armés signataires ayant eu lieu en juillet, l’insécurité  croissante dans le centre du pays  et, l’agitation politique née du projet de révision constitutionnelle ont largement contribué à la stagnation.

Hier jeudi, 05 octobre, le  représentant spécial  du secrétaire général des  Nations Unies Mahamet Saleh Annadif, le ministre malien des Affaires étrangères et de la coopération internationale Abdoulaye Diop, et d’autres personnalités des structures  connexes ont participé par vidéoconférence à une séance  officielle  du conseil de sécurité de l’ONU à New York. La présidence de ce mois d’octobre est assurée par la France. Invité à prendre la parole  M. Annadif s’est dit heureux d’interagir à partir  de Bamako et remercie  le secrétaire général de l’ONU de lui offrir l’occasion de présenter le rapport  du SG et faire le point sur les récents développement  de la situation  au Mali, notamment la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger. Pour Annadif le débat sur le projet de révision de la constitution  et les affrontements armés entre les  principaux groupes signataires  «  ont failli remettre en cause tout le processus de la mise en œuvre de l’Accord ». Sur le projet de révision de la constitution, les tensions se sont apaisées avec la décision d’IBK d’ajourner le referendum.  De l’autre part, la CMA et la Plateforme ont  signé après une première trêve un document intitulé « Engagement » qui permet la cessation des combats et dont les clauses sont œuvres. La réunion de Haut niveau coprésidée par IBK et le Secrétaire général de l’ONU , en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU à souligné « la nécessité d’accélérer la mise en œuvre, notamment la création de la deuxième chambre du parlement et l’opérationnalisation des collectivités territoriales , le lancement du cantonnement et du processus de DDR, l’élaboration d’une feuille de route de la Reforme du Secteur de Sécurité (RSS) et le redéploiement progressif des Forces de Défense  et de Sécurité Malienne reconstituées ».  Le représentant spécial a fait cas de la prise de fonction du gouverneur de Kidal le 19 septembre, « un retour qui ne doit pas uniquement être symbolique » a-t-il souhaité.  Le représentant spécial a en outre évoqué les élections de 2018  qui s’approchent à grand pas, la situation des droits de l’homme, la montée en puissance de l’extrémisme violent  et l’impunité entres autres. Des défis énormes à faire face cependant.  Pour Annadif, le régime des sanctions « constitue aussi un levier important  contre ceux qui poseraient des obstacles au bon déroulement du processus de paix.» Il a assuré aussi du soutien régulier de la MINUSMA aux autorités maliennes  malgré qu’elle demeure confrontée à des activités des groupes extrémistes  et autre terroristes  ainsi que des réseaux criminels. «  Ceux-ci constituent les principaux obstacles au retour de la paix, en particulier la mise en œuvre de l’Accord » a souligné M. Annadif. C’est pourquoi, la mise en place de la Force Conjointe  du G5 Sahel est selon Annadif «  une opportunité pouvant concourir à la création d’un climat  propice à la bonne exécution du mandat de la MINUSMA ».

Apres l’exposé du représentant spécial du secrétaire général, le représentant de l’Uruguay prenant la parole s’inquiète aussi de « la situation délicate au Mali » avec la dégradation de la sécurité notamment.  Il a souligné la lenteur de l’Accord signé il y a plus de deux ans «  mais en attente de mise en œuvre concrète »  s’impatiente le représentant.  Il se  félicite de la mise en place de la Force mixte du G5 Sahel et encourage ces genres d’initiatives. Il regrette que la situation en République du Mali continue de se détériorer «  du fait essentiellement des actions terroristes extrémistes ». « Mais nous sommes préoccupés aussi par les violations de dispositions  de l’Accord  par les signataires » a-t-il ajouté. Selon le représentant de l’Uruguay la responsabilité première de l’ordre et de la protection des populations incombe au premier chef  aux autorités maliennes. Quant au représentant de la Bolivie, il a salué les efforts du gouvernement du Mali  qui est parvenu à la cessation des hostilités. Il a exhorté  la communauté internationale à poursuivre ses efforts pour retrouver la paix et la stabilité au Mali.

Prenant ensuite la parole le ministre malien des affaires étrangères dit  reconnaitre  certes les difficultés qui ont jalonné le processus de paix mais estime que des progrès remarquables ont été enregistrés, comme la reconnaissance des groupes armés du caractère laïc et la forme républicaine et unitaire du Mali, la cessation effective des hostilités entre les groupes armés et les forces de défense  et de sécurité du Mali. Pour Abdoulaye Diop, en dépit de tout,  « le gouvernement reste déterminer à diligenter l’application de cet accord  car nous sommes convaincus qu’il n’ya pas d’alternative crédible  à cette voix pacifique pour le règlement de cette crise » a réaffirmé le ministre. Pour Diop, il devient urgent d’aider la force du G5Sahel et prioriser une approche coordonnée. Il dit comprendre l’impatience du Secrétaire général et des autres partenaires mais attire leur attention sur la complexité du problème. « Aucun malien, ni le gouvernement, ni la population, n’aurait pu penser que deux ans après la signature de  cet Accord  nous serions encore là, donc nous sommes plus frustrés, en tant que citoyen, en tant que responsable » a t- il fait savoir. Il a appelé à faire des remarques qui confortent et qui aident, «  et cesser de regarder seulement dans le rétroviseur » a-t-il  souhaité.

CMA et Plateforme s’engagent pour la paix

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme des Mouvements du 14 juin 2014 avaient prolongé de 30 jours à partir du 06 septembre 2017, le précédent accord de trêve de 15 jours. Après 5 jours de négociations sérrées, les différentes parties ont enfin abouti à la signature, mercredi 20 septembre, d’un document intitulé : Engagements, qui marque le fin des hostilités entre les deux mouvements et pose les jalons d’une mise en oeuvre effective de l’Accord.

Les négociations entre la CMA et la Plateforme ont débuté vendredi 15 septembre dernier à l’ex-Cres de Badalabougou. C’était en présence du ministre de la Réconciliation nationale Mohamed Elmoctar, du haut représentant du président de la République Mamadou Diagouraga et du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, Mahamat Saleh Annadif. La CMA était représentée par Bilal Ag Achérif et plusieurs personnalités tandis que la délégation de la plateforme était représentée par Me Harouna Touré et plusieurs leaders du mouvement. Durant cinq jours des tractations ont été menées par le ministre de la Réconciliation nationale et la médiation internationale pour concilier les points de vue divergents et aboutir à un document acceptable par tous. Lors de cette première journée, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies a exprimé son agacement face au double jeu des protagonistes qui, depuis deux ans bloquent la mise en œuvre de l’Accord. «  Nous avions patienté. Nous avions beaucoup attendu » avait lancé le patron de la mission onusienne avant de prévenir : « notre patience a des limites ». Une impatience que le ministre de la réconciliation nationale a aussi exprimé en appelant les concernés à prendre leurs responsabilités.

C’est donc chose faite, désormais, ose-t-on croire. Le dialogue et les concertations semblent avoir fini par avoir raison sur la violence. Mercredi 20 septembre, les deux mouvements ont signé un document dit ‘’Engagements’’ lors d’une cérémonie présidée par le chef de file de la médiation internationale l’ambassadeur algérien Boualem Chebihi. A ses côtés, le ministre de la Défense Tiena Coulibaly, le représentant de la plateforme Fahad Ag Almahmoud, le représentant spécial adjoint de la MINUSMA Koen Davidse et le représentant de la CMA Bilal Ag Achérif.

Le chef de file de la médiation a salué l’exercice qui a permis « aux frères d’échanger », même de façon passionnée, mais avec un ferme engagement pour la paix et la réconciliation. Il a exprimé sa reconnaissance aux participants de ces cinq jours de travaux inlassables. Prenant la parole au nom du gouvernent, le ministre de la Défense et des anciens combattants s’est dit «  heureux » de la tenue de cette cérémonie. Pour le ministre, le gouvernement du Mali est très engagé pour la mise en œuvre de l’Accord car « les populations du Nord du Mali ont attendu très longtemps ». « La plateforme se réclame des populations, la CMA se réclame des populations et le gouvernement se réclame des populations » c’est pour cela que c’est un devoir pour chacun que la situation change a-t-il déclaré. La Minusma à travers son représentant spécial adjoint aux affaires politiques, très impliqué dans la résolution des divergences a félicité les responsables des mouvements, la communauté internationale et le gouvernement, qualifiant de « bonne nouvelle » la signature annoncée. A son tour, le représentant de la plateforme, espère qu’à la sortie de cette signature «  la coexistence pacifique et la fraternité entre des frères partageant le même espace géographique » sera une réalité. Il a assuré que la plateforme respectera tous les engagements qu’elle aura à prendre et espère qu’à l’avenir celle-ci n’aura plus à répondre à la question selon lui « extrêmement gênante », pourquoi ne faites vous pas la paix avec vos frères ?

Une commission de haut niveau verra prochainement le jour pour combler les attentes. Le représentant de la CMA quand a déclaré que cet événement est « le fruit des efforts des parties, de leurs engagements profonds à la recherche d’une stabilisation effective ». Bilal Ag Achérif a invité tous les acteurs engagés dans le processus à joindre leur effort à cet engagement pour l’atteinte des objectifs. Il a en outre appelé à condamner les criminels qu’ils soient de la CMA ou des autres rangs. « A la sortie de cette cérémonie les conditions doivent être réunies pour que les autorités intérimaires soient opérationnelles où qu’elles se trouvent, pour que les populations locales sentent la présence d’une administration qui parle en leur nom » a souhaité le représentant de la CMA.

C’est après toutes ces interventions des acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l’Accord de paix que le document dit ‘’Engagement’’ a été signé par les parties. Le document comprend deux titres. Le premier concerne les mesures de confiance qui passent par l’organisation du retour ordonné des éléments de la Plateforme à Takalot dans un délai maximum de deux semaines à compter de la signature du présent engagement, sous l’égide de la CTS avec l’appui de la MINUSMA ; la cessation immédiate, totale et définitive de toute forme d’hostilité ; la libération des détenus ; l’engagement d’œuvrer à la clarification du sort des personnes disparues et à ne protéger aucun auteur de crime ; l’établissement d’une commission de haut niveau pour renforcer la cohésion entre les deux parties, chargée de traiter toutes problématiques qu’elles soient d’ordre politique, institutionnel, humanitaire et sécuritaire. Le second titre du document est relatif à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, il s’agit entre autres : de relancer la finalisation avec le gouvernement d’un chronogramme consensuel pour la mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix, d’ici la fin du mois de septembre, avec comme priorités : l’opérationnalisation des MOC de Kidal, de Tombouctou et de Ménaka ; l’installation des combattants des mouvements signataires sur les sites de cantonnement retenus par la CTS et leur prise en charge immédiate par le gouvernement ; l’opérationnalisation immédiate de l’autorité intérimaire de Kidal à travers la passation diligente de services et parachèvement de l’installation de l’administration dans les cinq régions ; de toutes autres priorités dont les trois parties signataires conviennent. Dans le document la CMA et la Plateforme s’engagent à jouer leur partition dans la mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation et appellent le Gouvernement à en faire de même. Les deux parties prennent des mesures qu’elles jugent appropriées aux fins de sensibiliser les populations et leurs bases respectives à l’importance du respect des arguments ci-dessus.

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IBK à l’ONU : « La détérioration de la situation sécuritaire au Mali a eu un impact négatif sur la mise en œuvre de l’Accord».

 

Avancée de l’accord de paix, situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel, force du G5 Sahel, migration, le président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, a évoqué de nombreux sujets à la tribune de l’ONU, lors de la 72ème assemblée générale des Nations-Unies. Voici ce qu’il faut en retenir.

Durant les premières lignes de son discours, il a tenu a rappelé que depuis sa prise de fonction en 2013, il n’a cessé d’œuvrer en faveur de la paix au Mali. « Je n’ai cessé de m’investir pour porter rapidement la paix et la sécurité à mon peuple à un niveau acceptable, pour créer les conditions véritables d’une vie décente au bénéfice de toutes les populations maliennes et pour améliorer notre environnement de vie ».  Le président IBK a également exprimé sa satisfaction sur l’état d’avancement du processus de paix qu’il juge « satisfaisant ». « A la date d’aujourd’hui, les autorités intérimaires et les collèges transitoires, deux éléments clés de l’Accord, sont opérationnels dans les cinq régions du nord du Mali… je me réjouis particulièrement de la dynamique actuelle qui vise le retour définitif de l’administration à Kidal » soutient-il.

N’occultant pas les difficultés qui ralentissent la mise en œuvre de l’accord de paix, IBK a exprimé sa gratitude envers les Nations-Unies pour les résolutions portant sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA et sur un régime de sanctions contre « ceux qui entravent la mise en œuvre de l’accord ».

Il a profité de la tribune qui lui était accordée, pour juger de l’état de la situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel jugé « préoccupante » et profité par la même de plaider pour un financement plus conséquent en faveur de la force du G5 Sahel. « Je voudrais appeler votre attention sur quelques défis qui jalonnent l’opérationnalisation et le maintien de la force. Au nombre de ces défis, figure en bonne place, la mobilisation du financement intégral de la force. C’est donc l’occasion pour moi d’inviter tous les pays amis et les organisations internationales partenaires à la conférence internationale de planification des contributions à la Force, prévue en décembre 2017 à Bruxelles ». Il a annoncé que les premières opérations de la force débuteront en octobre 2017.

Concernant le brûlant sujet de la migration, le président dit « pleinement appuyer le processus qui vise l’adoption en 2018, d’un pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées ». Il a toutefois tenu à saluer « la contribution substantielle de la diaspora malienne au développement économique, scientifique, culturel et social du Mali ». « Cette diaspora constitue à la fois notre fierté et notre richesse » appuie-t-il.

En premier publicitaire pour le Mali, IBK, a présenté avec fierté l’assainissement du cadre macro-économique du pays avant de lancer une invitation à « tous » pour venir faire le pari du Mali les 7 et 8 décembre prochain, à Bamako.

 

 

Sanctions de l’ONU au Mali : 3 questions à Yvan Guichaoua, maître de conférences et spécialiste du Sahel

Est-ce que le régime de sanctions de l’ONU peut être un instrument efficace ?

Pour l’instant aucune sanction n’est prise. Avec cette nouvelle résolution, les Nations Unies se dotent d’un nouvel outil juridique contre ceux qui entravent le processus de paix. Elles étendent leur arsenal punitif potentiel. Mais il reste beaucoup d’étapes avant qu’une sanction concrète puisse être envisagée : il faut que des experts soient nommés, qu’ils puissent rassembler des éléments de preuve, qu’ils soient écoutés par les décideurs et qu’enfin les éventuelles sanctions soient appliquées. Ce n’est pas pour demain, mais peut-être après-demain. La situation est tellement dégradée désormais au Mali que personne ne se satisfera des gestes symboliques, des froncements de sourcils et des formules aseptisées que la MINUSMA emploie dans chacun de ses communiqués. Et puis pourquoi se doter d’un tel outil, aux dispositions si explicites, par exemple en matière de lutte contre les trafics, pour ne pas y recourir in fine ?

Seront-elles être suffisantes, selon vous, pour contraindre chaque partie à avancer dans l’application de l’accord de paix ?

Ce nouvel outil vise en priorité les signataires de l’accord de paix ; il ne concerne donc qu’une partie du problème de la violence au Mali. La communauté internationale n’a toujours pas trouvé d’instrument non coercitif pour régler la question des mouvements djihadistes. Pour ce qui est des signataires, l’étau se resserre autour d’acteurs connus pour jouer sur plusieurs tableaux et que l’on sait capables de déstabiliser la situation selon leurs intérêts du moment. Ces gens se savent dans le viseur de la communauté internationale et la perspective d’être punis va peut-être les inciter à se montrer plus accommodants. En même temps, les ancrages politiques et dans l’économie parfaitement licite de ces groupes d’intérêts, les rendent difficiles à déboulonner sans effets collatéraux imprévisibles. Mais après tout, les FARC en Colombie  sont la preuve qu’un mouvement qui s’est criminalisé peut être décriminalisé.

Autrement, comment empêcher les parties de faire obstruction à la paix ?

On peut utiliser le bâton, comme c’est le cas avec ce nouvel outil, ou la carotte, comme ce fut le cas à Alger. On peut aussi multiplier les échelles d’interventions : traiter le clivage Nord-Sud comme à Alger ou les rivalités intercommunautaires comme à Anéfis en 2015. En travaillant sur ces deux axes, de proche en proche, par exemple en développant des démarches plus inclusives, on peut imaginer parvenir à des équilibres sécuritaires temporaires. Mais la reconstruction de la légitimité politique prend nécessairement du temps et elle ne peut guère être pilotée de l’extérieur. Le processus est d’autant plus fragile qu’il se produit sous l’œil plus qu’attentif des mouvements djihadistes. Il est parfaitement vain de faire comme si on avait des disputes à résoudre entre gens raisonnables d’un côté et un ennemi uniforme irrémédiablement perdu pour le dialogue de l’autre. Les mobilisations violentes des uns et des autres sont interdépendantes et pourtant les réponses de la communauté internationale sont totalement compartimentées. On pourrait aussi se demander comment éviter que d’autres parties n’émergent. On voit que d’autres foyers de violence potentielle s’ouvrent : entre communautés peules et dogons, ou parmi les jeunes de Gao récemment. Il y a un impératif de court terme de protection impartiale des populations sans laquelle rien n’est possible à plus long terme.

 

Violations de l’Accord au Mali : L’ONU envisage des sanctions

Suite aux violations répétées de cessez-le feu mettant en cause la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le gouvernement a sollicité du Conseil de Sécurité le 09 août 2017 l’adoption d’un régime de sanctions.

C’est ce mardi 05 septembre que le Conseil de Sécurité de l’ONU devrait se prononcer sur ce régime de sanctions proposé par le gouvernement malien et soutenu par la France. Un régime de sanctions plutôt dissuasif, destiné à amener les signataires de l’accord de paix signé en 2015, à respecter leurs engagements.   Entre avancées et recul, l’accord pour la paix et la réconciliation signé entre le gouvernement et les groupes armés peine à être mis en œuvre.

En cause notamment des affrontements entre groupes armés dont ceux intervenus en juillet 2017 à Kidal entre la CMA et la Plateforme. Deux groupes armés qui ont convenu d’une trêve de 2 semaines signée le 23 août 2017.

Le régime de sanctions proposé devrait identifier des personnes et des groupes responsables d’entraver le processus de paix en cours et porter sur des interdictions de voyage ou encore des gels d’avoir. Les infractions visées vont des violations de cessez-le feu, aux attaques contre les forces armées maliennes ou les casques bleus ou les violations des droits de l’Homme ainsi que les entraves à la mise en œuvre de l’accord.  

Cette résolution qui sera soumise au vote ce 05 septembre risque cependant de se heurter à l’opposition de l’Ethiopie qui assure la présidence tournante de Conseil de Sécurité et de la Russie qui l’estime inopportune.

Les leçons de l’échec de la révision constitutionnelle au Mali

Sans soutien populaire, la mise en œuvre de l’accord pour la paix ainsi que les réformes au Mali n’auront pas d’effets stabilisateurs.

Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a finalement décidé, le 18 août dernier, de surseoir à l’organisation d’un référendum sur la révision de la Constitution. Cette décision a été prise sous la pression d’une partie de la classe politique et de la société civile, réunies au sein de la Plateforme « Antè Abanna », qui signifie « On ne veut pas, c’est tout » en langue nationale Bambara.

Elle est intervenue dans une atmosphère tendue après des semaines de violence verbale entre partisans et opposants au projet, alors que la réconciliation et l’unité nationales demeurent fragiles dans ce pays  qui traverse une crise sécuritaire depuis 2012.

« Les chefs traditionnels et religieux ont joué un véritable rôle d’amortisseurs sociaux »

Pour le gouvernement, la réforme constitutionnelle répond à trois exigences principales : tirer les leçons de la crise sécuritaire qui a débuté en 2012 ; corriger les lacunes et les insuffisances révélées par l’application de la Constitution ; et mettre en œuvre les réformes prévues dans l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, signé en 2015.

La plateforme « Antè Abanna », quant à elle, estime que la révision envisagée non seulement augmente considérablement les pouvoirs du président de la République, mais viole également l’article 118 de la Constitution de 1992 qui interdit notamment toute révision en cas d’atteinte à l’intégrité territoriale. Or, pour la plateforme, l’absence de l’État dans la région de Kidal et certaines localités du Centre constitue une atteinte à l’intégrité territoriale du pays.

La décision du président, à court terme, a contribué à apaiser le climat social. Cependant, le débat autour de la révision constitutionnelle a révélé de profondes dynamiques sociales auxquelles les autorités maliennes et leurs partenaires devraient être attentifs. Trois aspects en particulier méritent leur intérêt.

« Les arguments en faveur de la mise en œuvre de l’accord laissent encore certains Maliens dubitatifs »

Premièrement, cet échec illustre le fossé existant entre les attentes des Maliens et l’action publique. Pour rappel, l’installation du Parlement malien, à la suite de l’élection législative de décembre 2013, avait marquée une étape cruciale dans le processus de sortie de crise du pays. L’une des principales préoccupations des populations étaient de voir cette institution, longtemps perçue comme une « caisse de résonance » du gouvernement, jouer un rôle plus déterminant dans le processus législatif. L’action du Parlement était donc très attendue dans la mise en œuvre des réformes envisagées.

Or, le 3 juin 2017, avant la décision du président, le Parlement avait adopté le projet de révision de la Constitution avec 111 voix pour et 35 contre. L’Assemblée nationale, alors même qu’elle disait avoir mené des consultations, n’avait pas su prendre la mesure des réticences et des réserves face à cette révision constitutionnelle mettant ainsi en perspective sa déconnexion des attentes de nombreux Maliens.

Deuxièmement, la polarisation de l’opinion publique nationale entre le « oui » et le « non » à cette réforme avait fini par créer une tension palpable dans la population. Pour apaiser le climat, les chefs traditionnels et religieux ont joué un véritable rôle d’amortisseurs sociaux en entamant une médiation qui a abouti au sursis du projet de révision.

« La réconciliation et l’unité nationales demeurent des défis majeurs dans ce pays en proie à une crise sécuritaire depuis 2012 »

Le rôle de ces derniers serait passé inaperçu si, au cours du débat sur la révision de la Constitution, leur participation aux instances de gouvernance du pays n’avait pas été mentionné, notamment en ce qui a trait au Sénat dont la création est proposée dans le projet de révision. Il est important, après cet épisode, de s’interroger sur les conséquences de l’institutionnalisation à un niveau politique du rôle de ces autorités traditionnelles.

Troisièmement, la révision constitutionnelle, malgré qu’elle soit présentée par le président de la République et le gouvernement comme une « exigence » de l’Accord pour la paix et la réconciliation, fait l’objet de contestations populaires. Ces manifestations ont rappelé celles, réprimées dans la violence, qui se sont déroulées à Gao, en juillet 2016, lors de la mise en place des autorités intérimaires, également prévue par l’accord.

À la suite de ces événements, le président de la République avait déclaré, en juillet 2016, que « ces incidents regrettables (Gao, NDLR) sont une illustration manifeste d’une méconnaissance des aspects féconds du contenu de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale ». Ce constat témoigne du fait que, même s’il y a eu très peu de contestations ouvertes au moment de sa signature, les arguments en faveur de la mise en œuvre de l’accord  laissent encore certains Maliens dubitatifs. Il rappelle également qu’une phase de pédagogie et d’explication de l’accord demeure indispensable.

Le gouvernement ainsi que les parties prenantes peuvent prendre les dispositions pour l’application des réformes législatives en attendant que les conditions soient réunies pour la révision de la Constitution qui s’impose, au-delà des « exigences » de l’accord pour la paix.

L’annonce du sursis de la révision constitutionnelle, sans qu’une nouvelle date n’ait été fixée, et les clivages majorité / opposition, « oui » / « non » dans le débat autour du projet ont rappelé certaines limites du processus de paix au Mali, notamment l’absence d’appropriation populaire pourtant nécessaire à sa réussite.

La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation ainsi que les réformes qui en découleront sont nécessaires, mais elles ne pourront avoir un effet stabilisateur que si la population y adhère.

Il incombe non seulement aux parties signataires, mais aussi aux autorités maliennes et aux partenaires engagés dans le processus de paix, d’impliquer davantage toutes les sensibilités de la société malienne dans les différentes mesures envisagées et ce, dès leur conception.

Cet article est d’abord paru sur le site de l’Institut d’études de sécurité

 

Nouvelle trêve entre CMA et Plateforme

Le gouverneur nommé par l’Etat malien pour la région de Kidal (nord-est) a annoncé aujourd’hui avoir rejoint son poste, une première depuis 2014 dans ce fief des ex-rebelles touareg, qui ont accepté d’observer une nouvelle trêve avec les groupes armés pro-gouvernementaux.

« Je suis bien arrivé à Kidal. Tout se passe bien pour le moment », a déclaré par téléphone à l’AFP le gouverneur, Sidi Mohamed Ag Icharach. « On peut effectivement dire que c’est un début de retour de l’Etat sur place », a ajouté M. Ag Icharach, venu de Bamako, à plus de 1.500 km de Kidal.

« Le gouverneur de région est arrivé en tenue d’apparat. Il a été reçu royalement par les populations et par la CMA », la Coordination des mouvements de l’Azawad, formée d’ex-rebelles touareg, a déclaré à l’AFP un responsable de la coordination.

L’Etat malien n’avait pas repris pied à Kidal depuis mai 2014, lorsque des combats qui ont éclaté au cours d’une visite du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara, s’étaient soldés par une lourde défaite de l’armée face aux ex-rebelles de la CMA. Nommé en juin puis dépêché à Kidal pour une campagne de sensibilisation, le gouverneur Ag Icharach s’était vu interdit l’accès de la ville depuis deux mois par la CMA.

Il a pu enfin gagner son poste après l’annonce de la signature mardi d’une trêve entre groupes armés. « La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a joué un grand rôle » pour aboutir à cette trêve, a affirmé Almou Ag Mohamed, chargé de communication de la CMA.

L’information a été confirmée de source proche du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), un mouvement pro-gouvernemental rival de la CMA.

Le gouverneur Ag Ichrach ce mercredi à Kidal

Mercredi 23 août, Sidi Mohamed Ag Ichrach, gouverneur de Kidal, devrait se rendre dans la capitale des Ifoghas pour, pendant quelques jours, préparer le retour de son administration, alors que les tensions subsistent toujours entre la Plateforme et la CMA, qui entreprend d’avancer dans le processus de paix sans son frère ennemi pourtant signataire de l’Accord.

Sidi Mohamed Ag Ichrach, le gouverneur de Kidal, qui n’a toujours pas pu prendre fonction dans la capitale du Nord depuis sa nomination, devrait arriver demain à Kidal, pour préparer sa prise de fonction définitive dans la ville. « je serai demain à Kidal, si la réservation d’un vol de la Minusma est possible dans ce cours délai », a confirmé Sidi Mohamed Ag Ichrach au JDM.

À Kidal, cela fait quelques semaines qu’on entend dire que le gouverneur viendra s’installer. « Ça va se faire d’une manière ou d’une autre, la CMA pousse pour cela, elle essaie de poser des actes et des actions qui vont aller dans le sens de l’apaisement avec l’État et pour montrer à la communauté internationale qu’elle est de bonne foi dans la mise en œuvre de l’Accord », explique ce sympathisant de la coordination joint au téléphone. « La CMA veut montrer qu’elle fait avancer l’Accord pour continuer sa stratégie d’évincement de la Plateforme de la mise en œuvre de l’Accord. C’est un geste politique, ça arrange la CMA ainsi que le gouvernement, qui pourra dire à l’opinion nationale que l’administration recommence à se déployer à Kidal, c’est une façade tout ça », maugrée cet habitant de Kidal.

Toujours est-il que cette future installation du gouverneur à Kidal, pose des questions pour le moment sans réponses : Où sera-t-il logé, sachant que les bâtiments du gouvernorat de Kidal sont vétustes ou délabrés ? Qui assurera sa sécurité, alors qu’il refusait encore récemment de siéger à kidal si la CMA devait le sécuriser ? Comment parviendra-t-il à travailler avec les autorités locales, sachant que les chefs de fraction et les notabilités, acquises à Mohamed Ag Intalla, l’aménokal de Kidal, souhaitent changer ce gouverneur qui est un membre de la Plateforme ? « Si le gouverneur s’installe à Kidal ce sera certainement au camp de la Minusma », indique cet employé humanitaire de la région, « mais à quoi cela va servir puisqu’il n’y a aucun local en ville ou il pourra travailler ou s’abriter avec toute son administration qui est à Gao », poursuit-il.

La venue du gouverneur à Kidal intervient plus d’une semaine après la déclaration de « cessez-le-feu unilatérale » de la Plateforme et alors que la CMA a décidé d’avancer dans la mise en œuvre de l’accord sans pour autant inclure son adversaire. Une rencontre dimanche dernier a eu lieu à Anéfis entre des émissaires de la Plateforme et Alghabass Ag Intalla, Bilal Ag Chérif et Mohamed Ag Najim de la CMA. Selon nos informations, malgré un premier échec dans ces tractations, un accord pour une trêve serait en passe d’être trouver, même si certains ne semble pas vouloir s’inscrire dans cette dynamique : « On est pas dans le cadre de la recherche d’une paix durable. La CMA essaie de nous diviser et de nous exclure de la mise en œuvre de l’Accord . Tant qu’il y aura cette idée d’exclusion, ça ne pourra pas fonctionner. », souligne ce cadre de la Plateforme.

Kidal : Cessez-le-feu dilatoire

Un accord de cessez-le-feu entre le GATIA et la CMA sera-t-il  juste un intervalle entre deux guerres ? La question mérite d’être posée tant ces deux mouvements convergent dans leur volonté réciproque de cesser les hostilités et de faire avancer la paix, tout en excellant en manœuvres dilatoires pour ne pas y parvenir, comme si l’arrêt des hostilités et le retour de Kidal dans le giron de la République n’étaient pas leurs seules priorités.

Dimanche 13 août en soirée, dans un communiqué, la Plateforme, « soucieuse du rétablissement de la paix et de la sécurité au Mali », déclarait « la cessation unilatérale des hostilités à compter du lundi 14 août à midi ». Une déclaration attendue, un ticket pour prendre « le train en marche », dont la locomotive est tractée depuis juillet par la CMA, sortie vainqueur des combats qui ont embrasé la région de Kidal. Forte de ses victoires écrasantes sur le terrain, la Coordination s’est enhardie, rajoutant une condition « non coercitive » à un possible accord. « Nous souhaitons que chacun retourne dans les positions du cessez-le-feu de 2014. Nous capitalisons sur notre position de force, c’est un peu logique », explique ce cadre du HCUA, renvoyant la balle dans le camp adverse.

Pour Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire général du GATIA, on ne peut pas poser de nouvelles conditions car les conditions sont déjà posées par l’accord. « L’Accord lui-même est un cessez-le-feu. La communauté internationale a fait pression sur nous pour que nous fassions une déclaration de cessez-le-feu, on a renoncé à toutes les hostilités qui pourraient compromettre la mise en œuvre de l’Accord. Ceux qui veulent encore signer un cessez-le-feu prouvent leur mauvaise volonté ! ». Un avis que partage cet ex-membre de la CMA, observateur désabusé de ces revirements successifs, « Vous savez, personne ne fait la paix dans l’humiliation, donc je ne vois pas le GATIA signer un document qui n’apporte rien de nouveau ». À la CMA, on soutient que ce serait « un engagement formel au lieu d’un simple communiqué » entre les deux belligérants.

Si les deux camps s’accordent, chacun de leur côté, sur la nécessité de mettre en place le MOC à Kidal et de favoriser le retour de l’administration, la question du chronogramme reste posée. « Nous acceptons que le gouverneur aille rapidement à Kidal, dès demain s’il le faut », répond Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Une acceptation difficile à concrétiser, puisque ce grand commis de l’État, membre de la Plateforme, a déjà signifié qu’il ne se rendrait pas à Kidal si sa sécurité est assurée par la CMA. Autre difficulté, installer un MOC avec 3 parties et faire cohabiter ces ennemis de toujours au sein des mêmes patrouilles. « On ne peut pas mettre ensemble des hommes qui se tiraient dessus il y a peu. Aucune mesure de confiance n’est entamée pour cela » affirme le porte-parole de la CMA. Sur le cantonnement des mouvements armés, la Plateforme demande, conformément à l’accord, qu’une fois le MOC et les patrouilles mixtes installés, tous les groupes soient désarmés et rejoignent leur site de cantonnement. Une mesure qui semble déranger la CMA, qui s’inquiète des conditions logistiques et d’hébergement de ses troupes et tourne son regard vers Gao. « On accepte ce pré-cantonnement même si c’est problématique, mais est-ce que les autres vont nous accompagner ? Il ne faut pas qu’il y ait un précédent spécifique à Kidal, il faut donc que soit aussi pré-cantonnées les forces de Gao. On accepte mais à condition qu’il en soit de même pour elles », déclare ce cadre de la CMA

Pourtant, la Coordination a plusieurs fois donné son accord pour qu’une fois le MOC installé à Kidal, tous les groupes armés rejoignent leurs sites de cantonnement. « Ils parlent du MOC, du cantonnement mais ils le veulent dans un autre format. La durée du MOC est prévue pour 45 jours. Celui de Gao a déjà un an et a coûté, selon le gouvernement, au contribuable malien, près de dix milliards, on a perdu beaucoup de temps. Chacun peut faire son chronogramme, mais on sera de toute façon amenés à élaborer un document consensuel », souligne le Secrétaire général du Gatia. « Si l’Accord est appliqué, nous sommes sûrs de recouvrer Kidal, parce que dès qu’il y aura des élections libres, nous allons les gagner. Le maire est de chez nous, le député aussi. Nous n’avons rien à craindre, nous sommes de Kidal, nos familles sont à Kidal, c’est notre fief ! Ce sont eux qui ont peur que nous revenions », affirme Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads. « On va constater sur le terrain si cette déclaration de fin des hostilités est suivie d’effet, on va rester vigilants et attendre de voir s’ils vont poser des actes », avertit Ilad Ag Mohamed.

On peut en effet se demander si cette nouvelle tentative de remettre sur les rails le processus de paix fonctionnera après autant de déraillements. « À Bamako, les dirigeants de la CMA font tout pour avoir un cessez-le feu et essayer de négocier les doléances que Mahmoud Dicko a rapporté. Ce qui les arrange, c’est que les gens du Gatia ne fassent pas parti du MOC, qu’ils ne viennent pas troubler leurs affaires. À Kidal, la plupart des gens pensent que ce n’est pas la fin mais peut-être le début de grandes hostilités. Ici, tout est communautarisé, les armes, les véhicules, sont payés par les communautés, par les chefs de fraction, les notabilités. Tant que les Imghads seront en guerre contre les Ifoghas, tant que la CMA n’aura pas réglé ses différents avec le GATIA, je ne vois pas comment ils pourraient cohabiter, peut-être seulement sur le papier », ironise cet habitant de Kidal.

Accord d’Alger : Les Etats-Unis haussent le ton

Le conflit entre la CMA et la Plateforme ces dernières semaines a suscité l’inquiétude aussi bien sur le plan national qu’international. C’est face à la dégradation sécuritaire et à la violation du cessez-le-feu que le département d’État américain est sorti de se réserve pour dénoncer l’attitude des deux mouvements signataires de l’Accord d’Alger qui se sont une fois de plus affrontés ces derniers jours à Kidal.

Après l’affrontement survenu entre la CMA et la Plateforme dans la région de Kidal le mercredi 26 juillet, à l’issu desquels la Plateforme a subi une lourde défaite en perdant toutes ses positions dans la région de Kidal et quittant dans la foulée la ville Ménaka, l’Accord de paix semblait menacer par ces troubles qui constituent « une violation » du cessez-le feu.

Face à cette recrudescence des combats, le département d’État américain, a invité toutes les parties signataires à s’investir davantage dans la mise en œuvre de l’accord de paix. «  Nous appelons toutes les parties maliennes à redoubler d’effort pour respecter le cessez-le-feu et mettre pleinement en œuvre l’Accord de paix d’Alger » indiquait le département d’Etat dans un communiqué publié du lundi 31 juillet dernier. De même, le département a encouragé « les efforts qui visent à rapprocher les parties maliennes pour une cessation des hostilités » en l’occurrence, la mission de bons offices conduite par l’imam Mahmoud Dicko. Les États- Unis ont condamné aussi, ce qu’elles considèrent comme des « violations récurrentes du cessez-le-feu entre les groupes signataires de l’Accord de paix d’Alger ».

Tout en encourageants les parties à poursuivre dans la mise en œuvre de l’Accord, les États unis n’ont pas manqué de regretter « l’échec des parties maliennes à parvenir à une paix définitive ». Des exactions sur les civiles et des violations des droits de l’homme sont des pratiques courantes dans ces zones de conflits. C’est pourquoi le département d’État américain a incité les uns et les autres à «  respecter strictement leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à respecter les droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les civils et les prisonniers». Ces propos font aussi référence aux allégations selon lesquelles des fosses anonymes auraient été découvertes dans la region de Kidal. « Si les allégations sont véridiques, les auteurs doivent être traduits en justice » a souligné le département d’État américain qui s’est dit « profondément troublé par les rapports sur les représailles et meurtres des civiles au Mali ».

Un communiqué en forme d’avertissement qui indiaue que le climat délétère doit se normaliser pour continuer le processus de mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger.

Kidal, Anéfis, Ménaka : enjeux d’une partie d’échec

Mercredi 26 juillet, des affrontements ont de nouveau éclaté entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (coalition de mouvements pro-gouvernementaux), les deux frères ennemis, qui se sont soldés par une nouvelle défaite de la Plateforme. Deux jours après les combats, la CMA, à la surprise générale, a repris Ménaka et domine à présent le terrain avec les coudées franches pour négocier un cessez-le-feu qui pourra entériner ses positions actuelles, face à une Plateforme affaiblie par deux défaites consécutives, mais qui ne semble pas vouloir s’avouer vaincue.

À Bamako, tout est bloqué depuis le 19 juillet dernier, date à laquelle le cessez-le-feu devait être signé entre la CMA et la Plateforme. À la dernière minute, la Plateforme qui la veille avait validé le document, a refusé de le signer et ainsi d’acter la fin des hostilités, condition préalable à une seconde phase qui pourrait remettre sur la table l’installation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et le retour de l’administration malienne dans la région de Kidal. Depuis le 11 juillet dernier en effet, les conditions de cessez-le-feu exigées par les uns, refusées par les autres, à l’image des différents qui les opposent et qui se concrétisent violemment sur le terrain, mettent en échec de façon quasi-systématique les tentatives mises en place pour parvenir à un consensus. Loin de ces tractations politiques, dans la région de Kidal devenue une sorte d’échiquier régional, si pendant une semaine la quiétude du désert n’a pas été rompue par le feu des combats, un second round s’est discrètement mis en place, pour l’obtention de positions dominantes.  « Les gens qui rejettent le cessez-le-feu à Bamako, vous pouvez bien comprendre que sur le terrain ils ne vont pas être pacifiques. Donc, parallèlement au rejet du cessez-le-feu, la Plateforme a continué de faire des mouvements de troupes en direction de Takelote, Aghelhok, Anéfis, Tessalit et mercredi dernier, ils sont allés provoquer la CMA jusqu’à une trentaine de km de Kidal. C’est le geste qui a mis le feu aux poudres », relate cet employé humanitaire de la région.

C’est ainsi qu’aux alentours de 7 heures du matin, mercredi 26 juillet, de nouveaux combats violents ont éclaté entre la CMA et la Plateforme, comme l’explique cet habitant de Kidal joint au téléphone : « Les troupes de la Plateforme se trouvaient, depuis une semaine, à une quarantaine de kilomètres de Kidal. La CMA est partie les attaquer sur deux points chauds. Le GATIA (principale composante armée de la Plateforme) a eu le dessus jusqu’à environ 11 heures avant que des renforts de la CMA, menés par Rhissa Ag Bissada, viennent en appui d’Anéfis et parviennent à faire reculer la Plateforme vers Amassine ». La CMA a ensuite poursuivi les troupes de la Plateforme sur environ 100 km en direction de Ménaka. « De notre point de vue, c’était une défaite presque totale pour la Plateforme », déclare satisfait cet officier de la CMA. Dans l’après-midi de ce funeste mercredi, après la violence et la fureur des combats, c’est un bilan lourd en vies humaines et en dégâts matériels, qui résultait de ce nouvel affrontement. Selon un cadre militaire de la CMA, 5 morts et 5 blessés étaient à déplorer de leur côté, contre une vingtaine de morts pour la Plateforme, des dizaines de prisonniers et 22 véhicules saisis par la coordination. « Une dizaine de morts tout au plus et 9 prisonniers ! », rectifie ce sympathisant du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIAqui tient à souligner que parmi les nombreux prisonniers annoncés par la CMA, beaucoup étaient des civils pro-GATIA pris dans la brousse, notamment dans la zone de Takalote.

Parmi les victimes des affrontements, deux chefs militaires appartenant aux deux camps, Rhissa Ag Bissada du Mouvement National de Libération de L’Azawad (MNLA) et Ahmed Ould Cheikh surnommé Intakardé (en référence aux amulettes de protection qu’il portait en combat, censées le rendre invincible). Ce combattant du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) pro-Mali, ancien officier de l’armée malienne, qui a été membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à sa création, passé ensuite à la Plateforme et devenu bras droit du général Gamou, combattait sans merci ses ennemis qui pouvaient aussi être des parents. « On a essayé de le dissuader plusieurs fois, mais rien n’y a fait. Pour des histoires d’intérêt lié au narcotrafic, il a dévié de la ligne du mouvement et il a rejoint les militaires qui continuent à servir ce même narcotrafic. Quand on parle d’une guerre fratricide, ce n’est pas un vain mot et cela montre la gravité de ce conflit », lâche amer, ce cadre de la CMA, parent de ce défunt grand combattant de la Plateforme.

La perte d’un parent ou d’un proche qui a eu le malheur de s’engager dans l’autre camp, n’est pas rare dans les affrontements qui opposent ces Touaregs issus de la même région, de la même ville ou de la même famille. « On avait beaucoup de gens dans l’armée régulière, ils disent qu’ils sont restés loyaux au gouvernement malien, qu’ils répondent au commandement du général Gamou », poursuit ce même cadre de la coordination. « Pour nous, ce sont des satellites pro-gouvernementaux, qui ne sont pas d’accord avec le concept de l’Azawad, ils nous le disent carrément,  »nous, on est malien à part entière et on veut rien entendre de l’Azawad ». La cassure est là. Sans vraiment dire que ce sont des patriotes, nous sommes persuadés qu’ils servent des intérêts occultes, le grand banditisme, le narcotrafic, en tout cas, c’est loin d’être du patriotisme sincère », confie-t-il.

Mais au-delà des nombreux morts tombés aux combats, la Plateforme a aussi perdu l’enjeu principal de ces guerres, à savoir les positions qu’elle occupait autour de la ville de Kidal et dans la région, permettant ainsi à la CMA de dominer le terrain.

Le grand échiquier « À différents niveaux, dans les différentes parties, il y a ceux qui veulent avoir des positions de force, mais qui se sentent en position de faiblesse à chaque fois qu’ils veulent négocier des choses, c’est valable pour la partie gouvernementale, c’est valable pour la Plateforme et c’est valable aussi pour le CMA. Donc, gagner des positions sur le terrain permet de négocier plus fortement autour de la table à Bamako », analyse cet officiel malien proche du dossier.

Cette guerre de positionnement que se livrent les deux frères ennemis suspend, pour le moment, tout accord de cessez-le-feu qui, une fois signé, entérinera les positions sur le terrain des belligérants qui devront rester inchangées. Les deux camps se livrent donc à des opérations de reconquête ou de maintien de position, dont la ville de Kidal reste l’enjeu principal et qui permettront à celui qui dominera le terrain d’imposer ses conditions pour la paix.

Avant la signature de l’Accord d’Alger en juin 2015, c’était la CMA qui occupait Anéfis, par la suite la Plateforme a repris cette ville à la coordination et le gouvernement a laissé faire. La CMA considère que ses positions sur le terrain doivent être conformes à celles qu’elle occupait au moment où l’accord de paix a été signé. Pour elle, Anéfis doilui revenir de droit. « La Plateforme doit certainement juger qu’ils sont défavorisés parce qu’ils prétendent avoir perdu Anéfis qui était une position de la CMA lors du cessez-le-feu de 2014. Nous ne pensons pas qu’ils sont défavorisés par rapport à ça dans la mesure où Anéfis est juste une position qui ne devait pas être entre dans leur main et qui nous revient », affirme ce cadre du HCUA, qui ajoute, sibyllin, « je me demande si la CMA va accepter un cessez-le-feu maintenant qu’elle est carrément en position dominante. La Plateforme qui s’est engagée dans cette opération aurait dû prendre cela en compte, avec une probabilité principale, celle de sortir encore plus affaiblie ».

Selon nos informations, depuis les combats du 26 juillet, les unités de la Plateforme auraient convergé vers Tabankort, d’autres unités se trouveraient non loin d’Anéfis, désertée par la CMA après les combats du 26 juillet. « Ils sont en train de se regrouper à Tabankort pour préparer une nouvelle offensive. Aujourd’hui, ils ont de nombreuses unités qui sont concentrées dans la zone », confirme cet officier du MNLA bien renseigné sur les mouvements du camp adverse dans la région. « Je pense que ce n’est pas un retrait, je pense qu’ils veulent se regrouper pour ensuite former un seul front pour attaquer Kidal. Reste à savoir si Barkhane et la Minusma laisseront faire », poursuit-il.

Main basse sur Ménaka, Toujours est-il que 48 heures après avoir défait la Plateforme dans la région de Kidal, vendredi 28 juillet, La CMA mettait en branle une force constituée de « 50 à 100 véhicules », selon certaines sources, qui est arrivée à Ménaka en fin de journée. Cette colonne de la CMA a pu pénétrer, sans un coup de feu, dans cette ville stratégique que la coordination avait perdu face à la Plateforme à l’été 2016. « Nos éléments qui sont entrés à Ménaka appartiennent à la tribu Ichinidharen, ils sont de la région de Ménaka, ils avaient été chassés il y a quelques mois par l’alliance GATIA-MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad – ndlr), alors qu’ils étaient venus visiter leur campement vers Tin Fadimata. Tout s’est passé dans le calme, tout est rentré dans l’ordre », affirme ce gradé du MNLA joint au téléphone et qui a suivi, heure par heure, le retour de de ses troupes dans la ville.

Pourtant, l’arrivée « en force » des troupes de la CMA a suscité crainte et tension dans la ville, poussant le chef de cabinet du gouverneur de Ménaka à se réfugier avec son administration dans le camp de la Minusma et mettant en alerte les FAMA qui eux aussi se sont retranchés dans le camp de la mission onusienne. Le samedi matin, la confusion passée, des discussions entre la CMA, les FAMA, le MSA et la Minusma ont permis d’établir un partage équitable concernant la sécurisation et la gestion de la ville. La CMA occupe désormais le Nord de Ménaka, tandis que le MSA est chargé du sud et les FAMA sécurisent le centre où se trouve le gouvernorat. Cette nouvelle alliance de circonstance entre la CMA et le MSA pose néanmoins certaines questions quant aux relations futures du mouvement de Moussa Ag Acharatoumane avec le GATIA et sa cohabitation avec la CMA, même si sur place, on explique qu’« ils ont un objectif commun, une même volonté de sécuriser les populations et d’aider à la gestion de la ville », un leitmotiv que le MSA partageait, déjà, il y a encore quelques jours avec le GATIA.

Une partie loin d’être finie À Bamako, l’entrée de la CMA à Ménaka a été jugée par le ministère de la Défense comme un acte « contraire à l’Accord de paix ». Le Ministre de la défense, Tiena Coulibaly, a d’ailleurs rencontré, samedi 29 juillet en matinée, tous les partenaires, CMA , Plateforme, Minusma et Barkhane, pour tenter de « trouver une solution et ramener les belligérants dans l’Accord ».

Sur un autre front de négociation, à Kidal, la mission de bons offices menée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, et diligentée par le gouvernement pour négocier le retour de l’administration malienne, a rencontré jeudi 27 juillet, la société civile, les chefs de fractions et les notables de la région, pour recenser les conditions qui permettraient d’y parvenir. La nomination d’un gouverneur neutre, contrairement à l’actuel jugé trop proche du GATIA, la mise en place du MOC à Kidal avec seulement 200 éléments des FAMA et 200 éléments de la CMA, sans les éléments du GATIA dont la participation se voit conditionnée à un hypothétique apaisement de la situation dans le futur, la prise en compte des Accords d’Alger par l’amendement de la Constitution du Mali et enfin un retour aux dispositions du cessez-le-feu signé par les différentes parties le 20 juin 2015. Tels sont,  au sortir de ces concertations, les préalables à un retour de l’administration malienne et de la paix dans la région. « La médiation de Dicko qui favorise la CMA, c’est une nouvelle raison qui va pousser le GATIA à aller à la guerre. Ce document ce n’est pas la paix, on fait la paix avec tout le monde et pas comme ça. Pour moi, il a été influencé par Mohamed Ag Intalla et les vraies raisons de son déplacement à Kidal, ce n’est pas ce qui a été dit dans son document, c’est plus pour essayer d’avoir un lien avec Iyad et négocier », maugrée cet officier du MNLA, qui craint que la situation continue de s’envenimer. « D’une façon, oui, nous avons inversé le rapport de force sur le terrain, mais c’est encore trop tôt pour crier victoire. Le GATIA a subi beaucoup de pertes ces dernières semaines, à Ménaka, dans la région de Kidal et lors des deux derniers affrontements. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, morts aux combats ou fait prisonniers, beaucoup de véhicules, c’est conséquent. Mais les  choses sont claires, pour eux et donc pour nous, et je suis sûr que la partie n’est pas finie », conclut notre interlocuteur.

Secrétaire général du MPSA : « Kidal ne peut pas prendre les autres régions en otage »

Le Mouvement Populaire pour le Salut de l’Azawad, mouvement membre de la Plateforme, a organisé, mercredi 26 juillet, une conférence de presse à la Maison de la presse, pour dénoncer les lenteurs dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Une menace de « bloquer l’accès de la ville de Tombouctou aux officiels de l’Etat et des forces étrangères » a été lancée par le Secrétaire général du Mouvement Boubacar Sadigh Taleb Sidi Ali.

Dans la déclaration signée du secrétaire général du mouvement, Boubacar Sadigh Taleb Sidi Ali  «  les trois parties qui se disputent cet Accord ont démontré leur incapacité à avancer dans son application ». Le retard dans la mise en œuvre de l’Accord est l’une des causes qui ont poussé le mouvement à monter au créneau. « La prise en otage du processus d’Alger par un groupe ou par une région est inadmissible », souligne la déclaration. Des griefs contre le gouvernement et la médiation internationale qui sont  « lresponsables de cette dégradation de la situation sécuritaire jamais vécu auparavant au Mali. » lit –on dans ladite déclaration.

Pour le secrétaire général, que nous avons joint après la conférence de presse, rien aujourd’hui ne doit empêcher la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord. Mais « A chaque fois on nous dit nous attendons Kidal, alors que nous sommes cinq région au Nord ». «  Nous, à Tombouctou, nous sommes prêts à cantonner, nous sommes prêts a faire le DDR, nous sommes prêts à chercher la paix » affirme t-il. Les problèmes de Kidal ne doivent pas être une entrave à l’Accord selon le Secrétaire général « si les gens de Kidal ont des problèmes ce sont des problèmes qui leurs sont spécifiques. Kidal ne peut pas prendre les autres régions en otage ! » a t- il asséné.

Pour le MPSA, il ne devrait même plus y avoir de guerre après la signature de l’Accord, il faut seulement remplir les conditions pour que Kidal rentre dans le giron du Mali. Dans sa dénonciation, le secrétaire général du MPSA ne comprend pas pourquoi il n’y a pas de MOC à Tombouctou et à Taoudéni, même les autorités intérimaires installées ne disposent pas des ressources pour mettre en œuvre leurs plans d’action. Elles « sont juste des photos » ironiste-t-il. L’attente et la lenteur de l’Accord agacent aussi le secrétaire général, «  ça fait deux ans qu’ils nous disent le 20 de tel mois, quand on arrive au 20 il y a des problèmes, ils disent qu’il y a une guerre entre a plateforme et la CMA ». Pour lui, il n’a pas des problèmes ni avec la CMA ni avec la Plateforme, « je ne suis pas de cette guerre et je considère que c’est une guerre tribale qui doit s’arranger entre deux tribus ».

Le secrétaire général du MPSA, pense que les forces internationales présentes au Mali « ont des missions obscures qui nécessitent d’être clarifiées », «  nous, on est jamais arrivé à comprendre l’agenda de la France, tout ce qu’on sait, ce qu’ils terrorisent nos populations et arrêtent des innocents. Il y a des gens qui ont déformé mes mots mercredi en disant que je les ai qualifiés d’organisation terroriste» clarifie Boubacar Sadigh Taleb Sidi Ali.

Bien que cette question divise, Boubacar Sadigh Taleb Sidi Ali, pense qu’il faut négocier avec les Maliens qui sont dans les mouvements djihadistes et « trouver un terrain d’entente avec eux ». Pour lui, « tout est négociable », mais la priorité c’est l’application de l’Accord, car, interroge-t-il, « comment organiser des élections alors qu’il y a deux régions qui sont sans collectivités territoriales, alors que les réfugiés sont toujours dehors ? ». Par rapport à l’utilisation des moyens, mêmes les plus extrêmes pour empêcher l’accès aux officiels de l’État et des forces étrangères, Boubacar Sadigh reste claire : «  Nous sommes un mouvement politico-militaire, nous ne sommes pas un parti politique ». « Nous allons organiser des marches, des journées ville morte, nous allons utiliser tout, avant d’arriver à la violence et s’il faut utiliser les armes nous allons les utiliser » précise le secrétaire général.

Pour montrer son mécontentement, le MPSA prévoit de bloquer, dans deux semaines, les accès de la ville de Tombouctou à tous les officiels de l’État et des forces internationales, si d’ici là aucune solution pour remédier aux « lacunes » dans la mise en œuvre de l’Accord n’est trouvée.