Kidal, l’enjeu d’un cessez-le-feu à plusieurs inconnues

Depuis le 11 juillet dernier, Il n’y a plus d’affrontement armés entre la Plateforme et la CMA à Kidal. La coordination contrôle la capitale de l’Adrar des Ifoghass ainsi qu’Anéfis où est rassemblé une grande partie de ses troupes. Si les fusils se sont relativement tût, vols, représailles et exactions visent les civils et servent, en photo ou vidéo, la guerre d’image et d’information que se livrent les deux camps. Sur la ligne de front située à une centaine de kilomètres de Kidal, chaque mouvement continue de tenir ses positions, essayant le plus possible de suivre les directives émanant des chefs politiques tous réunis à Bamako. « Ceux qui sont sur le terrain ne discutent même pas. Pour eux s’ils sont suffisamment préparés, ils peuvent décider d’attaquer, si les autres ne les attaquent pas avant », confie cette source proche des mouvements. « On ne sait pas ce qui va se passer, mais ici on ne parle même pas des pourparlers de Bamako, ce dont on parle, c’est la ligne de front », poursuit-il.

De la ligne de front justement, parviennent des nouvelles sporadiques et de nombreuses rumeurs, notamment d’Anéfis, revenu dans le giron de la CMA. Cet ex-fief de la Plateforme, sans réseau électrique et téléphonique depuis plus de 10 jours, vit coupé du monde, aux mains de ses nouveaux geôliers. Pour beaucoup à Kidal, cette ville est tenue non seulement par la CMA mais aussi par les djihadistes. « Ils sont allés là-bas deux à trois jours avant les combats, ce sont eux qui sont rentrés en premier dans Anéfis. Les gens à Kidal ont vu tous les renforts arrivés. D’abord des motos qui sont venus à côté de la ville, après c’était des convois de véhicules lourdement armés qui étaient stationnés à quelques kilomètres, ils étaient avec le noyau dur du HCUA. Le fait que la CMA, auparavant confinée à Kidal soit sortie brusquement attaquer le GATIA, ça a donné la puce à l’oreille à tout le monde ici », explique cet humanitaire de la région.

De guerre lasse Baba Ould Sidi El Moctar, maire d’Anéfis, aujourd’hui simple citoyen exilé à Bamako, tente comme il le peut d’obtenir des nouvelles de la situation sur place et affirme ne pas avoir entendu parler de djihadistes à Anéfis. « On sait seulement qu’il y a des hommes armés à l’intérieur de la ville, on suppose que ce sont des gens de la CMA. Ils ont le même comportement que le GATIA, ils sont là avec leurs fusils, ils aiment faire la loi, s’imposer, montrer que ce sont eux qui administrent », décrit-il. Selon lui, rares sont les véhicules qui peuvent sortir et rentrer dans la ville, une situation qui pose des problèmes aux populations en termes de ravitaillement. Les vivres et les dons des ONG sollicités par la population sont bloqués, quand d’autres ne partent même pas par peur d’être attaqué. « Nous ne sommes pas du tout contents, ni avec la CMA, ni avec la Plateforme, il est tant que tout ça finisse. On veut des solutions qui soient appliquées. Mais à chaque fois qu’il y a une décision prise, elle n’est pas appliquée, c’est ça le problème. Il faut la paix maintenant, vraiment. Il faut que la CMA et la Plateforme se retire, que le MOC fonctionne et que l’administration revienne », s’agace notre interlocuteur.

Tractations à plusieurs inconnues Cette supplique du maire d’Anéfis, qui en appelle à un retour de l’armée et de l’administration malienne, est au coeur des discussions à Bamako, où les leaders des mouvements armés, le gouvernement, la médiation internationale et la mission de bons offices emmener par l’Imam Mahmoud Dicko, tente de trouver une porte de sortie. Des discussions que certains, désabusés, jugent stériles : « Il y a deux choses à savoir, les trafiquants veulent que la guerre continue pour préserver leurs routes de trafic, les terroristes pour continuer leurs opérations, donc, leurs intérêts convergent. La Plateforme, le général Gamou, la majorité des Imghads, ils vivent aussi de la guerre contre nous. Donc, arrêter la guerre veut dire porter atteinte a l’intérêt de tout ce petit monde », lâche cet officier de la CMA qui ne croit plus à un cessez-le-feu durable. Pour Fahad AlMahmoud, un cessez-le-feu ne devrait pas être une condition à la mise en œuvre de l’Accord. « On a signé l’Accord, on était en guerre, on a fait le MOC à Tombouctou, à Gao, sous le feu. Tout ce qu’on a fait pour cet accord, il n’y avait pas de cessez-le-feu entre la CMA et la Plateforme. Je ne vois pas pourquoi maintenant on en fait la condition siné qua non pour la mise en place du MOC à Kidal», s’exclame-t-il, ajoutant que ce fief de la CMA reste le blocus principal et que « tant que la Plateforme n’est pas à Kidal, on ne fera la paix avec personne ».

La capitale des Ifoghass, dominée par cette communauté touareg qui refuse de partager le pouvoir avec les Imghads, pourtant majoritaire dans la population, est encore et toujours le point névralgique de la discorde, le générateur d’affrontement, que le brouhaha des négociations à Bamako peine à solutionner. « La Plateforme, la CMA, le gouvernement malien ne pense qu’à Kidal, ils ne pensent qu’à ça ! Nous on ne soutient pas particulièrement les uns ou les autres, on veut empêcher un massacre pour cette ville, c’est tout » déclare cet officiel français proche du dossier, qui affirme que dans ce conflit entre Ifoghas et Imghad, entre touareg et touareg de la même région, il est très difficile pour la France d’oeuvrer à l’organisation de la représentation et du partage du pouvoir  « avec des gens qui se battent entre eux depuis des générations ».

Pour le moment, à Bamako, la question du cessez-le-feu et du possible retour de l’administration malienne dans la région, est suspendue aux accords et désaccords entre les différentes parties. Les documents de cette nouvelle « trêve » existent mais sont souvent sujet à modification. Le week-end dernier, une énième clause a été soumise par la Plateforme au gouvernement, à destination de la CMA, proposant la signature d’un cessez-le-feu immédiatement suivi de l’installation du MOC et du départ des groupes armés vers les sites de cantonnement. Pour l’heure si on ne connaît pas la réponse de la CMA, on est en droit d’espérer que ces deux mouvements « indéfectiblement » attachés à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu, pourront, rapidement, parvenir à un consensus.

Evelyne Decorps : « Nous sommes là pour accompagner le processus de paix, non pour le diriger »

Dans l’entretien qu’elle a bien voulu accorder au Journal du Mali, l’Ambassadrice de France, Mme Evelyne Decorps, évoque les difficultés liées à la mise en œuvre de l’Accord et du rôle de la communauté internationale et de la France dans la paix au Mali.

Concrètement, que fait la France pour accompagner le Mali dans le processus de paix ?

Nos armées travaillent ensemble dans la lutte contre le terrorisme. Nous avons également, à travers le Conseil de paix et de sécurité, joué un rôle important dans les deux dernières résolutions : celle sur la force conjointe et celle sur le mandat de la MINUSMA. Nous sommes présents quotidiennement sur l’application de l’Accord de paix. Nous parlons avec le gouvernement, avec les différents représentants des mouvements, à l’intérieur et en dehors du CSA. Nous sommes engagés dans le financement d’actions de développement. Nous avons dépensé depuis 2013 plus de 100 millions d’euros uniquement dans le Nord et dans le Centre en actions d’urgence.

Deux ans après la signature de l’Accord de paix, on est toujours dans l’impasse. Selon vous, à quoi est-elle due et que peut faire la communauté internationale ?

Moi je ne parlerai pas d’impasse, c’est un mot que je refuse. L’Accord est un processus et nous savons très bien que les processus prennent du temps. Il y a eu des avancées fortes et puis, ensuite, on est revenu en arrière. Je crois que le vrai fondement pour l’avancée de l’Accord, c’est la confiance entre les interlocuteurs, c’est-à-dire la confiance des mouvements vis-à-vis du gouvernement et la confiance entre les mouvements eux-mêmes. Quels que soit les reproches que les parties peuvent se faire, chacune d’elles a ses propres responsabilités. Les conditions de la paix sont liées au DDR, qu’il va falloir mettre en place. Elles sont liées à la décentralisation accrue et poussée. Que les gens fassent ce qu’ils se sont engagés à faire, qu’ils se désarment, parce qu’à l’heure actuelle nous avons des mouvements armés signataires qui se promènent avec des armes. Il faut vraiment la bonne volonté de tout le monde.

Au sujet des armes justement, nous sommes dans une explosion d’insécurité depuis la signature de cet Accord…

Là aussi je voudrais que les gens se souviennent de ce que c’était avant, quand Tombouctou, Gao étaient sous la coupe des djihadistes. Il faut faire attention aux phrases toutes faites. Il y a eu les autorités intérimaires, la Charte pour la paix. Il y a des négociations quotidiennes entre les mouvements et le gouvernement. La médiation internationale est là, mais il y a des forces contraires qui sont là aussi. Il y a encore une vague terroriste résiduelle importante moralement. Les mouvements entre eux n’ont pas encore réglé leurs problèmes. Je réfute le mot explosion mais c’est vrai qu’il y a encore de l’insécurité.

Il y a également un problème de sanctions. Comment faire en sorte que les mesures de l’Accord soient réellement appliquées par des groupes qui ne s’y conforment pas vraiment lorsque personne ne leur tape sur les doigts ?

Les sanctions sont importantes. Simplement, personne ne sait qui sera touché. Nous sommes là pour apporter des éléments de sécurité, mais nous ne sommes pas là pour remplacer l’action ni du gouvernement ni des représentants des mouvements. Nous ne sommes pas des pompiers.

C’est pourtant comme ça que vous êtes considérés.

Nous essayons tout le temps d’éteindre des feux, mais nous n’avons pas la main sur ceux qui les allument. On nous demande tout le temps de jouer le pompier alors même qu’on ne maîtrise pas tous les éléments. Nous sommes là pour accompagner un processus, non pour le diriger. Les directives et les mesures à prendre dépendent du gouvernement du Mali et des groupes. Il faut que les mouvements et leurs leaders soient de bonne foi.

Il y a des affrontements entre les groupes signataires, alors que nous sommes à quelques jours du 20 juillet, date prévue pour le retour de l’administration et de l’installation des autorités intérimaires à Kidal qui suivra. Selon vous, ce chronogramme est-il tenable ?

Nous ne pouvons pas faire la paix à la place de tous les Maliens. Si les gens qui ont signé ce chronogramme, que je trouve un peu optimiste, ne se mettent pas d’accord pour l’appliquer, comment voulez-vous que nous le fassions ? Ce sont des problèmes intra Maliens que nous ne pouvons pas régler. La contrainte par la force ne peut pas être le moyen de la mise en œuvre de l’Accord. Nous ne pouvons que faire pression politiquement. Pour que les choses s’arrangent, il faut une volonté réelle de trouver les voies et moyens de régler les problèmes.

La plateforme estime que la France favorise la CMA à Kidal. Quelles relations entretenez-vous avec ce mouvement armé ?

Moi, j’entretiens des relations avec tous. Ils ont tous accès à mon bureau. Simplement il a été décidé en CTS que les groupes armés pouvaient circuler avec des armes de petits calibres, les armes lourdes ne sont pas autorisées. On confisque ces armes, surtout si elles montent à Kidal. On le fait autant pour la Plateforme que pour la CMA, mais cette dernière ne dit rien. Quand on contribue au processus de paix, ce sont toujours les mêmes groupes qui protestent.

Y a-t-il une sorte de lassitude de la communauté internationale ?

S’il y a une certaine lassitude, elle vient du fait qu’on a été peut être un peu optimiste sur la mise en œuvre de l’Accord. Mais je dirais qu’on n’a pas le droit à la lassitude. Il y a les populations du Nord, il y a le terrorisme à combattre. Si on abandonne, c’est le terrorisme qui va gagner. Je n’oublie jamais une chose, c’est que quand on se concentre sur des choses qui à mon avis pourraient être réglées beaucoup plus vite, les autres font ce qu’ils veulent et ça c’est le plus grave. Ce n’est pas de savoir si le chronogramme va être appliqué le 20 juillet à Kidal qui est important mais de savoir comment on applique l’Accord dans tout le pays et comment on lutte contre le terrorisme et là-dessus les mouvements ont une vrai responsabilité.

 

Mise en œuvre de l’Accord : La paix au Mali à bout de bras

Après deux ans et les nombreux efforts consentis, les résultats de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, peinent à se faire sentir. Si la communauté internationale préfère parler de « retard » plutôt que de panne, elle en appelle à la responsabilité des parties signataires, car, si elle est garante du processus, c’est aux « Maliens de faire la paix ».

Pour accélérer la mise en œuvre de l’accord, les parties signataires, la communauté internationale et les partenaires du Mali se sont réunis à Bamako, du 17 au 19 juillet 2017, pour valider la Stratégie spécifique de développement intégré des régions du Nord, destinée à « hisser les régions du Nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs du développement et ce dans un délai n’excédant pas une période de 10 à 15 ans ».

S’il n’est pas dans une impasse, l’accord signé il y maintenant deux ans « connaît des retards » dans son application, reconnaît ce haut diplomate français. D’autant que certaines dispositions, comme la mise en place du programme DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion), censé être effectif au cours des six premiers mois après la signature de l’accord, ne sont toujours pas mises en œuvre. « Je ne suis pas aveugle. Je crois que la lassitude vient du fait qu’on a été un peu optimiste sur la mise en œuvre de l’accord. Aujourd’hui, on est confronté à la réalité. Il faut la prendre en compte et continuer d’avancer », note cet interlocuteur, ajoutant que « nous n’avons pas droit à la lassitude, car les populations du Nord sont dans l’attente et qu’il y a le terrorisme à combattre.

Autre difficulté, la complexité de l’accord, selon l’Ambassadeur allemand au Mali, Monsieur Dietrich Becker, une difficulté qui n’empêche pas cependant que soit mis en œuvre ce document de référence. D’autant que l’accord « n’est pas fait seulement pour Kidal, Ménaka ou Gao. Il y a des choses pour tout le Mali, notamment la décentralisation, qu’il faut mettre en œuvre au plus vite ».

L’épreuve du terrain Annoncées pour ce 20 juillet, la mise en place du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et celle des autorités intérimaires, le 31 juillet, à Kidal, est remise en cause, dû aux affrontements opposant sur le terrain les groupes signataires depuis le 6 juillet. Ce regain de tension est « compliqué par une nouvelle donne, la dimension communautaire. Vous savez, dans les conflits communautaires, la raison n’est plus là, ce sont les sentiments qui dirigent. Nous disons au gouvernement, aux groupes armés, hâtons le pas pour accélérer la mise en œuvre de l’accord », déclare le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations unies, Mahamat Saleh Annadif, chef de la MINUSMA.

Un avis que partage Ahmed Boutache, président du CSA, qui estime que la solution à la crise, qui est encore bien loin d’être totalement résorbée, se trouve dans l’Accord de Paix. « Il n’y a tout simplement pas d’autre alternative comme en attestent les déclarations récurrentes des parties signataires au sujet de leur attachement à l’Accord et à sa mise en œuvre ».

Pointée du doigt pour son immobilisme ou même sa partialité, la MINUSMA fait l’objet de nombreuses critiques, comme lors de la manifestation organisée le 14 juillet, après le début des affrontements à Kidal. Garante du respect des termes de l’accord, la mission de l’ONU appelle cependant les parties à prendre leurs responsabilités. « Il y a une véritable crise de confiance entre les parties signataires. Au départ, c’était deux mouvements qui étaient ensemble jusqu’aux évènements de Kidal en 2016. Le gouvernement a traîné le pas. On a pris des libertés sur certaines choses. Aujourd’hui, dans cette nouvelle phase, ce sont deux mouvements qui se font face dans une confrontation armée ».

Pourtant, la MINUSMA reste très attendue par tous les acteurs, y compris le gouvernement, qui a sollicité en juin dernier un mandat « plus  robuste » pour permettre à la mission de faire face aux menaces multiformes auxquelles elle est confrontée sur le terrain. Et en dépit de ses faiblesses, la MINUSMA reste indispensable pour la stabilité au Mali, note le diplomate allemand, qui reste convaincu que la mission améliorera son efficacité grâce aux mesures qui seront envisagées par son leadership. Une exigence que Dietrich Becker souhaite voir observée de la part du gouvernement, pour améliorer la gestion des ressources humaines au sein des forces armées et de sécurité.

La MINUSMA n’est cependant qu’une force d’interposition, destinée à maintenir la paix entre les différents protagonistes. Et si la communauté internationale est garante de la mise en œuvre de l’accord, c’est aux parties maliennes de mettre en œuvre leurs engagements, renchérit le Haut représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), Monsieur Pierre BUYOYA. « Il faut que les parties s’engagent à appliquer l’accord, ce qui demande une confiance mutuelle qui n’est pas toujours là. Parce que la mise en œuvre de l’accord est l’affaire des parties. La communauté internationale est là pour soutenir, pour accompagner. Il s’agit de paix, c’est un processus long », conclut-il.

Regrettant le fait « qu’à chaque fois qu’une avancée se fait jour, et qu’il semble qu’un consensus soit trouvé sur telle ou telle question, de nouvelles difficultés surgissent, comme c’est le cas avec les affrontements à Kidal », l’ambassadrice de France au Mali met en garde « les responsables de ces violations répétées de l’accord de paix et leur rappelle qu’au delà de leurs différends communautaires et intérêts économiques, c’est la liberté de leur région et l’intégrité du Mali qui sont en jeu, ainsi que les vies humaines qui continuent d’en payer le prix ».

L’œil du cyclone Pourquoi alors ne pas sanctionner ceux qui violent l’accord ? « Parce que les sanctions constituent le dernier recours et qu’après il faut toujours négocier pour trouver un terrain d’entente », soutient le Haut représentant de l’Union africaine. Si son gouvernement est pour le principe des sanctions, l’Ambassadrice de France, Mme Evelyne Decorps, estime qu’avant de les évoquer, « il faut adopter une attitude responsable, il faut rétablir la confiance entre les uns et les autres. Et, pour cela, il faut un arbitre. Même si les groupes armés et le gouvernement le demandent, la communauté internationale ne peut pas être cet arbitre. Elle est là pour apporter la sécurité, elle n’est pas là pour remplacer l’action du gouvernement ou des groupes armés. C’est leur bonne foi à eux qui doit être totale ».

Continuer donc à mettre en œuvre l’accord dans ses dispositions qui peuvent l’être et à Kidal, « quand elle sera prête », c’est aussi l’option préconisée par l’ambassadeur d’Allemagne, pour qui Kidal doit cesser d’être « le fétiche du gouvernement dans ce processus de paix ». D’autant que « toute personne qui croit qu’elle peut conquérir ou garder Kidal par la force se trompe. Ils (les signataires) seront obligés de s’asseoir pour parler », déclare le chef de la MINUSMA. Un énième chronogramme consensuel sera donc nécessaire pour que toutes les parties acceptent enfin le retour de l’administration à Kidal. C’est en tout cas l’une des recommandations de la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), partie prenante de la médiation internationale.

Mettre en œuvre l’accord en l’état suppose du pragmatisme et un volontarisme sans faille. Maintes fois repoussée, l’installation des autorités intérimaires à Kidal semble être un véritable goulot d’étranglement au processus.

En attendant, le temps joue contre le processus de paix. Ce temps profite aux groupes extrémistes désireux d’étendre leur influence. Le retard dans le processus a une autre conséquence : provoquer la lassitude de la communauté internationale, qui le finance et le supervise. « On a laissé trop d’espace pour les jeux politiques entre Maliens et, un jour, on sera fatigué de ces jeux », tranche Dietrich Becker, qui ajoute que la MINUSMA est financée par des milliards d’euros qu’il vaudrait mieux investir dans le développement.

 

 

Nord-Mali : L’Algérie exhorte les signataires de l’accord de paix à privilégier le dialogue (MAE) 

ALGER – L’Algérie a exhorté samedi les responsables des  mouvements signataires de l’accord de paix au Mali à privilégier le « dialogue et la concertation » et à « intensifier » les efforts visant à « surmonter les difficultés sur le terrain ».

« L’Algérie exhorte les responsables des mouvements signataires de l’accord de paix à assumer pleinement leur responsabilité et à agir promptement afin que cessent ces agissements, à privilégier le dialogue et la concertation et à intensifier les efforts visant à surmonter les difficultés sur le terrain », a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali-Cherif dans une déclaration à l’APS.

Benali-Cherif a ajouté que l’Algérie suivait avec « attention les derniers affrontements armés » qui ont fait des morts, jeudi , à Aguelhok, dans la région de Kidal, au Nord du Mali, soulignant que « ces affrontements qui ont opposé des éléments appartenant à des groupes armés signataires de  l’Accord de paix au Mali, issu du processus d’Alger, constituent des violations graves  des termes de cet accord et affectent l’esprit d’entente qui anime les différentes parties maliennes dans sa mise en oeuvre  effective ».

Le porte-parole du MAE a souligné que ces « développements négatifs, qui  profitent en premier lieu aux activités des groupes terroristes et au crime organisé dans la région, risquent de porter atteinte à la crédibilité des mouvements signataires de l’accord de paix et à leur engagement de manière  résolue dans le processus de paix ».

Fahad Ag Almahmoud : « C’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA »

Des affrontements violents ont éclaté jeudi 6 juillet dans le nord du Mali près de Kidal entre des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Ces combats, qui viennent à nouveau violer le cessez-le-feu entre ces deux mouvements, pourraient aussi perturber le retour, à la fin du mois, de l’armée et de l’administration à Kidal. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA, a livré au Journal du Mali sa version des faits et pointe du doigt, comme facteurs générateurs de conflit, certaine mesures de l’Accord de paix non appliquées, ainsi que la responsabilité de la communauté internationale qui, selon lui, entretient un climat de tension entre les deux mouvements belligérants concernant Kidal.

Pourquoi la CMA et le GATIA se sont-ils encore affrontés alors qu’à Bamako les différentes parties travaillent ensemble à la préparation du retour de l’armée et de l’administration à Kidal ?

La CMA devrait répondre à cette question puisque c’est elle qui a attaqué nos positions à 80 km de Kidal alors que nous avons des positions à 15 ou 20 km de la ville. La position qu’ils ont attaqué a été presque entièrement désarmée, quelques jours avant, par Barkhane. Ils ont saisi les armes lourdes et ils nous ont dit que la CMA n’allait pas nous attaquer. Le jeudi, la CMA a quitté Kidal devant Barkhane et ils sont venus nous attaquer.

Vous pensez réellement que la force Barkhane a voulu aider la CMA ?

Comment penser autrement ? C’est Barkhane qui a désarmé l’ennemi d’un autre, ça n’a même pas besoin d’explication. Nos 3 éléments qui sont morts jeudi ont été tués par une roquette de mortier alors que nos roquettes ont été prises par Barkhane et ce sont le même type de roquette qui nous ont attaqué. Nous avons l’interdiction d’en posséder mais pour la CMA c’est permis. Je pense que cette attaque sur nos positions a pour but de perturber l’installation du MOC le 20 juillet prochain.

La CMA dit aussi que vous souhaitez perturber le processus de paix.

Quoiqu’on dise il y a le bon sens. Il faut dans ce cas expliquer pourquoi nous ne pouvons pas rentrer à Kidal. La communauté internationale a conditionné notre retour à Kidal à celui du gouvernement malien. Une fois que le MOC sera installé, Kidal fera son retour dans le giron de la République. Cela veut donc dire que tous les citoyens pourront, s’ils le souhaitent, s’y rendre. Donc je ne vois pas pourquoi, nous qui souhaitons y retourner, nous voudrions perturber le retour du MOC et de l’administration à Kidal.

Pourtant les tensions entre vos deux mouvements sont récurrentes et éloignent d’autant la paix, malgré l’accord que vos deux mouvements ont signé. L’attaque de jeudi en est une nouvelle preuve.

Comme je vous l’ai dit, on a été attaqués jeudi à 80 km de Kidal et j’ajoute que c’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA une fois qu’elle est à Kidal. La CMA est libre de se réorganiser et de venir nous attaquer. Nous, on ne peut pas les attaquer à Kidal. Si on était tous hors de Kidal, ou qu’on s’affrontait, on aurait pu avoir la paix depuis très longtemps. C’est la communauté internationale qui crée cette situation en sécurisant la CMA à l’intérieur de Kidal une fois qu’elle revient. Elle prétexte qu’elle fait ça pour protéger la population. Elle appelle la CMA, population. Cette situation offre à la CMA le luxe d’avoir l’usage de tous ces bras valides. La Minusma et Barkhane sont là pour sécuriser leurs biens, leurs armes lourdes, leurs engins. La base principale de la CMA et même des organisations terroristes aujourd’hui c’est Kidal, tout le monde le sait.

Vous voulez dire que les terroristes ont une base importante dans la ville de Kidal ?

La base principale de l’organisation de Iyad et de ses alliés, c’est Kidal. Tout ce qu’il a comme armement est à Kidal. C’est connu de tout le monde, y compris des officiers français.

Un certain Ahmedou Ag Asriw, serait un acteur principal de ce conflit. La CMA le tient pour responsable de nombreuses exactions sur les populations. Qui est-il ?

Ahmedou est le chef des opérations du GATIA, c’est un personnage connu là-bas, donc on peut lui prêter n’importe quelle réputation, ce sont les paroles des ennemis. Ni la Minusma ni les Nations unies n’ont envoyé de commission d’enquête sur les exactions qui ont eu lieu et n’ont pas confirmé que c’est lui qui les auraient commises. Ce ne sont que les paroles des ennemis.

On entend beaucoup parler au Nord de milices qui seraient aux ordres de Bamako et qui commettraient des exactions. le GATIA est-il une de ces milices ?

Si milice veut dire un groupe armé piloté par le gouvernement pour faire le sale boulot, on n’est pas une milice. Si une milice c’est un groupe armé qui répond d’une communauté, on est une milice. Tous les groupes armés sur le terrain ont une connotation tribale, c’est un fait. Je pense que Bamako lutte pour le retour de l’État et de l’administration à Kidal et ce n’est pas ces derniers événements qui vont en faciliter le retour. Ce que le Mali a fait pour la CMA du 20 juin 2015 à nos jours, il n’en a pas fait un dixième pour la Plateforme. Il y a des responsables de la CMA, malgré qu’ils véhiculent des messages anti-républicains, qui sont en passe d’avoir des passeports diplomatiques de la part du gouvernement.

Vous avez des noms ?

Je ne répondrai pas à cette question.

Ce nouveau conflit entre CMA et GATIA risque-t-il, selon vous, de mettre en péril le chronogramme qui débute le 20 juillet prochain et qui doit ramener l’armée et l’administration à Kidal ?

J’oseespérer, avec les démarches qui sont en train d’être mise en place que ce ne sera pas le cas. Une délégation de Touaregs du Niger sera à Bamako lundi 10 juillet pour une médiation, parallèlement à la mission de bons offices dirigée par Mahmoud Dicko. J’espère que cela pourra ramener le calme et nous aider les uns et les autres. Si on veut avancer, on peut, mais tant qu’il y a des gens qui ont pour mission de perturber la paix à l’intérieur du processus, qui sont connus des acteurs du processus, qui font tout pour les ignorer et que le gouvernement fait tout pour les amadouer, il n’y aura pas de paix.

Vous êtes conscient que tout cela entame considérablement la confiance des Maliens envers les groupes armés et fait fortement douter de la capacité de ces mouvements à être des interlocuteurs valables et fiables. N’est-ce pas un risque pour la CMA comme pour vous ?

Si les Nations unies donnaient un mandat à la Minusma pour désarmer tout le monde, ce serait un plaisir pour moi. Tout ce qui peut contribuer à l’avènement de la paix chez nous on est pour. Cette paix ne sera réalisable que quand les groupes armés seront désarmés. Le gouvernement est en train d’essayer d’appliquer les textes et autres de l’Accord sans parler de l’essentiel : le désarmement et le cantonnement des groupes armés. Les autorités intérimaires, la révision de la constitution, tout ça doit intervenir après le désarmement des groupes armés. Tout ce que j’espère, c’est que la communauté internationale prenne ses responsabilités pour permettre aux uns et aux autres d’aller vers la mise en œuvre de l’Accord.

Charte pour l’entente : que contient-elle ?

Elle a été remise au chef de l’État le 20 juin 2017, après plusieurs semaines de travail pour son élaboration. Très peu de Maliens savent ce qu’il y a dans les 60 pages du document censé leur redonner le goût de vivre ensemble. Journal du Mali l’a parcouru pour vous.

Des 18 pages issues des concertations et travaux préliminaires des différentes commissions est ressorti le document remis officiellement à la date symbolique du 20 juin. La Charte, tout comme l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, voire plus que ce dernier, se veut être la base d’un nouveau contrat entre Maliens. Après un rappel succinct des « fondamentaux », contexte de la tenue de la Conférence d’entente nationale qui s’est tenue du 27 mars au 2 avril derniers à Bamako et objectifs à elle assignés, le document s’articule autour de la consolidation de la paix et la réconciliation nationale. Une cinquantaine de pages est ensuite consacrée à la « cartographie des terroirs » du Mali.

Consolider la paix Le premier axe porte sur ce qui doit être fait dans le cadre de la résolution des « causes des troubles à la paix ». La mise en place de mécanismes de prévention des conflits et le retour systématique au dialogue et à la concertation sont rappelés comme des valeurs ancestrales de la société malienne à remettre au goût du jour. « Créer la confiance, assurer la restauration de l’autorité de l’État » sont des conditions impératives pour le retour à la paix et pour assurer sa durabilité. L’un des aspects importants mentionnés dans cet axe est l’aspect « spirituel » de la crise malienne. La Charte recommande donc de prendre en compte « le point de vue des confessions ».

Réconcilier le peuple « Pour être durable, elle doit se fonder sur la justice, que celle-ci soit répressive ou réparatrice et permettre de faire droit aux victimes ». Le pardon à accorder, à condition que « l’individu ou le groupe d’individus » ne soit pas « impliqué dans des crimes de guerre », est la clé de la réconciliation nationale. Cette « réconciliation est une attente pressante de l’ensemble du peuple malien, en particulier les femmes et les jeunes », explique le document. Pour y parvenir, le retour et la réinsertion des réfugiés, mais aussi l’amélioration de la gouvernance avec une meilleure répartition des richesses en tenant compte de la diversité et des disparités dans la population malienne, sont des conditions sine qua non. Sont recommandées entres autres, une amnistie pour les faits en lien avec la rébellion de 2012, l’arrêt des poursuites de ceux qui sont liés à ces évènements, qui reconnaissent leur culpabilité et demandent publiquement pardon. Ces mesures entres autres, permettront de « consolider la réconciliation nationale », gage de paix durable.

La Charte, qui élude la question épineuse de l’Azawad, cependant géographiquement détaillé, se veut un cadre de « référence à l’engagement moral entre les composantes de la Nation » pour « contribuer à combattre les multiples déviances » de l’administration malienne, recréer la confiance et renforcer l’état de droit.

 

Macron a émis des propositions à Alger sur la paix au Mali

Emmanuel Macron a pris contact mercredi avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika pour lui soumettre des propositions « concrètes » visant à relancer le processus de paix au Mali, a-t-on indiqué jeudi dans l’entourage du président.

« Pour remobiliser tout le monde autour de cet accord, le président de la République a commencé en se concertant avec le président algérien qu’il a contacté hier pour lui soumettre quelques propositions concrètes et échanger sa vision sur la possibilité de relancer cet accord de paix », a-t-on indiqué.

 « L’Algérie est le parrain de cet accord et reste sur place localement le pays qui assure la conduite des réunions du comité de suivi, donc il est logique que l’Algérie soit consultée en amont de toute initiative pour relancer cet accord », a-t-on ajouté.

La question de la situation sécuritaire au Mali et des négociations de paix seront l’un des sujets discutés au sommet du G5 Sahel qui se tient dimanche à Bamako, au Mali, en présence d’Emmanuel Macron.

Conclu en mai et juin 2015 entre le gouvernement malien, des mouvements armés et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), l’accord d’Alger prévoit entre autres la mise en place d’autorités intérimaires dans le Nord, de patrouilles mixtes et l’application du programme de désarmement des ex-rebelles.

Deux ans plus tard, la mise en oeuvre du processus de paix patine et la situation sécuritaire se dégrade, suscitant l’inquiétude des pays de la région, des Nations unies et de l’Union européenne.

Charte pour la paix : nouveau coup d’épée dans l’eau ? 

Au Mali, vingt-quatre mois après la signature de l’accord issu du processus d’Alger, le train de la paix semble toujours à quai. Pendant ce temps, les actes de banditisme, les attaques et les enlèvements se multiplient de façon inédite. C’est dans ce contexte que la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale, élaborée à la suite de la Conférence d’entente nationale, a été remise au président de la République mardi 20 juin dernier. Mais nombreux sont les Maliens qui s’interroge sur ce qu’elle apporte au processus, et sur sa capacité, dans le climat de défiance et de division actuel, de mener le pays vers le chemin de la paix.

Deux ans jour pour jour après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, se voyait, le 20 juin 2017, remettre des mains du Médiateur de la République, Baba Akhib Haïdara, la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale, censée exprimer la volonté et l’engagement de toutes les composantes de la nation à œuvrer à la consolidation de la paix et à l’unité. Ce document rédigé sur la base des conclusions de la Conférence d’entente nationale (CEN) intervient à un moment où le pays traverse une crise sociale et sécuritaire sans précédent, où les divisions et le pessimisme ambiant gangrènent la vie des populations, faisant de cette paix tant souhaitée, un projet intangible.

Une charte de paix qui divise « Cette charte aurait été une bonne base pour consolider la paix, mais vu la situation actuelle et compte tenu de tout ce qui se passe, elle ne reflète aucune réalité. C’est du vide ! », lâche, désabusé, Ibrahim Ag Eouegh de la CMA, membre de la commission spéciale en charge de rédaction de la charte, qui deux semaines durant, avec une quarantaine de membres, a planché pour produire un document final dans le court temps imparti. Selon lui, toutes les missions qui se sont rendues dans le pays et surtout à l’extérieur pour présenter et expliquer le projet de texte aux compatriotes, sont revenues porteuses des mêmes échos : « On n’a rien compris à la CEN, on ne peut rien comprendre à cette charte, on nous parle des Accords, il ne sont pas appliqués, il y a des griffonnages sur le papier mais sur le terrain il n’y a rien ! » « À Kidal, les gens nous ont dit qu’ils ne se reconnaissaient pas dans la Charte pour la paix, et dans l’Azawad, qu’ils ne partagent aucune valeur, aucun principe avec les gens du Sud », poursuit notre interlocuteur. Dans le bastion du Nord, la tentative de vulgarisation de ce texte censé favoriser l’union sacrée a plutôt récolté une fin de non-recevoir. « Ils sont venus nous parler de paix alors que nous sommes en guerre. Ils viennent nous parler de réconciliation nationale alors que le gouvernement envoie ses milices nous attaquer », s’exclame ce membre de la CMA joint au téléphone à Kidal. « Effectivement, la semaine où nous étions là-bas, il y a eu plus de 30 morts dans des conflits intercommunautaires et tout ce que nous sommes venus exposer a évidemment été très mal reçu », explique Ibrahim Ag Eouegh, qui déplore que l’impératif de la date de remise de la charte au président IBK ait primé sur le temps et la qualité du travail et que tous les compte-rendus de mission n’aient pas été utilisés pour l’élaboration de la charte, notamment ceux concernant l’épineux sujet de l’Azawad, passé, selon lui, à la trappe.

Cet autre membre de la commission rédaction, a quant à lui été surpris par le « fort scepticisme » des populations à voir s’installer la paix. « Pour la plupart des gens rencontrés, ce qui est difficile à croire, c’est la capacité de l’État à mettre en œuvre ce qu’on leur a dit. Les gens ne sont plus comme ils étaient il y a trois ou quatre ans. Les populations n’écoutent plus, parce qu’on leur a trop fait de promesses et finalement ils ne croient plus à rien. Je fais parti de ceux qui croit qu’il sera difficile de faire appliquer ces mesures, ce pessimisme est généralement partagé. Pour eux la paix est un mirage ».

Démarrer le train de la paix Depuis sa signature en juin 2015, l’accord de paix fait du sur place. Ce constat globalement admis, même par ceux qui sont le plus enclin à dire qu’il y a des progrès, ne permet pas pour autant, malgré des symptômes connus, d’appliquer les remèdes qui permettraient de le faire avancer. « La réalité c’est que l’accord traite d’un problème entre le Nord et le Sud qui n’a jamais existé, alors que nous avons un problème intercommunautaire et de gouvernance locale. Il y a eu plus de morts chez moi après la signature de l’Accord de paix qu’avant. Les gens pensent que c’est un problème touareg, de racisme, que nous sommes marginalisés. Pourtant, aujourd’hui la CMA est prête à accepter des militaires noirs issus du Mali alors qu’elle n’accepte pas la Plateforme, donc c’est d’abord un problème du Nord et du Nord. Nous contaminons tout le reste des Touaregs dans le Nord du Mali avec nos problèmes communautaires », analyse Abda Ag Kazina, 1er vice-président de l’autorité intérimaire de Kidal, toujours sans exercice et cantonné à Bamako.

Si l’on pouvait désigner un symbole de cette paix à construire, Kidal, « là où tout a commencé et là où tout devra finir », ironise ce membre de la Plateforme, serait celui-là. Ce bastion qui résiste à la souveraineté de l’État pourrait, si l’administration et l’armée y faisaient un retour effectif comme cela est prévu pour fin juillet, devenir un signal fort et un vecteur de paix. « Le gouvernement malien a fait de Kidal le symbole de la restauration de l’autorité de l’État. Tant que le drapeau malien ne flottera pas à Kidal, tant que l’armée ne sera pas de retour, il n’y aura pas de reconstruction de la paix. Or il faut se rappeler, que même lorsque l’État était présent à Kidal, la situation était loin d’être apaisée. Je pense donc que Kidal n’est qu’un symbole politique », objecte cet officiel européen proche du dossier. « Y a-t-il un autre endroit où l’on peut parler de paix dans ce pays ? », s’interroge Ilad Ag Mohamed, qui regrette cette focalisation sur la capitale de l’Adrar des Ifoghas. « Les gens sont plus préoccupés par les symboles que par la vie réelle et le quotidien des populations qui, elles, attendent toujours une attention particulière de la part du gouvernement ».

Pour Oumar Alassane Touré, président de la Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord pour la paix et le développement, la question du Nord ne doit pas être gérée par le gouvernement mais directement de Koulouba, parce qu’il y a des choses sur le terrain qui ne peuvent être réglé sur le plan judiciaire et règlementaire. « Le président a le pouvoir discrétionnaire qui lui permet de réagir sur le plan institutionnel au niveau de la sécurité, de la justice. Un ministre, un préfet ou un directeur au niveau local, ne peut pas s’engager sur certaines choses, ils doivent toujours écrire, mais cela met parfois des mois, une année, pour être traité par les services techniques de l’État, c’est long et la question du Nord est urgente ». Pour le président de la coordination, le fait que les accords de paix aient été signés avec les leaders des mouvements armés qui n’ont pas ou peu de leadership sur le terrain, rend la population inaudible. « Ces leaders peuvent vous dire oui mais le lendemain il y a des attaques et des sabotages, ils ne contrôlent pas le terrain. Tous ces mouvements ont un commandement local, un chef de zone. Ce sont eux qui détiennent la réalité du terrain, sur le plan militaire et sécuritaire. À tout moment, ils sabotent ce que Bamako dit. Il faut une stratégie pour que les décisions prises à Bamako à destination des populations soient appliquées de manière automatique sur le terrain ». Une gageure quand on sait que les décisions de Bamako sont difficilement relayées au niveau des cercles, des communes, des villages car dans beaucoup d’endroits, les services techniques de l’État ne sont plus présents.

Cette instrumentalisation des populations par les groupes armés, les djihadistes mais aussi par les autorités traditionnelles voir par les partis politiques, sont autant d’obstacles qui contrecarrent le processus de paix. « Nous avons vu des gens de l’opposition politique venir dire aux jeunes, chez nous, de ne pas déposer les armes, parce qu’IBK ne contrôle pas l’État. Ils disent de garder les armes jusqu’aux prochaines élections et qu’on verra la situation après. Donc les jeunes, armés, continuent d’attaquer les gens dès qu’ils ont besoin de carburant ou de mouton à manger, car il n’y a pas de loi pour celui qui a faim », confie ce combattant de la région de Gao.

Obtenir la paix localement « Au Mali il y a deux grands problèmes, un problème de gouvernance et un problème d’impunité, il faut mettre un terme à tout cela, il faut que les gens comprennent qu’on est dans un État organisé avec des responsabilités et des lois qu’il faut respecter », estime Azarock Ag Innaborchad, président du CJA.

À cela s’ajoute des décisions trop centralisées à Bamako et déconnectées des régions. « La paix ne se joue pas qu’autour d’une table à Bamako avec des conseillers, à la télé ou dans les médias, mais aussi et surtout là où la population aspire au développement et au progrès. Il faut des actions concrètes, visibles sur le terrain à destination des populations. Il faut s’intéresser avant tout à ce qu’elles demandent. Ces populations seront les meilleurs conseillers du président », assure le leader du CJA.

La responsabilité seule des autorités maliennes ne peut cependant être désignée car pour le gouvernement de Bamako, la situation est aussi délicate à gérer, entre les problèmes locaux et les agendas des partenaires internationaux. « Aujourd’hui sur la zone Sahel et sur le Mali, au niveau international, vous avez au minimum 17 stratégies, et entre ces stratégies, vous n’avez aucune coordination, mais la même méthodologie », confie ce spécialiste de l’Afrique subsaharienne. « À un moment, il faut faire un virage à 360 degrés, voir et énumérer les problèmes au niveau local, ensuite au niveau national et international, pour essayer de les régler concrètement. Pour construire une paix durable au Mali, il faut renverser la table et travailler sans tarder sur ces aspects-là », préconise-t-il.

 

Retour de l’administration à Kidal : Un problème de calendrier ?

Annoncé pour le 20 juin 2017, le retour effectif de l’administration dans la ville de Kidal n’aura pas eu lieu. Selon le chronogramme annoncé par la médiation internationale à l’issue de la 18è session du Comité de suivi de l’accord, c’est à travers le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), chargé de sécuriser la ville et sa région, que devait avoir lieu le redéploiement de l’État dans la ville occupée par les groupes armés depuis 2014. Sur place, à Kidal, ce report n’est pas une surprise, la situation de tension actuelle générée par le conflit intercommunautaire entre les Imghads du GATIA et les Idnanes n’a pas encouragé la CMA à adhérer à un chronogramme dont elle dit « ne pas être associée ». La coordination a rappelé ses forces à Kidal tandis que celles du GATIA sont à présent positionnées à une dizaine de KM de la ville. L’un des premiers grand défi de l’installation du MOC à Kidal sera de faire collaborer ces deux camps hostiles au sein des patrouilles mixtes.

D’autres raison moins vérifiables ou avouables à ce report sont aussi avancées. « la CMA doit envoyer des signes positifs d’avancement à la communauté internationale mais en même temps elle doit ménager les djihadistes qui ne veulent pas un retour de l’administration et de l’armée à Kidal. Beaucoup ici disent que c’est Iyad Ag Ghaly qui pilote les décisions importantes », affirme cette source proche des mouvements. Pour elle, le MOC, les autorités intérimaires, tout serait possible et faisable dans les délais. « Les véhicules du MOC pour les FAMA et la Plateforme sont déjà prêt, il ne manque plus que la CMA. Avec l’insécurité qui règne en ce moment à Kidal, le MOC et ses patrouilles seraient le bienvenue », ajoute-t-il. Selon Pierre Buyoya, cité le 20 juin par Studio Tamani, ce report est dû à un « problème de calendrier », il assure que le retour effectif de l’administration se fera dans les prochains jours. Comme en réponse, la fête de l’Aid qui se fêtera ce dimanche partout sur le territoire Malien sera célébrée un jour plus tard à Kidal, selon le calendrier imposé par la CMA, qui ne tient pas à fêter la fin du ramadan en même temps que le Mali.

Kidal : Des luttes fratricides perturbent la mise en œuvre de l’Accord

Selon le chronogramme élaboré lors de la 18e session du CSA, les autorités intérimaires, le gouverneur et le MOC devraient être mis en place d’ici le 20 juin prochain. Mais cette planification ambitieuse semble se heurter à la réalité du terrain et aux événements d’une rare violence qui, actuellement, secouent le septentrion malien.

« Les choses se passent globalement bien. Nous avons une participation assidue de l’ensemble des membres du CSA. […] Nous sommes confiants quant à l’avenir », se réjouissait Ahmed Boutache, président du Comité de suivi de l’accord (CSA), le 5 juin dernier, lors de la clôture de la 18e session du comité. Un certain nombre d’actions à mettre en œuvre avant le 20 juin ont été décidées lors de cette session : l’installation des autorités intérimaires, du gouverneur et du MOC à Kidal. Un chronogramme ambitieux dénoncé, dès le 12 juin par la CMA, dans un communiqué indiquant que ce chronogramme est « loin de refléter le résultat des pourparlers convenus entre la CMA et les différents acteurs impliqués » en vue d’un retour de l’administration à Kidal et que la CMA, « nullement engagée par ce document, appelle tous les acteurs crédibles à une concertation rapide pour élaborer un chronogramme réalisable » et à « mener des actions consensuelles sans absurdités pour réussir une paix effective ».

Poudrière Si à Bamako on parle chronogramme, charte de la paix ou révision constitutionnelle, à Kidal, où les travaux du camp 1 ont commencé depuis plus d’une semaine et ou le gouvernorat, aux bâtiments vétustes, n’est pas en mesure d’accueillir le gouverneur, il en est tout autrement. Depuis le 4 juin, des événements très préoccupants retiennent toutes les attentions et focalisent craintes et inquiétudes. « Les gens ne sont pas du tout sur les annonces de Bamako. Ce qui se passe ici est très grave ! Les Imghads chassent la communauté Idnane. Depuis une semaine il y a eu presque une trentaine de morts, des dizaines d’otages, des dizaines de véhicules enlevés, des motos brûlées, des centaines de personnes déplacées qui ont tout laisser derrière elles. À la mosquée, dans les rues, les grins, les gens ne parlent que de ça, parce que c’est vraiment préoccupant », témoigne cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Tout a commencé au début du mois de juin, quand des Idnanes du MNLA ont mené une attaque contre des éléments du GATIA, puis ont pillé un village près d’Aguelhok, brûlant des boutiques et s’en prenant à la population. Vengeance et représailles ont mis le feu aux poudres. Les deux camps, qui s’accusent mutuellement d’être à l’origine des exactions, se livrent à des tortures et des assassinats, sans que les forces internationales ne lèvent le petit doigt. En l’espace d’une semaine, exécutions sommaires, saccages, pillages et vols ont quotidiennement été signalés dans la région. « Où les Idnanes sont, il y a eu des motos qui sont parties. Ce sont des jeunes Imghad fougueux. On les appelle ici les « mafias ». Ils s’en sont pris aux populations idnanes. Cela s’est passé un peu partout autour de Kidal, ça s’est propagé jusqu’à Tessalit. Ça pourrait se propager aux autres ethnies et fractions et devenir incontrôlable. On est en plein mois de carême ! C’est du jamais vu ! », s’exclame cet employé humanitaire de la région.

Depuis que cette chasse aux Idnanes a commencé, beaucoup se sont réfugiés dans le camp de la Minusma à Kidal et ont été ensuite transportés par avion à Gao. « Il y a toutes une zone abandonnée par des familles entières, qui ont fui par peur d’être exécutées. Toute la zone à l’ouest de Kidal, la zone d’Anéfis, la zone d’Aguelhok, ont été abandonnées par les populations Idnanes, beaucoup ont traversé la frontière algérienne », poursuit ce même humanitaire.

 Le MNLA, dominé majoritairement par les Idnanes, est particulièrement impliqué dans cette situation, le jeune fils de Moussa Ag Najim, officier au MOC de Gao et frère de leur chef militaire, Mohamed Ag Najim, ayant été exécuté par des éléments du GATIA la semaine dernière. « Les forces armées du GATIA et leurs officiers sont responsables ! Ils escortent les convois de drogue et utilise la méthode des exactions sur les populations au sud de Kidal pour couvrir le passage de leurs convois et dégager la zone », lâche cet officier du MNLA. Selon lui, L’argent du trafic de drogue jouerait un rôle capital dans l’insécurité et l’alimentation des conflits résiduels et les choses ne seraient pas prêtes de s’arrêter, car les trafiquants pour conserver à tout prix la route des trafics font tout pour saboter le processus de paix. « Il ne veulent pas des forces légales ! faire perdurer l’instabilité leur garantit de pouvoir continuer leurs trafics. Donc, quand ils voient arriver la paix avec un autre camp, ils alimentent les tensions. La paix les dérangent. ! » affirme-t-il, amère.

Une avis que partage cette source sécuritaire très au fait des rapports de force et d’influence dans la région. « Le trafic de drogue infectent les différents mouvements armés, les officiers militaires touaregs et arabes dans l’armée malienne ainsi que les services de renseignement des pays du G5 comme le Mali. Certains services vendent même des informations sensibles à ces trafiquants qui peuvent compromettre des opérations du G5 et de leurs alliés. Il est clair que les trafiquants ne veulent pas d’une stabilité dans la région, elle empêcherait le transit de leur cargaison qui passent par l’extrême nord de la région de Tombouctou, traverse le Telemsi à l’extrême sud de la région de Kidal, une zone occupée par le GATIA depuis juillet 2016 et où l’on constate des conflits entre mouvements armés et des violences sur les civils », souligne-t-il.

Une situation qui ferait le jeu des djihadistes, qui approcheraient cette communauté pour leur proposer de les aider à se défendre, puisque personne ne le fait pour eux, « Un changement de rapport de force terrible », confie cette source bien introduite dans le milieu des mouvements armés, « Les opérations djihadistes contre le GATIA ont pour but de montrer à la population agressée que les moudjahidines, contrairement aux forces internationales, maliennes et la CMA, peuvent les protéger. Ce qui les renforce socialement et facilite le recrutement. Ça légitime, aussi, pour les populations, la thèse selon laquelle les forces internationales sont une force d’occupation qui sont venus comme bouclier de défense de la famille bambara qui dirige à Bamako et non pour leur mission de sécurisation, sans distinction, des populations et de leurs biens ». Un prosélytisme qui semble faire son chemin comme l’explique cet habitant de la région sous anonymat. « Quand les djihadistes étaient là et qu’ils occupaient le territoire, tu étais soit avec eux ou contre eux mais il n’y avait pas toutes ces choses, aucun autre qu’eux ne s’en prenait à la population. Ces exactions, avec ces milices qui ont cartes blanches, ça ne se serait pas produit avec les djihadistes ».

Défiance Dans le contexte actuel, l’installation future du MOC et des patrouilles mixtes n’est, paradoxalement, pas jugée comme un facteur rassurant. « Le MOC, ici, on n’y croit pas trop. À Gao, il a créé plus d’insécurité qu’autre chose, à Kidal ça risque d’être la même chose. On sait que la CMA ne désire pas le MOC. Ils voient ça d’un mauvais œil, parce que des éléments de la Plateforme, notamment ceux du GATIA vont être là », explique ce Kidalois proche des mouvements. « En réalité ils se sont engagés, mais ils n’en veulent pas, ils ont peur que les gens du GATIA saisissent cette opportunité pour prendre Kidal. Surtout quand on sait que le chef du MOC, le colonel Alkassim Ag Oukana, est un membre de ce mouvement. Il est de la tribu Irrédjénaten de Tessalit, il fait partie de l’aile qui se reconnaît plus dans les Imghad, il a fait défection du HCUA l’année dernière pour rejoindre Gamou », poursuit cette même source, qui confie, « Ici, il y a des gens qui s’organisent pour que les femmes marchent contre toutes ces installations, je ne peux pas dire de façon exacte ce qui se passera dans la mise en œuvre de l’accord, mais la situation actuelle ne donne pas de belle perspective pour l’avenir ».

Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed : « On a été nommé à la tête des autorités intérimaires puis après on nous a laissé nous débrouiller tout seul »

Trois mois après l’installation des autorités intérimaires la plupart des assemblées régionales et des conseils transitoires ne sont pas opérationnels, alors que leur mandat devrait prendre fin le 20 juin prochain. Néanmoins dans la région de Ménaka, nouvellement créée, les choses bougent, en marge d’une mise en œuvre de l’Accord de paix qui fait du surplace. Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed, président de l’assemblée régionale de Kidal, a expliqué au Journal du Mali, comment en local, avec le soutien des populations, il tente d’exercer sa difficile mission.

Vous avez été nommé président de l’Assemblée régionale de Ménaka, aujourd’hui exercez-vous concrètement vos fonctions ?

Nous avons déjà tenu une première session de travail dans des conditions sommaires, mais nous avons pu quand même travailler. Vous savez, la région de Ménaka est une toute nouvelle région, c’est la première fois qu’on installe une structure d’assemblée régionale. Nous avons dû tout construire, créer des conditions pour pouvoir rendre opérationnel les bureaux de l’assemblée régionale, avant nous, il n’y avait pas de personnel, pas de bâtiment, on est parti de zéro à contrario des autres régions qui ont déjà ces structures. Nous pouvons aujourd’hui, malgré cela, affirmer que notre bureau est opérationnel à 100 %, grâce à l’appui du gouvernorat, du bureau de la Minusma, et des personnels de bonne volonté. Nous pouvons dire que nous sommes à jour comme toutes les autres régions et même en avance par rapport à certaines régions qui n’ont pas encore commencé à travailler.

Comment les choses ont-elles pu avancer à Ménaka alors que dans les autres régions ces mêmes autorités intérimaires ne sont pas opérationnelles ?

C’est grâce à la volonté des populations de construire une paix durable, à vouloir le retour de l’État, à vouloir la paix. Les populations, les groupes armés, le représentant de l’État, les forces maliennes, regardent de l’avant pour leur région et non par rapport à ce qui est inscrit dans l’Accord d’Alger. Grâce à leur entente, grâce à la coordination de leur force, grâce à cette cohésion sociale, il y a déjà un résultat, sans attendre que l’application de l’Accord avance. Cela permet aux commerçants de travailler sans problème, aux ONG d’intervenir dans la région, du coup ça soulage la population et donne vraiment un sentiment d’une région où la paix et la quiétude se normalisent peu à peu.

Cela veut-il dire que des résultats sont possibles sans attendre la mise en œuvre de l’Accord qui s’illustre par son retard ?

Tout à fait. Aujourd’hui à Ménaka nous n’avons aucun problème à faire avancer les dispositions de l’Accord. Nous avons besoin quand même de l’appui des acteurs de l’Accord pour légaliser tous ces travaux que nous sommes en train de faire sur le terrain. Nous avons besoin d’un bureau DDR opérationnel, nous avons besoin d’un État fort pour pouvoir rendre légitime tous ces efforts.

Avez-vous reçu les financements promis pour le fonctionnement de ces autorités intérimaires ?

Nous avons exprimé nos besoins, celle des populations, les conditions pour pouvoir faire notre mission comme il se doit. Nous avons aussi élaboré un programme d’urgence pour pouvoir soulager les populations, rendre opérationnelle les autorités intérimaires et pouvoir faire bouger toute la région. Ce programme a été soumis au gouvernement et à certains partenaires et après 3 mois il n’y a pas eu de retour. Au niveau local il y a eu des décisions et un résultat positif, mais au niveau du gouvernement et des partenaires, nous n’avons pas eu de coup de main pour pouvoir poser nos actions et aller au fond de nos initiatives. On a été nommé à la tête des autorités intérimaires puis après plus rien, on nous a laissé nous débrouiller tout seul.

Votre mandat devrait se prendre fin le 20 juin prochain, alors que les objectifs de votre mission ne sont pas atteint, plaiderez-vous pour la prolongation des autorités intérimaires ?

Les autorités intérimaires sont une étape vraiment cruciale pour l’application de cet accord, le gouvernement n’a pas intérêt à organiser les élections avant que les autorités intérimaires ne posent certaines actions qui prouvent qu’il y a vraiment un changement, que l’État revienne et qu’il soit fonctionnel, que les collectivités soient fonctionnelles au niveau des régions et qu’à travers ses collectivités, la communauté internationale pose certaines actions qui prouvent vraiment un retour à la stabilité. Dans la région de Ménaka, il n’y a pas de collectivité actuellemennt pour dire qu’il y a une région opérationnelle à 100 %, il y a des arrondissements mais ces arrondissements ne sont pas encore formés en collectivité. Les fractions ne sont pas réparties entre les arrondissements existants. Il faut faire les choses par étapes car Ménaka n’a pas encore de cercles ni de communes. Si les élections communales et régionales sont organisées dans la précipitation ça risque d’être très compliqué chez nous.

Quelles sont, selon vous, les raisons profondes de ce retard dans la mise en œuvre de l’accord de paix ?

Ce qui est sûr c’est que depuis la signature de cet Accord, il y a eu beaucoup de changements d’interlocuteurs et de problèmes en interne. Cette lenteur dans l’application de l’Accord est dû aux interlocuteurs de certains mouvements, de certaines coordinations, il y a aussi je pense, un problème de moyen pour pouvoir avancer dans l’application de l’accord. Nous pouvons prendre l’exemple des autorités intérimaires aujourd’hui, les acteurs sur le terrain et les populations ne font pas défaut mais ils n’ont pas les moyens pour pouvoir les rendre opérationnelles.


Almou Ag Mohamed : « Aucune injonction ne va nous amener à nous précipiter pour libérer le camp 1 de Kidal »

La médiation internationale via le président du CSA, Ahmed Boutache, a adressé une lettre à la CMA lui intimant de libérer le camp 1 de Kidal, retenu pour abriter le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC), et menaçant, si la CMA n’obtempérait pas, de subir des mesures contraignantes pouvant aller jusqu’à une suspension des indemnités de leurs représentants au sein du CSA et des sous-comités thématiques. Almou Ag  Mohamed, porte-parole du HCUA, actuellement à Kidal avec la délégation du DDR, a expliqué au Journal du Mali, les raisons qui empêchent la CMA de libérer immédiatement le camp 1 de Kidal.

Pourquoi la libération du camp 1 de Kidal n’est toujours pas effective ?

Pour nous cette lettre d’Ahmed Boutache, président du CSA est tombée un peu comme un cheveu dans la soupe. Nous l’avons jugée complètement inopportune, nous sommes à Kidal avec une délégation conduite par le président de la Commission DDR, Zahabi Ould Sidi Mohamed, depuis 3 jours. Cette lettre est tombée pendant que nous étions dans le camp 1 avec cette délégation, la Minusma, Barkhane et la CMA et on était justement en train de discuter de cette question.  Si cette lettre n’était pas arrivée, on aurait trouvé une solution avant la tombée de la nuit, hier soir. Concernant le camp 1, il est situé dans un point névralgique de la ville de Kidal dont la sécurisation, jusqu’à preuve du contraire, revient à la CMA et pour que la CMA quitte ce camp, il faut qu’il y ait une garantie que ce point névralgique soit sécurisé. Pour l’instant, on nous demande de l’abandonner pour faire des travaux mais tant que nous n’avons pas la garantie qu’il sera sécurisé nous ne pouvons partir.

Pourtant un contingent du MOC de Kidal, composé de FAMA et d’éléments de la Plateforme se trouve dans le camp de la Minusma à Kidal et pourrait en assurer la sécurité.

Les gens qui disent ça ne sont pas au fait des réalités du terrain. Autour de Kidal aujourd’hui, la majeure partie des points de défense sont sécurisés par la CMA et la sécurisation à l’intérieur de la ville de Kidal incombe à la CSMAK. Comme je vous l’ai dit, la sécurisation de la ville incombe à la CMA et s’il se passe quelque chose on dira que la CMA n’a pas su sécuriser ses positions. Quant à la Minusma, elle ne sort quasiment pas de son camp et quand elle sort c’est avec ses blindés pour des patrouilles. Dans tous les points névralgiques le de la ville nous avons 5 à 6 pickups qui sont positionnés pour qu’il n’y ait pas d’infiltration et pour que les citoyens dorment tranquillement. Quand le MOC se mettra en place nous lui céderont tous les postes possibles. Nous somme prêt, en accord avec la Minusma, à ce que nos éléments gardent un petit coin du camp le temps que les travaux se fassent. Il y a aussi la possibilité que nos éléments désignés pour faire parti du MOC restent dans le camp en attendant. Nous exposons cela dans la réponse que nous avons fait parvenir à Mr Boutache.

Donc, vous ne pouvez pas dire à quelle date vous pourrez libérer le camp 1 ?

Pour nous, aucune lettre ou aucune injonction ne va nous amener à nous précipiter pour libérer le camp 1 et mettre en péril la sécurité que ce soit de Kidal ou de toutes les autres villes de la région. Encore une fois, pour l’instant il est difficile de satisfaire cette demande au niveau technique et au niveau sécuritaire. Nous attendons de voir comment le MOC va se mettre en place, on prendra le temps s’il le faut tout en sécurisant la ville au maximum.

Quels dangers craignez-vous concernant la sécurité de Kidal ?

Toutes agressions extérieures ! J’ajouterai qu’à Kidal, il y a plusieurs camps et on ne voit pas pourquoi la libération ou non du camp 1 par la CMA pourrait constituer un point de blocage dans la mise en œuvre de l’Accord. Il y a des blocages plus graves. Dès qu’il ne fera aucun doute que le camp 1 sera sécurisé, la CMA ne verra pas d’objection à l’installation des soldats du MOC.

Le bilan de l’installation du MOC à Gao et un peu mitigé, il y a des vols de véhicules et des braquages, comptez-vous prendre des mesures pour éviter cela au MOC à Kidal ?

En tout cas en ce qui concerne la CMA, nous avons pris des mesures par rapport aux éléments qui étaient impliqués dans ces vols de voiture, nous avons tout simplement radié ces éléments, mais d’autres parties sont aussi impliquées dans ces vols de voitures. Je rappelle que le véhicule du Chef du MOC a été enlevé par un membre du GATIA, les autres voitures c’était un élément de la CMA avec un élément du GATIA, puis un élément des FAMA avec un élément du GATIA  et ensuite un élément de la CMA avec un élément du GATIA. Donc, je pense qu’en prenant rapidement les dispositions qui s’imposent, comme l’a fait la CMA, tout ça ne se déroulera plus.

Accord de paix : Anniversaire en demi-teinte

L’accord pour la paix et la réconciliation a eu deux ans ce lundi 15 mai. Cet « anniversaire » permet de dresser un bilan du chemin parcouru. Si du côté du gouvernement on reste discret, le bilan est jugé « bon », alors que pour la CMA et la Plateforme, le manque de volonté reste une solide barrière dans sa mise en œuvre.

Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA)

« Le bilan que nous faisons, c’est d’abord qu’un accord pour la paix a été signé, c’est le point positif. Maintenant dans sa mise en œuvre, il s’illustre par sa lenteur. Malgré cela, on a réussi à mettre en place certaines dispositions importantes, comme les autorités intérimaires et les patrouilles mixtes, même si elles ne connaissent pas une opérationnalisation effective. Il y aussi des dispositions de l’accord dont on ne parle pas encore, comme la question du partage du pouvoir, la représentation des ressortissants de l’Azawad dans les institutions et services de l’État et la question d’une commission d’enquête internationale autre que la CVJR, qui n’est pas indépendante. Il faut aussi une armée nationale reconstituée pour garantir la défense des personnes et de leurs biens. Le Conseil national de réforme de la sécurité, une des commissions les plus importantes mais à laquelle on accorde très peu de valeur, n’a été lancé qu’il y a quelques jours. On fait malheureusement du surplace comme si on n’arrivait pas à faire la différence entre les priorités. Pour résumer, nous pensons qu’il y a une absence de volonté politique et c’est ce qu’il faut pour faire avancer les choses ».
Fahad Al Mahmoud, secrétaire général du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA)

« Je suis loin de faire un bilan élogieux de la mise en œuvre de l’accord. Cet accord devait être applicable en 3 mois. Après deux ans, les autorités intérimaires ne sont toujours pas tout à fait opérationnelles. Le retard pris est d’abord une question de volonté. Les problèmes qui existent entre la CMA et la Plateforme n’ont pas contribué à l’avancement de l’accord. Il faut tout de même signaler que depuis la signature de l’accord, il n’y a plus d’affrontement entre l’armée malienne et les mouvements signataires. Les gens sont dans la logique de la paix. Par contre, l’accord n’a pas mis fin à la violence et encore moins établi une ligne frontière entre les mouvements signataires et les mouvements terroristes. Certains groupes signataires sont en mission pour les groupes terroristes. Ils considèrent que le temps est leur allié et que tout tombera un jour. On est quand même dans un accord que personne ne voulait à l’origine, ça leur a été imposé. Je ne sais pas si on avancera car, quand les groupes armés parlent de désarmement à la commission DDR, vous avez l’impression qu’ils parlent d’un programme décennal. Les uns et les autres ne sont pas prêts à disparaître ».

Colonel Abass : la paix, l’arme au poing

Le colonel  Abass Ag Mohamed Ahmad, est le chef d’état-major du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), mis au devant de la scène pour avoir bloqué l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou. Ce vétéran, qui dit avoir eu avec ses hommes la « baïonnette intelligente », en acceptant de lâcher du leste pour régler la situation dans la cité des 333 saints, est un partisan du processus de paix, malgré qu’il voit jour après jour, sur le terrain, la situation se dégrader.

Ce Touareg Kel Ansar natif de Goundam, qui ne se destinait pas à une carrière militaire et qui imaginait plus devenir pilote ou magistrat, a été intégré comme combattant dans les rébellions touarègues des années 90, puis dans la gendarmerie, où il gravit tous les échelons. Au Mali d’abord, où il sillonna le pays au gré de ses affectations, au Sénégal, en Côte d’Ivoire puis à Goma, dans le chaos congolais au sein de la MONUSCO, à la chute de Tombouctou en 2012, où il dû fuir avec ses hommes pour sauver sa peau. Il se réfugia en brousse, dans la clandestinité, puis rencontra le MNLA. Après une lune de miel éphémère, il quitta le mouvement en décembre 2015, passa brièvement par le HCUA, avant de rejoindre le CJA et d’en devenir le chef militaire.

Après plus de 20 ans passés dans le métier des armes, l’homme, la quarantaine bien entamée, aborde le futur avec lucidité, un brin désabusé concernant l’accord de paix. « Le contenu de l’accord est bon, mais ce sont les acteurs principaux qui traînent. Chaque fois qu’un problème se pose, un acteur du processus se rétracte. Aujourd’hui, la mise en œuvre de l’accord accuse deux ans de retard pendant que certaines zones du pays deviennent des no man’s land, sans école, sans santé. Même les ONG ont peur d’y aller. Quand on entend que les mouvements parlent au nom de la population, ce n’est pas vrai, ils parlent en leur nom. Actuellement, chacun cherche à défendre les intérêts de son village, de sa région, de sa tribu. Ça pousse les gens à former de nouveaux mouvements, personne n’est là pour les défendre donc ils le font eux-mêmes. le processus de paix, c’est la seule porte de sortie viable. Il faut aller coûte que coûte vers cet accord et ramener les récalcitrants, à genoux s’il le faut ! », lâche-t-il.

La paix, ce mirage La région de Tombouctou, ce no man’s land, il le connaît bien. Ses hommes et lui tentent, autant que faire ce peut, d’en assurer la sécurité, malgré la très grande étendue du territoire. Mais sur qui d’autre compter, l’armée ? « Les FAMA ont un problème de volonté, et non de moyens ou de formation. C’est un problème d’engagement. La formation militaire qu’ils suivent donne la tactique et l’attitude mais tant que vous n’avez pas la volonté de combattre, rien ne sera possible », soupire-t-il. Banditisme, djihadisme, dans la région de Tombouctou, c’est le lot quotidien. Le CJA le constate, souvent à ses dépens, comme à Gargando le 8 avril dernier où 4 combattants du mouvement ont été tués dans l’attaque de leur quartier général par des terroristes. Abass disparaît alors des radars. On le dit quelque part en brousse. « Nous sommes régulièrement visés et nous ne savons pas pourquoi. Ce qui est étonnant, c’est que ces attaques ne visent jamais les bases de la CMA ou de la Plateforme. Certains doivent donner des informations aux terroristes de manière à ce qu’ils nous attaquent », soupçonne-t-il. Il dit détenir quelques indices qui mènent à des pistes réelles, mais quand bien même, il ne sait comment tout cela finira.

 

 

 

Oumar Aldjana, une nouvelle carte pour la paix ?

Chef de l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ANSIPRJ), Oumar Aldjana est à Bamako depuis quelques mois pour apporter sa contribution à la paix. Ce personnage haut en couleurs, qui auparavant avait épousé la clandestinité, pourrait devenir un acteur avec qui il faut compter pour solutionner la crise au centre du Mali.

« Je peux me prendre une balle à tout moment mais ça ne me fait pas peur, je m’en remets à Allah », lâche, en guise d’introduction, Oumar Aldjana, leader de l’ANSIPRJ, un mouvement politico-militaire, qui récemment encore, entendait cibler les FAMAs qui s’en prennent aux Peuls dans le centre du Mali. « Les gens savent qui je suis mais ne savent pas ce que je fais. On n’a pas tué de FAMAs parce qu’à chaque fois qu’on s’en prend à eux, ils fuient », déclare-t-il dans un sourire. « La communauté internationale, la MINUSMA et Barkhane n’ont pas condamné mon mouvement, idem pour l’État malien », affirme ce Touareg métissé peul, un brin hâbleur, au visage tantôt rieur, tantôt sérieux, et déterminé quand il s’agit d’exposer les raisons de sa présence à Bamako.

Arrivé depuis quelques mois dans la capitale malienne, ce farouche défenseur de la cause peule multiplie les rencontres. Du Haut représentant Mahamadou Diagouraga au chef d’état-major général des armées, Didier Dacko, en passant par maître Harouna Toureh ou des responsables bamakois de la communauté peule, il consulte et échange avec un seul but : être intégré à l’Accord de paix, à tous les niveaux, comme les autres mouvements. « Je suis venu à Bamako pour rencontrer le Premier ministre, des diplomates. Je suis venu offrir ma contribution car je me reconnais dans ce processus, je suis dans cette dynamique. On a l’expérience, la maîtrise du terrain et des solutions concrètes aux problèmes. On est prêt et on peut faire la paix », explique celui qui a troqué sa tenue de guerre contre une tenue plus politiquement correcte. Aldjana soutient que le gouvernement devra prendre ses responsabilités. « Dans ce le cas contraire, on créera un État dans cet État, mais ça ne nous arrange pas comme ça ne vous arrange pas », lance-t-il.

Preuve que son discours a été entendu, il doit être reçu ces jours-ci en haut lieu pour exposer ses idées et tenter de faire avancer les choses. « Je n’accuse pas l’État, car l’État c’est tout le monde. Je combats juste l’injustice. Dans le Macina, ils ne reconnaissent pas le gouvernement et les djihadistes font plus l’affaire du Macina que l’État. Il faut un retour de l’État de droit, il faut stopper ces amalgames envers les Peuls et établir un climat de confiance. Il n’y a pas de temps à perdre », conclut-il.

 Gao en résistance contre les autorités intérimaires 

Les habitants de la ville de Gao ont encore prouvé leur opposition aux autorités intérimaires en dénonçant le parachutage du président de région, désigné à Bamako. La Cité des Askia demande de nouveau à être partie prenante du processus de décision de l’Accord, pour défendre son histoire, sa culture, qui selon elle, « ne font pas partie d’un grand Azawad ».

« C’est normal que Gao résiste, elle s’est battue pour rester dans le giron malien et prend cette décision de Bamako comme une trahison. Je pense que sur ce point-là personne ne se fait d’illusion et je crois qu’un travail suffisant de préparation des esprits a manqué », explique sous anonymat ce haut-fonctionnaire du gouvernement proche du dossier.

Après la signature du document d’Entente en juin dernier, qui réduisait la part initiale de la société civile au profit des mouvements armés signataires, les habitants de Gao avaient marché pour protester. Une délégation gouvernementale leur avait alors donné l’assurance que les autorités intérimaires ne se mettraient pas en place sans consultation. Mais la nomination de Djibril Maïga comme président du Conseil régional a eu l’effet d’une gifle, enterrant ainsi la promesse. « Certains engagements qui ont été pris n’ont pas été tenus, mais vous savez les décisions politiques jurent parfois avec d’autres engagements. Il a fallu faire un choix », confie ce même haut fonctionnaire

Revendications À Gao, ce camouflet a provoqué l’ire des mouvements de résistance civile et des associations qui se sont alliés au CMFPR2, CMFPR3, à Ganda Izo et au CJA, pour rejeter les autorités intérimaires. « Celui qui a été désigné, Djibril Maïga, c’est le frère de Soumeylou Boubeye Maïga. Il est de leur famille et appartient à la Plateforme, qui n’a rien fait pour nous à part s’allier avec l’occupant », dénonce Moussa Boureima Yoro, porte-parole des mouvements de résistance civile. Les revendications ont été consignées dans deux lettres adressées aux présidents du Comité de suivi de l’Accord et de la Plateforme. Selon Yoro, la majorité de la population de Gao est contre les autorités intérimaires, et seule une minorité, manipulée par l’État et les partenaires qui leur donnent de l’argent pour convaincre sur le terrain, y serait favorable. « Nous voulons leur faire comprendre, une fois de plus, qu’ils ont le devoir de nous donner les places qui nous reviennent. Ils peuvent garder leur Djibril Maïga, mais ils doivent élargir les membres du conseil en faisant des places aux jeunes et aux femmes de Gao. Si cela ne se fait pas, nous n’accepterons pas la mise en œuvre de l’Accord », menace-t-il.

 

3 questions à Zahabi Ould Sidi Mohamed, Président de la commission nationale DDR

 

Comment voyez-vous le processus après l’échec de l’installation des autorités intérimaires ?

On va avancer parce que l’unité nationale et la paix sociale sont plus importantes que ces querelles de nomination. Le CSA a fait 13 réunions sans pouvoir trancher certaines questions dont l’inclusivité. Le point positif est que tout le monde réitère son engagement pour l’Accord de paix malgré cet incident. Les divergences constatées sont liées au fait que chacun veut tirer la couverture de son côté. Mais il faut trancher lorsque les parties n’arrivent pas à s’entendre. Ce travail revient au gouvernement en tant que garant de la mise en œuvre de l’Accord.

Que doit faire le gouvernement pour gérer cette situation ?

Le contexte est complexe et il faut tenir compte des équilibres parce qu’aucune formule ne trouvera l’unanimité. Je pense qu’il faut discuter au maximum en associant tous les acteurs y compris la société civile.

Où en est le processus DDR ?

Le Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) est la pierre angulaire du processus de paix. La commission est installée depuis novembre 2016 et les chefs des bureaux régionaux sont nommés. Une formation de mise à niveau sera organisée du 6 au 13 mars à Mopti. Pour son financement, des progrès sont faits. Pour le volet désarmement et démobilisation, chiffré à 29 millions de dollars, 21 millions sont mobilisés. Quant au volet réinsertion estimé à 50 millions de dollars, 25 millions, dont 15 millions de la Banque mondiale et 10 millions de l’État malien sont disponibles.

 

Processus de paix : Un pas en avant, un pas en arrière 

Le nouveau chronogramme établi pour l’installation des responsables des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni a été salué avec satisfaction par l’ensemble des acteurs de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Mais l’espoir suscité fut de courte durée. Les contestations des groupes armés et des populations de certaines des localités concernées ont poussé au renvoi sine die des actions prévues. Faut-il y voir un nouveau coup d’arrêt pour le processus ? Non, si l’on se fonde sur le dialogue en cours entre le gouvernement et les mouvements contestataires pour aplanir les difficultés, ainsi que la tenue prochaine de la conférence d’entente, prévue au mois de mars 2017.

« Le 18 février, le drapeau du Mali allait flotter sur Kidal. Nous étions prêts, avec nos caisses de fanions vert-jaune-rouge », nous confie un responsable d’un groupe armé, croisé dans la salle d’attente du président de la Commission nationale DDR, l’ancien ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed. Selon notre interlocuteur, c’est le communiqué du vendredi 17 janvier 2017, nommant Sidi Mohamed Ag Ichrach, secrétaire général du ministère du Commerce et considéré comme un proche du GATIA, au poste de gouverneur de la région de Kidal, qui a fait changer la donne. Ce dernier doit remplacer Koïna Ag Ahmadou, alors en pleine préparation de la cérémonie d’installation d’Hassan Fagaga dans ses fonctions de président de l’Assemblée régionale de Kidal, prévue pour le lendemain 18 février. Le désormais ex-gouverneur apprend par la même occasion qu’il est muté à Tombouctou.

Contestations Cette décision suffira à provoquer la colère des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). En réaction, ils annulent la cérémonie d’installation et décrètent qu’« il n’y aura pas d’autorités intérimaires tant que la situation ne sera pas éclaircie avec le gouvernement », déclare Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Dans la foulée de l’annulation à Kidal, la mise en place des membres des autorités intérimaires pour toutes les autres régions a été annulée le dimanche 19 février. Y avait-il eu consultation avec les maîtres de Kidal ? Apparemment non, assure une source proche du dossier. «L’État a voulu jouer à l’équilibriste, mais c’est le tact qui a manqué un peu », précise la même source. Exclus du processus, certains mouvements armés, issus de la CMA et de la Plateforme, menacent de bloquer le processus jusqu’à ce qu’ils soient pris en compte au même titre que les autres. C’est le cas de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, de la CMFPR2 du Pr Younoussa Touré, du Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (MPSA), du Front populaire de l’Azawad (FPA) et du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA). Les colonels Abass Ag Mohamed, chef d’état-major du CJA, et Housseine Ould Ghoulam du Mouvement arebe de l’Azawad (MAA), ont mis en garde la communauté nationale et internationale sur le fait que certains choix ne sont pas consensuels et ne seront jamais acceptés, ni par eux, ni par la population de Tombouctou et de Taoudéni. « La porte du dialogue n’est jamais fermée à condition que tout le monde soit inclus », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA. « Oui, hier nous avons marché pour soutenir la mise en place des autorités intérimaires et aujourd’hui, nous la contestons car elle n’est pas inclusive. Oui aux autorités intérimaires avec une consultation de la société civile », affirme pour sa part Aliou Daouna, membre de la société civile de Tombouctou. À Gao, on s’insurge également contre ces autorités intérimaires, dont la jeunesse et la société civile s’estiment exclus (voir page 6). « Tous ceux qui crient n’ont aucune représentativité. Les gens veulent une part du gâteau et sont prêts à mettre le processus en danger pour y arriver », déplore un haut fonctionnaire.

La situation actuelle, résultant des décisions prises à l’issue de la réunion du Comité de suivi de l’Accord (CSA) de haut niveau du 10 février, était pourtant prévisible. La médiation n’a en effet jamais pu trouver de solutions au principe d’inclusivité prônée par l’accord, selon le Pr Mohamed El Oumrany, secrétaire aux relations extérieures du MPSA. « La seule voie de sauvetage aujourd’hui, c’est nous, les mouvements dissidents. Nous avons la confiance des populations parce que nous représentons toutes les couches sociales », ajoute-t-il. Au-delà de leur caractère non inclusif, l’une des raisons pour lesquelles ces autorités intérimaires sont contestées est, selon le Pr Younoussa Touré de la CMFPR2, le fait qu’il n’y a aucune base légale qui les régisse. Le seul cadre légal dans lequel ces autorités intérimaires se trouvent, c’est bien l’Entente signée en juin 2016 entre le gouvernement et les mouvements armés, CMA et Plateforme, devenue caduque avec la tenue des élections communales du 20 novembre. « Je ne suis pas contre les personnalités nommées à la tête de ces autorités intérimaires. Ce sont des Maliens tout comme nous. Mais la loi modifiant celle portant code des collectivités territoriales, adoptée par l’Assemblée nationale, censée prendre en charge les autorités intérimaires, n’est plus d’actualité », ajoute-t-il.

Une issue L’espoir d’une paix définitive dans les régions nord est-il de nouveau compromis ? Rien n’est encore perdu car, malgré tout, les différentes parties affirment leur volonté de faire bouger les lignes. Il urge cependant, selon les observateurs, de corriger une tare congénitale de ce processus qui n’aura finalement pas fait l’objet d’un large consensus. La solution à ce problème pourrait venir de la conférence d’entente nationale qui doit se tenir dans le courant du mois de mars. Elle serait en effet une bonne occasion de réorienter les impératifs de la mise en œuvre de cet accord et de l’adapter pour améliorer son appropriation par toutes les couches de la population. À travers la large participation de ces dernières, peut-être arrivera-t-on enfin à clore le chapitre du « sentiment d’exclusion » de certains acteurs. « Il appartient à l’État, garant de la mise en œuvre de l’Accord, de prendre ses responsabilités pour siffler la fin de la récréation qui n’a que trop duré », explique une source diplomatique. Cette rencontre attendue depuis longtemps et réclamée entre autres par l’opposition (avec un contenu différent), est « un jalon important dans la réhabilitation de la cohésion sociale et du vivre ensemble au Mali […]. Ainsi que cela est spécifié dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, cette conférence doit permettre un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit », avait indiqué le Président IBK lors de son discours du nouvel an. « Nous ne devons pas céder, mais il nous faut agir vite. Plus nous perdons du temps, plus les groupes terroristes et narcotrafiquants s’installeront dans la région. Il importe donc de maintenir le dialogue et de renforcer la confiance entre le gouvernement et les mouvements signataires de l’accord », assure Zahabi Ould Sidi Mohamed, président de la Commission nationale désarmement, démobilisation et réinsertion (CNDDR). Alors que les tractations vont bon train et que les réunions se succèdent, une bonne nouvelle vient éclaircir le ciel malien : la mise en œuvre du MOC, frappée par l’attentat meurtrier du 18 janvier dernier, devait reprendre, au moment ou nous mettions sous presse, ce mercredi 22 février.

 

 

 

 

 

Autorités intérimaires : le CJA impose son autorité dans la région de Tombouctou

Après les manifestations populaires à Tombouctou contre la mise en place des autorités intérimaires, les forces militaires du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) bloquent les routes avec des unités mobiles dans ses zones d’influence. Une équipe (clinique mobile) du Comité international de Croix rouge (CICR ) aurait été refoulé de la zone de Gargando (située à proximité de la ville de Goundam) par un détachement armé du CJA. Information aussitôt confirmée par une note de l’organisation humanitaire, mentionnant le refoulement d’un important convoi humanitaire qui partait pour s’informer de la situation des populations dans les zones de Raz Elma et Gargando.

Joint au téléphone depuis Gargando, le chef d’État major du CJA, le colonel Abass Ag Mohamed Ahmed confirme que « depuis hier lundi 20 février les organisations humanitaires et des forces militaires de l’armée malienne et de son administration sont interdites, jusqu’à nouvel ordre, de sortir des grandes villes de la région de Tombouctou ». Le colonel Abass qui ajoute que ses hommes ont respecté les consignes qu’il a donné en bloquant toutes les pistes et route pour que leurs revendications soient prises en compte par les acteurs de la résolution de la crise politico-sécuritaire qui sévit au Mali depuis janvier 2012. Le chef d’État-major du CJA a également expliqué que ce blocus des routes par ses hommes armés ne vise pas les organisations humanitaires, mais pour l’instant, décision est prise de refouler vers les villes de Goundam et Tombouctou tous les convois.

À un moment crucial de la mise en oeuvre de l’Accord, le colonel Abass Ag Med Ahmed fait à nouveau parler de lui en tordant le bras aux autorités maliennes et à la médiation internationale pour qu’elles intègrent le CJA qui contrôle un territoire allant des régions de Tombouctou et Taoudeni jusqu’en Mauritanie, et qui échappe à l’autorité de l’État malien.

Cette décision du Congrès pour la Justice dans l’Azawad intervient après la tenue, samedi dernier, d’une conférence à l’hôtel Salam de Bamako pour réclamer l’inclusion du mouvement dans le processus de mise en œuvre de l’accord de Paix au Mali signé en Mai- Juin 2015.

Les mouvements dissidents vent debout contre les autorités interimaires

Le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) et la Coalition des Mouvements de Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR), ont tenu ce matin à l’hôtel Salam de Bamako une conférence de presse pour dénoncer la démarche de « non inclusivité de l’accord de paix au Mali  » que mènent le ministre de l’Administration Territoriale de la Décentralisation et de la réforme de l’état et les dirigeants de la CMA pour la désignation des autorités intérimaires pour les 5 régions du nord Mali.

À deux jours déjà de la désignation des présidents des autorités intérimaires par le gouvernement malien et les chefs de la CMA, plusieurs vagues de contestation circulent dans de nombreux points du pays contre ces nominations qui, selon les mouvements politico-militaires sur le terrain, les élus locaux et les leaders des sociétés civiles des régions de Tombouctou, Taoudeni et Gao, n’ont pas été choisi par les populations locales . Le CJA, un mouvement dissident de la CMA, dirigé par Azarock Ag Innaborchad, créé en Octobre 2016, a choisi de quitter cette dernière parce que la CMA ne satisfaisait pas leurs besoins et revendications concernant la mise en œuvre de l’Accord de Paix au Mali signé en Mai /Juin 2015 à Bamako.

Les dirigeants du CJA  et ceux du CMFPR 2 ainsi que leurs chefs militaires, rejettent catégoriquement les nominations des présidents des conseils régionaux, désignés par les autorités maliennes et les mouvements armés, pour la période intérimaire qui prendra fin le 31 Mai 2017,  comme le stipule le texte de l’accord de paix au Mali.

Des contestations populaires se sont déroulées, aujourd’hui, à Goundam ,Tombouctou, Gao pour soutenir la lutte du CJA et du CMFPR2 à faire valoir les droits et aspirations des populations aux noms desquels ils se battent pour leur inclusivité dans l’accord de paix. « Nous n’allons jamais baissé les bras pour arracher ce qui nous revient de droit pour nos populations de Tombouctou et Taoudeni « , confie Alassane Ag Abba, haut représentant de la société civile, député du cercle de Goundam pendant 30 ans et qui ajoute que « les populations sont prêtes à empêcher l’installation des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou et Taoudeni car les gens qui ont été pris pour la gestion ces régions n’ont pas été choisis par les populations et ils ne répondront pas à leurs aspirations ».

A Kidal ce samedi , les populations sont sortis massivement dans les rues pour protester contre la nomination du nouveau gouverneur de Kidal dont la nomination serait le fait du ministre de l’Administration territoriale de la Décentralisation et de la Réforme de L’État, Mohamed Ag Erlaf, indexé par plusieurs acteurs du processus dont le  CJA et la CMA comme celui qui fait exister et placer qui il veut pour la gestion des régions du nord Mali.

Alghabass Ag Intalla : « Je ne suis pas un va-t-en-guerre »

Le 16 décembre dernier, Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), accédait à la présidence de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Trois jours plus tard, il actait son leadership par un retrait unilatéral de la CMA du Comité de suivi de l’Accord (CSA), conditionnant le retour de son mouvement à la tenue d’une rencontre de haut niveau pour « sauver l’Accord ». Raison pour laquelle un deuxième CSA ministériel fut convoqué le vendredi 10 février, en présence des ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, de la Mauritanie et du Niger. Cette rencontre a permis de mettre à plat de nombreux points de blocage et d’arriver à un consensus, remettant la mise en œuvre de l’Accord sur les rails. C’est en marge des travaux de cette rencontre du CSA, que le sulfureux nouvel homme fort de la CMA, qui se fait plutôt rare dans les médias, à accepter de s’exprimer, pour Journal du Mali, sur les sujets concernant le processus de paix et dont il fait aussi l’actualité. Interview.

La rencontre de haut niveau qui s’est tenue le 10 février marque le retour de la CMA dans les travaux du CSA et ses sous-comités. Considérez-vous que cette stratégie de la chaise vide était nécessaire pour faire bouger les lignes ?

Vous savez, on est dans un processus qui n’avance pas. Beaucoup d’amis nous ont conseillé de ne pas pratiquer la politique de la chaise vide. On l’a fait pour faire bouger les choses et obtenir un consensus, notamment entre les mouvements. Donc, notre abstention était un peu pour forcer ce dialogue qui n’aboutissait pas, malgré la pression de la communauté internationale. Il fallait que nous le fassions pour permettre à la mise en œuvre de l’Accord d’avancer.

Après cette rencontre du CSA, peut-on dire qu’il y a maintenant un retour de confiance entre les groupes armés et le gouvernement, contrairement aux négociations précédentes ?

Vous savez contrairement à ce qui se dit, nous ne nous sommes jamais focalisé sur Kidal. Notre problème c’est tout le Mali et en particulier la zone de l’Azawad. Ce qu’on a demandé durant la rébellion, on ne l’a pas demandé seulement pour le Nord mais pour tout le Mali. La preuve en est que la conférence d’entente nationale, c’est pour tout le Mali. Pour répondre à votre question, la confiance est quelque chose qui vient en travaillant ensemble. Pour la rencontre de haut niveau du CSA, on ne peut pas dire qu’il y ait eu une confiance totale et assumée, mais en posant des actions concrètes dans un travail en commun, cette confiance pourra s’instaurer avec le temps.

Le gouvernement devra décider qui sera le président du conseil régional de Kidal. Est-ce une façon pour la CMA de prouver sa bonne volonté à la partie gouvernementale ?

Bien sûr. Nous ne voulions pas, devant la communauté internationale, devant les membres du gouvernement et les différents autres mouvements, que l’on puisse dire que le blocage vient de notre côté.

La mise en place des autorités intérimaires et des patrouilles mixtes a débuté cette semaine et ira jusqu’à la fin février. Que pensez-vous de ce nouveau chronogramme?

Les populations de l’Azawad sont pro-mouvement ou pro-gouvernement. Elles ne refusent rien. C’est le gouvernement et nous qui sommes à même de dire si cela est possible ou si ce n’est pas possible. Mais sur place, les populations sont prêtes, donc ce chronogramme est possible à tenir.

 Les différentes parties ont souvent essayé d’inverser le calendrier de mise en œuvre de l’Accord. Qu’est-ce qui garantit que ce nouveau chronogramme sera respecté ?

On ne peut pas dire aujourd’hui qu’on a une garantie que l’on n’avait pas avant. Mais dans ce que l’on voit aujourd’hui, on peut dire que quelque chose a changé. Il y a un changement positif du côté du gouvernement vis-à-vis de notre position. Je vous rappelle que ce n’est pas à nous de faire des actes, c’est le gouvernement qui doit faire des actes. Nous on doit être seulement en accord avec les actes du gouvernement qui sont conformes à l’Accord.

Concrètement, comment vont se mettre en place les autorités intérimaires à Kidal ? Comment cela va-t-il se dérouler ?

Pour le moment, il y a un travail à faire avec les autres parties pour déterminer le chronogramme précis, parce que lors du dernier CSA, leur mise en place a été prévue entre le 13 et le 20 février. Mais ce n’est pas précis. On n’a pas dit Kidal c’est le 15 février par exemple. Normalement, ce jeudi tout doit être calé.

 Comment se fera le retour de la représentation de l’État et de ses services déconcentrés à Kidal ?

Dès que les autorités intérimaires seront installées, la représentation de l’État et les services déconcentrés suivront. Il n’y a aucune raison que cela traîne.

 La CMA a payé le plus lourd tribut lors de l’attentat contre le MOC à Gao. Avez-vous exigé de nouvelles garanties de sécurité pour vos combattants?

Vous savez, les combattants qui s’engagent savent qu’ils peuvent mourir au combat. Ce ne sont pas des chômeurs que nous envoyons pour toucher un salaire. Ce sont eux qui vont créer les conditions de sécurité là où ils seront déployés, ce n’est pas à nous de dire qu’on va les sécuriser. Ils vont prendre leur sécurité en charge. Les gens ont été surpris que des terroristes soient rentrés dans le camp du MOC. C’était malheureusement prévisible.

La vocation des patrouilles mixtes est d’abord de sécuriser les autorités intérimaires et les sites de cantonnement. Or, les combattants ne sont toujours pas cantonnés. Cela peut-il fonctionner ?

Dans la mise en œuvre de l’Accord, tant qu’on arrive à faire avancer les arrangements politiques et sécuritaires ensemble, on pourra aller de l’avant. Il faut éviter de vouloir ramener tout l’Accord à un problème de sécurité seulement. Il ne faut pas qu’on dise que tant qu’il n’y aura pas le MOC, on ne pourra absolument rien faire. Aujourd’hui le processus Désarmement Démobilisation Réinsertion (DDR) est très compliqué. Ce n’est pas évident de cantonner des gens dans une situation d’insécurité aussi élevée. Il y a 8 sites de cantonnement qui sont construits très loin des centres urbains pour la plupart. En réalité l’opérationnalisation du MOC est très complexe. Je crois que l’attentat de Gao nous oblige à revoir un peu toute la conception du MOC et à essayer de corriger les insuffisances liées à sa mise en œuvre.

Quel statut voyez-vous pour les combattants qui ont intégré les patrouilles mixtes dans le cadre du MOC ?

Le statut des combattants du MOC sera consigné dans un recueil de textes pris par le ministre de la Défense, de sorte que le combattant soit aligné sur son frère d’armes des FAMA en évitant toute forme de discrimination. À grade égal avec leurs frères d’armes des FAMA et ils seront considérés en phase préliminaire d’une intégration effective.

Les problèmes d’inclusivité des groupes armés comme la CPA, le CJA, le CMFPR2 et le MSA, bloquent la mise en œuvre de l’Accord. Où en sommes nous après cette réunion ?  Et pouvez-vous définir ce qu’est la CMA aujourd’hui, qui la compose ?

Je vais vous dire : ces groupes dit dissidents qui réclament de l’inclusivité, c’est un problème du gouvernement malien. C’est la mauvaise volonté du gouvernement malien qui a créé ces groupes là. C’est la sécurité d’État qui les a fait, c’est la sécurité d’État qui les a logés ici, c’est la sécurité d’État qui leur a donné l’ordre de mettre le désordre. Et ils pensaient nous faire chanter avec ces groupes là, mais ça va se retourner contre le gouvernement. Aujourd’hui, la CMA est composée d’un noyau dur, c’est à dire le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le HCUA et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), point.

Et le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) ?

Si vous démissionnez de la CMA, que vous partez rencontrer le GATIA ou bien la Plateforme ou bien le gouvernement, c’est que vous êtes de leur côté. Donc ce groupe ne fait pas partie de la CMA.

Comment entendez-vous résoudre ce problème d’inclusivité ?

Je suis sûr que si le gouvernement le veut, il va trouver une solution à tous ces mouvements. Et j’espère qu’il va gérer ce problème pour permettre au processus d’avancer.

Les divergences entre la Plateforme et la CMA sont-elles aujourd’hui normalisées ? Qu’en est-il avec le GATIA qui a un discours très va-t-en-guerre envers la CMA et notamment sur son retour à Kidal, par la force s’il le faut ?

Le GATIA a l’habitude de faire des discours très forts, pour les actions c’est autre chose. Je ne sais pas pourquoi il se sent obligé de faire ce type de publicité sur ses attitudes guerrières. Il n’y a rien à tirer de ce genre de comportement devant la communauté internationale. Avec la Plateforme, il n’y a pas de problèmes. Harouna Toureh, le secrétaire général de la Plateforme, est venu chez nous à Kidal la semaine dernière. Le vieux Ahmed Ould Sidi Mohamed, le secrétaire général du MAA pro-gouvernemental, est venu aussi chez nous à Kidal. Il voulait même rejoindre la CMA. On lui a dit qu’il y a des groupes pour garantir l’Accord, qu’il faut qu’il reste dans la Plateforme, que l’on va les soutenir et qu’ils nous soutiendrons, donc nous serons ensemble. Il y a un seul élément côté Plateforme avec qui les choses ne vont pas, c’est le GATIA.

 Doit-on craindre un retour au conflit entre GATIA et CMA ?

On craint toujours une escalade avec le GATIA, car s’ils croisent nos combattants ils vont automatiquement ouvrir le feu. En ce qui nous concerne, tout affrontement avec le GATIA n’est pas à l’ordre du jour.

On entend souvent dire que certaines forces ne souhaitent pas que le processus de paix réussisse. Quelles sont ces forces selon vous ?

Je pense que le GATIA fait partie de ces forces-là, parce que le GATIA existe pour causer des problèmes. S’il n’y a pas de problèmes le GATIA n’existe pas. L’armée malienne a mis le GATIA à sa place, elle lui a donné procuration. Ils ont des moyens, des voitures, des munitions, tout pour combattre les mouvements de la CMA. Tous les groupes que l’on dit extrémistes ne sont pas pour l’application de l’Accord. Ils préfèrent que les problèmes continuent.

La conférence d’entente nationale devrait se tenir en mars prochain. Encore un chronogramme très serré ?

Nous avons dit à toutes les occasions que la conférence d’entente nationale a pour objectif la réconciliation. Comment voulez-vous qu’on réconcilie des gens alors que des dizaines de milliers sont dans les camps de réfugiés. Les réfugiés doivent rentrer chez eux d’abord, qu’ils s’approprient les TDR de cette conférence et ensuite on pourra l’organiser avec les parties à l’Accord.

Beaucoup dans le Nord ne sont pas convaincus du bien fondé des accords. On entend encore parler d’autodétermination, de « Non au Mali ». Pensez-vous qu’il sera aisé d’y faire appliquer les mesures de l’Accord ?

Je pense que c’est au gouvernement de faire la sensibilisation sur l’Accord, de le faire accepter à tout le monde et de l’appliquer dans le sens des mouvements qui ont signé cet accord. Si on l’applique de façon unilatérale, ça ne peut pas répondre aux besoins de la population. Il est sûr qu’il y a toujours des gens ne seront pas contents de cet accord. Il ne faut pas oublier que c’est la communauté internationale qui nous a forcé la main pour accepter cet accord. Mais maintenant qu’on l’a signé, il suffit simplement de l’appliquer et tout le monde sera obligé de l’accepter.

Vous êtes l’actuel président de la CMA. Concrètement quels seront les changements que vous apporterez sous votre leadership ?

À mon arrivée à la présidence, je voulais faire de l’application de l’Accord issu du processus d’Alger ma priorité pour le bien-être de tous. Je voulais aussi prendre des mesures fortes pour unifier les Azawadiens. J’ai fait un acte fort en sortant la CMA du CSA peu de temps après mon arrivée. On dit que je suis va-t-en-guerre, mais moi je ne veux pas faire la guerre. Nous sensibilisons le gouvernement malien et les autres parties sur notre volonté à faire avancer le processus de paix.

Il y a au sein du HCUA, des éléments qui ont encore des liens forts avec Ansar Dine. N’est-il pas nécessaire de faire le ménage pour s’engager pleinement dans la mise en œuvre de l’Accord ? Pouvez-vous clarifier une fois pour toutes les relations que vous entretenez avec ce mouvement et son chef ?

Nous avons déjà répondu à cela. Nous l’avons aussi fait lors de la passation de pouvoir entre Bilal Ag Achérif et moi. On s’est retiré de l’accord pour faire respecter nos engagements. Cet engagement est aussi valable entre nous et Ansar Dine parce que nous étions chez Ansar Dine avant d’être au MIA puis au HCUA. Nous avons déclaré devant tous que nous avons quitté Ansar Dine. Si on voulait retourner à Ansar Dine, personne ne pourrait nous empêcher de les rejoindre, parce qu’ils sont là. Ce sont leurs actions radicales qui nous ont fait nous écarter d’eux. Je n’ai plus de contact ni avec Ansar Dine, ni avec son chef Iyad Ag Ghaly.

 

 

 

 

Accord de paix: le processus de nouveau sur les rails

La réunion de haut niveau du CSA ministériel s’est achevée avec une note d’espoir en faveur de la mise en œuvre de l’accord. Les trois parties, le gouvernement la CMA et la plateforme devant les ministres des affaires Étrangères de l’Algérie, Mauritanie et du Niger et la médiation internationale, ont en effet, renouvelé leur engagement pour une mise œuvre diligente et efficace de l’Accord. Un nouveau chronogramme a été établi.

En dépit de quelques constats liés au problème d’inclusivité dont les débats sont toujours en cours pour trouver une solution consensuelle, cette réunion de haut niveau qui constitue un nouveau tournant dans la politique d’instauration du dialogue direct entre les différentes parties, a offert au Comité de Suivi de l’Accord (CSA), un espace de partenariat avec les acteurs. Cette réunion, deuxième du genre, après celle du 18 janvier 2016 à Alger, avait pour objectif fondamental de faire revenir à la table des négociations les mouvements armés CMA et Plateforme, qui voulaient qu’un certain nombre de conditions soient réunies pour pleinement mettre en œuvre les accords

Le groupe de travail mis en place par le CSA aux parties maliennes (gouvernement, CMA et Plateforme), s’étaient concertés au préalable afin d’identifier les points de blocage à la mise en œuvre de l’accord de paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. Réunies du 7 au 10, les parties ont identifié 10 points essentiels autours desquels les échanges ont porté sur certaines recommandations. Il s’agit entre autres des questions des décrets relatifs à certaines commissions, notamment à l’application concertée et l’efficacité des décrets pris par le Président de la République en ce qui concerne la commission nationale de désarmement et le comité national de la réforme du secteur de sécurité (CNRSS), l’accélération de la procédure de nomination des membres des cellules du CNRSS conformément au décret y afférent.

En ce qui concerne la mise en place des autorités intérimaires, mesure phare de l’Accord, elles se mettront en place du 13 au 20 février et un consensus sur la gestion des cinq régions a été obtenu. Deux régions Gao et Tombouctou seront gérées respectivement par la plateforme et la CMA. Pour ce qui concerne Kidal, Taoudenit et Ménaka, le soin est laissé à l’État de désigner les présidents des conseils régionaux.

Les patrouilles mixtes, quant à elles, débuteront à Gao à partir du 20 février. Un cadre permanent de concertation sera établi entre les trois parties signataires pour statuer sur les questions d’intérêt national dont la conférence nationale d’entente et la réforme constitutionnelle. Par rapport à la gestion de Kidal, il a été convenu que le retour de l’État se fera concomitamment à la mise en place des autorités intérimaires. « A partir de maintenant tout le monde sera assis autour de la même table et poursuivra l’effort commun de mise en œuvre de l’Accord », assure Ahmed Boutache président du CSA.

18 mois après la signature solennelle de l’Accord de paix et de Réconciliation, émaillée d’incidents et accrochages meurtriers, place est de nouveau réservé au dialogue. C’est ce qui ressort des commentaires de l’ensemble des participants à cette rencontre de haut niveau. «Ce qui est très important, ec’est que cette rencontre a fait bouger les trois parties : gouvernement, CMA et Plateforme dans le sens du dialogue. On aurait pu depuis 18 mois commencer à dialoguer pour faire avancer l’Accord, ça n’a pas été fait, mais nous espérons maintenant avec la prise des décisions fermes et des engagements pris de part et d’autre que nous irons dans le sens du dialogue inter-partie pour avancer », explique Me Harouna Toureh, de la Plateforme. «Au regard des résultats obtenues de cette rencontre, nous sommes très optimistes pour une mise en œuvre de l’Accord. Mais pour ce faire, il faut que toutes les parties prennent leur responsabilité dans le sens du respect des engagements pris », conclu Bilal Ag Chérif de la CMA.

Accord de paix : une réunion de haut niveau prévue pour sortir de l’impasse

Le comité de suivi de l’Accord d’Alger (CSA), a tenu les 30 et 31 janvier dernier à l’ex-CRES, sa 15ème session ordinaire. L’absence des mouvements armés signataires de l’Accord, la CMA depuis la 14ème session et le retrait de la Plateforme de cette 15ème session, ont largement dominé les débats. La préparation d’un CSA au niveau ministériel prévu pour la 1ère quinzaine de ce mois à Bamako est en cours.

Les travaux de la 15e session du Comité de suivi s’est déroulée dans une atmosphère peu cordiale. Cette 15e session intervient après l’attentat kamikaze de Gao. Première session de l’année 2017, elle a été marquée par le boycott des principaux mouvements de la CMA et le retrait des responsables de la Plateforme, dès la première journée des travaux. « Ce qui devait être un rendez-vous de cohésion, s’est terminé en queue de poisson », jugent plusieurs participants. Les responsables de la CMA dénoncent la lenteur et la confusion qui règnent autour de la mise en œuvre de l’Accord. Contrairement aux responsables de la CMA, les responsables de la Plateforme se plaignaient de certains agissements de la Force française Barkhane sur le terrain.

La médiation internationale a déclaré que le Comité de suivi n’était pas le cadre approprié pour poser ce problème. « Ce qui s’est passé n’est as une attitude responsable, ni courageuse parce que nous savons que les civilités pour régler les problèmes c’est le dialogue, et le cadre le plus approprié pour avoir ce dialogue c’est le CSA », souligne Ahmed Boutache. Toutefois, la médiation internationale a procédé à des rencontres séparées avec les trois parties signataires, à savoir, le gouvernement, la CMA et la plateforme, qui semble-t-il, ont réitéré leur engagement à la mise en œuvre de l’Accord.

A l’issu des différentes concertations, la médiation internationale, conformément à l’article 52 de l’Accord pour la paix, a décidé de la mise en place d’un groupe de travail avec la participation de représentants du gouvernement, de la CMA et de la plateforme sous l’égide du président du CSA. Ce groupe de travail se réunira à Bamako, les 6 et 9 février prochain pour la préparation du CSA ministériel qui se tiendra également à Bamako. Il s’agira d’aplanir toutes les difficultés, de mettre d’accord les parties signataires sur la mise en place d’un cadre de concertation inter-malien qui a toujours fait défaut. «Je présiderai personnellement ce groupe de travail, croyez-moi, si j’ai décidé de m’engager dans cette opération, ce n’est pas pour qu’elle soit couronnée par un échec », explique, le Président du CSA, Ahmed Boutache.

Selon lui, ce groupe de travail s’attellera dès la semaine prochaine à l’organisation de cette rencontre de haut niveau. «La réunion aura lieu, l’accord de principe est là et des consultations sont en cours pour en arrêter la date. Ce sont les ministres concernés au niveau des pays partenaires qui seront invités à cette réunion. S’agissant des mouvements, ils seront invités et il sera particulièrement insisté sur le fait que la participation doit être impérativement au plus haut niveau de responsabilité, c’est-à-dire les dirigeants politico-militaires », a-t-il conclu.

CMA : politique de la chaise vide lourde de conséquence

Mardi 20 décembre, la 14ème session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) a suspendu ses activités après l’annonce de la CMA, via un communiqué, de son retrait des commissions et sous-commissions du comité de suivi de l’Accord, jusqu’à l’organisation d’une rencontre de haut niveau avec la médiation internationale pour « sauver l’Accord ». Cet énième recours à la politique de la chaise vide de la part de la CMA, retarde encore, le processus poussif d’une mise en œuvre qui depuis 18 mois s’illustre surtout par sa lenteur, tant les différentes parties ne parviennent pas à un consensus leur permettant d’avancer. D’autre part, ce retrait pourrait isoler la CMA à Kidal et préfigurer son éclatement, la partie gouvernementale et la médiation internationale réfléchissant actuellement à la mise en place du MOC et des patrouilles mixtes, sans la CMA.

Cette 14ème session du CSA aura été plus brève que prévue, la lecture du communiqué de la CMA signé par Alghabas Ag Intallah, secrétaire général du HCUA, qui vient de prendre la présidence tournante de la CMA pour 6 mois, en a interrompu les travaux, par son retrait effectif des commissions et sous commission de l’instance de suivi.

La coordination estime, dans ce communiqué d’une page, que 18 mois après la signature de l’Accord, aucun des points inscrits dans la période intérimaire n’ont été opéré de façon concerté entre les parties. Elle dénonce également les violations répétées du cessez-le-feu, les atteintes aux droits humains, le déplacement forcé des populations et la prolifération des groupes armés encouragés et entretenus par le gouvernement dans le but d’entraver la mise en œuvre de l’Accord. Ces différents points, justifient, selon elle, ce retrait. «  Nous nous retirerons de la CSA mais cela ne veut pas dire que l’on se retire des accords, c’est très différent. Il n’y a pas, malheureusement, un organisme qui met en place tous les dispositifs de mise en application de l’Accord. Chaque fois, c’est à la CSA qu’on demande des comptes, on leur demande ce qu’ils ont fait alors qu’ils ne peuvent rien faire, ils peuvent juste évaluer et prendre en compte ce qui n’a pas été fait. Donc si la CMA suspend ces travaux c’est déjà par rapport à ça, nous souhaitions aussi élever le ton pour faire bouger les lignes et pousser le gouvernement à sortir de sa léthargie », explique ce cadre de la CMA sous anonymat.

Du côté de la partie gouvernementale, on déplore ce retour au point de départ, à la période des négociations, et cette attitude récurrente de la CMA tout au long du processus. « C’est malheureusement comme ça qu’ils réagissent quand ils sont le dos au mur. Ils essaient de se défausser sur le gouvernement qui paradoxalement est la seule partie à avoir remplie tous ses engagements et sous la pression de cette même communauté internationale », explique cette source proche du dossier, « il n’y a aucune léthargie de la part du gouvernement, aujourd’hui si le MOC de Gao ne démarre pas c’est parce que la CMA n’a toujours pas envoyé ses combattants. Si le MOC de Kidal n’a pas démarré, c’est parce que le CMA refuse de libérer le camp MOC de Kidal » poursuit cette source.

La partie gouvernementale affirme avoir mis en oeuvre tout ce qui était dans sa capacité pour faire avancer les choses, allant même, au-delà, en répondant aux exigences de la CMA qui voulait un traitement équitable par rapport au FAMA, en termes de prise en charge, d’indemnités, etc. « On établit des dates pour le démarrage du MOC et ils ne sont pas là, c’est une fuite en avant. Actuellement, les FAMA sont présents dans le camp MOC de Gao avec 200 éléments. Idem pour la Plateforme. Malgré tous les moyens que l’État a mis à la disposition de la CMA pour qu’elle soit présente, à l’heure où je vous parle, il n’y a pas un seul élément de la CMA dans le camp MOC de Gao », déclare le Colonel Mamadou Keita de la commission défense et sécurité du CSA.

Pour Fahad AlMahmoud, porte-parole du GATIA, ce revirement de la CMA n’est pas une surprise, « Je pense que la CMA cherche à gagner du temps mais je ne sais pas pourquoi. Sur le terrain, il y a une accalmie et même quand il y avait des affrontements, la CMA participait aux réunions du CSA. En réalité, c’est au niveau des groupes armés qu’on arrive pas à s’entendre, notamment sur les autorités intérimaires, savoir qui présidera les conseils régionaux. Donc tous les blocages sont du côté des groupes armés et je ne vois pas comment ça va se résoudre », affirme-t-il

Nécessaire inclusivité pour la paix L’autre point majeur de blocage est la question de l’inclusivité, facteur principal de discorde entre les petits mouvements et les composantes principales de la CMA, depuis la signature de l’Accord de paix le 15 mai jusqu’à aujourd’hui. Cette question épineuse qui est la colonne vertébrale de l’Accord, avait été négocié quelques jours avant la tenue de la 14ème session du CSA, par Sidi Brahim Ould Sidati, Président du Mouvement Arabe De L’Azawad (MAA), mandaté par le CSA pour se rendre à Kidal avec des propositions concrètes. Il en est revenu avec aucune avancée notable. « Ould Sidati est revenu avec des messages de diversion. Jusqu’à présent, Kidal n’arrive pas à comprendre que les autres régions de l’Azawad sont dans une dynamique de régionalisation et d’autonomisation. Ils n’arrivent pas à comprendre que les populations plus que tout souhaitent être respectées dans leur terroir, dans leur région et que toutes les décisions doivent être prise dans un cadre de concertation. On est plus dans une dynamique où je te donne parce que tu es soumis, on est dans une dynamique où tu es obligé de donner parce que tu dois donner, c’est ça, que la CMA ne comprend pas », réagit Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire générale de la Coalition pour l’Azawad (CPA), qui se dit prêt à utiliser tous les moyens y compris la force, si la CMA à Kidal tente de leur imposer ses décisions et ne respecte pas la dignité des populations des régions de Tombouctou Gao et Ménaka.

Continuer sans la CMA Une proposition concrète a été soumise à la médiation internationale et à la partie gouvernementale mercredi 21 décembre. Elle demande l’attribution rapide d’un quota pour les mouvements dissidents, tel que la CPA, afin qu’ils puissent mobiliser leurs combattants pour les patrouilles mixtes. « Si on doit envoyer des éléments pour le MOC demain, nous sommes prêt ! que la médiation internationale et que le CSA arbitre, parce que la CMA a montré pour la énième fois sa mauvaise volonté en passant par des diversions, des manoeuvres dilatoires. Il est temps que le CSA et la médiation internationale tranchent, qu’ils nous attribuent notre quota, et ont va fournir nos combattants dans les 24h et on aura pas besoin de carburant pour les amener ! », assène Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune.

Actuellement la médiation internationale et la partie gouvernementale réfléchissent à ces propositions et on pourrait s’acheminer vers la poursuite de l’opérationnalisation du MOC, sans la CMA ou en attendant qu’elle prenne le train en marche. « C’est ce vers quoi on va peut-être se diriger, démarrer le MOC avec les éléments qui sont disponibles, en attendant que la CMA revienne. Car en réalité, Il y a un ras le bol. Dans quelques mois on sera à deux ans de l’Accord, et il n’y a que des papiers », résume cette source au CSA.

Pour ce cadre de la CMA sous anonymat, l’option des patrouilles mixtes sans la CMA ne rentre pas dans les accords, « Ce serait hors cadre », dénonce-t-il. Et d’ajouter, « Si ces petits mouvements font des patrouilles avec les FAMA et la Plateforme cela voudra dire qu’ils font partie de ces deux composantes. On ne peut pas les en empêcher mais nous les considérerons comme tel ».

Vers un éclatement de la coordination ? Cette option, si elle est prise par le CSA, pourrait déclencher une fracture voire un éclatement de la CMA où cohabitent difficilement ces groupes qui disent tous respecter l’Accord. « Si la solution pour mettre en œuvre l’Accord c’est l’éclatement, alors nous devons y aller. Ce n’est pas du tout exclu. Si on n’arrive pas à s’entendre et bien qu’on éclate, parce que ces peuples doivent exister chez eux et doivent être responsables de leur destin conformément à la constitution nationale. On n’a pas fait la rébellion pour ça. La rébellion c’était d’abord pour l’indépendance, puis la fédération, puis pour l’autonomie et c’est devenu maintenant la régionalisation. On ne peut pas se mettre sous tutelle de Kidal », ajoute le secrétaire général du CPA

Actuellement, la mise en œuvre e l’Accord est dans l’impasse. La balle semble dans le camp de la communauté internationale, qui joue, plus que jamais, son crédit. « Ce qui est sûr et certain, c’est que la CMA va revenir. On n’est pas inquiet outre mesure, elle nous a habitué à ça, elle se promène puis revient. Mais, il faut qu’elle comprenne que chaque minute qu’on perd dans la mise en œuvre de l’Accord, est une minute de souffrance pour les populations », conclut le colonel Mamadou Keita.

Alghabass Ag Intalla : «Le retour de l’administration malienne à Kidal ira crescendo »

Alors que les autorités intérimaires et le MOC ne sont toujours pas en place, que les tensions entre mouvements armés ressurgissent et que les attaques terroristes se sont notablement accentuées dans le Nord du Mali, le ministre de l’Énergie et de l’eau, Malick Alhousseini Maiga, foulait le sol de Kidal le 2 décembre dernier, un symbole et une première depuis mai 2014. Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), qui a directement oeuvré à la venue de ce ministre de la République dans la capitale du Nord, a accepté de répondre aux questions du Journal du Mali sur ces sujets brûlants qui font l’actualité.

La question d’un retour de l’administration malienne est cruciale à Kidal, sous quelles conditions serait-il possible dans un avenir proche, selon vous ?

Le retour de l’administration malienne ira crescendo avec l’application des termes des Accords. La visite ministérielle du ministre de l’Énergie Malick Alhousseini Maiga en est une étape, prévue dans les mêmes accords.

Justement, la visite du ministre de l’Énergie à Kidal a été une réussite et un symbole fort. On dit que c’est vous qui avez piloté sa venue, est-ce exact ? Par ailleurs, le MNLA ne semblait pas, au début, sur la même ligne que vous pour cette visite. Quelles sont vos relations avec Bilal Ag Chérif, chef du MNLA. On les dit compliquées ?

Toute la CMA s’est impliquée dans la réussite de la visite ministérielle. Nous faisons partie de la CMA. Nos relations avec le Secrétaire général du MNLA ont toujours été très bonnes et nous convergeons ensemble vers la réalisation d’une paix juste et durable.

Suite à la désignation des autorités intérimaires, la CMA a connu des divisions et certains vous accusent d’en être à l’origine. Que répondez-vous à cela ?

Ses accusations n’ont aucun fondement. Nous sommes une composante de la CMA et je ne vois ni comment, ni pourquoi d’ailleurs j’agirais négativement pour infléchir une décision qui s’inscrit en droite ligne dans le processus des Accords d’Alger et profiterait aux ressortissants de l’Azawad.

Où en est-on actuellement dans la mise en œuvre de l’Accord ?

La mise en œuvre a accusé un retard considérable, toute chose qui avait émoussé un peu l’enthousiasme initiale des populations. L’impact des consultations et commissions diverses à Bamako n’est pas visible sur les terrains. Ce retard a été malheureusement exploité par des parties opposées au retour à la normalité qui se sont insérées dans les failles du système pour retarder d’avantage les échéances initialement prévues.
Cependant la 13ème session de la CSA a fait des recommandations que nous estimons être assez significatives dans la mise en œuvre des Accords. Nous tiendrons les engagements que nous avions pris dans ce sens.

Comment expliquez-vous le retard, les avancées et reculades dans la
mise en œuvre de l’Accord ?

Beaucoup de paramètres concourent à cette situation. L’opposition interne aux Accords, leur opérationnalisation légale, la mise à niveau des institutions de l’État par rapport à leur contenu, la mise en place des mesures de confiance, inertie administrative, déficit de moyens financiers et matériels adossé à une mauvaise volonté due essentiellement à une lecture biaisée des Accords. A cela, s’ajoutent les agendas cachés de certaines forces qui ont du mal à s’inscrire dans la normalité.

Le CSA a mis un groupe de travail en place à l’issue de sa 13ème session pour garantir le succès de ce groupe. Il est demandé aux groupes armés d’être représentés au plus haut niveau. Êtes-vous prêts à participer à ce groupe de travail ?

Nous participons déjà à ce groupe de travail et sommes prêts à apporter notre contribution au sein de tous les mécanismes susceptibles de faire avancer le processus pour lequel nous nous sommes engagés.

Les tensions semblent être ravivées entre le Gatia et la CMA, surtout depuis l’attaque d’un convoi du Gatia par Ansar Dine et dit-on, par des combattants du HCUA, en novembre dernier. Se dirige-t-on vers un nouveau conflit armé entre mouvements ?

Les évènements de Tinzaouatène en novembre dernier ne concernent pas la CMA malgré tous les sous-entendus diffusés à dessein par le Gatia. Nous ne souhaitons pas nous engager dans des querelles intestines qui ne font que déchirer encore plus le tissu social. Néanmoins, nous sommes prêts à toutes éventualités espérant qu’aucune nouvelle escalade ne vienne perturber le processus de paix engagé.

Au niveau sécuritaire on observe une intensification des attaques terroristes visant les FAMA et les forces étrangères. Que peut faire le HCUA à son niveau contre la recrudescence de ces attaques ?

Le HCUA comme l’ensemble de la CMA est aussi victime de cette recrudescence. Á ce sujet, la CMA ne peut rien faire en dehors des mécanismes prévus par les Accords. Il faut noter qu’une autre forme de terrorisme règne et est matérialisée par les attaques, les violations des droits humains, les terreurs faites sur les populations civiles imputables aux milices armées des groupes dits d’autodéfense.

Certains avancent qu’il faudrait faire entrer Iyad Ag Ghaly à la table des négociations, quel est votre avis là-dessus ?

Si ceux qui le disent pensent que cela peut ramener la paix, la cohésion sociale, la concorde souhaitée pour lesquelles nous avions signé des accords, je ne peux que m’en réjouir.

 

Le Drian exhorte le Mali à accélérer l’application de l’Accord de paix

À Dakar, en marge de la 3e édition du Forum paix et sécurité à Dakar, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a soutenu mardi que l’accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, signé en mai-juin 2015, constituait la seule porte de « sortie » pour ce pays.

« Il importe, avec une très grande détermination, de mettre en œuvre ces accords (…). C’est la seule possibilité de lutter sérieusement et définitivement contre les groupes armés terroristes », a lancé le ministre Le Drian lors d’une conférence de presse en marge du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, organisé lundi et mardi.

« Il n’y a pas d’autre sortie. Ces accords sont là, il faut les faire respecter », a martelé M. Le Drian, estimant que leur mise en œuvre prenne du temps.

« Il est nécessaire que l’ensemble des acteurs fassent pression, mettent les moyens, y compris politiques, pour que ces accords soient respectés », a conclu le ministre français.

12ème session du CSA : les autorités intérimaires effectives entre le 1er et le 10 novembre

Malgré les différences d’appréciations apparues dans les débats au sujet des listes pour la mise en place des autorités intérimaires, les travaux de la 12ème session du CSA, annoncés périlleux ont pris fin hier dans un climat de sérénité et de compréhension mutuelle. En prélude aux élections communales du 20 novembre prochain, un nouveau chronogramme de mise en place des autorités intérimaires est prévu entre le 1er et le 10 novembre. Pour les élections communales et la mise place de ces autorités intérimaires, on attend les derniers mots de l’administration pour voir la faisabilité parce que la loi dit que les élections peuvent être générales ou partielles selon les contextes.

Le comité de suivi de l’Accord (CSA) a tenu sa douzième sesion ordinaire aux bureaux du Haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord, ex-CRES, les 19 et 20 octobre dernier. Dans un communiqué rendu public, le comité a exprimé de nouveau sa préoccupation concernant la situation sécuritaire et humanitaire qui prévaut dans la région de Kidal, tout en félicitant le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, pour ses initiatives en vue d’un règlement pacifique et définitif de cette crise et a appelé les parties à y souscrire pleinement.

Concernant la mise en œuvre de l’Accord, le Comité a constaté des avancées notables et a encouragé les parties à maintenir cette dynamique. « Cette fois ci, plus que jamais, nous nous sommes retrouvés, ramener dans une réelle application de l’Accord de paix, en raison notamment des décisions majeures qui ont été prises en ce qui concerne la mise la place des autorités intérimaires et l’activation des mécanismes sécuritaires », explique Ahmed Boutache, président du Comité. Pour lui, un engagement concomitant a été obtenu du Haut représentant du premier ministre pour que des rencontres se tiennent dès aujourd’hui avec l’objectif d’aplanir les petites difficultés qui sont apparues afin que les choses soient faites de façon inclusives et consensuelles et que personne ne soit laissé de côté.

En ce qui concerne la mise en œuvre des autorités intérimaires, elles devraient être effective entre le 1er et le 10 novembre au plus tard, à condition que la réunion d’aujourd’hui qui doit regrouper le gouvernement, la CMA et la plateforme parvienne à lever les obstacles.

Pour la mise en pratique des patrouilles mixtes dans le cadre du MOC, le représentant spécial du chef de la MINUSMA souligne qu’un chronogramme a été établi. «Nous pouvons commencer les patrouilles mixtes dans la région de Gao dans quelques semaines, suivie des autres régions. On est en train de préparer les cantonnements qui vont débuter avec six mille combattants », a-t-il ajouté.

Sur les questions de sécurité, le Comité a noté avec satisfaction les dépôts des listes des membres pour l’opérationnalisation des différents mécanismes sécuritaires prévus par l’Accord. « C’est vrai dans tout œuvre humaine, il y a toujours des mécontents, mais au sortir de cette 12ème session, je suis très optimiste car au niveau de la commission défense et sécurité, il y a eu des avancées notoires avec le dépôt des listes pour les commissions DDR et d’intégration «, a expliqué Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun.

Au niveau du conseil national pour la réforme de secteur de la sécurité (CNRSS), la Plateforme a déposé la liste de ses membres et la CMA qui ne l’a pas encore déposé a promis de remettre sa liste dans un délai de trois jours », indique Habala Ag Hamzata, membre de la Plateforme. Un avis partagé par les mouvements armés de la CMA qui ont décidé de continuer à dialoguer pour déposer une liste consensuelle au niveau des différentes commissions. «C’est un sentiment général d’espoir, les choses sont en train d’avancer malgré quelques difficultés signalées notamment dans la mise en place des autorités intérimaires où il y a quelques réglages à faire, nécessaires pour avancer. Globalement je pense que cette session a été positive pour avoir courageusement posé ses difficultés qui ne sont autres que des questions d’inclusivité et de représentativité, et tous sont d’accord pour dire quelles sont surmontables dans des délais très courts », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun membre de la CMA au sein du CSA.