Crise migratoire : De nouvelles mesures qui font débat

A l’issue du sommet qui s’est tenu hier lundi à Paris, dirigeants africains et européens ont adopté une feuille de route visant à renforcer le soutien aux pays africains sur la crise migratoire. Ces pays pourraient en outre servir de « hotspot » pour essayer de contenir le flux migratoire à la base.

Le président français, Emmanuel Macron a proposé d’identifier, à partir du Niger et du Tchad, les candidats à la migration qui auront le droit d’asile. « Cette procédure, qui permettra de donner cet asile directement sur territoire africain, sera menée dans des zones identifiées pleinement sûres au Niger et au Tchad, sous la supervision du HCR, le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU » a précisé le président français. Pour justifier cette nouvelle mesure, le chef de l’Etat français met en avant la sécurité des potentiels migrants. « Cela permettra d’éviter à des femmes et des hommes de prendre des risques inconsidérés dans une zone extrêmement dangereuse puis en Méditerranée ». Des annonces qui passent mal auprès du président de l’association malienne des expulsés (AME), Ousmane Diarra. « C’est très dangereux pour l’Afrique, les Hotspots qu’ils entendent mettre en place. Ils ne sont autre chose que des centres de tri, le traitement des dossiers traînent en longueur, et à 90%, les réponses sont négatives » estime-t-il. « C’est une initiative française, c’était un projet de longue date, le président français avait la charge de convaincre ses homologues tchadiens et nigériens, et ce sont des pays qui font partie du G5 Sahel, alors j’imagine mal qu’ils puissent refuser » estime-t-il. « A terme, aucun pays du G5 Sahel ne pourra y échapper, aussi bien le Mali, le Burkina Faso et la Mauritanie, ces pays seront tous concernés à un moment ou à un autre, mais nous qui sommes de la société civile allons dénoncer ces mesures avec lesquelles nous ne sommes absolument pas d’accord » ajoute-t-il.

Une réunion, à laquelle le Mali, pourtant également zone de transit des migrants (Gao) n’a pas été convié. « Depuis 2008, certains pays ont commencé à signer des accords de réadmission, pas le Mali, la position du pays est restée la même, c’est-à-dire inflexible, le président a changé, mais la pas la position de l’État qui sait que la manne financière envoyée par ses ressortissants est énorme et elle ne veut pas s’en priver. Donc inviter le Mali aurait été une perte de temps puisque le président IBK confirmer la position malienne à ce niveau », explique le Dr Brema Ely Dicko, chef du département sociologie-anthropologie de la faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation de Bamako (FSHSE).

Une réunion qui regroupe les décideurs africains sur les questions migratoires se tient actuellement à Bamako, de ce rassemblement devrait ressortir un pacte mondial sur la migration. « Je ne puis comprendre qu’au moment où se tient à Bamako cette réunion qui regroupe tout le monde, un petit groupe en France décide de son coté de se consulter. Dans une déclaration finale nous dénonceront et la France et les pays qui y ont participé » conclut Diarra.

 

La Valette : Une énième rencontre de l’UE pour lutter contre la migration

Les 28 de l’Union Européenne (UE) sont réunis aujourd’hui à la Valette pour discuter de la problématique de la migration. Les dirigeants européens veulent stopper l’afflux de plus en plus croissant des migrants et vont profiter de ce sommet informel pour dessiner les contours d’une future politique.

180.000 migrants sont entrés en Europe par la méditerranée en 2016, 4500 victimes n’atteindront jamais ce continent. L’UE entend limiter voire stopper de potentiels candidats à l’immigration, comme elle a su le faire l’année dernière en signant un accord avec la Turquie qui confinait sur son territoire tout migrants voulant gagner l’espace UE.

Mais l’enjeu pour contrer les migrants qui afflux depuis la Libye, s’avère plus difficile. « Il est temps de fermer l’axe Libye-Italie, et cet objectif est à notre portée » affirme Donald Tusk, président du Conseil européen. Un objectif qui sera difficile à atteindre quant on sait que la Libye est empêtrée dans une grave crise depuis la chute de Kadhafi en 2011. « Le montant des aides à la Libye sont très petits (250 millions d’euros), nous espérons que les mécanismes de l’UE pour aider la Libye seront plus concrets » souhaite Fayez al-Sarraj, chef du Gouvernement d’Union Nationale en Libye (GNA). Sauf que le financement ne semble pas être le seul souci. Les hommes du GNA sont depuis deux ans dans une guerre ouverte contre l’armée nationale libyenne dirigée par le général Haftar qui lui fait subir plusieurs revers.

Endiguer la migration à la source

C’est le vœu formulé par les 28. 90% des migrants partent de la Libye. Pour palier à cela, l’UE entend former des gardes cotes libyens qui assureront le contrôle dans la zone. Conscient de la difficulté que cela représente, les dirigeants veulent accélérer le développement économique des pays africains d’origine des migrants. Il y a deux ans déjà, l’UE, à Malte, s’était engagée à verser une aide de 1,8 milliard d’euros afin de freiner le flux migratoire, sans réel succès. Devant cet échec, l’Europe a mis en place Frontex qui dans ses missions assure la police maritime dans les eaux méditerranéennes. Sauf que leur mission de dissuasion s’est le plus souvent transformée en opération sauvetage. Une police militaire a aussi été envisagée selon des documents de Wikileaks pour traquer les passeurs.

Dans le documentaire Odysseus 2.0 d’Andréa de Giorgio un passeur affirmait qu’un bateau rempli de migrants leur apportait 200.000 dollars, et que ce ne sont les passeurs qui assurent la traversée, mais un migrant, choisit dans le groupe, qui après une formation à la navigation rudimentaire, embarque avec ses compagnons d’infortune, pour tenter de gagner les côtes européennes.

Un solution viable pour arrêter le flux migratoire reste difficile à trouver. « On ne peut pas empêcher les gens de partir, si on ferme un passage, un autre s’ouvre ailleurs, nous quand même nous serons intransigeants avec l’Europe » affirme Ousmane Diarra, président de l’association des Maliens expulsés (AME) qui doit sera présente à la Valette.

 

France : un jeune Malien se tue en sautant par la fenêtre d’un foyer

En situation irrégulière, « il n’aurait pas supporté l’idée humiliante qu’on vienne l’arrêter et le mettre en prison », selon un communiqué du Réseau Education Sans Frontières (RESF).

Un jeune Malien est décédé vendredi sans doute après s’être jeté du 8ème étage du foyer qui l’hébergeait à Châlons-en-Champagne, dans la Marne, a-t-on appris lundi de source judiciaire, le drame pouvant être lié à sa situation irrégulière.

La thèse du suicide privilégiée. « Le décès est dû à des contusions internes multiples suite à une défenestration et l’hypothèse privilégiée est celle du suicide », a déclaré Eric Virbel, procureur de la République de Châlons-en-Champagne. Denko S., un Malien de 16 ans, a été retrouvé « inconscient » vendredi soir par un résident au pied du foyer d’hébergement où il résidait depuis le 22 novembre dernier, selon le parquet.

Pas passé par la Jungle. Il occupait l’une des 73 chambres pour mineurs isolés mises à disposition par cette structure gérée par une association. « Il n’est pas passé par la ‘Jungle de Calais’ mais a traversé l’Italie avant de se présenter spontanément au commissariat de Reims le 3 novembre dernier », a ajouté Eric Virbel. Le jeune homme n’était pas encore connu des services préfectoraux car il n’en était qu’aux prémices de ses démarches administratives, a indiqué la préfecture de la Marne.

« Il n’aurait pas supporté l’idée humiliante qu’on vienne l’arrêter ». Le parquet de Châlons-en-Champagne a précisé que le Conseil départemental, ayant « un doute sur sa minorité », procédait à des vérifications mais que l’adolescent n’était concerné par « aucune procédure administrative ou pénale ». Pourtant, l’antenne châlonnaise du Réseau Education Sans Frontières (RESF) a associé la mort du jeune homme à sa peur d’être expulsé de France. « Il s’est jeté du 8ème parce que (…) il n’aurait pas supporté l’idée humiliante qu’on vienne l’arrêter et le mettre en prison », selon un communiqué de RESF, qui estime que « l’État et le Conseil départemental sont coupables de non-assistance à jeunesse en danger ».

Une marche silencieuse prévue mercredi. « Ces jeunes sont mal accueillis (…) ils sont maintenus dans une situation de torture psychologique qui dure parfois des mois, en attendant de connaître leur sort », a aussi dénoncé Marie-Pierre Barrière, membre de RESF à Châlons-en-Champagne. De son côté, le parquet a souligné qu' »aucun élément n’a montré que des policiers seraient intervenus auprès de ce jeune » au moment du drame ou en amont. Une marche silencieuse, à l’initiative de RESF, aura lieu mercredi à 15 heures à Châlons-en-Champagne.

Politique des migrants au Mali : entre corruption et contrôle

La perméabilité des frontières maliennes a toujours permis une libre circulation des personnes à travers les différents territoires nationaux. Le nouveau régime frontalier exigé par l’Union européenne est aujourd’hui appliqué et assuré par les services de police locaux, remettant en questions le système qui prévalait et favorisant la corruption de ces mêmes services de police envers les voyageurs.

Depuis quelque temps, il y a eu des efforts des pays européens pour faire respecter les accords de réadmission au Mali. Cependant, jusqu’à présent, l’intérêt de l’État malien de participer activement au retour de ses propres citoyens sur le territoire malien à été faible. Entre 2007 et 2009, la France a essayé d’appliquer un accord de réadmission avec le Mali et aussi d’ancrer le principe de « migration choisie ». Des progrès en ce sens, sous la présidence Sarkozy, ont été vécus par les Maliens comme une provocation. Des associations de d’expulsés et la Confédération syndicale CSTM s’étaient mobilisées, à ce sujet, via des manifestations devant l’ambassade française et contre une visite d’État du président Sarkozy, à l’époque. Au final l’accord de réadmission n’avait pas été signé.

Le Mali a participé au processus de Rabat lancé en 2006, ainsi qu’au dialogue entre l’Union européenne (UE) et l’Alliance pour la Migration, le Leadership et le Développement (AMLD). Un accord de migration avec l’Espagne a été conclu seulement en 2009 – combiné avec l’engagement de l’Espagne d’assurer l’accès légal des Maliens au marché du travail espagnol. Toutefois, cette promesse a coïncidé avec le début de la crise économique en Espagne, faisant stagner tout intérêt pour le signature d’accord de réadmission, intérêt qui n’a pas augmenté depuis du point de vue du Mali.

Le 11 décembre 2016, un communiqué conjoint de l’État malien avec l’UE a été adopté, réaffirmant l’intention de prendre des mesures pour lutter contre la migration dite « irrégulière » et la participation active du pays au retour de citoyens maliens.

Avec le sommet de La Vallette, l’objectif de la mise en œuvre des accords de réadmission avec le Mali est poussé, au niveau de l’UE, avec une nouvelle vigueur. En février 2016, la Commission européenne prépara un « ensemble d’incitations » à destination du Mali comportant les sous-points suivants:

– Soutien politique (sécurité)

– Soutien au processus de paix au Mali ainsi qu’à la lutte contre le terrorisme et à la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent.

– Soutien dans le domaine de la gestion des frontières et du contrôle des frontières, ainsi que dans la modernisation de l’état civil.

– Fournir des fonds du Trésor de l’UE à la fois pour des projets conçus pour lutter contre les causes des réfugiés et pour les migrations, ainsi qu’une «gestion améliorée des migrations» et de la lutte contre les «réseaux criminels».

– L’utilisation de l’aide au développement par l’UE et ses États membres pour inciter le gouvernement malien à agir sur la base du dialogue.

Le document de l’UE souligne, en divers endroits, la dépendance de l’État malien à l’égard des fonds européens de développement et l’engagement militaire des États de l’UE, par l’intermédiaire des troupes étrangères présentes sur le territoire malien, comme la force Barkhane et la MINUSMA. Le document indique que l’UE utiliserait la dépendance militaire, politique et économique du Mali pour forcer le pays à accepter ces accords de réadmission.

La pression croissante de Bruxelles Selon une décision des chefs d’État et de gouvernement de l’UE du 21 octobre 2016, le Mali devra remplir, dès que possible, un «partenariat pour la mobilité». La visite d’Angela Merkel le 9 octobre 2016 avait cette finalité. Un mois plus tard, le commissaire européen à l’immigration et le ministre italien des Affaires étrangères étaient également à Bamako, pour traiter de ce sujet.

Le gouvernement malien est plongé dans un profond dilemme: d’un côté la pression de l’UE est croissante, alors que dans la même temps il a besoin des paiements promis pour la gestion des migrants, vient s’ajouter aussi la pression de la société civile malienne alertée par le rôle de plus en plus contradictoire joué par le ministère des Affaires étrangères qui participe activement aux procédures d’identification pour la préparation des déportations des Maliens immigrés, en collaboration avec les ambassades.

Le 22 novembre 2016, par exemple, des migrants maliens vivant en Allemagne ont été présentés menottés à une audience collective d’identification devant le personnel de l’ambassade à Halle. Directement après, certains ont atterri dans la prison de Büren. Les fonctionnaires maliens qui ont dirigé l’audience avaient reçu des instructions du ministère malien des Affaires étrangères et de l’Intérieur.

Érosion de la liberté de mouvement Les voisins du Mali comme l’Algérie, la Mauritanie et le Niger, coopèrent avec les Européens pour appliquer ce régime répressif des flux migratoires. Déjà avant 2012, l’État algérien était notoirement connu pour expulser, impitoyablement, les migrants et les réfugiés de l’Afrique. Lorsque la guerre a débuté dans le nord du Mali en 2012, l’Algérie avait temporairement fermé sa frontière sud et il n’y avait plus beaucoup de migrants voyageant dans la zone durant cette période de crise.

L’Algérie refoule directement les migrants sur le Mali et maintenant aussi sur le Niger. La Mauritanie, qui est sortie de la CEDEAO en 2001, a adopté le contrat de mobilité. En particulier, avec l’introduction d’une carte de séjour obligatoire. Le pays a massivement resserré ses lois sur l’immigration et refoulé les populations migrantes en Afrique subsaharienne avec une grande sévérité. Pendant des années, il y a eu des refoulements au Mali au poste frontière de Gogui. Voyager à travers le Niger est devenu aussi plus difficile, car cet État est obligé par les États de l’UE à contrôler cette migration « irrégulière ». Tout cela a un impact direct sur le Mali, où de nombreux migrants traversent les frontières pour atteindre les pays voisins.

Fermeture de la frontière dans la zone de transit Les conséquences d’une politique frontalière restrictive dans la région de Gao, qui borde le Niger au nord-est du Mali, sont particulièrement visibles et perceptibles. Le Niger est le pays par lequel passent les itinéraires migratoires transsahariens les plus fréquentés actuellement.

«En plus d’Agadez au Niger, Gao, est l’un des hubs centraux pour les personnes venant des différents pays d’Afrique de l’Ouest à destination du nord », explique Éric Alain Kamden, qui travaille pour Caritas depuis 2009. C’était déjà le cas avant le début de la guerre au Mali en 2012. Aujourd’hui, selon les statistiques de l’OIM, près de 150 migrants passent par jour à Gao. Beaucoup continuent leur voyage vers le Niger.

En fait, entre le Mali et le Niger, les populations des pays membres de la CEDEAO peuvent circuler librement. Cependant, cette libre circulation est de plus en plus compromise à cause du système de contrôle des migrants. Au point de passage frontalier de Yassan, des rapports montrent que les voyageurs sont rejetés par les services de police nigérien et renvoyés du côté malien. Cela vaut d’une part pour les citoyens maliens et, dans une large mesure, pour les ressortissants d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Les voyageurs maliens dont le passeport est encore valable pendant au moins 3 mois doivent avoir un contact, de préférence dans la capitale, Niamey, pour entrer au Niger. Ce contact doit être appelé immédiatement et ensuite contacté par un poste de police du poste frontalier pour confirmer que ce ressortissant malien à la frontière doit bien aller voir ce contact.

Rejet malgré les passeports Les voyageurs du sud du Mali qui ont passeport en cours de validité, quelque soit la durée de cette validité, ne peuvent actuellement voyager que s’ils ont un contact du côté nigérien. Pour des ressortissants d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, par exemple du Ghana, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire, de la Gambie, du Sénégal et de la Guinée, qui peuvent être considéré comme des migrants, « les autorités ne tiennent même plus compte des frontières », explique un commissaire du poste frontalier de Yassan.

Depuis 2016, Plusieurs voyageurs sénégalais ont vu leurs documents de voyage rejeté, bien qu’ils avaient un passeport CEDEAO en cours de validité, une carte d’identité et un passeport de vaccination, donc tous les documents nécessaires. En juillet 2016, par exemple, quatre jeunes venant du Mali, du Togo, du Sénégal et du Burkina Faso, qui devaient franchir la frontière pour mettre en place des cellules de télécommunication de l’opérateur Orange, pour un employeur nigérien, ont été arrêtés. Bien qu’ils avaient avec eux leur équipement et leurs outils et qu’il était évident qu’ils voyageaint dans le cadre de leur travail, ils ont d’abord été rejetés à la frontière et ont seulement pu continuer leur voyage quand un employé de l’ONG Caritas, Éric Alain Kamden, s’est porté garant pour eux. Ce dernier a même été menacé de perdre son permis de séjour nigérien si les quatre hommes étaient pris à Agadez durant leur voyage vers le nord.

Eric Alain Kamden rencontre ce genre de cas quotidiennement dans son travail avec les voyageurs qui sont bloqués à Gao après avoir été rejetés de la frontière. Il est certain que ces pratiques de rejet à la frontière entre le Mali et le Niger sont une conséquence directe du processus de La Valette, d’autant plus que l’action des gardes frontière nigériens s’est intensifiée depuis les mesures prises lors de ce sommet.

L’OIM, postes frontaliers Jusqu’à récemment, il était normal, selon Kamden, de franchir la frontière entre le Mali et le Niger même sans papiers valables. Les personnes qui n’étaient pas en mesure de fournir une preuve d’identité lors d’un contrôle et qui indiquaient qu’elles allaient pénétrer au Niger, devaient seulement payer une pénalité de 1500 FCFA et se voyaient accorder un laissez-passer avec lequel elles pouvaient entrer au Niger pour 24h. Aujourd’hui, c’est impossible. La liberté de mouvement qui existait en Afrique de l’Ouest, plus tôt que dans l’espace Schengen, est devenue sous les auspices de la mise en œuvre du régime d’immigration de l’UE, un privilège.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), détient des postes qui traitent tous les voyageurs qui arrivent, afin de détecter ceux qui sont considérés comme migrants.

Même à Gao, cette nouvelle politique est perceptible. Beaucoup de gens démunies sont bloqués à Gao après qu’ils aient interrompu leur voyage à cause de difficultés, par exemple des vols. Quand ils vont dormir quelque part, ils sont souvent pris par des soldats et emmenés au poste de police. Surtout les personnes anglophones sont rapidement soupçonnées d’être des espions des organisations terroristes Boko Haram ou Mujao. Si ce soupçon ne peut être étayé, ils sont accusés de «conduire nocturne ». Selon Kamden, il n’y avait pas auparavant d’accusations et d’emprisonnements à Gao pour cause de «conduite nocturne ». Ces pratiques sont le résultat direct de l’intensification des pressions de la part des Européens.

«Petite corruption policière» vs liberté de mouvement Les relations entre les policiers maliens et les voyageurs ont également changées par rapport aux années précédentes. Elle sont passées d’un contrôle en douceur à des contrôles plus sévères et de la « petite corruption policière ». Souvent, les bus sont arrêtés dans le nord et les papiers des passagers sont contrôlés. Dans la région de Gao, selon Kamden, les forces de sécurité se sont particulièrement concentrées sur ceux qui sont considérés comme « candidats à la migration ». Les voyageurs ont toujours appelé ça « les frais » de voyage. Une personne du sud du Mali, qui est soupçonnée de traverser les frontières du pays, doit payer au moins 5000 FCFA. Une procédure similaire existe sur la route entre Bamako et Ouagadougou au Burkina Faso. Les résidents locaux d’Heremakono ont rapporté que même de grands groupes de voyageurs étaient régulièrement exclus du voyage et laissés aux abords de la frontière si leurs papiers n’étaient pas reconnus comme valides ou sils ne payaient pas l’argent désiré. On ne sait pas dans quelle mesure, la police aux dépens des voyageurs, est directement liée aux exigences de la politique migratoire.

Contrairement à il y a quelques années, il est devenu beaucoup plus difficile de voyager sans documents d’identité (valides), dans cette partie du monde où la possession d’un passeport ne va pas de soi pour tout le monde. Depuis le sommet de La Valette, les pratiques de contrôle restrictif ont augmenté. Il y a une véritable alliance d’intérêts entre les policiers qui reçoivent un revenu supplémentaire grâce aux «frais de voyage» et le régime d’immigration qui veut rendre la route du Nord plus difficile.

En avril 2016, de nouveaux passeports biométriques ont été introduits au Mali, équipés d’une puce pour les protéger de la contrefaçon, alors que la version précédente de passeport malien était déjà équipée d’informations biométriques. En outre, le Mali a récemment introduit une nouvelle carte biométrique d’identification du personnel CEDEAO.

Cela fait du Mali, parmi les États de l’Afrique de l’Ouest, l’un des pionniers dans la biométrie des passeports. Les autorités et le gouvernement expliquent que ces mesures permettent à la fois de lutter contre la « migration irrégulière » et d’améliorer la situation sécuritaire. Pendant longtemps, de nombreux passeports maliens et cartes d’identité circulaient entre le Sahel et le Maghreb. Parce que les citoyens maliens étaient autorisés à voyager sans visa en Algérie et à y circuler librement, pour y gagner leur vie, pour accéder à d’autres pays du Maghreb ou à l’Europe.

Le gouvernement malien tente de mettre fin à cette pratique, conformément aux exigences de la politique migratoire européenne, grâce au système de biométrie des passeports. En outre, les nouveaux passeports sont annoncés comme facilitant les voyages et comme le signe d’un État utilisant un système moderne.

En fait, de nombreux maliens se plaignent des complications majeures et des difficultés inhérentes à ces nouveaux documents. Ainsi, la redevance pour le nouveau passeport sécurisé doit être payée à l’Ecobank, une banque privée, ce qui n’est possible qu’avec la soumission d’une carte NINA, qui était à l’origine conçue comme carte d’immatriculation des électeurs.

Cette procédure complexe a été faites, dans la pratique, pour Maliens habitant le territoire. Pour les ceux qui vivent à l’étranger, il a rendu impossible l’obtention d’un nouveau passeport très difficile et compliqué. L’augmentation des contrôles de passeport et d’identité aux frontières, signifie une perte réelle de la liberté de mouvement pour les personnes qui ne possèdent pas les documents de voyage en cours de validité pour des raisons différentes, cet obstacle affecte non seulement les gens sur le chemin de la migration, mais peut aussi avoir un impact sur la vie de certaines populations dont la vie et le travail sont fortement influencés par les voyages à travers les frontières entre les différents territoires nationaux.

Cela concerne, entre autres, les commerçants, les travailleurs migrants et les éleveurs de bétail nomades ou semi-nomades, tels que la population touareg qui a de tout temps fait des va-et-vient entre les différents territoires nationaux sans la présentation de passeports. Enfin et surtout, le passeport biométrique malien est un sujet particulièrement sensible, en raison de l’accès de l’UE aux bases de données biométriques des autorités maliennes afin d’utiliser ces données pour identifier et expulser les ressortissants maliens.

L’aéroport comme une zone frontalière À l’aéroport de Bamako, il est maintenant la norme que tous les voyageurs laissent leurs empreintes digitales à l’arrivée comme au départ. Rendant difficile de voyager avec des passeports empruntés. Cela permettait aux candidats à l’émigration de partir pour l’Europe sans risquer leur vie dans le désert et sur la mer.

En dehors de cela, un premier contrôle est effectué par la société de sécurité privée « Securicom » à l’aéroport de Bamako, en plus du contrôle régulier des passeports de la police. Selon Ousmane Diarra de l’AME, cette compagnie a la possibilité d’exclure des passagers de l’embarquement, même s’ils ont un visa en cours de validité. Pour Ousmane Diarra, Securicom, opère dans les aéroports africains comme une extension de l’agence de garde-frontières Frontex, chargée d’organiser des opérations de retour conjointes pour les États membres européens.

La loi malienne pénalise-t-elle les insultes à l’encontre du Président ?

 

Depuis quelques semaines le chef de l’État et son gouvernement sont violemment indexés pour leur gouvernance. Des accusations qui ont pris une nouvelle tournure suite aux débats houleux à l’Assemblée nationale sur les questions sécuritaires, l’accord sur les migrants et les élections communales. Certains proches du gouvernement menacent désormais de poursuivre tous ceux qui insulteraient le Président de la République.

La semaine dernière, les ténors du Rassemblement pour le Mali (RPM) sont montés au créneau. À l’occasion d’un point presse, le président du parti le Dr Bocary Treta s’est montré très critique envers l’opposition. « le RPM n’accepte plus que son président fondateur, le président de la République soit offensé et outragé comme ce qui vient de passer avec cette campagne de méchanceté instaurée pour chercher à briser un homme » déclarait-il. Et d’ajouter « notre opposition est putschiste… ces ‘‘forces du mal’’ cherchent à détruire le président de la République ».

Des propos forts qui trouvent échos dans les ‘’attaques’’ de ces dernières semaines à l’encontre du gouvernement. Ces invectives se sont accentuées suite aux rumeurs sur la signature d’un accord entre le Mali et l’Union européenne pour le rapatriement des migrants. Une vidéo postée quelques jours plus tard sur les réseaux sociaux a recueilli des avis partagés. On y voyait une malienne vivant en France prendre copieusement à partie le chef de l’État en tenant des propos peu élogieux à son égard.

Suite à ces faits, le secrétaire général du RPM Me Baber Gano brandit la menace de poursuites contre ceux qui s’en prennent au Président. « Nous allons répondre à ces gens-là, pas de la même manière que ce qu’ils font, mais nous le ferons dans le cadre de la légalité. Nous allons ouvrir des enquêtes car nous savons quel est l’intérêt de la calomnie, ternir l’image du président de la République. Nous savons qui ils sont et où ils sont. Nous n’agresserons personne mais nous n’accepterons pas d’être offensés » a-t-il affirmé.

Un article du code pénal malien, l’article 147, prévoit amende et emprisonnement envers ceux qui oseraient calomnier ou insulter le président. « Quiconque, soit par discours, cris ou menaces proférés dans les réunions ou lieux publics soit par des écrits imprimés vendus ou distribués , mis en vente ou exposés dans les réunions ou lieux publics, aura offensé la personne du chef de l’État sera puni d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 50.000 à 600.000 FCFA ou de l’une ou l’autre de ces deux peines seulement ». L’alinéa 1 de l’article 167 touche également du doigt la question de manière plus globale. « Seront punis d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 24.000 à 240.000 FCFA, ceux qui par des voies et moyens quelconques ont sciemment propagé dans le public des fausses nouvelles ou des allégations mensongères de nature à ébranler directement ou indirectement sa confiance dans le crédit de l’État… ».

Selon Me Mamadou Diarra, avocat à la cour, les personnes qui se rendent coupables de tels actes peuvent effectivement êtres poursuivies. Il estime cependant qu’« il faut qu’il y ait des preuves pour étayer leurs propos, mais il serait difficile de tirer sur la corde pour de tels actes surtout dans ce contexte ci » juge t-il.

Niger : le bon élève de l’UE dans la lutte contre l’immigration

Entre mai et novembre 2016, le flux de migrants remontant d’Afrique subsaharienne vers la Libye via le Niger a été réduit de près de 100% grâce aux efforts des autorités nigériennes. L’Union Européenne a donc félicité le pays ce jeudi 15 décembre à Bruxelles.

De 70 000 en mai 2016 à 1 500 en novembre dernier, le nombre de migrants traversant le Sahara via le Niger a considérablement baissé. L’information a été officialisée ce jeudi 15 décembre à Bruxelles par l’Union européenne. Une nouvelle pour le moins inattendue pour les autorités nigériennes et qui a été saluée de par le monde. En effet Mamadou Issoufou, président nigérien et son gouvernement ont énormément contribué à ralentir le trafic sur cet axe très emprunté par les migrants ouest-africains : 98% en six mois.

Pour plusieurs institutions européennes le Niger est le bon élève des partenariats conclus avec lui moyennant une aide financière qui a permis l’arrestation de 102 passeurs, aujourd’hui en attente de jugement. Selon les autorités nigériennes, quatre-vingt-quinze véhicules de transports de migrants ont également été saisis. Neuf gendarmes ont été arrêtés et écroués, soupçonnés d’avoir été corrompus par les trafiquants.

On rappelle que le Niger est l’un des cinq pays africains avec qui l’Union européenne a noué cette année un partenariat privilégié pour tenter de stopper les traversées périlleuses de la Méditerranée.

 

Immigration : La patate chaude du retour des migrants 

La chasse aux migrants en Algérie, il y a plus d’une semaine, a remis à la une de l’actualité la question de la migration et soulevé des polémiques ravivées par la signature supposée d’un accord entre le gouvernement malien et l’Union européenne pour la réadmission des maliens en situation irrégulière en Europe. Pour nombre de Maliens, la réaction jugée « molle » de Bamako vis-à-vis des expulsions d’Algérie et l’éventualité d’un accord avec l’Union européenne est la preuve d’une position gouvernementale équivoque. Quoi qu’on dise, il apparaît clairement que le problème de la migration, véritable patate chaude pour les Occidentaux, doit être réglé par les pays d’où partent les migrants.

Jeudi 1er décembre 2016. Dans la nuit, les rues de la capitale algérienne, Alger, sont le théâtre d’une descente de police et de gendarmerie pour « mettre le grappin » sur les migrants subsahariens, parmi lesquels des femmes et des enfants. Au bout de cette opération qui s’est poursuivi jusqu’au vendredi 2 décembre, 1 500 sans-papiers subsahariens sont interpellés, transportés manu militari dans le sud du pays, à Tamanrasset, avant d’être expulsés. Ils sont pour la plupart libériens, guinéens, maliens, congolais et béninois. « La honte », « une rafle raciste », « chasse aux noirs », « forfaiture renouvelée digne d’un régime fasciste », les mots ne manquaient pas pour illustrer les réactions provoquées par ces opérations, y compris de la part d’une frange de la société civile algérienne. L’onde de choc s’est propagée dans les pays dont sont originaires ces migrants. La colère et l’indignation ont vite éclaté à Bamako, car parmi les migrants figurent 600 Maliens arrêtés chez eux ou sur leur lieu de travail, dont 400 ont été envoyés à Tamanrasset et 200 expulsés à travers le Niger. « Qui n’a pas compris qu’il s’agit avant tout d’envoyer un signal aux protecteurs européens de la dictature ? Cette punition collective est d’abord destinée à montrer aux Occidentaux que le régime d’Alger est plus que disposé à servir de supplétif docile aux politiques de « containment » des migrations africaines », s’indigne l’économiste algérien Omar Benderra, sur le site Libre Algérie. En août dernier, 400 Maliens avaient déjà été rapatriés à cause de violences à Tamanrasset.

Conditions d’expulsion contestables À l’Association malienne des expulsés, Moustapha Bathily, 36 ans, raconte les conditions de son expulsion : « J’ai été arrêté à 7 heures du matin, juste à la sortie de chez moi. Avant, je travaillais sur un chantier et je gagnais 1 200 dinars (6 000 francs CFA) par jour. Ils nous ont conduits à la gendarmerie et ont demandé nos papiers. Ceux qui en avaient ont été relâchés. Moi j’avais laissé les miens chez moi. Je n’avais que 1 700 francs CFA en poche et lorsque j’ai changé la devise, on ne m’a remis que 700 francs CFA. C’est avec ça que j’ai fait le chemin retour vers le Mali ». À côté de lui, Ousmane Dembélé, expulsé lui aussi, est malade et peine à parler.

Dans leurs témoignages, des expulsés ont affirmé avoir été brutalisés et maltraités par les forces de sécurité algériennes. Il y aurait eu des morts, selon certains. Une information impossible à vérifier auprès des sources officielles. Il aura fallu attendre le lundi 13 décembre pour que les autorités maliennes réagissent. « Nous demandons une enquête au sujet des cas de décès annoncés pour avoir confirmation ou infirmation de cette information », a ainsi affirmé Issa Sacko, délégué général des Maliens de l’extérieur, à l’AFP, ajoutant que « la dignité humaine reste de mise quoiqu’il arrive ». Pour sa part, Saloum Traoré, président d’Amnesty international Mali assure que « l’Algérie n’a pas respecté les textes internationaux en la matière. Dans cette opération, il y a un système raciste. De plus, l’expulsion de masse est interdite ». Pour beaucoup d’observateurs, tout cela pose la question de la protection des migrants, qui semblent laissés à l’abandon par les consulats et le Haut conseil des Maliens de l’extérieur. En particulier quand ils se retrouvent en difficulté, comme la situation qui fut l’objet de la sortie véhémente du Conseil supérieur de la diaspora malienne. Son président a fustigé lors d’une conférence de presse, le 6 décembre dernier « le laxisme des diplomates maliens à Alger ».

Accord et désaccords Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le dimanche 11 décembre, le communiqué conjoint Union européenne/Mali qui a sanctionné le dialogue de haut niveau sur la migration, a fait grand bruit au sein de l’opinion. D’abord à travers certains medias étrangers (AFP, Jeune Afrique, RFI), qui ont annoncé la signature d’un accord sur la réadmission des migrants vivant en situation irrégulière en Europe, une information largement relayée sur les réseaux sociaux. Le communiqué faisait état de renforcement de la coopération dans les domaines comme la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées, la prévention et la lutte contre la migration irrégulière, le retour, la réadmission et la réintégration des migrants en situation irrégulière. Une sorte de prolongement du sommet de la Valette qui a réuni, du 11 au 12 novembre 2015, les chefs d’État européens et africains, les chefs d’institutions régionales, sous-régionales et mondiales (Union européenne, Union africaine, CEDEAO, OIM, ONU) autour de la question de la migration. L’impossibilité d’y trouver un accord commun a donc conduit l’UE à négocier avec les pays africains isolément.

« Après le sommet de la Valette, Maniela Ricci, en charge de la politique de l’information de l’UE, est venue nous voir pour nous dire clairement que l’Europe ne veut plus de nous. Elle ne comprenait pas que malgré tous les morts, des milliers de personnes continuent de prendre la mer en vue de gagner l’Occident. Nous lui avons rétorqué que les financements qu’ils donnent, aucun migrant, ni aucun candidat à la migration n’en voit la couleur. Voyant que ce qu’ils ont mis en place a très peu d’effet, ils utilisent désormais la force », explique Amadou Coulibaly, chargé des relations sociales de l’Association malienne des expulsés. « Nulle part dans le communiqué, il n’est question d’accord. Un communiqué conjoint n’a pas la valeur juridique d’un accord. Le Mali n’a pas encore signé », répond Drissa Dioura, chef du bureau de l’information et de la presse au ministère des Affaires étrangères. Le Mali n’a donc pas signé, mais « que ce soit démenti ou pas, signé ou paraphé, l’accord existe. En avril dernier, la Côte d’Ivoire l’a signé, et le Niger aussi. Ce communiqué-là, c’était juste pour jeter les bases d’un accord. Le Mali va signer », confie ce diplomate ayant requis l’anonymat. Quoi qu’il en soit, ces évènements qui ont soulevé des polémiques loin de désenfler, posent la question du traitement fait à la question de la migration par les autorités maliennes, et mettent une nouvelle fois en lumière les couacs de la communication gouvernementale. Quand bien même il existe « une politique nationale des migrations (PONAM) qui prévoit la lutte contre l’émigration irrégulière, aider nos compatriotes à revenir, investir, s’installer et trouver des voies et moyens pour se réaliser ici. Mais est-elle mise en œuvre ? », se demande Moussa Mara, ancien Premier ministre et président du parti Yèlèma. « Il faut qu’on sorte des passions, des polémiques qui retomberont dans quelques jours sans qu’il y ait du changement. Il faut qu’on traite ces questions essentielles avec rigueur et qu’on prenne des mesures importantes pour leur apporter le traitement approprié. De manière souveraine sans qu’à chaque fois, on vienne nous le dire », conclue-t-il.