Trump en danger ?

Les projecteurs seront braqués ce mercredi sur le congrès où une nouvelle audition est organisée sur les ingérences russes aux Etats-Unis et sur le rôle du président pour essayer d’étouffer l’affaire.

Quatre haut responsables de l’appareil de sécurité américain ouvriront le bal ce mercredi devant la commission du renseignement du Sénat : les directeurs du renseignement Dan Coats, de l’agence d’espionnage NSA Mike Rodgers et du FBI par intérim Andrew McCabe ainsi que Rod Rosenstein, numéro deux du département de la Justice. Les deux premiers nommés seront interrogés par les 15 membres de la commission sur de possibles pressions personnelles exercées sur eux par Donald Trump. Selon des révélations du Washington Post, le président leur aurait demandé de le défendre publiquement face aux accusations de collusion avec la Russie. Les enquêteurs entendent faire la lumière sur le piratage russe lors de la campagne présidentielle américaine et sur une éventuelle coordination entre les proches de Trump et Moscou.

Mais le point d’orgue de ces auditions sera le témoignage, demain jeudi, de l’ancien directeur du FBI James Comey. Limogé le 9 mai dernier, il sera devant le congrès pour livrer son témoignage qui sera retransmis en direct. Des notes écrites par Comey ayant fuité dans la presse indiquent que le président a franchi une ligne rouge en lui demandant d’abandonner l’enquête sur Michael Flynn, ancien patron du conseil national de sécurité limogé le 14 février après avoir menti au vice-président sur ses relations avec l’ambassadeur russe à Washington.

« Au lieu de nous fonder sur des articles et des ouï-dire, nous allons demander au directeur, et les américains pourront regarder » a estimé Marco Rubio, membre de la commission d’enquête.

Si les accusations s’avèrent pertinentes, le procureur spécial Robert Mueller, spécialement nommé pour reprendre de façon indépendante l’enquête du FBI, pourrait convoquer un grand jury en vue d’inculper le président pour entrave à la justice.

 

Robert Mueller, vétéran du FBI en charge de l’enquête Trump-Russie

Décrit comme un homme austère et méthodique, Robert Mueller, nommé mercredi procureur spécial dans l’enquête sur une éventuelle collusion entre des proches de Donald Trump et la Russie, est une figure très respectée à Washington.

A 72 ans, l’ancien patron du FBI sous les présidents George W. Bush et Barack Obama a gagné le respect des républicains comme des démocrates, n’hésitant pas à s’opposer à la Maison Blanche sur des pratiques qu’il considérait comme illégales.

« Mueller est un superbe choix. Un CV impeccable. Il sera largement accepté », a tweeté l’élu républicain Jason Chaffetz.

Robert Mueller peut se targuer « d’une détermination et d’une indépendance d’esprit », a ajouté le sénateur démocrate Richard Blumenthal, l’un des critiques les plus véhéments de Donald Trump.

Robert Mueller est désormais en charge d’une enquête potentiellement explosive sur de possibles collusions entre l’entourage de Donald Trump et la Russie, qui a provoqué une tempête politique dans la capitale américaine, chaque jour apportant son lot de révélations dans la presse.

Il n’a aucun lien connu avec Donald Trump et sera le premier enquêteur indépendant à s’intéresser à l’affaire des possibles ingérences russes dans l’élection américaine avec toutes ses ramifications.

Nommé à la tête de la puissante police fédérale américaine seulement une semaine avant les attentats du 11 septembre 2001, Robert Mueller est resté en poste pendant douze ans.

Son long mandat avait été dominé par les questions de terrorisme et de surveillance. Il avait été crédité d’une remaniement en profondeur du FBI à un moment où l’agence faisait face à des menaces de démantèlement pour avoir échoué à prévenir les attentats du 11-Septembre.

Robert Mueller avait défendu les vastes programmes de surveillance des communications, dévoilés par Edward Snowden, comme étant d’une « importance capitale » pour empêcher les actes terroristes.

En 2004, il avait cependant menacé de démissionner en raison d’un programme d’écoutes extra-judiciaires, ordonné par le président George W. Bush après le 11-Septembre.

Avant de rentrer au FBI, Robert Swan Mueller III — issu de l’aristocratie new-yorkaise et éduqué dans la prestigieuse université de Princeton — avait déjà eu d’importantes responsabilités au sein du système judiciaire américain. Il a successivement occupé les postes de procureur fédéral à San Francisco, procureur fédéral et numéro deux du ministère de la Justice sous la présidence de George Bush père.

Il avait supervisé les procès de l’ancien homme fort du Panama, Manuel Antonio Noriega, condamné aux Etats-Unis pour trafic de drogue et blanchiment d’argent, ainsi que l’enquête sur l’explosion d’un Boeing 747 de la compagnie américaine Pan Am au dessus du village écossais de Lockerbie, dans laquelle 270 personnes avaient été tuées le 21 décembre 1988.

Ancien officier des Marines, Robert Mueller a servi pendant la guerre du Vietnam où il a été blessé au combat.

Sa longévité à la tête de la police fédérale américaine n’a été dépassée que par celle d’Edgard Hoover, le fondateur du FBI qui en a assuré la direction pendant 48 ans, jusqu’à sa mort.

Robert Mueller est actuellement membre d’un cabinet juridique privé dont il va démissionner.

Informations classifiées à la Russie: Trump peut-il être destitué ?

Les accusations visant le président américain Donald Trump, qui aurait divulgué des informations hautement sensibles à des responsables russes, soulèvent la question de savoir s’il a commis un délit et quelles pourraient en être les conséquences judiciaires.

Quelles informations partagées ?

Selon le Washington Post et d’autres médias, Donald Trump a divulgué des informations classifiées sur un projet de l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) d’armer des ordinateurs portables susceptibles d’exploser à bord d’un avion, et a nommé une ville en Syrie où une source aurait collecté ces informations.

Trump a-t-il commis un délit ?

Le président a le pouvoir de déclassifier des informations, selon les experts. Certains affirment qu’en divulguant des informations classifiées, le président de fait les déclassifie et ne commet donc pas de délit.

« Je ne pense pas qu’il ait fait quelque chose d’illégal. Le président a généralement le pouvoir de déclassifier des documents. Mais on peut arguer qu’il a été imprudent. Ce n’est pas parce que vous êtes investi d’un pouvoir de faire quelque chose que vous avez raison de le faire », explique Cristina Rodriguez, professeure invitée à la Colombia Law School.

Quelles règles Trump a-t-il enfreintes ?

D’autres experts affirment qu’exposer des informations sensibles à un pays ennemi comme la Russie, alors qu’elles n’ont même pas été partagées avec des alliés, pourrait constituer une violation du serment présidentiel.

Le président jure de « préserver, protéger et défendre » la Constitution américaine. Or le partage d’informations sensibles avec Moscou, accusée par les services américains de renseignement d’ingérence dans l’élection présidentielle ayant porté M. Trump au pouvoir, pourrait représenter une rupture de cet engagement solennel.

Une telle imprudence pourrait être considérée comme « des crimes et délits de haute importance », avancent des spécialistes.

« Cela pourrait très bien aller jusqu’au délit justifiant une destitution. Vous n’avez pas besoin d’avoir commis un délit pour être destitué, vous pouvez être destitué pour abus de pouvoir ou pour avoir outrepassé la confiance de l’opinion », explique Mme Rodriguez.

Qui pourrait enquêter ?

Toute enquête sur une éventuelle procédure en destitution doit être lancée par le Congrès. Mais comme ces informations ont été divulguées à de hauts responsables russes, et que les démocrates réclament la nomination d’un procureur spécial sur l’ingérence russe, ce procureur – s’il est nommé – pourrait aussi se pencher sur cette affaire.

David Golove, professeur de droit à la New York University, affirme que c’est une chose si Donald Trump a « juste bavardé dans son style inimitable » – ce qui pourrait être considéré comme de l’imprudence -, mais c’est autre chose s’il l’a fait comme un « signe de bonne foi » pour réchauffer les relations américano-russes. « Cela pourrait être considéré comme une décision de commandant en chef, même si ça semble stupide ou erroné », explique-t-il.

Le Congrès va-t-il destituer Trump ?

Les républicains sont dans l’ensemble fidèles au président. Il y a donc peu de chance pour qu’une procédure en destitution soit lancée.

Mais la colère de l’opinion pourrait mettre la pression sur le chef de file des républicains au Sénat, Mitch McConnell, qui devra peser cette éventuelle décision avec les intérêts de son parti. « Tant que Donald Trump sera protégé par les républicains, il n’y a pas vraiment de comptes à rendre », selon M. Golove.

Quel impact sur le renseignement ?

Les opposants de Donald Trump craignent que les alliés de l’Amérique ne soient désormais réticents à partager des informations sensibles de peur qu’elles ne tombent dans de mauvaises mains. Selon le New York Times et d’autres médias, les informations sur l’EI ont été fournies par Israël, et transmises à la Russie, grande alliée de l’Iran qui est l’ennemi juré de l’Etat hébreu.

D’autres craignent aussi que la Russie n’exploite ces informations pour retrouver la source elle-même et l’empêcher qu’elle soit utilisée contre ses propres intérêts en Syrie.

« Hormis la question de la légalité, il y a une tradition de longue date (au sein du renseignement) selon laquelle personne ne doit compromettre d’aucune manière ses sources », rappelle Mark J. Rozell, doyen de la Schar School of Policy and Government à l’université George Mason.