Le GATIA de retour à Ménaka

 

La reprise de Ménaka en juillet dernier par la CMA avait contraint le GATIA à se retirer de la ville, sans résister. Le MSA qui était  son allié, a partagé le contrôle de la ville avec le HCUA. Les différentes négociations entamées  entre CMA et Plateforme ont abouti au retour du GATIA dans certaines localités perdues comme Ménaka. Un nouveau tournant entre les protagonistes d’hier.

Les affrontements qui ont éclaté au mois de juillet entre la CMA et le GATIA avaient précipité la perte des positions de ce dernier dans les régions de Kidal et Ménaka. Ces affrontements ont constitué une menace sérieuse sur l’Accord de paix d’Alger et suscité des réactions auprès  de la communauté internationale . Des négociations entamées avaient abouti à la signature de deux trêves de cessez-le-feu, un document dit « Engagement » a couronné la volonté de la CMA et la Plateforme à cesser de façon immédiate et définitive  toutes formes d’hostilités et à mettre en œuvre les points inscrits dans le document. Parmi ces points il y a le retour  coordonné des éléments  de la Plateforme à Takalot et bien d’autres encore visant à restaurer la confiance. Le retour des éléments du Gatia le 30 octobre  à Ménaka sans anicroche avec la CMA est une donne s’inscrivant dans ce sens. « C’est une conséquence des engagements pris le 20 septembre à Bamako, dont la mise en œuvre a été formalisée à Annefif et Takalot » justifie Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du  GATIA.

Les liens entre cette composante de la Plateforme et les populations de Ménaka sont restés vivaces,  en témoignent les manifestations de joie qui  ont accueilli  son retour dans la ville.  « Nous sommes très contents du retour du GATIA, car depuis qu’il a quitté, chaque nuit il y a un  braquage » raconte cet habitant de la ville de Ménaka. Les attaques des bandits sur les tronçons ont aussi considérablement augmenté. Pour Fahad Ag Almahmoud la sécurisation des populations reste la priorité. « Notre priorité reste toujours la sécurisation de nos parents  en attendant que  l’État prenne en charge la sécurité ».  Il n’exclut pas pour ce faire,  la coordination avec les groupes sur le terrain pour sécuriser la région. « Le MSA est notre allié, la CMA de Ménaka aussi  n’a pas de problème de voisinage avec la plateforme comme à Kidal » estime le secrétaire général.  Il faut rappeler que le MSA qui était l’allié du GATIA avant qu’il(GATIA) ne  se retire de la ville,  s’est vu seul face  aux assauts des éléments armés proches d’Adnan Abou Walid, bras long de l’État Islamique dans le Sahel. La persistance des attaques visant le MSA a conduit le 11 octobre passé certains  chefs de fractions à le quitter au profit d’un protecteur plus puissant : la CMA. Aujourd’hui,  la CMA, la Plateforme,  le MSA, la MINUSMA et les FAMAs sont tous présents à Ménaka.  Un tel concentré  d’armées doit parvenir normalement à sécuriser la région avec une coordination étroite  sur le terrain. Une possibilité que n’exclut pas le secrétaire général du GATIA : « On peut le faire avec toutes les forces en présence comme on peut le faire nous seul aussi, c’est un travail quotidien » a assuré le secrétaire général.  Le mécanisme opérationnel de coordination prévu à cet effet n’est pas encore  opérationnel à Ménaka, Tombouctou et Kidal, alors  qu’il constitue l’une des mesures indispensables pour la restauration de la confiance entre les parties et le test vers une armée nationale reconstituée. Les nids du terrorisme planqués dans la région et environs nécessiteront une coordination des efforts et une mise en œuvre rapide de l’Accord. «  Les uns et les autres doivent se donner la main pour une mise en œuvre diligente de l’Accord » selon Fahad Ag Almahmoud qui rappelle que la lutte contre le terrorisme n’est pas du domaine des groupes armés à base communautaire. C’est pour cela qu’il est urgent selon lui, que les groupes armés soient désarmés conformément à l’Accord pour que l’armée nationale soit totalement opérationnelle et faire face aux menaces terroristes.

Le gouverneur Ag Ichrach ce mercredi à Kidal

Mercredi 23 août, Sidi Mohamed Ag Ichrach, gouverneur de Kidal, devrait se rendre dans la capitale des Ifoghas pour, pendant quelques jours, préparer le retour de son administration, alors que les tensions subsistent toujours entre la Plateforme et la CMA, qui entreprend d’avancer dans le processus de paix sans son frère ennemi pourtant signataire de l’Accord.

Sidi Mohamed Ag Ichrach, le gouverneur de Kidal, qui n’a toujours pas pu prendre fonction dans la capitale du Nord depuis sa nomination, devrait arriver demain à Kidal, pour préparer sa prise de fonction définitive dans la ville. « je serai demain à Kidal, si la réservation d’un vol de la Minusma est possible dans ce cours délai », a confirmé Sidi Mohamed Ag Ichrach au JDM.

À Kidal, cela fait quelques semaines qu’on entend dire que le gouverneur viendra s’installer. « Ça va se faire d’une manière ou d’une autre, la CMA pousse pour cela, elle essaie de poser des actes et des actions qui vont aller dans le sens de l’apaisement avec l’État et pour montrer à la communauté internationale qu’elle est de bonne foi dans la mise en œuvre de l’Accord », explique ce sympathisant de la coordination joint au téléphone. « La CMA veut montrer qu’elle fait avancer l’Accord pour continuer sa stratégie d’évincement de la Plateforme de la mise en œuvre de l’Accord. C’est un geste politique, ça arrange la CMA ainsi que le gouvernement, qui pourra dire à l’opinion nationale que l’administration recommence à se déployer à Kidal, c’est une façade tout ça », maugrée cet habitant de Kidal.

Toujours est-il que cette future installation du gouverneur à Kidal, pose des questions pour le moment sans réponses : Où sera-t-il logé, sachant que les bâtiments du gouvernorat de Kidal sont vétustes ou délabrés ? Qui assurera sa sécurité, alors qu’il refusait encore récemment de siéger à kidal si la CMA devait le sécuriser ? Comment parviendra-t-il à travailler avec les autorités locales, sachant que les chefs de fraction et les notabilités, acquises à Mohamed Ag Intalla, l’aménokal de Kidal, souhaitent changer ce gouverneur qui est un membre de la Plateforme ? « Si le gouverneur s’installe à Kidal ce sera certainement au camp de la Minusma », indique cet employé humanitaire de la région, « mais à quoi cela va servir puisqu’il n’y a aucun local en ville ou il pourra travailler ou s’abriter avec toute son administration qui est à Gao », poursuit-il.

La venue du gouverneur à Kidal intervient plus d’une semaine après la déclaration de « cessez-le-feu unilatérale » de la Plateforme et alors que la CMA a décidé d’avancer dans la mise en œuvre de l’accord sans pour autant inclure son adversaire. Une rencontre dimanche dernier a eu lieu à Anéfis entre des émissaires de la Plateforme et Alghabass Ag Intalla, Bilal Ag Chérif et Mohamed Ag Najim de la CMA. Selon nos informations, malgré un premier échec dans ces tractations, un accord pour une trêve serait en passe d’être trouver, même si certains ne semble pas vouloir s’inscrire dans cette dynamique : « On est pas dans le cadre de la recherche d’une paix durable. La CMA essaie de nous diviser et de nous exclure de la mise en œuvre de l’Accord . Tant qu’il y aura cette idée d’exclusion, ça ne pourra pas fonctionner. », souligne ce cadre de la Plateforme.

Guillaume Ngefa : « Notre rôle, c’est d’établir la vérité »

 La Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la MINUSMA est un pilier fondamental de la mission onusienne. Les personnes qui y travaillent assurent la protection et la promotion des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national. La découverte récente de fosses communes dans la région de Kidal et la libération de 9 enfant soldats enrôlés dans les mouvements armés ont, pour un temps, mis sur le devant de la scène cette division très informée et qui cultive la discrétion. Guillaume Ngefa, son Directeur, a répondu aux questions du Journal du Mali sur son travail quotidien dans un contexte de violence et d’insécurité.

Quel est le rôle de la division des Droits de l’Homme de la Minusma ?

C’est la composante de la mission qui a reçu mandat de surveiller la situation des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national, d’aider à enquêter sur les abus et les violations des droits de l’homme, de les documenter et de les rendre publics et de contribuer au renforcement des capacités des institutions nationales, ainsi que des organisations non-gouvernementales. Nous aidons aussi à l’administration de la justice.

Faites-vous aussi de la sensibilisation ?

Le volet sensibilisation est une composante essentielle de notre travail. Nous conduisons une série de formations des forces de défense et de sécurité maliennes, en coopération avec l’EUTM et l’EUCAP, qui forment la police et la gendarmerie. Nous avons des programmes de renforcement des capacités des organes chargés de l’administration de la justice. Chaque année nous organisons une formation avec l’institut des droits de l’homme de Strasbourg sur le droit international, les droits de l’homme et le droit humanitaire, nous en sommes à la quatrième.

Quel est votre rôle face à des abus et des violations graves des droits de l’homme ?

Les violations du cessez-le-feu peuvent s’accompagner d’abus ou de violations des droits de l’homme. Nous devons enquêter, faire la lumière et rendre nos conclusions accessibles au public via un rapport. Nous recevons toutes sortes d’allégations, de plusieurs sources : victimes, chefs de villages, sources journalistiques, témoins. Nous les vérifions pour les corroborer, voir si elles sont vraisemblables. Car elles peuvent être fictives, minimisées, exagérées ou utilisées à des fins totalement politiciennes. Vu la complexité de certaines situations, on déploie d’abord une mission d’investigation. Quand on a assez d’éléments, on déploie une mission d’établissement des faits pour les vérifier et les déterminer. Ce devoir de vérification permet aux victimes de connaître la vérité et à la justice d’ouvrir des enquêtes pour que les auteurs répondent de leurs actes.

Comment cela s’est- il passé pour les fosses communes découvertes dans la région de Kidal ?

Nous documentons et suivons cela depuis juillet 2016, lorsque les affrontements ont commencé entre le Gatia et la CMA. Après vérification, nous sommes arrivés à 67 allégations de violations des droits de l’homme. C’est dans l’établissement des faits que nous avons découvert deux fosses communes et deux tombes individuelles. Jusqu’à maintenant, nous avons 34 cas d’abus sérieux qui ont été commis aussi bien par le GATIA que par la CMA. Les conclusions de nos enquêtes sont partagées avec les groupes armés. Le but est qu’ils assument la responsabilité de ce qui s’est passé. Les faits commis peuvent faire l’objet d’enquêtes judiciaires.

Comment faites-vous pour ne pas être manipulés par les uns ou les autres ?

On tente de nous manipuler, ça fait partie du jeu, mais les informations sont collectées, vérifiées. On ne s’appuie que sur des fait établis. Si ce n’est pas vérifié, on parle d’allégation. Il y a eu un mois d’enquête en ce qui concerne les fosses communes de Kidal. Les 33 allégations qui restent doivent passer par tout ce processus. L’enquête doit continuer, il y a des éléments manquants.

Une fois les responsabilités établies, que va-t-il se passer ?

Nos enquêtes ne sont pas des enquêtes criminelles. Ce sont des informations mises à la disposition de la justice pour qu’elle ouvre une enquête criminelle. C’est à elle de dire le droit, de qualifier les faits et de déterminer la sanction prévue par la loi malienne. Il est important que la justice fasse son travail.

 La justice s’est-elle saisie de précédents rapports que vous lui avez transmis ?

Nous avons produit trois rapports, sur Kidal et Tin Hama notamment. Ils ont été transmis à la justice. Maintenant, il faut leur poser la question. Notre travail est important dans le processus de paix, ça rassure les gens, au moins ils savent que l’impunité ne continue pas.

L’ONU enquête sur de possibles fosses communes au Nord Mali

La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a fait savoir samedi qu’elle enquêtait sur l’existence de fosses communes et sur de nombreuses accusations de violations des droits de l’homme par des groupes armés tentant de contrôler la région.

Dans un communiqué, la Minusma indique avoir été informée « d’allégations d’abus et de violations graves des droits de l’homme, imputées respectivement (aux) mouvements signataires » de l’accord de paix signé en mai-juin 2015 entre les groupes armés pro-gouvernementaux, réunis au sein de la « Plateforme », et les groupes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg). Cet accord de paix est régulièrement violé depuis juin.
La Minusma a annoncé samedi avoir déployé « des équipes de la Division des droits de l’homme et de la protection, afin d’enquêter et de documenter ces éventuels abus et violations, notamment à Anéfis (région de Kidal, NDLR), où l’existence de charniers a été rapportée », ajoute le communiqué.
« Sur les 67 allégations, 34 ont pu être corroborées et confirmées, parmi lesquelles figurent notamment des disparitions forcées d’individus, y compris celles de mineurs, des cas d’enlèvement et de mauvais traitements, ainsi que des cas de destructions, d’incendie et de vols », rapporte la Minusma.
Les équipes de la Minusma ont « constaté sur place l’existence de tombes individuelles et de fosses communes », sans être en mesure d’établir pour le moment le nombre de personnes enterrées et les circonstances de leur décès, poursuit le communiqué, qui ajoute que les enquêtes vont se poursuivre notamment sur le sort des personnes disparues.
La Minusma s’est dite « aussi extrêmement préoccupée de la possible présence de mineurs dans les rangs des mouvements signataires, ce qui constitue de graves violations des droits de l’enfant en période de conflit armé ».
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée.

Accord d’Alger : Les Etats-Unis haussent le ton

Le conflit entre la CMA et la Plateforme ces dernières semaines a suscité l’inquiétude aussi bien sur le plan national qu’international. C’est face à la dégradation sécuritaire et à la violation du cessez-le-feu que le département d’État américain est sorti de se réserve pour dénoncer l’attitude des deux mouvements signataires de l’Accord d’Alger qui se sont une fois de plus affrontés ces derniers jours à Kidal.

Après l’affrontement survenu entre la CMA et la Plateforme dans la région de Kidal le mercredi 26 juillet, à l’issu desquels la Plateforme a subi une lourde défaite en perdant toutes ses positions dans la région de Kidal et quittant dans la foulée la ville Ménaka, l’Accord de paix semblait menacer par ces troubles qui constituent « une violation » du cessez-le feu.

Face à cette recrudescence des combats, le département d’État américain, a invité toutes les parties signataires à s’investir davantage dans la mise en œuvre de l’accord de paix. «  Nous appelons toutes les parties maliennes à redoubler d’effort pour respecter le cessez-le-feu et mettre pleinement en œuvre l’Accord de paix d’Alger » indiquait le département d’Etat dans un communiqué publié du lundi 31 juillet dernier. De même, le département a encouragé « les efforts qui visent à rapprocher les parties maliennes pour une cessation des hostilités » en l’occurrence, la mission de bons offices conduite par l’imam Mahmoud Dicko. Les États- Unis ont condamné aussi, ce qu’elles considèrent comme des « violations récurrentes du cessez-le-feu entre les groupes signataires de l’Accord de paix d’Alger ».

Tout en encourageants les parties à poursuivre dans la mise en œuvre de l’Accord, les États unis n’ont pas manqué de regretter « l’échec des parties maliennes à parvenir à une paix définitive ». Des exactions sur les civiles et des violations des droits de l’homme sont des pratiques courantes dans ces zones de conflits. C’est pourquoi le département d’État américain a incité les uns et les autres à «  respecter strictement leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et à respecter les droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les civils et les prisonniers». Ces propos font aussi référence aux allégations selon lesquelles des fosses anonymes auraient été découvertes dans la region de Kidal. « Si les allégations sont véridiques, les auteurs doivent être traduits en justice » a souligné le département d’État américain qui s’est dit « profondément troublé par les rapports sur les représailles et meurtres des civiles au Mali ».

Un communiqué en forme d’avertissement qui indiaue que le climat délétère doit se normaliser pour continuer le processus de mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger.

Sidi Brahim Ould Sidati : « C’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester derrière »

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a remporté, ces dernières semaines, des victoires décisives sur son adversaire, la Plateforme, dans le conflit de position qui les oppose depuis le 6 juillet dernier. Avec la reprise de Ménaka, vendredi 28 juillet, la CMA confirme sa domination. Reste maintenant à mettre en œuvre un processus de paix que ces différents conflits violents ont considérablement mis à mal. C’est dans ce contexte que l’actuel président de la CMA, Sidi Brahim Ould Sidati, nous a reçu dimanche 30 juillet à Bamako, pour une discussion à bâtons rompus sur les tenants et aboutissants d’une crise dont personne ne peut dire pour le moment quand et comment elle sera réglée.

Depuis le 6 juillet, la mise en œuvre de l’Accord est bloquée et les affrontements entre la Plateforme et la CMA ont repris. Pourquoi ce recours aux armes ?

Vous savez, les populations ont vu la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord. Elles ont aussi vu les exactions que faisait le GATIA sur les populations civiles, malgré plusieurs interpellations adressées à la MINUSMA, aux droits de l’Homme, à tout le monde. Tous ont été indifférents à ce qui se passait en dehors de Kidal, les spoliations, les enlèvements de biens, les exécutions. Ils sont allé jusqu’à brûler des civils dans des puits. La CMA a été acculée par ses propres populations. Nous avons fait face à une crise interne. La population de Kidal a failli marcher contre nous pour dire on est plus d’accord avec cette inaction. Nous avons  été obligés de réagir. C’est pour cela qu’il y a eu des actions le 6 et le 12 juillet, pour attaquer les patrouilles du GATIA et défendre les territoires que la CMA devait occuper à la signature du cessez-le-feu.

Plusieurs tentatives de parvenir à un cessez-le-feu ont échoué. Pour quelles raisons ?

Quand nous avons repris Anefif et que le GATIA en est sorti, nous avons demandé un cessez-le-feu, pour obliger chacun à rester sur ses positions, et pour qu’on relance la mise en œuvre du chronogramme, l’arrivée des Famas et du MOC à Kidal. Le 18 juillet, les 3 parties maliennes, avec l’aide de la Commission de bons offices dirigée par l’imam Dicko, sont tombées d’accord sur un texte consensuel et se sont engagées à l’arrêt des hostilités. A notre grande surprise, le 19 juillet, la Plateforme n’est pas venue signer. Ils ont refusé de signer pour récupérer de nouvelles positions sur le terrain, parce que la conservation des positions de chaque partie en cas de cessez-le-feu les dérangeait. Tant qu’on attend un cessez-le-feu que les autres refusent, on ne peut pas avancer et rentrer dans la dynamique d’un chronogramme réalisable. Nous avons donc décidé d’avancer. Quand on sera parvenu à mettre sur pied l’embryon du MOC, quand ils seront prêts à faire le cessez-le-feu et à travailler sur des mesures de confiance, ils prendront le train en marche. Nous avons déjà connu cela, notamment à la CEN. Dans le processus de paix on a suffisamment pris le train en marche, aujourd’hui c’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester en arrière.

 Votre entrée à Ménaka a surpris tout le monde. Les autorités maliennes ont dit que c’était « contraire à l’Accord de paix ». Pourquoi avoir pris la ville ?

Quand Ménaka a été repris à la CMA, en violation de tous les arrangements sécuritaires, nous n’avons pas vu un communiqué ou une déclaration du ministère de la Défense, disant que l’action menée par les troupes de la Plateforme contre la CMA était une violation de l’accord. Nous considérons que nous avons juste repris notre dû. Le gouvernement ne peut pas accepter le MSA et Ganda Koy à Ménaka et dire non à la CMA. Nos gens sur place ce sont des Maliens, des gens de Ménaka qui ont leurs familles là-bas. Cette politique de deux poids deux mesures doit cesser si le gouvernement veut se comporter comme tel. Toutes les manipulations, toutes les manigances pour reprendre Kidal ont échoué. Vu que cette milice, qui entravait l’Accord, a été mise en déroute, le gouvernement devrait en profiter pour relancer sa mise en œuvre. Aujourd’hui, à Ménaka les Famas et la CMA, les belligérants d’hier, se parlent, participent à la sécurisation des populations ensemble. C’est donc déjà quelque chose de positif. On est entré sans tirer une balle, on s’est compris avec les différentes forces sur le terrain, on n’est pas venu prendre des positions à qui que ce soit. Nous occupons notre place en tant que ressortissants de Ménaka. La place du GATIA n’a pas été prise. Le jour où il sera disposé à faire la paix, il pourra venir la prendre. La CMA est là et est toujours disponible pour aller de l’avant. Nous sommes prêts à mettre ça derrière nous.

 Cette crise de confiance entre le gouvernement et la CMA est aussi une entrave à la mise en œuvre de l’Accord ?

Le GATIA est à la base de cette crise de confiance depuis l’accord de juin 2015 avec le gouvernement. On signe un accord, la cessation des hostilités, et au même moment vous avez un bras armé qui vous harcèle. Tout ce qu’il fait est autorisé par le gouvernement malien, il est applaudi et même encouragé. Le GATIA n’a jamais été dénoncé par le gouvernement, pourtant il a violé l’accord plusieurs fois en s’attaquant à la CMA. Cette crise de confiance nous empêche d’avancer. Dans le raisonnement du gouvernement, tant qu’il n’y a pas le GATIA à Kidal, cela veut dire qu’il n’y a rien à Kidal. Le GATIA est une partie de l’armée malienne, on l’a dit au ministre de la Défense. On lui a demandé de rappeler à l’ordre son Géneral (Gamou – ndlr), d’arrêter tout ça. Tant qu’une situation de confiance ne se créée pas, on ne pourra pas avancer.

 Donc, vous pensez que le gouvernement est aussi responsable de l’instabilité qui sévit dans la région de Kidal ?

Nous savons qu’il y a des officiers de l’armée malienne qui sont pris dans les combats, leur matériel est sur le terrain. L’Accord est un cadre où tout est à discuter. Pour eux, la seule partie belligérante c’est la CMA. Il faut l’affaiblir pour que le gouvernement ne mette pas en œuvre l’Accord tel qu’il est écrit dans les textes. Pour cela, ils ont créé le MSA, ils ont divisé la CJA, créé le MPCA, la Plateforme. Ils pensent que la CMA est devenue faible et qu’elle se limite à Kidal. Ils se rendent compte aujourd’hui qu’ils se sont trompés. L’objectif n’est pas seulement d’arriver à Kidal, mais de savoir combien de temps ils vont pouvoir y rester, surtout s’ils n’ont pas l’adhésion de la population. C’est pour cela qu’ils ont appelé l’imam Dicko. Il faut vraiment créer un dialogue malien, il faut que les Maliens s’acceptent entre eux. Dicko voit plus loin que les composantes CMA – Plateforme, il touche le fond même du problème : le fait que les Maliens s’acceptent entre eux, que l’essence de la population malienne de Kidal accepte le gouvernement, accepte les Famas, dans une acceptation au sens africain, malien du mot, pas seulement dans les écrits.

Sidi Brahim Ould Sidati, Me Harouna Toureh et le Général Elhadji Gamou à Ménaka, pour l’installation des autorités intérimaires.

 Le GATIA affirme que des renforts djihadistes ont aidé la CMA durant les affrontements. Pouvez-vous clarifier cette affirmation ?

La CMA n’a pas disparu, c’est la même CMA qui occupait les 5 régions du Nord, c’est la même CMA qui est à Kidal, qui a aussi des positions dans la région de Tombouctou, jusqu’à la frontière de la Mauritanie, dans la région de Gao. Ces hommes ne se sont pas volatilisés, les armes qu’ils avaient ne se sont pas volatilisées. Avec la propagande véhiculée par la Plateforme et la presse malienne, les gens ont cru que la CMA n’existait plus. La CMA est à Kidal, elle est avec Barkhane, avec la MINUSMA. Les islamistes ne peuvent pas s’organiser avec la présence de Barkhane sur le terrain,  ses appareils, ses satellites et ses drônes. Ils sont à la recherche des djihadistes tous les jours, c’est impossible qu’il se rassemblent aujourd’hui. Ce qu’ils font, c’est poser des mines ou commettre des attaques à motos, c’est tout.

 Toutes les tentatives pour faire revenir l’administration à Kidal ont toujours été des échecs. Au fond, est-ce possible ?

Aujourd’hui, j’encourage la mission de bons offices, parce qu’ils vont essayer de concilier les positions de la société civile de Kidal et de la CMA pour que les gens soient moins hostiles à l’armée et aux symboles de l’Etat. Nous avons un chronogramme avec le gouvernement. Dès qu’on signera la fin des hostilités, la mise en œuvre du chronogramme sera immédiate. Aujourd’hui, il est très difficile de le faire alors que les gens sont en train de s’affronter. On s’entend avec le gouvernement, avec le MSA, avec le MPCA, avec Ganda Koy, avec le MAA. Il manque seulement une composante à convaincre. Nous sommes aujourd’hui en position d’appliquer l’accord, il s’agit simplement de le vouloir.

 

Kidal, Anéfis, Ménaka : enjeux d’une partie d’échec

Mercredi 26 juillet, des affrontements ont de nouveau éclaté entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (coalition de mouvements pro-gouvernementaux), les deux frères ennemis, qui se sont soldés par une nouvelle défaite de la Plateforme. Deux jours après les combats, la CMA, à la surprise générale, a repris Ménaka et domine à présent le terrain avec les coudées franches pour négocier un cessez-le-feu qui pourra entériner ses positions actuelles, face à une Plateforme affaiblie par deux défaites consécutives, mais qui ne semble pas vouloir s’avouer vaincue.

À Bamako, tout est bloqué depuis le 19 juillet dernier, date à laquelle le cessez-le-feu devait être signé entre la CMA et la Plateforme. À la dernière minute, la Plateforme qui la veille avait validé le document, a refusé de le signer et ainsi d’acter la fin des hostilités, condition préalable à une seconde phase qui pourrait remettre sur la table l’installation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et le retour de l’administration malienne dans la région de Kidal. Depuis le 11 juillet dernier en effet, les conditions de cessez-le-feu exigées par les uns, refusées par les autres, à l’image des différents qui les opposent et qui se concrétisent violemment sur le terrain, mettent en échec de façon quasi-systématique les tentatives mises en place pour parvenir à un consensus. Loin de ces tractations politiques, dans la région de Kidal devenue une sorte d’échiquier régional, si pendant une semaine la quiétude du désert n’a pas été rompue par le feu des combats, un second round s’est discrètement mis en place, pour l’obtention de positions dominantes.  « Les gens qui rejettent le cessez-le-feu à Bamako, vous pouvez bien comprendre que sur le terrain ils ne vont pas être pacifiques. Donc, parallèlement au rejet du cessez-le-feu, la Plateforme a continué de faire des mouvements de troupes en direction de Takelote, Aghelhok, Anéfis, Tessalit et mercredi dernier, ils sont allés provoquer la CMA jusqu’à une trentaine de km de Kidal. C’est le geste qui a mis le feu aux poudres », relate cet employé humanitaire de la région.

C’est ainsi qu’aux alentours de 7 heures du matin, mercredi 26 juillet, de nouveaux combats violents ont éclaté entre la CMA et la Plateforme, comme l’explique cet habitant de Kidal joint au téléphone : « Les troupes de la Plateforme se trouvaient, depuis une semaine, à une quarantaine de kilomètres de Kidal. La CMA est partie les attaquer sur deux points chauds. Le GATIA (principale composante armée de la Plateforme) a eu le dessus jusqu’à environ 11 heures avant que des renforts de la CMA, menés par Rhissa Ag Bissada, viennent en appui d’Anéfis et parviennent à faire reculer la Plateforme vers Amassine ». La CMA a ensuite poursuivi les troupes de la Plateforme sur environ 100 km en direction de Ménaka. « De notre point de vue, c’était une défaite presque totale pour la Plateforme », déclare satisfait cet officier de la CMA. Dans l’après-midi de ce funeste mercredi, après la violence et la fureur des combats, c’est un bilan lourd en vies humaines et en dégâts matériels, qui résultait de ce nouvel affrontement. Selon un cadre militaire de la CMA, 5 morts et 5 blessés étaient à déplorer de leur côté, contre une vingtaine de morts pour la Plateforme, des dizaines de prisonniers et 22 véhicules saisis par la coordination. « Une dizaine de morts tout au plus et 9 prisonniers ! », rectifie ce sympathisant du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIAqui tient à souligner que parmi les nombreux prisonniers annoncés par la CMA, beaucoup étaient des civils pro-GATIA pris dans la brousse, notamment dans la zone de Takalote.

Parmi les victimes des affrontements, deux chefs militaires appartenant aux deux camps, Rhissa Ag Bissada du Mouvement National de Libération de L’Azawad (MNLA) et Ahmed Ould Cheikh surnommé Intakardé (en référence aux amulettes de protection qu’il portait en combat, censées le rendre invincible). Ce combattant du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) pro-Mali, ancien officier de l’armée malienne, qui a été membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à sa création, passé ensuite à la Plateforme et devenu bras droit du général Gamou, combattait sans merci ses ennemis qui pouvaient aussi être des parents. « On a essayé de le dissuader plusieurs fois, mais rien n’y a fait. Pour des histoires d’intérêt lié au narcotrafic, il a dévié de la ligne du mouvement et il a rejoint les militaires qui continuent à servir ce même narcotrafic. Quand on parle d’une guerre fratricide, ce n’est pas un vain mot et cela montre la gravité de ce conflit », lâche amer, ce cadre de la CMA, parent de ce défunt grand combattant de la Plateforme.

La perte d’un parent ou d’un proche qui a eu le malheur de s’engager dans l’autre camp, n’est pas rare dans les affrontements qui opposent ces Touaregs issus de la même région, de la même ville ou de la même famille. « On avait beaucoup de gens dans l’armée régulière, ils disent qu’ils sont restés loyaux au gouvernement malien, qu’ils répondent au commandement du général Gamou », poursuit ce même cadre de la coordination. « Pour nous, ce sont des satellites pro-gouvernementaux, qui ne sont pas d’accord avec le concept de l’Azawad, ils nous le disent carrément,  »nous, on est malien à part entière et on veut rien entendre de l’Azawad ». La cassure est là. Sans vraiment dire que ce sont des patriotes, nous sommes persuadés qu’ils servent des intérêts occultes, le grand banditisme, le narcotrafic, en tout cas, c’est loin d’être du patriotisme sincère », confie-t-il.

Mais au-delà des nombreux morts tombés aux combats, la Plateforme a aussi perdu l’enjeu principal de ces guerres, à savoir les positions qu’elle occupait autour de la ville de Kidal et dans la région, permettant ainsi à la CMA de dominer le terrain.

Le grand échiquier « À différents niveaux, dans les différentes parties, il y a ceux qui veulent avoir des positions de force, mais qui se sentent en position de faiblesse à chaque fois qu’ils veulent négocier des choses, c’est valable pour la partie gouvernementale, c’est valable pour la Plateforme et c’est valable aussi pour le CMA. Donc, gagner des positions sur le terrain permet de négocier plus fortement autour de la table à Bamako », analyse cet officiel malien proche du dossier.

Cette guerre de positionnement que se livrent les deux frères ennemis suspend, pour le moment, tout accord de cessez-le-feu qui, une fois signé, entérinera les positions sur le terrain des belligérants qui devront rester inchangées. Les deux camps se livrent donc à des opérations de reconquête ou de maintien de position, dont la ville de Kidal reste l’enjeu principal et qui permettront à celui qui dominera le terrain d’imposer ses conditions pour la paix.

Avant la signature de l’Accord d’Alger en juin 2015, c’était la CMA qui occupait Anéfis, par la suite la Plateforme a repris cette ville à la coordination et le gouvernement a laissé faire. La CMA considère que ses positions sur le terrain doivent être conformes à celles qu’elle occupait au moment où l’accord de paix a été signé. Pour elle, Anéfis doilui revenir de droit. « La Plateforme doit certainement juger qu’ils sont défavorisés parce qu’ils prétendent avoir perdu Anéfis qui était une position de la CMA lors du cessez-le-feu de 2014. Nous ne pensons pas qu’ils sont défavorisés par rapport à ça dans la mesure où Anéfis est juste une position qui ne devait pas être entre dans leur main et qui nous revient », affirme ce cadre du HCUA, qui ajoute, sibyllin, « je me demande si la CMA va accepter un cessez-le-feu maintenant qu’elle est carrément en position dominante. La Plateforme qui s’est engagée dans cette opération aurait dû prendre cela en compte, avec une probabilité principale, celle de sortir encore plus affaiblie ».

Selon nos informations, depuis les combats du 26 juillet, les unités de la Plateforme auraient convergé vers Tabankort, d’autres unités se trouveraient non loin d’Anéfis, désertée par la CMA après les combats du 26 juillet. « Ils sont en train de se regrouper à Tabankort pour préparer une nouvelle offensive. Aujourd’hui, ils ont de nombreuses unités qui sont concentrées dans la zone », confirme cet officier du MNLA bien renseigné sur les mouvements du camp adverse dans la région. « Je pense que ce n’est pas un retrait, je pense qu’ils veulent se regrouper pour ensuite former un seul front pour attaquer Kidal. Reste à savoir si Barkhane et la Minusma laisseront faire », poursuit-il.

Main basse sur Ménaka, Toujours est-il que 48 heures après avoir défait la Plateforme dans la région de Kidal, vendredi 28 juillet, La CMA mettait en branle une force constituée de « 50 à 100 véhicules », selon certaines sources, qui est arrivée à Ménaka en fin de journée. Cette colonne de la CMA a pu pénétrer, sans un coup de feu, dans cette ville stratégique que la coordination avait perdu face à la Plateforme à l’été 2016. « Nos éléments qui sont entrés à Ménaka appartiennent à la tribu Ichinidharen, ils sont de la région de Ménaka, ils avaient été chassés il y a quelques mois par l’alliance GATIA-MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad – ndlr), alors qu’ils étaient venus visiter leur campement vers Tin Fadimata. Tout s’est passé dans le calme, tout est rentré dans l’ordre », affirme ce gradé du MNLA joint au téléphone et qui a suivi, heure par heure, le retour de de ses troupes dans la ville.

Pourtant, l’arrivée « en force » des troupes de la CMA a suscité crainte et tension dans la ville, poussant le chef de cabinet du gouverneur de Ménaka à se réfugier avec son administration dans le camp de la Minusma et mettant en alerte les FAMA qui eux aussi se sont retranchés dans le camp de la mission onusienne. Le samedi matin, la confusion passée, des discussions entre la CMA, les FAMA, le MSA et la Minusma ont permis d’établir un partage équitable concernant la sécurisation et la gestion de la ville. La CMA occupe désormais le Nord de Ménaka, tandis que le MSA est chargé du sud et les FAMA sécurisent le centre où se trouve le gouvernorat. Cette nouvelle alliance de circonstance entre la CMA et le MSA pose néanmoins certaines questions quant aux relations futures du mouvement de Moussa Ag Acharatoumane avec le GATIA et sa cohabitation avec la CMA, même si sur place, on explique qu’« ils ont un objectif commun, une même volonté de sécuriser les populations et d’aider à la gestion de la ville », un leitmotiv que le MSA partageait, déjà, il y a encore quelques jours avec le GATIA.

Une partie loin d’être finie À Bamako, l’entrée de la CMA à Ménaka a été jugée par le ministère de la Défense comme un acte « contraire à l’Accord de paix ». Le Ministre de la défense, Tiena Coulibaly, a d’ailleurs rencontré, samedi 29 juillet en matinée, tous les partenaires, CMA , Plateforme, Minusma et Barkhane, pour tenter de « trouver une solution et ramener les belligérants dans l’Accord ».

Sur un autre front de négociation, à Kidal, la mission de bons offices menée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, et diligentée par le gouvernement pour négocier le retour de l’administration malienne, a rencontré jeudi 27 juillet, la société civile, les chefs de fractions et les notables de la région, pour recenser les conditions qui permettraient d’y parvenir. La nomination d’un gouverneur neutre, contrairement à l’actuel jugé trop proche du GATIA, la mise en place du MOC à Kidal avec seulement 200 éléments des FAMA et 200 éléments de la CMA, sans les éléments du GATIA dont la participation se voit conditionnée à un hypothétique apaisement de la situation dans le futur, la prise en compte des Accords d’Alger par l’amendement de la Constitution du Mali et enfin un retour aux dispositions du cessez-le-feu signé par les différentes parties le 20 juin 2015. Tels sont,  au sortir de ces concertations, les préalables à un retour de l’administration malienne et de la paix dans la région. « La médiation de Dicko qui favorise la CMA, c’est une nouvelle raison qui va pousser le GATIA à aller à la guerre. Ce document ce n’est pas la paix, on fait la paix avec tout le monde et pas comme ça. Pour moi, il a été influencé par Mohamed Ag Intalla et les vraies raisons de son déplacement à Kidal, ce n’est pas ce qui a été dit dans son document, c’est plus pour essayer d’avoir un lien avec Iyad et négocier », maugrée cet officier du MNLA, qui craint que la situation continue de s’envenimer. « D’une façon, oui, nous avons inversé le rapport de force sur le terrain, mais c’est encore trop tôt pour crier victoire. Le GATIA a subi beaucoup de pertes ces dernières semaines, à Ménaka, dans la région de Kidal et lors des deux derniers affrontements. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, morts aux combats ou fait prisonniers, beaucoup de véhicules, c’est conséquent. Mais les  choses sont claires, pour eux et donc pour nous, et je suis sûr que la partie n’est pas finie », conclut notre interlocuteur.

Ménaka, nouvelle prise stratégique de la CMA

Les affrontements entre la CMA et le GATIA, qui avaient repris le mercredi 26 juillet 2017 à une quarantaine de kilomètres de Kidal se sont transportés jusque dans la région de Ménaka. Le vendredi dernier, aux environs de 18 heures, une vingtaine de véhicules de la CMA sont rentrés dans la ville sans violence, le GATIA ayant plutôt déserté la ville la veille.

L’échec de la signature d’un cessez le feu, mercredi 19 juillet dernier, à Bamako, entre la CMA et la Plateforme, a fait place aux combats dans plusieurs localités de la région de Kidal. Le GATIA à l’issu de ces affrontements a enregistré des lourdes pertes, avec notamment des prisonniers aux mains de la CMA. Les combattants du GATIA auraient abandonné la région pour se replier sur la région de Gao. C’est dans ces conditions de défaite que la CMA, galvanisée par ses succès remportés, a pris le contrôle de la ville de Ménaka, vendredi 28 juillet aux environs de 18 heures sans combat.

Le gouverneur de la région Daouda Maiga a été évacué de la ville par un avion de la MINUSMA avant l’arrivée des combattants de la CMA. D’après des témoignages collectés sur place à Ménaka, la CMA est rentrée dans la ville sans opposition, « aucune balle n’a été tirée » nous confie un habitant. Dans la nuit de vendredi, un silence de mort régnait sur la ville. Personne ne circulait dans les rues. Une atmosphère de crainte et de peur avait gagné la plupart des populations.

Le président de l’autorité régionale Abdoulwahab Ag Ahmed Mohamed a rencontré samedi matin les responsables de la CMA. Ceux-ci ont fait savoir qu’ils sont venus pour protéger la population et récupérer leurs anciennes positions. Ils ont également affirmé qu’ils n’ont pas de problèmes avec les FAMA mais avec le GATIA auquel ils prendraient désormais la place. Aucune remise en cause de l’Accord d’Alger n’a été formulée par les responsables de la CMA. Entre temps, les combattants du GATIA, d’après une source sur le terrain, auraient pris le contrôle d’Anefif dans la region de Kidal, aux environs de 14 heures ce même samedi. Une nouvelle qui aurait motivé le départ de la CMA de Ménaka. «  Ils se sont retirés de la ville, c’est les FAMA et la MINUSMA qui sécurisent la ville » témoigne un habitant joint ce soir. « Aujourd’hui, les gens vaquent à leurs affaires,tout est calme » rassure un jeune à Ménaka contacté. Dans tout les cas, la situation est loin de se normaliser même si la CMA a quitté Ménaka, car la hache de guerre entre celle-ci et le GATIA n’est pas encore enterrée.

 

 

Kidal, l’enjeu d’un cessez-le-feu à plusieurs inconnues

Depuis le 11 juillet dernier, Il n’y a plus d’affrontement armés entre la Plateforme et la CMA à Kidal. La coordination contrôle la capitale de l’Adrar des Ifoghass ainsi qu’Anéfis où est rassemblé une grande partie de ses troupes. Si les fusils se sont relativement tût, vols, représailles et exactions visent les civils et servent, en photo ou vidéo, la guerre d’image et d’information que se livrent les deux camps. Sur la ligne de front située à une centaine de kilomètres de Kidal, chaque mouvement continue de tenir ses positions, essayant le plus possible de suivre les directives émanant des chefs politiques tous réunis à Bamako. « Ceux qui sont sur le terrain ne discutent même pas. Pour eux s’ils sont suffisamment préparés, ils peuvent décider d’attaquer, si les autres ne les attaquent pas avant », confie cette source proche des mouvements. « On ne sait pas ce qui va se passer, mais ici on ne parle même pas des pourparlers de Bamako, ce dont on parle, c’est la ligne de front », poursuit-il.

De la ligne de front justement, parviennent des nouvelles sporadiques et de nombreuses rumeurs, notamment d’Anéfis, revenu dans le giron de la CMA. Cet ex-fief de la Plateforme, sans réseau électrique et téléphonique depuis plus de 10 jours, vit coupé du monde, aux mains de ses nouveaux geôliers. Pour beaucoup à Kidal, cette ville est tenue non seulement par la CMA mais aussi par les djihadistes. « Ils sont allés là-bas deux à trois jours avant les combats, ce sont eux qui sont rentrés en premier dans Anéfis. Les gens à Kidal ont vu tous les renforts arrivés. D’abord des motos qui sont venus à côté de la ville, après c’était des convois de véhicules lourdement armés qui étaient stationnés à quelques kilomètres, ils étaient avec le noyau dur du HCUA. Le fait que la CMA, auparavant confinée à Kidal soit sortie brusquement attaquer le GATIA, ça a donné la puce à l’oreille à tout le monde ici », explique cet humanitaire de la région.

De guerre lasse Baba Ould Sidi El Moctar, maire d’Anéfis, aujourd’hui simple citoyen exilé à Bamako, tente comme il le peut d’obtenir des nouvelles de la situation sur place et affirme ne pas avoir entendu parler de djihadistes à Anéfis. « On sait seulement qu’il y a des hommes armés à l’intérieur de la ville, on suppose que ce sont des gens de la CMA. Ils ont le même comportement que le GATIA, ils sont là avec leurs fusils, ils aiment faire la loi, s’imposer, montrer que ce sont eux qui administrent », décrit-il. Selon lui, rares sont les véhicules qui peuvent sortir et rentrer dans la ville, une situation qui pose des problèmes aux populations en termes de ravitaillement. Les vivres et les dons des ONG sollicités par la population sont bloqués, quand d’autres ne partent même pas par peur d’être attaqué. « Nous ne sommes pas du tout contents, ni avec la CMA, ni avec la Plateforme, il est tant que tout ça finisse. On veut des solutions qui soient appliquées. Mais à chaque fois qu’il y a une décision prise, elle n’est pas appliquée, c’est ça le problème. Il faut la paix maintenant, vraiment. Il faut que la CMA et la Plateforme se retire, que le MOC fonctionne et que l’administration revienne », s’agace notre interlocuteur.

Tractations à plusieurs inconnues Cette supplique du maire d’Anéfis, qui en appelle à un retour de l’armée et de l’administration malienne, est au coeur des discussions à Bamako, où les leaders des mouvements armés, le gouvernement, la médiation internationale et la mission de bons offices emmener par l’Imam Mahmoud Dicko, tente de trouver une porte de sortie. Des discussions que certains, désabusés, jugent stériles : « Il y a deux choses à savoir, les trafiquants veulent que la guerre continue pour préserver leurs routes de trafic, les terroristes pour continuer leurs opérations, donc, leurs intérêts convergent. La Plateforme, le général Gamou, la majorité des Imghads, ils vivent aussi de la guerre contre nous. Donc, arrêter la guerre veut dire porter atteinte a l’intérêt de tout ce petit monde », lâche cet officier de la CMA qui ne croit plus à un cessez-le-feu durable. Pour Fahad AlMahmoud, un cessez-le-feu ne devrait pas être une condition à la mise en œuvre de l’Accord. « On a signé l’Accord, on était en guerre, on a fait le MOC à Tombouctou, à Gao, sous le feu. Tout ce qu’on a fait pour cet accord, il n’y avait pas de cessez-le-feu entre la CMA et la Plateforme. Je ne vois pas pourquoi maintenant on en fait la condition siné qua non pour la mise en place du MOC à Kidal», s’exclame-t-il, ajoutant que ce fief de la CMA reste le blocus principal et que « tant que la Plateforme n’est pas à Kidal, on ne fera la paix avec personne ».

La capitale des Ifoghass, dominée par cette communauté touareg qui refuse de partager le pouvoir avec les Imghads, pourtant majoritaire dans la population, est encore et toujours le point névralgique de la discorde, le générateur d’affrontement, que le brouhaha des négociations à Bamako peine à solutionner. « La Plateforme, la CMA, le gouvernement malien ne pense qu’à Kidal, ils ne pensent qu’à ça ! Nous on ne soutient pas particulièrement les uns ou les autres, on veut empêcher un massacre pour cette ville, c’est tout » déclare cet officiel français proche du dossier, qui affirme que dans ce conflit entre Ifoghas et Imghad, entre touareg et touareg de la même région, il est très difficile pour la France d’oeuvrer à l’organisation de la représentation et du partage du pouvoir  « avec des gens qui se battent entre eux depuis des générations ».

Pour le moment, à Bamako, la question du cessez-le-feu et du possible retour de l’administration malienne dans la région, est suspendue aux accords et désaccords entre les différentes parties. Les documents de cette nouvelle « trêve » existent mais sont souvent sujet à modification. Le week-end dernier, une énième clause a été soumise par la Plateforme au gouvernement, à destination de la CMA, proposant la signature d’un cessez-le-feu immédiatement suivi de l’installation du MOC et du départ des groupes armés vers les sites de cantonnement. Pour l’heure si on ne connaît pas la réponse de la CMA, on est en droit d’espérer que ces deux mouvements « indéfectiblement » attachés à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu, pourront, rapidement, parvenir à un consensus.

CMA vs GATIA : Dominer le terrain pour mieux contrôler la paix

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et le Groupe d’Autodéfense des Touaregs Imgad et alliés (GATIA) se sont à nouveau confrontés dans des combats violents, mardi 11 juillet,  à une dizaine de jour du retour programmé de l’administration malienne dans la région. Nul ne sait si le chronogramme, validé par les deux mouvements belligérants, sera effectif, mais beaucoup pensent que le conflit actuel vise à dominer le terrain pour contrôler au mieux de ses intérêts, l’application du processus de paix dans la région.

Dans la région de Kidal, mardi 11 juillet, deux groupes signataires de l’accord de paix, la CMA et Plateforme, se sont de nouveau affrontés dans une localité appelée Lalaba et à Tigachimen, des combats intenses sur deux fronts distincts. « Une trentaine de véhicule du GATIA se sont positionnés à Lalaba et une autre unité de la Plateforme composée de 14 pickups a quitté Takalote et s’est positionnée à Tigachimen, ils ont ainsi créé deux fronts, une sorte de ligne de défense », décrit cet officier de la CMA, qui de Kidal a participé à la supervision de l’offensive des troupes de la coordination, forte de plus d’une quarantaine de véhicules et qui rassemblaient des éléments du HCUA (le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad ), du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad ) et du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). Dans la capitale du Nord, cette offensive n’a pas surpris, les intenses préparatifs qui l’ont précédé cette dernière semaine avec l’arrivée de renfort étaient annonciateurs d’une attaque d’envergure.

Selon ce même officier de la CMA, les combats ce sont déroulés durant un peu plus d’une heure. Sur le front de Lalaba, la CMA a eu le dessus tandis qu’elle a dû battre retraite sur le front de Tigachimen. « La trentaine de pickup menée par le chef des opérations du GATIA a dû se replier sur Anefis, nous les avons poursuivit et ils n’ont pas eu les temps de prendre position une fois arrivé là-bas. Un de nos éléments a pu récupérer une de leur radio ce qui nous a permis de suivre leur mouvement. Ils ont continué jusqu’à leur fief de Tabankort et nous avons interrompu la poursuite à 5km de la ville pour revenir sur Anéfis, que nous tenons depuis mardi soir », indique-t-il. Sur le front de Tigachimen, les forces de la Plateforme seraient parvenues à faire reculer les forces de la CMA sur une trentaine de kilomètres puis ce seraient repliées sur Takalot.

A l’issu des combats il était très difficile d’établir un bilan. La CMA qui dit avoir perdu 2 hommes dans les combats et avoir 4 blessés, affirme qu’il y aurait 9 morts du côté de la Plateforme, 4 combattants faits prisonniers et 4 pickups équipés de mitrailleuses lourdes auraient été saisies par ses forces. La Plateforme, pour sa part, affirme qu’aucun mort ne serait à déplorer de leur côté, quelques combattants auraient été fait prisonnier et seulement deux véhicules aurait été récupéré par la CMA qui aurait perdu, selon ce cadre du GATIA, 5 hommes et 4 véhicules. « En tout cas, il n’y a plus aucune unité du GATIA à moins de 150 Km de Kidal » se félicite ce même officier, qui ajoute cependant, « on ne peut pas dire que nous sommes victorieux, on va voir dans les jours qui viennent ce qui va se passer, personne n’est gagnant pour le moment ».

Un avis que partage ce sympathisant de la Plateforme à Kidal, qui malgré ce succès militaire, sait que toutes les forces du GATIA n’étaient pas présentes lors des combats. « Une unité du GATIA qui était à Takalot n’a même pas combattu, il y a avait aussi une unité du GATIA à Ménaka qui n’a pas bougé parce qu’ils ont été dépêché pour poursuivre les auteurs de l’embuscade tendu aux FAMA, donc le compte n’y est pas », souligne-t-il.

Pour ce combattant du MNLA, une riposte du GATIA pleine et efficace dans la situation actuelle semble difficile. « Une reprise du terrain par le GATIA semble compliqué, sauf si les Arabes du MAA pro-Bamako envoient des renforts, mais même s’ils le font, ça ne sera pas la fin du monde. Le GATIA ne peut rien attendre du MSA qui n’ira jamais combattre des gens de la CMA, et les exactions, les vols, les pillages et spoliations de biens les ont coupé de leur soutien populaire. Au moins nous quand on capture leurs combattants on en fait des prisonniers, eux, les exécutent », affirme-t-il.

Anéfis, la prise de guerre Symbole de cette victoire militaire de la CMA, la prise d’Anéfis. Mais si ce bastion de la Plateforme est revenu dans le giron de la CMA, combien de temps le restera-t-il ? « Pour moi il ne faut pas tenir Anéfis , il faut laisser la ville à la population et ne pas essayer de se positionner. Il faut que cette prise soit symbolique pour les rassurer et leur montrer qu’on est pas venu pour faire des razzias. Il faut que nous restions en unité mobile qui font des opérations de pointe et qui utilise le terrain, mais ne pas se concentrer sur l’occupation du terrain, ce n’est pas le moment », explique cet officier en charge des opérations au MNLA, qui ajoute, « La Plateforme pourrait reprendre Anéfis, sans tirer une balle, parce qu’on ne pourra pas la tenir, il faut du temps et des moyens pour cela ».

Selon cette même source, quelques 72 véhicules seraient présents à Anéfis pour maintenir la position de la coordination. Pour les deux camps, cette ville revêt une importance stratégique, que ce soit pour se replier ou se réapprovisionner. « La majorité de la population est en grande partie acquise à la Plateforme et ne porte pas la coordination dans son coeur mais le clan des patriarches de la ville d’Anéfis verse du côté de la CMA », explique cette humanitaire touareg, fin connaisseur de la région.

Cette prise de guerre de la CMA a beaucoup fait réagir les partisans des deux camps, qui annonçaient soit la reprise de la ville par la Plateforme ou réfutaient ses assertions. Le réseau ayant été coupé à Anéfis, la veille des combats, toute vérification s’avère difficile. Certains au GATIA ont même indiqué que pendant 1h, « le drapeau noir des islamistes flottait au-dessus d’Anéfis », un détail d’importance qui ne semble pas surprendre cet habitant de Kidal. « Nous les citoyens on sait que les djihadistes soutiennent la CMA et qu’ils étaient à leur côté lors de combats, si on le sait on imagine que Barkhane et la Minusma le savent aussi. Les djihadistes les soutiennent en homme et en équipement. Iyad ne va pas laisser ses parents se faire laminer par les combattants de la Plateforme sans lever le petit doigt », confie-t-il.

La Minusma et Barkhane pointé du doigt La Minusma, par l’entremise de son chef, Mahamat Saleh Annadif, a appelé les parties « à la retenue et au respect du cessez-le-feu » et a prévenu les protagonistes que « la Minusma est prête à prendre ses responsabilités si les affrontements ne cessent pas sur le terrain ». On ne sait pas quelle « responsabilités » pourrait prendre la Minusma alors qu’Ahmed Boutache affirmait chez RFI, ce même mardi, n’avoir aucun moyen concret de faire respecter un éventuel cessez-le-feu et que les hypothétiques sanctions évoquées de toute part n’étaient pas prête d’être mises en œuvre. Sur place la population ne s’étonne plus « des déclarations de ceux qui restent terré dans leur camp ».  Pour ce sympathisant du GATIA à Kidal, les choses sont clairs : « La position de la communauté internationale, c’est juste d’observer, il n’y a pas une force d’interposition, rien. Le favoritisme de la France, de Barkhane et de la Minusma est limpide. La CMA peut rentrer à Kidal se reposer sous bonne protection. Toutes les fois où nous avons chassé les troupes de la CMA, nous avons été stoppé par la Minusma ou Barkhane, c’est très flagrant », s’exclame-t-il.

Reste maintenant la paix, la grande absente, occultée par la fureur des combats et la détermination de chaque camps à vouloir dominer le terrain, alors que la mise en œuvre de son processus devait débuter dans la région, le 20 juillet prochain. « Le chronogramme pour le retour de l’administration n’est pas forcément perdu, c’est celui qui sera en position de force qui pourra imposer son point de vue. Si l’un des deux camps arrivent a prendre le dessus sur l’autre, alors il sera le maître de la région et dans ce cas il pourra accepter le retour de l’administration malienne sous son contrôle et ses conditions. Tout va dépendre de qui l’emportera dans les jours à venir », explique cette source proche des mouvements

En attendant, à Kidal, la population abasourdie, observe, silencieuse spectatrice d’une situation qui n’a depuis longtemps plus rien de normal. « Que ce soit la CMA ou la Plateforme, la population n’a plus confiance. Tant que l’administration nationale malienne ne sera pas de retour rien ne sera possible. Tout ça dépend maintenant de ce qu’ils vont décider. Alors que de toute façon, les populations ne savent plus quoi faire », lâche mi-fataliste, mi-résigné cet habitant de Kidal.

 

Nord-Mali : L’Algérie exhorte les signataires de l’accord de paix à privilégier le dialogue (MAE) 

ALGER – L’Algérie a exhorté samedi les responsables des  mouvements signataires de l’accord de paix au Mali à privilégier le « dialogue et la concertation » et à « intensifier » les efforts visant à « surmonter les difficultés sur le terrain ».

« L’Algérie exhorte les responsables des mouvements signataires de l’accord de paix à assumer pleinement leur responsabilité et à agir promptement afin que cessent ces agissements, à privilégier le dialogue et la concertation et à intensifier les efforts visant à surmonter les difficultés sur le terrain », a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali-Cherif dans une déclaration à l’APS.

Benali-Cherif a ajouté que l’Algérie suivait avec « attention les derniers affrontements armés » qui ont fait des morts, jeudi , à Aguelhok, dans la région de Kidal, au Nord du Mali, soulignant que « ces affrontements qui ont opposé des éléments appartenant à des groupes armés signataires de  l’Accord de paix au Mali, issu du processus d’Alger, constituent des violations graves  des termes de cet accord et affectent l’esprit d’entente qui anime les différentes parties maliennes dans sa mise en oeuvre  effective ».

Le porte-parole du MAE a souligné que ces « développements négatifs, qui  profitent en premier lieu aux activités des groupes terroristes et au crime organisé dans la région, risquent de porter atteinte à la crédibilité des mouvements signataires de l’accord de paix et à leur engagement de manière  résolue dans le processus de paix ».

Fahad Ag Almahmoud : « C’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA »

Des affrontements violents ont éclaté jeudi 6 juillet dans le nord du Mali près de Kidal entre des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Ces combats, qui viennent à nouveau violer le cessez-le-feu entre ces deux mouvements, pourraient aussi perturber le retour, à la fin du mois, de l’armée et de l’administration à Kidal. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA, a livré au Journal du Mali sa version des faits et pointe du doigt, comme facteurs générateurs de conflit, certaine mesures de l’Accord de paix non appliquées, ainsi que la responsabilité de la communauté internationale qui, selon lui, entretient un climat de tension entre les deux mouvements belligérants concernant Kidal.

Pourquoi la CMA et le GATIA se sont-ils encore affrontés alors qu’à Bamako les différentes parties travaillent ensemble à la préparation du retour de l’armée et de l’administration à Kidal ?

La CMA devrait répondre à cette question puisque c’est elle qui a attaqué nos positions à 80 km de Kidal alors que nous avons des positions à 15 ou 20 km de la ville. La position qu’ils ont attaqué a été presque entièrement désarmée, quelques jours avant, par Barkhane. Ils ont saisi les armes lourdes et ils nous ont dit que la CMA n’allait pas nous attaquer. Le jeudi, la CMA a quitté Kidal devant Barkhane et ils sont venus nous attaquer.

Vous pensez réellement que la force Barkhane a voulu aider la CMA ?

Comment penser autrement ? C’est Barkhane qui a désarmé l’ennemi d’un autre, ça n’a même pas besoin d’explication. Nos 3 éléments qui sont morts jeudi ont été tués par une roquette de mortier alors que nos roquettes ont été prises par Barkhane et ce sont le même type de roquette qui nous ont attaqué. Nous avons l’interdiction d’en posséder mais pour la CMA c’est permis. Je pense que cette attaque sur nos positions a pour but de perturber l’installation du MOC le 20 juillet prochain.

La CMA dit aussi que vous souhaitez perturber le processus de paix.

Quoiqu’on dise il y a le bon sens. Il faut dans ce cas expliquer pourquoi nous ne pouvons pas rentrer à Kidal. La communauté internationale a conditionné notre retour à Kidal à celui du gouvernement malien. Une fois que le MOC sera installé, Kidal fera son retour dans le giron de la République. Cela veut donc dire que tous les citoyens pourront, s’ils le souhaitent, s’y rendre. Donc je ne vois pas pourquoi, nous qui souhaitons y retourner, nous voudrions perturber le retour du MOC et de l’administration à Kidal.

Pourtant les tensions entre vos deux mouvements sont récurrentes et éloignent d’autant la paix, malgré l’accord que vos deux mouvements ont signé. L’attaque de jeudi en est une nouvelle preuve.

Comme je vous l’ai dit, on a été attaqués jeudi à 80 km de Kidal et j’ajoute que c’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA une fois qu’elle est à Kidal. La CMA est libre de se réorganiser et de venir nous attaquer. Nous, on ne peut pas les attaquer à Kidal. Si on était tous hors de Kidal, ou qu’on s’affrontait, on aurait pu avoir la paix depuis très longtemps. C’est la communauté internationale qui crée cette situation en sécurisant la CMA à l’intérieur de Kidal une fois qu’elle revient. Elle prétexte qu’elle fait ça pour protéger la population. Elle appelle la CMA, population. Cette situation offre à la CMA le luxe d’avoir l’usage de tous ces bras valides. La Minusma et Barkhane sont là pour sécuriser leurs biens, leurs armes lourdes, leurs engins. La base principale de la CMA et même des organisations terroristes aujourd’hui c’est Kidal, tout le monde le sait.

Vous voulez dire que les terroristes ont une base importante dans la ville de Kidal ?

La base principale de l’organisation de Iyad et de ses alliés, c’est Kidal. Tout ce qu’il a comme armement est à Kidal. C’est connu de tout le monde, y compris des officiers français.

Un certain Ahmedou Ag Asriw, serait un acteur principal de ce conflit. La CMA le tient pour responsable de nombreuses exactions sur les populations. Qui est-il ?

Ahmedou est le chef des opérations du GATIA, c’est un personnage connu là-bas, donc on peut lui prêter n’importe quelle réputation, ce sont les paroles des ennemis. Ni la Minusma ni les Nations unies n’ont envoyé de commission d’enquête sur les exactions qui ont eu lieu et n’ont pas confirmé que c’est lui qui les auraient commises. Ce ne sont que les paroles des ennemis.

On entend beaucoup parler au Nord de milices qui seraient aux ordres de Bamako et qui commettraient des exactions. le GATIA est-il une de ces milices ?

Si milice veut dire un groupe armé piloté par le gouvernement pour faire le sale boulot, on n’est pas une milice. Si une milice c’est un groupe armé qui répond d’une communauté, on est une milice. Tous les groupes armés sur le terrain ont une connotation tribale, c’est un fait. Je pense que Bamako lutte pour le retour de l’État et de l’administration à Kidal et ce n’est pas ces derniers événements qui vont en faciliter le retour. Ce que le Mali a fait pour la CMA du 20 juin 2015 à nos jours, il n’en a pas fait un dixième pour la Plateforme. Il y a des responsables de la CMA, malgré qu’ils véhiculent des messages anti-républicains, qui sont en passe d’avoir des passeports diplomatiques de la part du gouvernement.

Vous avez des noms ?

Je ne répondrai pas à cette question.

Ce nouveau conflit entre CMA et GATIA risque-t-il, selon vous, de mettre en péril le chronogramme qui débute le 20 juillet prochain et qui doit ramener l’armée et l’administration à Kidal ?

J’oseespérer, avec les démarches qui sont en train d’être mise en place que ce ne sera pas le cas. Une délégation de Touaregs du Niger sera à Bamako lundi 10 juillet pour une médiation, parallèlement à la mission de bons offices dirigée par Mahmoud Dicko. J’espère que cela pourra ramener le calme et nous aider les uns et les autres. Si on veut avancer, on peut, mais tant qu’il y a des gens qui ont pour mission de perturber la paix à l’intérieur du processus, qui sont connus des acteurs du processus, qui font tout pour les ignorer et que le gouvernement fait tout pour les amadouer, il n’y aura pas de paix.

Vous êtes conscient que tout cela entame considérablement la confiance des Maliens envers les groupes armés et fait fortement douter de la capacité de ces mouvements à être des interlocuteurs valables et fiables. N’est-ce pas un risque pour la CMA comme pour vous ?

Si les Nations unies donnaient un mandat à la Minusma pour désarmer tout le monde, ce serait un plaisir pour moi. Tout ce qui peut contribuer à l’avènement de la paix chez nous on est pour. Cette paix ne sera réalisable que quand les groupes armés seront désarmés. Le gouvernement est en train d’essayer d’appliquer les textes et autres de l’Accord sans parler de l’essentiel : le désarmement et le cantonnement des groupes armés. Les autorités intérimaires, la révision de la constitution, tout ça doit intervenir après le désarmement des groupes armés. Tout ce que j’espère, c’est que la communauté internationale prenne ses responsabilités pour permettre aux uns et aux autres d’aller vers la mise en œuvre de l’Accord.

Kidal : Regain de violence avant le retour de l’administration malienne

La région de Kidal renoue avec les affrontements intercommunautaires qui se sont soldés par des affrontements entre groupes armés jeudi 6 juillet dans la région de Kidal.

Tout est parti de la localité de Djounhan dans la région de Kidal, le mois de juin dernier. Ce jour-là, des éléments de la tribu Idnane très proche de la Coordination des Mouvements de l’Azawad ont attaqué des Imghads, très proche de la Plateforme et particulièrement du GATIA. Ce fut le début de multiples exactions commises de part et d’autre. Les images qui avaient circulé sur les réseaux sociaux, et ce, malgré le mois de Ramadan, témoignaient de leurs violences et des manifestes violations des droits de l’Homme.

Après une courte trêve, les affrontements entre la CMA et le GATIA ont repris, hier jeudi 6 juillet, aux environs de 5 heures du matin dans la localité d’Ibdakane, située à 80 kilomètres à l’ouest de Kidal.

Ce que l’on sait

Tout serait parti d’une embuscade tendue par des éléments de la CMA visant un certain Ahmedou Ag Asriw et ses hommes, qui serait, selon nos informations, un financier du GATIA et un trafiquant de drogue notoire, responsables de nombreuses exactions sur la population de la région. 14 véhicules du GATIA seraient tombés dans l’embuscade tendue par les 11 véhicules de la CMA. Après d’âpres combats, Le GATIA renforcé par l’arrivée de 15 véhicules est parvenu à contraindre les combattants de la CMA à se replier vers le sud-est, à Intachdayt. À l’issue de ce énième affrontement de l’année, des pertes en vie humaine et des dégâts matériels ont été enregistrés. Selon des sources à la CMA, le bilan provisoire de ces combats se porterait, côté CMA, à 1 mort et six blessés, qui ont été transportés à Kidal le même jour. Côté GATIA, on dénombrerait six morts, laissés sur place avec deux véhicules, dont un, avec une 12,7 (mitrailleuse lourde). Le GATIA se serait retiré à Tibardjaten, à environs 65 kilomètres au sud d’Anefif pour attendre l’arrivée des renforts en provenance de Gao, au moins dix (10) vehicules et Takalot au moins quatorze (14) autres. L’accrochage selon le chef d’Etat major du HCUA, Chafagui Ag Bouhada, a duré au moins trois heures de temps. « Ce qui se passe entre la Plateforme et la CMA ne date pas d’aujourd’hui mais les affrontements ne concernaient que les groupes armés. Les civils jusque-là épargnés ne le sont plus, car ils sont la cible des exactions », a-t-il souligné.

Des versions qui différent

Selon Ilad Ag Mohamed, porte parole de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), «  une patrouille de la CMA était dans la zone d’Ibdakane pour aller constater les dégâts causés par Ahmoudou Ag Asriw. Elle était partie pour rassurer les populations, car elles pensent qu’elles sont abandonnées à leur sort. Cette colonne a rencontré Ag Asriw et ses hommes et les affrontements ont commencé », justifie le porte parole de la CMA.

Dans le camp du GATIA, on affirme que c’est la CMA qui a attaqué, alors que leurs éléments étaient désarmés. «  Nos combattants qui ont été désarmés il y a trois jours par Barkhane ont été attaqués par la CMA. Donc nous disons qu’il y a connivence entre Barkhane et la CMA pour nous attaquer », affirme cette personnalité proche du GATIA. Le bilan diverge de part et d’autre, car selon notre interlocuteur, le GATIA a enregistré 1 mort et trois blessés, et la CMA a laissé sur ses positions trois morts et trois véhicules récupérés par le GATIA.

Selon des dernières informations, chaque groupe a fait appel à des renforts et la situation reste très préoccupante dans la zone.

La CMA a publié un communiqué, le 06 juillet, dans lequel elle informe la Médiation Internationale, le gouvernement du Mali, l’opinion nationale et internationale d’une attaque menée ce même jour dans la matinée « contre une de ses positions basée à une dizaine de kilomètres à l’ouest d’Intachdayt, par une colonne du Gatia venue d’Anefif sous la conduite d’un certain Akhmadou Ag Asriw.» Dans ce même communique, la CMA «  regrette et condamne cette violence qui lui est imposée depuis le début du processus de Paix par une organisation qui ne s’est jamais inscrite dans la logique de la Paix. » Toutefois la CMA «  demeure attachée à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu » poursuit le communiqué.

De son côté, la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger a publié un communiqué le même jour, dans lequel elle informe le chef de file de la médiation internationale, le représentant spécial du secrétaire général de Nations Unies à Bamako, les autorités du Mali et toutes les parties prenantes à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger du fait que «  le 06 juillet 2017 à l’aube, une patrouille de la Plateforme a été la cible d’une embuscade de la part d’un autre convoi de la CMA qui quittait Kidal, à Tahalte, 90 kilomètres au nord-ouest de la ville ». Au même communiqué d’avertir que « si aucune disposition n’est prise pour abréger les souffrances des populations, elle ne pourra continuer à croiser les bras face à cette situation » précise le communiqué.

La MINUSMA elle aussi, dans un communiqué a condamné ce qu’elle considère comme des « violations de l’Accord de paix et des résolutions du Conseil sécurité. » Des violations qui pourraient être une réelle menace pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. « Si elles persistent, elles affecteront non seulement la mise en œuvre de l’Accord de paix, profitant ainsi au terrorisme pour gagner davantage du terrain » a souligné Mahamat Saleh Anadif, le chef de la MINUSMA.

Selon d’autres sources bien introduites ces affrontements viseraient à perturber, une fois de plus, le chronogramme de l’installation du MOC le 20 juillet prochain et des autorités intérimaires, le 31 juillet, dans cette région qui échappe depuis plusieurs années à la souveraineté de l’État et où se croisent, groupes armés, djihadistes et trafiquants de drogues.

GATIA et CMA s’affrontent autour d’une nomination

L’installation des autorités intérimaires à Kidal qui aurait dû être effective lundi 20 février, a été suspendu suite à la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, un Touareg, haut-fonctionnaire de l’État, natif de Kidal, appartenant au groupe Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), ennemi déclaré de la CMA. Cet énième crise entre le GATIA et la CMA, qui tentent de peser de tout leur poids pour que le nouveau gouverneur soit maintenu ou sa nomination annulée, perturbe la mise en œuvre de l’Accord, dans un match dont l’enjeu est un échiquier nommé Azawad.

Depuis la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, rien ne va plus entre la CMA et le GATIA. Cet intellectuel, secrétaire général au ministère du commerce, ancien inspecteur des douanes et qui fut un cadre de la rébellion touareg des années 90, malgré ses compétences avérées pour exercer la fonction de gouverneur à Kidal, a néanmoins, du point de vue de la CMA, un terrible handicap : son appartenance au GATIA, mouvement ennemi de la CMA qui convoite le gouvernorat de Kidal depuis un certain temps.

Samedi 18 février lorsque le nouvelle de cette nomination est tombée, la surprise et la colère passées, les leaders la CMA ont décidé de suspendre la cérémonie d’intronisation de l’assemblée régionale, qui devait avoir lieu lundi dernier en présence du ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf. Ils ont éteint leurs téléphones pour ne pas être joint par les différentes délégations, le ministère et la médiation. « Ce qui est sûr c’est que cette nomination ne les arrange pas, ils l’a rejette, les politiques de la CMA la rejette, les militaires de la CMA la rejette. Une partie de la population acquise à la CMA la rejette, mais une partie de la population acquise à la CMA considère aussi qu’il n’y a pas de quoi en faire un si grand problème, car Ag Ichrach est de Kidal et a les qualités requises pour être gouverneur. La majeure partie de la population pense que c’est un faux problème », explique cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Le désormais ancien gouverneur de Kidal, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal quand le nouvelle a été communiquée. Lui aussi ne s’attendait pas à sa mutation. « Koina Ag Ahmadou était proche du HCUA, des Ifoghas et de la CMA en particulier. Sur plusieurs points il faisait leurs affaires en étant à Kidal ou à Gao. Les cartes, les listes électorales pour les prochaines élections, tout ça se confectionne au niveau du gouvernorat, en ce sens il pouvait aider, ainsi que dans l’attribution des différents marchés et appels d’offres des bâtiments qui ont été endommagés, et qui découle de la gestion d’un gouverneur. Mais là, ce ne sera plus le cas et ça n’arrange pas la CMA », révèle cette source proche des mouvements.

Pour la CMA, la nomination de l’ancien gouverneur était circonstancielle, décidée par le gouvernement au même titre que celle de Sidi Mohamed Ag Ichrach, elle avait le mérite d’arranger tout le monde. « L’ancien gouverneur, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal prêt à mettre les autorités intérimaires en place, préparer les élections et dans quelques mois on aurait pu changer », déclare ce cadre de la CMA. « En fait cette nomination est une vieille condition du GATIA. Condition qui a été balayée par la CMA et qui revient tout d’un coup de façon unilatérale. Il y a eu des tractations, des manoeuvres souterraines, des influences pour prendre Hassane Ag Fagaga dans la liste de la CMA pour la présidence du conseil régional, mais en contre-partie, on destinait le gouvernorat de Kidal au GATIA. C’est le ministre de l’Administration Territoriale qui à notre avis a manigancé tout ça et la CMA ne l’accepte pas. Ce qui s’est passé prouve la mauvaise volonté du gouvernement, à mon avis la partie gouvernementale ne veut pas de la paix » poursuit ce même cadre.

Après 3 jours de négociations, une solution de sortie de crise ne semblait pas encore en passe d’être trouvée. « Il serait plus consensuel de les écarter tous les deux, pourquoi ne pas nommer un gouverneur natif de Kayes ou de Sikasso, on est prêt à aller vers ce consensus », confie ce membre de la CMA qui siège dans une des commissions du CSA

Si aucune des parties ne maîtrise pour le moment la solution qui pourrait mener à une porte de sortie, selon nos informations, une proposition de la CMA, si le gouvernement maintient Sidi Mohamed Ag Ichrach comme gouverneur, pourrait émerger. Elle demanderait la nomination d’un gouverneur tendance CMA dans une région où la présidence est assurée par la Plateforme, histoire, dit-on à la CMA, de « rééquilibrer les choses ». « Ça serait un marché de dupe mais c’est comme ça, parce que Ag Ichrach est imposé par le GATIA », résume ce cadre de la CMA

Pour cet autre membre de la coordination, l’État n’arrive toujours pas à prendre des décisions vraiment terre à terre. « Je ne vois pas de sortie de crise, si l’État n’a pas la volonté politique d’aller vers la paix, il n’y aura pas de paix, c’est ça le problème. On va rester dans les tergiversations, ça va continuer à pourrir et ce n’est pas bien. Il faudrait que la décision vienne du plus haut niveau, c’est le 1er ministre qui doit s’imposer ou bien le président de la république pour donner des signaux forts, car nous sommes beaucoup plus pour la paix que les autres partis. On a fait des concessions mais ce que l’on reçoit en contrepartie envenime encore les choses », Conclut-il.

Fahad Ag Almahmoud : « Nous retournerons à Kidal que ce soit pacifiquement ou violemment »

Une rencontre organisée par la Plateforme devait avoir lieu mercredi 1er février à Anéfis. Au programme de cette réunion, qui devrait se tenir la semaine prochaine, la situation qui prévaut actuellement à Kidal, le retard dans la mise œuvre de l’Accord, ainsi que le retour du GATIA dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas, quelles que soient les oppositions et y compris par la force. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA a répondu aux questions du Journal du Mali sur ces différents points.

Le GATIA projette de retourner à Kidal, y compris par la force, pourquoi maintenant, vu les tensions actuelles entre la Plateforme et la CMA ?

Vous savez que nous avons été forcé de quitter Kidal le 22 juillet dernier, tous les habitants de Kidal qui appartiennent à nos familles ou à nos alliés ont quitté Kidal. Les forces internationales ont placé une zone de sécurité autour de la ville, pour nous empêcher d’y rentrer, mais ça n’empêche pas la CMA d’aller nous faire du mal ou de nous attaquer. Qui nous sécurise de la CMA ? nous aussi on a besoin de cette sécurité qui profite aux Maliens. Kidal est aussi chez nous, nous n’avons jamais renoncé, nous retournerons à Kidal que ce soit pacifiquement ou violemment.

Depuis l’attaque d’un poste du GATIA dans le cercle de Tinessako, revendiqué par Ansar Dine, les tensions ont redoublé entre le GATIA et la CMA, pour quelles raisons ?

Les gens qui nous ont attaqué sont parties de Kidal et sont revenus à Kidal avec nos deux véhicules. Ils s’appellent, au moment de nous attaquer, Ansar Dine et à la fin de la journée CMA, c’est un problème qui est déjà connu. Nous avons des problèmes avec une communauté particulière et ceux qui la soutiennent. Les Ifoghas et leurs soutiens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, sont tous des ennemis pour nous, on ne fait pas de différence en ce qui les concerne. En réalité, par endroits et par moments, les mêmes combattants changent de bord. Personne ne peut faire la différence entre Ansar Dine et le HCUA.

Comment peut-on revenir à une paix durable, alors que vous désignez les Ifoghas comme vos ennemis et que vous êtes prêt à des affrontements avec la CMA ?

Tant qu’on ne dira pas la vérité, tant qu’il n’y aura pas de distinction claire, on aura toujours ce problème. Ces gens qui ont pris les armes, ils disent défendre les droits des peuples du Nord, alors qu’en réalité ils ne défendent que leur communauté. Tant qu’on ne dira pas à ces gens que c’est contradictoire, qu’aujourd’hui ce n’est plus possible, qu’il ne peut pas y avoir une rébellion qui revendique les droits pour certains au détriment des autres et qu’on ne prend pas les armes pour que la communauté internationale et nationale fasse de vous des super citoyens, on fera toujours face au problème. Vous et moi savons qu’il n’y a pas eu de critères de recyclage d’Ansar Dine, c’est la totalité du mouvement qui a été accepté. Tant que la distinction ne sera pas nette entre les groupes armés signataires et les djihadistes, ça n’ira pas. Je pense que les pays qui sont autour de la table ont les moyens pour faire cette distinction, tant que ce ne sera pas fait, on continuera toujours à se mentir. Ça, c’est une grande entrave à la paix !

La mise en œuvre de l’accord de paix est en panne, quel avenir pour le MOC qui doit être mis en place prochainement ?

Pour le MOC, la commission d’intégration doit faire son travail, fixer les critères d’intégration donner aux gens un quota et économiser certaines étapes. Les patrouilles mixtes ou bien le MOC, ce sont des mesures qualifiées par l’Accord, de mesures de confiance, mais à ce jour, tous les responsables de la CMA peuvent se promener librement à Bamako et partout au Mali alors qu’à Kidal personnes ne le peut à part eux. Je pense que cette réalité fait que cette mesure de confiance n’est pas respectée.

la CMA s’est retiré du CSA et la Plateforme lui a emboîté le pas, lors de la dernière réunion du CSA, pour quelle raison ?

Nous ne nous sommes pas retiré officiellement du CSA. Mais, je préfère attendre pour répondre à cette question.

À la mi-février, devrait se tenir, comme le demande la CMA, une réunion de haut niveau du CSA, qu’en pensez-vous ?

Les gens de la CMA ont la maladie de certains qualificatifs parmi lesquels ‘‘Haut‘‘. Le CSA est composé d’anciens ministres, il y des représentants de la communauté internationale, ce qui vous en conviendrez, est déjà assez représentatif. Je pense que c’est suffisant, pour les gens de la CMA qui nous ont déjà pas mal emmenés vers le bas, donc pas besoin d’autres choses.

GATIA – CMA, un retour au choc ?

Samedi 21 janvier, trois jours après l’attentat à la voiture piégée qui faisait 77 morts à Gao, dont la majorité parmi les groupes armés, une attaque contre un poste du GATIA près de Tinessako faisait 13 victimes. Cette attaque, imputée à la CMA, vient s’ajouter aux nombreuses violations des accords de cessez-le-feu et pourrait être le point de départ, si on n’y prend pas garde, d’un nouveau conflit entre les deux mouvements rivaux, qui pourrait faire basculer la région dans une nouvelle guerre fratricide.

Malgré les signes d’unité qui ont fait suite à l’attentat qui a fait 77 victimes à Gao, le conflit est la discorde, entre le GATIA et la CMA,  en pause relative depuis septembre dernier, semble ravivé. Samedi 21 janvier, vers 4h du matin, une colonne d’une dizaine de pick-up faisait route vers un poste tenu par le GATIA, situé à une quarantaine de kilomètre de Kidal à l’est d’Edjarer, sur l’axe Tinzawaten-Ménaka, dans le cercle de Tinessako. L’attaque a surpris les 14 combattants du Gatia qui ne se sentaient pas menacés. « Ils sont venus les canarder en pleine nuit alors qu’ils avaient relâché leur vigilance. Il y a eu 13 morts, un combattant du GATIA a pu en réchapper, il a fait une trentaine de kilomètre à pied pour alerter ses compagnons. Le GATIA a suivi les traces des assaillants, elles menaient à Kidal… », explique cette source proche des mouvements.

Le secrétaire général du GATIA, Fahad Ag Almahmoud a accusé la CMA d’être l’auteur de l’attaque et plus particulièrement un certain Bohaba Ag Hamzata qui serait membre de la coordination. Les responsables de la CMA ont rejeté ces accusations dans un communiqué publié le jour même et ont appelé la Minusma à diligenter une enquête afin de faire la lumière sur ce tragique événement. 24 h plus tard, sur les réseaux sociaux, le groupe djihadiste Ansar Dine revendiquait l’attaque.

Dans le dernier rapport du secrétaire général des Nations Unies sur le situation au Mali, il est fait état, depuis septembre 2016, dans la vallée d’Edjarer, d’exactions, perpétrées par des combattants de la Plateforme et visant les populations, les forçant à se déplacer sous peine de torture ou de mort. Le GATIA, par ces actes, s’est attiré les foudres d’Ansar Dine qui a déclaré la guerre au groupe d’Auto-défense à majorité Imghad.

Bonnet blanc, blanc bonnet Les accusations envers la CMA du secrétaire général du GATIA, ne s’avère pas totalement infondées, mais établir sa responsabilité semble plus complexe. « La mort de ces 13 combattants est dû à une frange du HCUA, des gens qui sont en connivence avec les islamistes. Ils appartiennent aussi à la CMA, ils sont sous l’autorité de son chef actuel, Alghabass Ag Intalla. C’est eux qui avaient perpétré l’attaque de Sehene, début octobre 2016, le jour de la mort de Cheickh Ag Aoussa. En réalité, Bohaba Ag Hamzata, qui est un parent d’Alghabass Ag Intalla est un narcotrafiquant notoire et un des hommes fort du HCUA, ce n’est pas totalement un électron libre, c’est un Ifoghas, un clan soudé, et Ansar Dine est à dominante Ifoghas », révèle cette même source qui côtoie les mouvements.

La katiba de Bohaba Ag Hamzata est une des rares qui ose s’aventurer or de Kidal depuis les affrontements entre Gatia et CMA, qui ont enflammé la région entre juin et septembre 2016. Selon nos informations, ce cadre militaire du HCUA aurait commis l’attaque avec l’aide de son ex-beau père, Malik Wanasnate, un ancien du Mouvement Islamique de l’Azawad (MIA) passé par le HCUA avant de le quitter en 2015 pour revenir à Ansar Dine. En 2012, il était un des commandants de Iyad Ag Ghaly, l’éminence grise du célèbre groupe djihadiste. « Il y a des éléments du HCUA qui sont liés aux djihadistes et qui navigue entre ces deux mouvements », explique cet ancien cadre du MNLA, « Il y a une facette de la CMA pour les médias, mais les gens qui vivent à Kidal savent bien qu’il y a des personnes non-officielles au sein du HCUA, qui sont des bras armés d’Ansar Dine, en même temps ils sont dans l’Accord mais ils font aussi ce qu’ils veulent. Ça maintient la terreur et leur pouvoir sur les autres », ajoute-t-il.

Depuis l’attaque, la tension est en hausse à Kidal. Les rumeurs parlent de représailles et les deux camps s’organisent. « Les armes lourdes sont montées sur les véhicules et la CMA renforcent ses positions. Tout le monde va être comptable de l’action de quelques-uns. Les gens ont peur que cette attaque remette tout à zéro. On craint un nouvel embargo et des affrontements. Après l’attaque, tous les chefs du GATIA qui étaient à la frontière algérienne ou en Libye, lieux de tous les trafics, sont revenus dans la région de Kidal, ils ne reculeront devant rien », explique cet habitant joint au téléphone. Pour cet ancien partisan du MNLA, « ces combats successifs pour la drogue, la rivalité entre Imghad et Ifoghass ou entre le GATIA et le HCUA, ne sont pas prêt de se terminer », affirme-t-il, « Le MNLA n’a pas apprécié cette attaque mais ils ne peuvent rien faire car ils sont dominés militairement et politiquement par le HCUA » et qu’on ne vienne pas lui parler de la Minusma ou de Barkhane « ils ne feront rien pour trouver les coupables, car ils ont toujours besoin de preuve alors qu’ils ne font même pas le déplacement » conclut-il.

Un potentiel successeur à Cheikh Ag Aoussa

6 jours après la mort de Cheick Ag Aoussa, l’enquête qui devra faire la lumière sur les circonstances de sa mort s’annonce difficile. À Kidal, la colère est un peu retombée, beaucoup se sont résignés et une minorité appelle à la vengeance. La ville et les mouvements sont toujours pressurisés par l’étau qu’exerce le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), tandis qu’au Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) un potentiel successeur est en passe d’être désigné.

Alors que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) soutient que la mort de Cheikh Ag Aoussa est un assassinat et que sa voiture a été piégée dans l’enceinte du camp de la Minusma, Radia Achouri, porte-parole de la force onusienne, a appelé à éviter « les spéculations hasardeuses ». Elle a confirmé que la Minusma a engagé une enquête interne sur le déroulement de la réunion à laquelle participait le chef militaire du HCUA, avant de décéder dans l’explosion de son véhicule. Elle a aussi rappelé que la force onusienne n’avait pas d’autorité judiciaire pour enquêter et que la Minusma se tenait à la disposition des autorités compétentes du pays. « Toutes les preuves sur la scène de l’explosion ont été dispersées, les gens ont tout pris, et la Minusma n’est venu sur la zone que le lendemain de sa mort, vers 9h du matin. Il n’y a plus rien pour vraiment commencer une enquête, rien sur quoi travailler », révèle cette source.

Peu confiant dans l’issue de l’enquête, la CMA dit vouloir porter plainte devant la communauté internationale pour le meurtre de son leader. À Kidal, les gens ce sont résignés, d’autres appellent à combattre Barkhane et la Minusma. « Il faut s’attendre prochainement à une vidéo des djihadistes, qui vont utiliser ça pour essayer d’attirer des combattants, parce que beaucoup d’entre eux au sein de la CMA y étaient pour Cheikh Ag Aoussa. Il reste maintenant Alghabass Ag Intalla, mais il a moins de potentiel que Cheikh, il est moins stratégique », explique cette même source.

Un nouveau faucon Un potentiel successeur serait en passe d’être désigné, Chafighi Ag Bouhada, un chef du HCUA, de la tribu Iradjanatène, ancien adjudant-chef de l’armée, qui a été un lieutenant du général Gamou, qu’il a suivi au Niger. Quand il en est revenu avec ses hommes, Ansar Dine les ont récupéré et il leur est resté fidèle jusqu’à présent. « C’est un grand combattant, il a participé à la dernière bataille entre la CMA et la Plateforme à Edjarer, et ça été un de ceux qui ont quitté le champ de bataille en dernier », explique ce sympathisant de la CMA.

Pression et accélération Dans la région, le GATIA domine toujours le terrain, autour de Kidal, dans les principales villes, et dernièrement à Tin-Essako, village natal d’Alghabass Ag Intalla. « C’est le fief des Ifoghass, il y a avait des Imghad mais ils ont été chassés en 1994. C’est un endroit où il n’était même pas envisageable de voir une unité du GATIA, même le gouvernement n’y est plus depuis les années 90, le député de Tin-Essako n’y va même pas. Donc si le GATIA est là-bas, c’est que c’est vraiment la totale ! », affirme cet habitant joint au téléphone.

La CMA ne contrôle à présent que Kidal et Tessalit, d’où des renforts pourraient venir. « À Tessalit, un échelon de la CMA dirigé par Chafighi Ag Bouhada a été rejoint par des Idnanes et puis récemment par une colonne d’une dizaine de voitures. Il paraît qu’il y avait dans cette colonne des gens qui ont participé à l’attaque de Tazalit au Niger. Cet échelon pourrait gagner Kidal pour renforcer la CMA, par la route de Tin-Essako, car le GATIA qui encercle la ville ne peut pas contrôler la zone à 100% », détaille cette source proche des mouvements.

Pour l’heure, les différentes parties semblent soucieuses de s’inscrire dans la continuité de la mise en œuvre de l’Accord de paix. Chaque mouvement a remis, jeudi dernier, la liste de leurs représentants pour les autorités intérimaires. La CMA a annoncé dans un communiqué, le 12 octobre, la réouverture des écoles à Kidal, conformément à l’Accord de paix. « Ces changements rapides révèlent que les choses sont concentrées dans les mains de quelques personnes, des gens comme Cheikh Ag Aoussa à présent décédé et Alghabass Ag Intalla. Dès qu’il y a un événement tragique, ça peut diamétralement changer la donne », analyse cet employé d’une ONG locale, qui dit apprécier ce revirement mais qui reste attentif à la suite des événements.

CMA, le temps de la fragmentation

Depuis la création de nouveaux groupes armés issus de la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ancienne rébellion touarègue est en perte de vitesse. La fragmentation en son sein augure de la tendance de chaque communauté touarègue à vouloir sa place dans le processus de paix.

Au Nord, le Mali reste plus que jamais immergé dans la crise qui se prolonge avec les affrontements entre la Plateforme, dont le fer de lance est le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), et la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), réunissant les ex-mouvements rebelles. Aujourd’hui, les acteurs de la mise en œuvre de l’accord de paix signé il y a plus d’un an, sont paralysés par ce conflit qui empêche pour le moment d’envisager une sortie du tunnel. De fait, les affrontements GATIA/CMA, sur fond de guerre tribale, ont créé une nouvelle donne qui a entraîné ces deux derniers mois des défections au sein du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), figure de proue de la CMA, débouchant à la création de nouveaux groupes armés.

MSA et CJA Début septembre, Moussa Ag Acharatoumane, chef de la tribu touarègue des Daoussahak, pourtant cofondateur du MNLA, en est parti pour créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA). Il dénonçait les « déséquilibres à l’intérieur de la CMA, où la gestion est trop unilatérale », « la recrudescence de l’insécurité et des conflits fratricides ». Un grand nombre d’observateurs ont décelé dans cette scission le signe d’un affaiblissement du MNLA ou de la CMA, critiqué par certains militants, soit pour l’abandon de l’objectif de l’indépendance, ce fut le cas du porte parole en France, Moussa Ag Assarid, soit pour la main mise de trop importante de certaines tribus sur le mouvement, notamment celle des Ifoghas. Le climat est donc visiblement à la fragmentation. Comme l’a également prouvé la création, rendue publique par un communiqué daté du lundi 10 octobre, du Congrès pour la justice de l’Azawad (CJA), issu de la tribu Kel Ansar de Tombouctou. L’un des chefs provisoire du mouvement est bien connu, il s’agit de l’ancien ministre Hama Ag Mahmoud, qui faisait partie des fondateurs du MNLA. La création d’autres groupes armés n’est pas à exclure, d’autant que chaque tribu ou communauté cherche à tirer son épingle du jeu, dans le cadre des futures autorités intérimaires. Sauf que cette fragmentation retarde d’autant le processus.

 

Laurent Bigot : « Les gens autour de la table de négociation sur l’Accord de paix, sont là pour de multiples raisons mais pas pour le bien-être du Mali ou de sa population »

Au Nord du Mali, le conflit qui oppose la CMA et la Plateforme, deux signataires de l’Accord de paix a provoqué un enlisement du processus. Les attaques terroristes qui s’intensifient dans la zone et la mort de Cheikh Ag Aoussa, chef d’État-major du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), décédé dans l’explosion de son véhicule samedi dernier, sont autant d’événements très préoccupants. Le Journal du Mali s’est entretenu sur ces sujets avec Laurent Bigot, ancien diplomate français au département Afrique de l’Ouest du Quai d’Orsay, aujourd’hui consultant indépendant spécialisé dans le conseil en stratégie sur l’Afrique.

Quel est votre point de vue sur la situation au Nord du Mali, au vu des événements préoccupants de ces derniers mois ?

Ce qui se passe au Nord du Mali est un bazar sans nom. Il y a des groupes armés qui fleurissent en nombre à chaque fois qu’il y a un nouvel intérêt catégoriel, ou surtout lié au trafic. Il y a même des groupes armés soutenus par Bamako, c’est quand même assez incroyable, et on les accepte autour d’une table de négociation ! À partir du moment où on a accepté que tout et n’importe quoi pouvait être autour de la table de négociation, il ne faut pas s’étonner qu’après, les alliances soient changeantes, mouvantes et que la situation devienne très complexe.

Je crois que la nécessité absolue ce n’est pas d’essayer de comprendre, c’est surtout d’arrêter tout ça, d’arrêter cette mascarade, c’est l’urgence absolue. J’en discutais avec un ami Malien, la réalité c’est que tous les gens qui sont autour de la table des négociations sur l’Accord de paix, n’ont aucun souci pour leur pays, ils s’en fichent complètement. Ils sont là pour de multiples raisons, mais pas pour le bien-être du Mali ou de sa population.

Le numéro 2 du HCUA, Cheikh Ag Aoussa est mort dans des circonstances encore peu claires, pensez-vous que cela peut impacter la donne actuelle ?

Je ne sais pas si c’est un assassinat, mais ça y ressemble, en tout cas c’est surprenant parce que c’est un mode opératoire, sophistiqué, que l’on n’a pas l’habitude de voir dans la zone. Ceci dit, il y a toujours eu des morts suspectes dans la zone, des chefs Touaregs qui meurent dans des circonstances étranges. Avant ils mourraient dans des accidents de la route, Ibrahim Ag Bahanga est mort de cette façon. Mais je ne pense pas que cela change quoi que ce soit, les chefs se remplacent très vite. Il faut savoir qu’il (Cheikh Ag Aoussa Ndlr) avait la culture de la guerre, et la guerre fait des victimes. Les chefs de guerre Touaregs n’ont pas le même rapport à la mort que nous, ces groupes armés vivent tous les jours avec ça, la mort au combat. Mais l’escalade est tellement prévisible au regard de la structure de ces négociations de paix, au regard de l’acceptation de la MINUSMA et de la France par tous ces groupes armés, que je ne vois pas comment ça peut s’arranger.

Le gouvernement et la communauté internationale ne devraient-ils pas inclure, selon vous, les mouvements armés dans le processus de paix ?

Ces mouvements ont montré leur incapacité totale à mettre en œuvre ce processus de paix. Ils ont montré que ce n’était pas des interlocuteurs fiables, ils ont montré qu’ils ne pouvaient tenir aucun engagement. En disant cela, je mets tout le mode dans le même sac, à la fois les groupes armés et Bamako.

Les forces internationales, et la France en particulier, sont jugés responsables de la mort de Cheikh Ag Aoussa par certains mouvements armés, cela vous semble-t-il plausible ?

Barkhane, nos forces, sont enlisées au Nord du Mali et je ne pense pas qu’ils iraient se compliquer les choses en commettant un assassinat. De plus la règle veut que si vous éliminez une tête, une autre la remplace rapidement.

L’Accord de paix tel qu’il a été signé le 20 juin 2015, vous semble-t-il encore viable au vu de la guerre que se livrent la CMA et la Plateforme, et des nombreuses défections enregistrées à la CMA ?

Cet accord n’a jamais été viable, il ne tient pas pour une bonne et simple raison, qui est fondamentale, c’est qu’Alger est à la manœuvre. Alger n’est pas un négociateur, c’est un « spoiler », en mauvais français. Alger n’a aucun intérêt à ce que le nord du Mali ne soit pacifié, et tous les groupes armés disent toujours la même chose : « ne nous laissez pas en tête à tête avec Alger ». Donc je pense qu’Alger doit-être autour de la table de négociation, mais ne peut pas piloter un processus de négociation. Et la France doit prendre ses responsabilités, c’est à dire qu’on a envoyé 6 000 soldats pour faire la guerre avec l’opération Serval, et on n’a pas été capable de rallier les équipes de négociation pour faire la paix. Quand on s’engage comme ça dans une partie du monde, il faut aussi penser à la paix et ce ne sont pas les militaires qui imposent la paix, ce sont des diplomates, des civils, des négociateurs chevronnés, et nous en avons qui connaissent bien la zone, mais le choix politique a été de ne pas s’immiscer dans ce processus. C’est parce que cette question n’est pas réglée que ça a dérapé, donc on n’est pas du tout cohérent, une fois qu’on a gagné une bataille, on ne se donne pas les moyens de réussir, donc un an ou 18 mois après, ça dérape de nouveau.

Comment voyez-vous la suite des événements ?

Objectivement, je pense que la situation au nord du Mali n’a jamais été aussi dégradée qu’aujourd’hui, jamais Bamako n’a autant perdu le contrôle du Nord, malgré la présence militaire étrangère. Certains même me disent que c’est un point de non-retour. Je n’irais pas jusque-là, mais en tout cas ce qui est sûr, c’est qu’historiquement, depuis l’indépendance, jamais Bamako n’a perdu autant le contrôle. Je ne suis donc pas très optimiste sur la suite des opérations, et si on se voile la face et qu’on ne regarde pas la réalité telle qu’elle est, il n’y a aucune chance que des solutions pertinentes et opérationnelles émergent. Ces solutions devront venir du terrain, et pas des Nations unies ou de la France, elles devront venir d’acteurs responsables qui décideront de s’occuper enfin de leur pays.

Le GATIA : l’outsider gagnant

À l’heure où la CMA, qui détient la ville de Kidal, est affaiblie par de nombreuses dissensions en son sein, la Plateforme et son fer de lance le GATIA se renforcent sur les terrains militaire et politique. Ce dernier, longtemps cantonné sur les champs de bataille, entend désormais se faire entendre et jouer sa partition.

Bras armé de la Plateforme, mouvement signataire de l’Accord d’Alger, le Groupe armé d’autodéfense imghad et alliés (GATIA) s’est au fil des mois imposé comme un acteur incontournable du nord du Mali. Ces dernières semaines, après avoir été sur le terrain militaire, où il a engrangé plusieurs succès, c’est désormais sa stature politique qui prend de l’ampleur avec les ralliements d’autres mouvements autrefois alliés de la CMA.

Créé en 2014 pour protéger les populations de la communauté imghad, le GATIA est en effet en passe de devenir le plus grand mouvement polico-militaire du nord du pays. « Après une analyse minutieuse de la situation du nord du Mali et de tout ce qui s’y passe, nous comptons, avec nos frères de la Plateforme, tout mettre en œuvre pour privilégier le combat pour la paix et le développement au bénéfice de nos populations qui ont tant souffert », a expliqué Sidi Mohamed Ould Mohamed, porte-parole du MAA de Ber qui a quitté la CMA le 27 septembre. De l’avis d’Amara Keïta, sociologue enseignant-chercheur à l’université de Bamako, « il ne fait aucun doute que la nouvelle position du GATIA affaiblira la CMA qui était maître de jeu dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger ». « Aujourd’hui, exclue de la gestion de Kidal, la communauté touarègue imghad, majoritaire dans le nord du pays, se battra jusqu’au bout pour son existence », explique-t-il. « L’une des principales raisons de cette montée en puissance du GATIA a été la résistance de ses leaders politiques et militaires à l’idéologie indépendantiste. Il a en fait récolté les fruits de cet effort », ajoute Mr Keïta.

Non indépendantiste, le GATIA veut se dissocier des autres mouvements armés. Une position qui lui vaut aujourd’hui l’estime d’une bonne partie du peuple malien, ce qui renforce plus encore sa position et le rend objet de suspicion voire d’accusations quant à ses liens avec le pouvoir de Bamako. Une proximité largement démentie de part et d’autre, sans toutefois vraiment convaincre ceux qui le voient aujourd’hui en position de réclamer sa part de la gestion de l’État, comme y ont eu droit des cadres de la CMA…

 

Processus de paix : Accord et désaccords

Depuis 3 mois, le processus de paix est suspendu à la guerre hégémonique et sans-merci que se livre la CMA et la Plateforme, deux mouvements armés signataires de l’accord de paix, autour de la gestion de Kidal et des questions de leadership entre Ifoghas et Imghad. La mise en œuvre de l’accord, qui devait progressivement entrer en vigueur cet été, est actuellement au point mort, sans que l’on ne sache vraiment si ce document connaitra un jour un début d’application.

« Le territoire de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) se résume aujourd’hui à l’intérieur de Kidal, et ça renforce ma conviction que plus la CMA s’affaiblit, plus on va vers la paix », déclare Fahad Al-Mahmoud, secrétaire général du Groupe d’autodéfense Touareg, Imghad et alliés (GATIA). Pour lui, le conflit qui oppose GATIA et CMA ne remet pas forcément en question l’accord de paix. « Je pense que c’est l’une des causes, mais pas totalement. On a fait la paix à partir d’Anéfis et l’accord n’a pas beaucoup bougé, donc je ne pense pas que ce soit le seul frein », affirme-t-il. Bien que la situation autour de Kidal soit relativement calme ces derniers jours, le GATIA encercle toujours la ville, contrôlant et interdisant l’accès à tout véhicule et chargement venant de Gao, et cantonnant la CMA dans cette unique espace urbain, sous protection de la MINUSMA et de la force Barkhane, enjeu des conflits qui ont agité la région ces 3 derniers mois. À l’intérieur de la ville, la CMA se réorganise massivement pour préparer sa riposte, tandis que la Plateforme, tenue à distance par des forces internationales intransigeantes, attendrait le moment opportun pour prendre Kidal. « Si Gamou, aidé par le Mali, veut négocier, pas de problème. Mais s’il monte par la force, ce sera le début de la 5ème rébellion touareg ! L’accord sera à l’eau et nous, on ne se reconnaitra plus dans cet accord. Ce sera l’éclatement général », affirme ce cadre militaire de la CMA.

Un accord en danger ? Pourtant, selon nos informations, la CMA soutiendrait toujours l’accord et ne compterait pas en quitter le cadre. Même si, à Kidal, le message qu’elle fait passer aux habitants ainsi qu’aux combattants les plus radicaux, pour les gagner à sa cause, prône l’indépendance et un refus de l’accord. Dimanche dernier, ses dignitaires se sont réunis en secret pour choisir les personnes qu’ils présenteront aux futures autorités intérimaires. « Ils veulent rester dans le cadre de l’Accord d’Alger, essayer de revenir à la paix et éviter la guerre. Ils disent que cette guerre ne les arrange pas parce qu’en réalité ce sont des Touaregs qui se battent entre eux. Ils peuvent combattre mais ils ne veulent pas le faire parce que cette guerre est manipulée par d’autres qui veulent vraiment que l’accord ne soit pas appliqué », explique Souleymane Ag Anara, photo-journaliste basé à Kidal. Pour certains observateurs, les trafiquants de drogue et, par certains aspects, la communauté internationale, ne verraient pas dans leur intérêt que l’accord soit appliqué. « Car pour ces gens, ça entretien le business », affirme une source locale. Pour ce diplomate proche du dossier, « les évènements qui se jouent actuellement dans ce conflit entre signataires, ne peuvent remettre en question l’accord, parce que c’est un compromis dont les garants sont la communauté internationale et les pays du champ ».

Néanmoins, les défections nombreuses au sein de la CMA, dont beaucoup de membres ont rejoint la Plateforme, sont un signal pour certains observateurs que l’Accord pour la paix et la réconciliation signé le 20 juin 2015 n’est plus viable. Car la CMA qui y a pris part et qui était en position de force, est aujourd’hui fragilisée, et que le GATIA, actuellement décrié par la communauté internationale, a débauché nombres d’acteurs du camp adverse, signataires de l’accord, changeant par là même toute la donne. « C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de défections du côté de la CMA, des notables, des chefs de factions, des officiers, des combattants, mais les figures emblématiques, les Ag Najim, Ag Haoussa, Ag Intalla, elles, n’ont pas bougées. Je pense que ce qui se passe, à défaut de déranger l’accord, ne vas pas l’arranger. Le danger, c’est que ça peut amener une autre guerre qui va durer et que les gens ne maitriseront pas », analyse ce proche des mouvements.

Ce conflit larvé entre les deux belligérants pour obtenir la chefferie de Kidal, ne serait pas la raison profonde qui pourrait entraver la mise en œuvre de l’accord de paix. « Ce qui se joue au fond, autour de ces évènements, c’est la difficulté de l’émergence d’une citoyenneté nationale pour ces groupes. Certaines sociétés touarègues arrivent difficilement à concevoir que leur antériorité nobiliaire soit dissoute dans la citoyenneté malienne, alors qu’aujourd’hui ils ont pris conscience de leur puissance économique et de leur intégration dans l’État », explique le Dr Naffet Keïta, anthropologue et chercheur.

Vers une porte de sortie ? Actuellement, les négociations pour un retour à la paix semblent au point mort. Les leaders du GATIA à Bamako ne mènent aucune négociation avec ceux de la CMA. « Ils ne s’appellent pas, ils ne se concertent pas. Il n’y a aucune médiation en cours, tout les préparatifs qui se font, se font dans l’optique de la guerre », révèle cette source proche du GATIA. Selon nos informations, les autorités nigériennes seraient en train de travailler à l’organisation d’une réunion, au Niger, pour relancer les négociations et faire cesser le conflit, mais on ne sait pas à l’heure actuelle si cette rencontre se tiendra, car l’Algérie n’y est pas favorable.

La difficulté pour un retour à la paix semble se trouver dans la capacité à concilier les agendas des différentes parties. Celui du GATIA qui veut occuper des responsabilités, celui du gouvernement, qui souhaite que tout les Maliens demeurent libres et égaux en droit et en devoir, et celui de la CMA, qui veut continuer à conserver sa position de leadership à Kidal. « Notre problème avec les Ifoghas est à côté de l’accord. Le processus d’Alger n’a pas pris ça en compte, malgré que nous ayons plaidé pour cela. Je pense que les acteurs doivent tout mettre en œuvre pour trouver une solution à ce problème », explique le secrétaire général du GATIA. « Il n’y aura pas de négociations qui auront des résultats tant que les autorités seront favorables aux miliciens et que nous serons dans cette position. Il faut absolument mener des actions politiques pour arranger les choses. Si ce problème avec le GATIA ne peut pas être résolu politiquement, alors nous l’élimineront militairement », rétorque ce cadre militaire de la CMA.

La balle, aujourd’hui, semble dans le camp du gouvernement malien, conscient de ces enjeux locaux, mais inaudible depuis 3 mois. Il devra conduire une médiation entre ces parties pour un nécessaire retour à la paix, car si l’on n’y prend garde, l’opposition entre CMA et GATIA pourrait basculer dans une guerre civile.

Le MAA de Ber rejoint les rangs de la Plateforme

Après l’annonce faite par le porte-parole du Mouvement Arabe de L’Azawad /Zone Ber qui souligne son adhésion à la plateforme, les responsables du MAA et de la CMA montent au créneau pour démentir cette information.

« Après une analyse minutieuse de la situation, nous avons décidé de ne plus nous embarquer dans des aventures guerrières non justifiées et aux objectifs inavoués », déclarait Sidi Mohamed Ould Mohamed, porte-parole du MAA-Ber ce mardi 27 septembre lors d’une conférence de presse. Une déclaration qui témoigne donc désormais de l’adhésion du MAA de Ber à la Plateforme républicaine, une des parties signataires de l’accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali. Selon les responsables, cette décision est en rapport avec les récents événements dans la localité de Ber où le drapeau du Mali a été profané et brûlé par des jeunes manifestants de la CMA.

Du côté de la CMA, les membres considèrent l’annonce de Sidi Mohamed Ould Mohamed comme un coup d’épée dans l’eau. Pour Mohamed Mahamoud, Secrétaire Général adjoint de la CMA cette déclaration ne vaut rien, « nous considérons cela comme un non évènement qui n’a aucune importance. C’est l’initiative d’une seule personne et non d’un groupe », justifie-t-il.

Dans la soirée du 29 septembre, un communiqué de la CMA publié sur les réseaux sociaux aborde dans le même sens des propos tenus par Mohamed Mahamoud.

« Le Mouvement Arabe de L’Azawad /Zone Ber a été surpris d’avoir appris dans la presse écrite qu’un certain Sidi Mohamed Ould Mohamed inconnu de toutes les instances du MAA et ne représentant aucune de nos communautés, qui par usurpation se présente comme un membre du MAA/Ber en faisant des déclarations mensongère et des actes irresponsables en notre nom, ce que nous démentons catégoriquement », mentionne le communiqué. Et au colonel Houssein Goulam, Chef D’état-major dudit mouvement, d’ajouter que le MAA de Ber met en garde tout individu agissant ainsi, « toutes les mesures appropriées seront prises pour mettre fin à des telles provocations », conclu le communiqué.

 

Habala Ag Hamzata, Secrétaire général adjoint du GATIA : « Nous avons toujours fait ce qui nous était demandé »

La question de votre lien avec le gouvernement est de nouveau sur le tapis. Avez-vous des commentaires ?

Le GATIA n’est pas une création de l’État malien. Il a été créé dans des conditions que tout le monde connait, après les événements de Kidal, le 23 mai 2014. Nos populations ont subi beaucoup d’exactions, donc nous avons été obligés de nous retrouver entre nous. L’objectif est de protéger les populations et leurs biens sur toute l’étendue des cinq régions du nord. Le gouvernement du Mali ne nous donne rien. C’est avec les contributions de nos communautés, avec l’apport de nos ressortissants que nous sommes en train de travailler.

Vous vous battez pour récupérer Kidal. Une fois cet objectif atteint, restituerez vous la ville à l’État malien ?

Nous tentons d’être à Kidal pour que les populations puissent enfin se sentir en sécurité, revenir dans leurs maisons, dans leurs commerces. Le Mali va revenir à Kidal à l’issue du processus de paix. Le calendrier est bien clair et le redéploiement de l’administration et de l’armée malienne se fera selon ce calendrier prévu par les différentes commissions en charge de la mise en œuvre de l’accord.

Comment appréciez-vous les propos de l’ambassadeur des États-Unis qui accuse le GATIA d’envenimer la situation ?

L’ambassadeur a tenu des propos partisans qui montrent qu’il est du côté de la CMA. Sur quelles bases dit-il que le GATIA ne veut pas de la paix alors que nous avons toujours fait ce qui nous était demandé suivant le processus de paix ? On a été les premiers à demander à ce que le MOC (Mécanisme opérationnel de coordination, ndlr) et les autorités intérimaires soient opérationnels au nord du Mali. On a toujours été à la disposition de la communauté internationale pour la mise en œuvre de l’accord de paix. Que doit-on faire de plus ?

On nous accuse de freiner l’acheminement de l’aide humanitaire. Ce n’est pas le cas parce que ce sont nos populations qui en ont besoin. Nous avons dit à toutes les organisations humanitaires qu’on ne va plus accepter que cette aide soit seulement destinée aux populations liées à la CMA. Si on doit assister des populations, ce sont celles qui ont été chassées de la ville de Kidal et qui sont sans eau, sans médicaments, dans la brousse, dans les localités les plus éloignées.

 

Droit de réponse à Mr l’Ambassadeur : Fais ce que je dis, ne fait pas ce que je fais

« Les dents qui sourient à la viande sont celles qui la mangent ». La conférence de presse de l’Ambassadeur des Etats unis au Mali enjoignant au gouvernement Malien de prendre ses distances vis à vis du GATIA est une aberration au regard des pratiques américaine dans le monde.

Je qualifierai cette sortie médiatique de simple conjecture complaisante. Peu m’en chaut, j’aimerais rappeler à M. l’Ambassadeur que:

Ce n’est pas le Mali qui signe des contrats avec des sociétés privées pour envoyer des mercenaires dans les zones de conflits ou les USA sont parties (Iraq, Afghanistan…);

Ce n’est pas le Mali qui a armé et appuyé les rebelles en Syrie, rebelles qui constituent aujourd’hui le plus grand contingent de Daech;

Ce n’est sûrement pas le Mali qui a cautionné l’armement des rebelles libyens et yéménites avec les conséquences que nous savons aujourd’hui;

Ce n’est sûrement pas, M. l’Ambassadeur, le Mali, qui pour faire main basse sur le pétrole iraquien a fabriqué de toute pièce des mensonges sur l’existence de prétendus armes de guerre;

Ce n’est pas, non plus, le Mali qui a créé et armé Al-Qaïda contre les Russes en Afghanistan;

Non M. l’Ambassadeur, ce n’est pas le Mali qui se rabaisse à créer des insurrections ou des groupes armés au nom des intérêts lobbyistes;

M. l’ambassadeur, c’est bien votre pays qui est à l’origine de toutes ces situations!!! Sur quelle base vous érigez vous en donneur de leçon au Mali?

Oui le nord est devenu une zone de non droit, oui le trafic de drogue y a pignon sur rue mais tout cela n’est possible que parce que votre gouvernement le veut bien. Votre capacité à mettre fin à cette situation n’est que pure secret de polichinelle.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que vous avez pris des engagements à hauteur de plus d’1 milliard de dollar pour assister le Mali que vous ne faites pas montre d’un certain cautionnement vis à vis de la situation.

Dites-moi, ou était votre gouvernement quand le MNLA s’en est pris à l’Etat malien et que par la suite les médias américains et européens ont accordé des temps d’antenne aux représentants du MNLA sans juger nécessaire d’adopter une posture contradictoire la plupart du temps ?

Pourquoi cette conférence de presse au moment où le GATIA gagne du terrain et défait la CMA au nom du peuple Malien?

Une milice n’est certes jamais bon dans un Etat mais ne dit-on pas qu’entre deux maux il faut choisir le moindre et aujourd’hui le GATIA constitue ce moindre. Jusque-là ni votre pays, ni aucun autre n’avait permis que le Vert-Or-Rouge flotte à Kidal et environ, c’est le cas aujourd’hui grâce au GATIA!!!

Votre attitude confirme, si besoin est, que les relations internationales se résument en simple jeux d’intérêts et rapports de force mais aujourd’hui plus que jamais le peuple du Mali est debout et prêt à contrecarrer tous les plans susceptibles de le spolier.

 

La CMA au bord du gouffre : Le MAA de BER rejoint la Plateforme

Le porte-parole du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), Sidi Mohamed Ould Mohamed a animé un point de presse, mardi 27 septembre, à la Maison de la presse. L’objectif était d’informer l’opinion publique de la situation qui prévaut au nord du pays et de son ralliement à la Plateforme.

La descente aux enfers de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), amorcée depuis queslques mois se poursuit. Après le départ fracassant de Moussa Ag Acharatoumane et Assalat Ag Habi, parti créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), qui s’est rallié à la Plateforme, l’étau se resserre de nouveau sur la coordination avec le départ des chefs de fraction, responsables, leaders et notabilités ressortissants de Ber région de Tombouctou, membres aussi du MAA de la CMA. « Après une analyse minutieuse de la situation au nord du Mali et de tout ce qui s’y passe, nous informons : le Représentant spécial du secrétaire Général des Nations Unies, chef de la MINUSMA, toutes les autorités du Mali ainsi que l’opinion nationale et internationale que désormais nous n’entendons plus nous laisser embarquer dans des aventures guerrières injustifiées ou pour des raisons inavouées. Demandons au peuple malien de bien vouloir pardonner et de prier pour le retour de nos frère égarés à la République », souligne Sidi Mohamed Ould Mohamed porte-parole du MAA. Pour les partants, l’accord issu du processus d’Alger signé par la CMA et la Plateforme évoque de façon claire la préservation de l’unité nationale, la laïcité et l’intégrité territoriale du Mali. « Dès lors, il nous est incompréhensible que nos populations continuent d’être instrumentalisées pour des marches contre la République et conduites dans des conflits fratricides », a-t-il ajouté. Un coup dur pour la CMA qui présentait déjà des signes d’essoufflement sur le terrain avec la prise de nombreuses localités par la Plateforme.

Interview exclusive de Inkinane, chef de l’unité antiterroriste du MNLA : « Vous ne serez pas en paix avec Gamou ! »

Le 16 septembre, des combattants de la Plateforme attaquaient ceux de la CMA, à In Tachdaïte, à quelques kilomètres de la ville de Kidal. Cet affrontement meurtrier a relancé les interrogations sur la pacification de la zone et sur l’engagement des parties concernées pour la paix. Nous avons joint le chef de l’unité antiterroriste du MNLA, Inkinane, qui est partie prenante dans ce conflit qui oppose la Plateforme et la CMA, et qui nous livre son opinion sur ces questions, et indexe le Général Gamou, le gouvernement, tout comme la communauté internationale.

Quel est le bilan de l’attaque du 16 septembre à In Tachdayte ?

In Tachdayte est un petit village pratiquant l’élevage, notamment de chameaux, constitué d’une vingtaine de maisons, d’une école, d’un château d’eau, d’animaux, et d’un moteur pour alimenter le village en électricité. C’est un poste qu’on avait utilisé pour la détention des terroristes et des prisonniers. En tout, nous avions une trentaine de personnes et six véhicules opérationnels sur place. Ils ont été attaqués par plus de 70 véhicules de la Plateforme. Le bilan est de quatre morts, dont un au combat et trois exécutes par balles après leur arrestation, parce qu’ils ont voulu les faire parler. S’y s’ajoutent deux camions de transport brûlés et deux autres contenant des armes. Ils ont aussi amené avec eux cinq de nos hommes, dont nous n’avons pas de nouvelles pour l’instant.

Que demande la CMA par rapport au conflit qui l’oppose encore à la Plateforme ?

Aujourd’hui, la CMA demande le respect de l’Accord d’Alger. Nous avons suivi la communauté internationale, la médiation et tous les autres acteurs qui sont impliqués dans la gestion de ce conflit. Avant, Gamou s’approchait des populations de Kidal sous prétexte qu’il menait un combat contre les Ifoghas, ce qui était totalement faux. Il est en train d’exécuter un programme du gouvernement, en essayant de récupérer les positions occupées par la CMA, en utilisant les miliciens qui avaient pour prétexte un combat ethnique et la frustration populaire. Aujourd’hui, la CMA a saisi la communauté internationale et elle est dans une position d’alerte par rapport à la situation. Beaucoup de gens qui avaient une vision un peu ethnique du conflit ont compris maintenant que c’était un faux conflit et se sont désolidarisés de lui. Actuellement tout le monde est en train d’utiliser tous les moyens pour sécuriser et venir en aide à ses parents qui ont été agressés par des trafiquants. Le convoi qui nous a attaqués était dirigé par un trafiquant du nom d’Ahmedou Ag Isriw, le capitaine Ahmed Intakarde et l’adjudant chef de l’armée malienne Issouf Ag Bougara. C’est dire que nos agresseurs étaient bien préparés et si le Mali soutient cette position qui est celle de s’attaquer aux paisibles citoyens, on n’aura pas la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Si on cherche la paix, on doit la faire avec tout le monde.

Vous indexez directement le Général Gamou…

Il essaye d’utiliser la frustration malienne pour organiser son règne et les trafics en tout genre. Nous essayons de faire comprendre aux uns et autres que nous sommes les partisans de la réconciliation des cœurs et si cela n’est pas compris, nous allons montrer que nous ne sommes plus dans les années 1990. Maintenant, tout le monde a des moyens à travers des soutiens d’États et d’autres soutiens sur le plan international. Aujourd’hui, l’État malien doit comprendre que la paix ne sera possible qu’avec l’ensemble des acteurs, sans discrimination ou préférence. Or, nous constatons que l’accord qui a été signé ne s’applique qu’à une seule partie.

Après ce déchaînement de violence, vous croyez donc toujours à la paix ?

La paix est possible. Même quand Gamou a envoyé ses miliciens attaquer nos parents, tuer le bétail, piller les boutiques, nous n’avons pas réagi de la même manière parce que nous voulons la paix. Mais cette paix ne doit pas s’appliquer à nous seuls. On ne peut construire une paix durable avec une milice. Aujourd’hui, ses miliciens utilisent les moyens qu’utilisent les terroristes d’AQMI ou du MUJAO. Si on ne fait pas attention, les gens vont perdre toute confiance en le gouvernement malien et penser qu’il cherche à les désarmer pour les mettre à la merci des milices. La sécurité doit être égale pour tous les citoyens et les dispositions consignées dans l’Accord doivent être respectées à la lettre, ce qui doit commencer par l’opérationnalisation du MOC (Mécanisme opérationnel de coordination ndlr) pour l’instauration de mesures de confiance entre les différentes parties, gouvernement, CMA et Plateforme. Nous, on a toujours respecté nos engagements grâce à la pression de la France qui nous a demandé d’accepter l’intégrité territoriale du Mali, qu’il y ait une élection présidentielle, afin d’avoir un président avec qui on pourra discuter. Après, on nous a demandé de signer l’Accord d’Alger sans changer une virgule, parce qu’il est rédigé par la communauté internationale et que c’est la solution. Au bout du compte, il n’y a rien, cet Accord n’existe plus. Pourquoi prendre des prisonniers dans les combats et les éliminer comme le font les djihadistes ? Pourquoi massacrer les gens dans les campements ? Avec ces pratiques, il n’y aura pas de paix possible, cela va aggraver les haines. Je vous jure que vous ne serez pas en paix avec Gamou dans l’avenir, parce que tous les officiers qu’il utilise pour nous faire la peau sont des trafiquants de drogue. Après, c’est le plus grand défi qu’il faudra relever. Les armes qui seront sorties des casernes seront utilisées pour contrôler les routes de la drogue. Le Mali ne maîtrise rien de la situation, il y a beaucoup de Maliens qui se réjouissent pour leurs actions, mais en réalité ils ne travaillent pas pour le Mali. Ces gens ne retourneront jamais dans les casernes maliennes pour gagner un salaire de 50 000 francs CFA à la fin du mois, parce qu’ils ont découvert qu’ils peuvent empocher 70 millions en seulement une semaine.

Aujourd’hui le HCUA accuse le gouvernement de laisser pourrir la situation. Quel est votre point de vue la dessus ?

C’est exactement le cas, le gouvernement est de mèche avec la MINUSMA qui est composée de la CEDEAO et envoie des conseillers militaires aux côtés des contingents européens et autres pour dire que c’est Gamou la solution. Il est clair aujourd’hui que c’est le gouvernement qui com – plique la situation. La CMA a aujourd’hui toutes les volontés pour s’engager dans le processus de paix, s’engager dans l’armée et toutes les institutions, pour la promotion de la paix. Nos gens étaient partis à Bamako pour supplier d’arrê – ter tout ça et permettre l’opérationnalisation du MOC. Mais le gouvernement ne veut pas, parce que cela n’arrange pas Gamou, dont l’objectif est de récupérer tous les territoires où passent la drogue.

Comment appréciez-vous le rôle des forces internationales sur le terrain ?

On estime que c’est une présence complice avec le gouvernement malien et ses milices. Pour nous, la MINUSMA ne remplit pas sa mission de surveiller le processus de paix, car elle n’empêche pas une partie de violer le cessez-le-feu. Alors que la mission a tous les moyens pour agir convenablement, même à 45 Km de Kidal, elle ne veut pas bouger pour faire le point de la situation. Toutes les munitions qu’on avait pris chez les miliciens étaient des munitions de la MINUSMA. On a vu, et maintenant on n’espère plus rien de la communauté internationale et du Mali. Il faut aujourd’hui une vraie solution ou aller à la guerre, il n’y a pas d’autre alternative.

Le samedi 17 septembre dernier, le MSA, issu d’une scission avec le MNLA, a rencontré la Plateforme et un accord en est sorti. Quel est votre point de vue là-dessus ?

C’est juste une façon d’affaiblir la CMA, mais c’est des gens qui n’ont jamais amené un appui militaire ou financier quelconque à la CMA. Ils étaient par contre un poids mort que la CMA était en train de supporter. Quand ils se rencontrent pour signer un accord, ils ne se souviennent pas que quand toutes les tribus de l’Azawad s’étaient rencontrées, elles avaient signé le même papier, il y a seulement six mois. Tout cela a volé en éclat parce que Gamou n’a pas pu ranger son plan. Moussa Ag Acharatoumane veut tout simplement être le président de l’autorité intérimaire de Ménaka, c’est sa seule motivation. C’est vrai qu’ils nous ont fait un coup moral, mais sur le plan militaire, on ne comptait pas sur eux.

 

Suprématie de la Plateforme dans la guerre ethnique au Nord-Mali

Depuis vendredi dernier 16 septembre, les combats ont repris entre la CMA et la Plateforme, notamment à Intachdayte, la plus importante base du MNLA. Après ces affrontements qui ont fait une dizaine de mort, des dégâts matériels et permis aux hommes de Gamou d’acquérir un impressionnant arsenal du MNLA, la Plateforme a lancé d’autres actions militaires, qui lui ont permis de contrôler presque toute la région à part Kidal, où la CMA, affaiblit, reste acculée.

 La ville d’Intachdayte, à majorité Idnane, entièrement sous les ordres de Mohamed Ag Najim, le chef militaire du MNLA, a été attaquée et conquise vendredi 16 septembre, par une colonne composée d’une quarantaine de véhicules de la Plateforme. Une grande partie de l’armement stocké par le MNLA et rapporté de Libye s’y trouvait et a été saisi par la Plateforme puis transporté à Anéfis. Intachdayte est tombée parce que les forces de la CMA n’y était pas en nombre. L’encerclement de la ville de Kidal par la Plateforme a mobilisé beaucoup de leurs troupes et laissé cette base isolée, permettant aux hommes de Gamou d’attaquer. « La Plateforme avance que deux des leurs ont été capturés par un groupe armé qu’ils soupçonnaient fortement d’être des Idnanes d’Intachdayte, c’est pour cela qu’ils auraient pris la ville, mais la réalité c’est qu’ils l’ont attaqué pour s’accaparer les armes, affaiblir la CMA, renforcer l’encerclement de Kidal et son isolement », explique cet employé d’une ONG local.

Depuis la courte trève initiée par les différentes parties quelques jours avant la fête de Tabaski, il n’y a pas eu de cesser le feu, dans le climat de tension qui prévaut dans la région depuis l’interdiction faites à la Plateforme, par les forces internationales, d’entrer dans la ville de Kidal alors que les forces de la CMA peuvent en sortir.

Samedi 17 septembre, la Plateforme a annexé Inkhalil, puis Ikadawatène ou la CMA a fui sans combattre. Actuellement le mouvement du général Gamou contrôle presque toute la région, à part la ville de Kidal tenue par la CMA, Aghel’Hok où la force tchadienne de la Minusma ne laissent pas entrer les groupes armés, Abeibara et Tin-Essako, un fief de la tribu des Ifoghas. Les forces de la Plateforme sont actuellement stationnées  à côté de Tessalit, sans pour l’instant tenter de prendre la ville. « À Tessalit, il y a eu des micmacs, Mossa Ag Habida, un commandant de la CMA qui était le chef local du HCUA, un Iradjanatane, une tribu plus proche des Imghad que des Ifoghas, a rallié la Plateforme avec hommes et véhicules. Il faut savoir que la fibre ethnique est très importante dans ce conflit et il se trouve que le grand-frère de Mossa Ag Habida était un lieutenant de Gamou dans la rébellion des années 90, il est décédé lors de la première guerre tribale qui a opposé les éléments de Iyad Ag Ghali aux hommes de Gamou. Mossa qui a retrouvé d’ancien frères d’armes dans les rangs de la Plateforme a donc fait défection pour la rejoindre. Ce n’est pas la première fois que des combattants de la CMA ou du HCUA passent dans l’autre camp », affirme cette source proche des mouvements.

Selon nos informations, un important chef du HCUA à Kidal, Chafighi Ag Bouhada, qui est le cousin de Mossa Ag Habida, a rejoint Tessalit lundi soir à la tête d’une trentaine de véhicules en contournant le dispositif de la Plateforme via des routes dans les zones contrôlées par les djihadistes (Tin-Essako, Talahandak, Tintisska ), pour que la ville ne tombe pas aux mains de leur adversaire. Des affrontements du côté de Tessalit semblent imminents.

Depuis que l’étau de la Plateforme se resserre sur Kidal, la CMA, affaiblit par les combats, les défections et les dissensions, tentent de trouver des alliances. Mardi 20 septembre, la Coalition du Peuple pour l’Azawad (CPA) d’Ibrahim Ag Mohamed Assaleh a dissout sont mouvement pour rejoindre le MNLA. Selon certains observateurs ce mouvement compterait environ 500 combattants qui viendraient renforcer les troupes de la CMA.

Le Mouvement pour le Salut de l’Azawad ( MSA) de Moussa Ag Acharatoumane, qui a quitté la CMA le 2 septembre dernier, a signé samedi 17 septembre, un accord sécuritaire avec la Plateforme et le MAA-Plateforme, pour mener des patrouilles dans la région de Gao afin de traquer les voleurs et autres coupeurs de routes qui pullulent dans la région. « Certains éléments de la CMA ont la dent dure contre le MSA, ils disent que des combattants de ce mouvement ont été vu avec des éléments de la Plateforme lors des attaques d’Inkhalil et d’Inkadawatène. Le MSA n’a pas rejoint la Plateforme, pas encore, ils ont signé cet accord de sécurité et d’autres accords plus secrets, dont un, qui leur donne la garantie que la Plateforme les aidera s’ils sont attaqués par la CMA », révèle cette source.

Le gouvernement malien qui soutenait la CMA, il y a encore quelques mois, semble avoir changé son fusil d’épaule. Sur les ondes de RFI, la semaine dernière, Bilal Ag Achérif, secrétaire-général du MNLA, a constaté  que « le gouvernement et la Plateforme veulent tourner  le dos à cet accord ( de paix et de réconciliation) […] si on continue à ce rythme là, il risque de ne plus avoir d’accord du tout auquel se référer », a-t-il déclaré. Début septembre, le HCUA avait menacé de prendre les armes, « si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités en rappelant à l’ordre ses militaires déguisés en miliciens […] notre réplique sera à la hauteur de l’affront et même peut-être disproportionné », ajoutait le mouvement. « Le processus de paix est en danger c’est vrai, avec les affrontements qui continue ça risque d’échouer, rien ne va être appliqué et en même temps c’est une menace, car pour la CMA la Plateforme est une milice malienne, donc pour eux c’est le Mali qui tire les ficelles. Bilal Ag Achérif est manipulé par le HCUA. Ils font appel à lui, ils lui font faire des déclarations parce qu’ils savent que le MNLA a la sympathie de la France et d’autres partenaires, ils ne veulent pas être isolés et donc ils le mettent en avant dans la communication», explique ce proche des mouvements.

Pour Azaz Loudag Dag, chef de la communauté Imghad, ce conflit n’est pas un problème entre mouvements mais un problème de communauté, complexe, tant les différentes communautés sont imbriquées dans les mouvements. « On ne peut pas trouver une solution au niveau des mouvements, il faut trouver la solution au niveau des communautés concernées, c’est à dire la communauté Ifoghas et la communauté Imghad. Ce sont ces deux communautés qui ont des problèmes, notamment le fief de Kidal, qui appartient aux Imghad et qui a été occupé par la CMA quand elle a chassé le gouvernement du Mali et tout le reste, avec l’appui des djihadistes et des terroristes. Ils l’ont occupé avec l’aide de la communauté internationale (notamment Serval) qui pensait que Kidal appartenait aux Touaregs et que par conséquent il fallait la donner aux rebelles, alors que parmi les touaregs tous ne sont pas des rebelles. Ce que la France n’a pas compris dans le scénario actuel c’est que ce sont les djihadistes qui ont mis en place les Ifoghas pour les faire occuper le Nord-Mali. Nous, on veut une solution négociée, on ne veut pas du tout aller à la guerre. Comprenez bien que si on nous empêche de rentrer à Kidal, on reste autour de la ville et à chaque fois qu’on rencontrera leurs éléments, il y aura certainement des heurts », conclut-il.

Pour cet habitant de Kidal, fataliste, au-delà des communautés, le véritable but de cette guerre c’est la domination de ce territoire que les rebelles appellent Azawad et qui malgré les accords, ne semblent toujours pas vouloir faire un avec le Mali.

La CMA à Kidal, en état de siège ?

Après la grande bataille d’Edjarer qui a vu le reflux de la CMA sur la ville de Kidal, la coordination a commencé à se réorganiser et a repris la gestion de la ville. La Minusma et la force Barkhane ont édifié des checks-points à l’extérieur de Kidal pour prévenir toutes attaques des combattants de la Plateforme, mais ces derniers encerclent la ville empêchant la CMA d’entrer ou de sortir de Kidal par les grands axes.

Suite à la Bataille d’Edjarer et aux tentatives de médiation à Bamako qui n’ont rien donné, les tensions entre la CMA et la Plateforme sont toujours vives. La Minusma et la Force Barkhane ont édifié des checkpoints en dehors de la ville non loin des positions de la Plateforme, notamment sur l’axe Gao-Kidal, Kidal-Edjerer et Kidal-Aguelh’hok, pour empêcher d’éventuels combats au cas où les combattants de la Plateforme tenteraient un retour à Kidal. Les hommes du général Gamou sont positionnés à une dizaine de kilomètres de ces grands axes et semblent prendre la ville en étau.

La CMA, pour le moment, a repris la gestion totale de Kidal, tandis que dans sa région, les principales villes sont sous la domination d’un camp ou d’un autre. « À Kidal c’est la CMA qui gère mais ils sont sous la pression constante de la Plateforme, à Anéfis c’est la Plateforme qui gère la ville, à Aguelhoc il n’y a aucun mouvement présent militairement mais la gestion est partagée 50/50 entre CMA et Plateforme, à Tessalit c’est aussi le cas mais là-bas, il y a pas mal de membres du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) », explique une source locale .

L’aide humanitaire et le ravitaillement qui vient de Gao, passe d’abord par les checkpoints de la Plateforme, qui fouillent systématiquement tous les véhicules. « Dernièrement, ils sont tombés sur un chargement de Talkies-walkies militaires qui était destiné à la CMA, et ont intercepté la cargaison. Ça a augmenté le risque pour les transporteurs qui véhiculent des choses à destination de la CMA, ils sont stoppés, vidés de leur chargement et retournés sur Gao », ajoute cette même source.

Lundi 12 septembre, quelques combattants de la CMA sont partis en éclaireur, à moto, pour inspecter les environs, ils ont été capturés et on est sans nouvelles depuis, « il paraît qu’ils ont été abattus », rapporte un habitant. La libre circulation des personnes est néanmoins possible, mais les gens très proches de la CMA, eux, ne peuvent pas voyager au risque d’être fait prisonnier. « Un collègue qui devait voyager à Gao n’a pas pu y aller car sa famille est très impliquée du côté de la CMA notamment dans les affrontements », explique cet employé d’une ONG.

Actuellement la tension reste vive à Kidal mais il n’y a pas d’affrontements entre la Plateforme et la CMA, sortie affaibli par sa dernière bataille contre la Plateforme. Un affaiblissement aggravé par la scission au sein du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), qui a fait perdre des centaines de combattants à la CMA qui sont partis fonder le MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad), ainsi que beaucoup de véhicules, d’armes et d’équipement. « Cette scission était prévisible, depuis toujours d’ailleurs, mais ça s’est accentué avec les derniers combats inter-communautaires et inter-mouvements. Ceux qui ont quitté ont vu que ce n’était pas leur combat et que ce n’était pas dans leur intérêt. Ils ont essayé de faire entendre leur voix, les insultes ont fusé et il y a eu la scission », explique ce proche des mouvements. « ils ont signé des accords avec Gamou pour avoir des postes clés dans la gestion de la région de Ménaka où ils se sont retirés. Ils ont même signé des protocoles d’accord secrets. Pour le moment ils n’en parlent pas officiellement mais quand même il y a eu un rapprochement. À Ménaka, en réalité c’est la Plateforme qui domine, même le gouverneur a été nommé sur leur proposition, donc ils ont approché les fondateurs du MSA dans ce sens, pour pouvoir affaiblir la CMA politiquement et militairement, renforcer leur rang et partager la gestion des autorités intérimaires avec eux. » ajoute-t-il.

La Plateforme contrainte par les forces internationales de rester hors de Kidal et qui revendique toujours sont droit à rentrer dans la ville et à participer à sa gestion, ne semble pas vouloir lâcher prise et pressurise de l’extérieur la CMA. À Kidal rien n’avance, rien ne bouge, les camps sont positionnés, dans l’attente d’une brèche chez l’un ou l’autre des adversaires.

GATIA-HCUA : recherche de solutions à Bamako et d’armes à Kidal

Alors qu’à Bamako la médiation tente de faire discuter les deux mouvements armés entre eux pour trouver un terrain d’entente, à Kidal, sur le terrain, tout n’est qu’affaire de positionnement stratégique et de préparation militaire. Des réalités différentes qui minent la population désireuse de voir la paix émerger.

À Bamako les groupes armés, signataires de l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger, restent verrouillés sur leur position : Le HCUA exige que la GATIA reste hors de Kidal et le GATIA tient à être inclus dans la gestion administrative et sécuritaire de la ville. Les efforts déployés par Mahamadou Diagouraga, le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, et la médiation internationale, via des « rencontres informelles », avec les délégation des deux mouvements pour parvenir à une solution viable, n’a pour le moment mené à aucun compromis. Chaque partie défendant âprement son point de vue, renforcé par trois conflits qui ont causé de nombreux morts de part et d’autre.

Si à Bamako le statu quo règne depuis des semaines, à Kidal, les regards sont tournés vers la capitale, d’où l’on espère fortement qu’une solution viendra. La partition jouée par les groupes armés sur place ne met pas l’accent sur la recherche de solutions mais plutôt sur le renforcement de leurs positions respectives en vue d’un prochain affrontement. « Les renforts affluent des deux côtés, ils viennent d’un peu partout. La CMA qui a perdu beaucoup d’hommes et d’équipement dans ces 3 conflits tente de se réorganiser et de se réarmer. Elle a tenté de faire venir des armes de la Libye, il y a une dizaine de jours, un grand convoi chargé d’armes et de munitions, mais il a été intercepté par la force Barkhane, à la frontière entre la Libye et le Niger, une partie est retournée en Libye, une autre a été saisie ou détruite. Si ça négocie à Bamako, ici les groupes armés sont sur le pied de guerre », affirme une source locale.

Les 3 derniers conflits entre GATIA et HCUA, en plus des morts, ont poussé sur les routes nombres de familles et fait de nombreuses veuves. « Il y a eu des centaines de mort et des centaines de blessés. Les gens ici sont très très remontés contre les chefs des différents mouvements. Il y a beaucoup de gens neutres dans ce conflit qui tentent de faire entendre leurs voix, des intellectuels, des chefs traditionnels, mais ils ne sont pas écoutés comme avant, les chefs des mouvements armés n’en font aujourd’hui qu’à leur tête », explique cet habitant joint au téléphone.

L’exaspération et la colère qui ont gagné la population, visent aussi les forces internationales, cibles de rumeurs nombreuses et d’une certaine défiance, concernant leurs buts réels dans ce conflit. « Il y a beaucoup de rumeurs, de théories du complot, autour du rôle de la MINUSMA et de la France. Dans les deux camps on soutient qu’elles aident l’autre camp, ou travaillent uniquement pour leurs intérêts. On dit ici que Barkhane soutient le HCUA, ou que la force française œuvre à affaiblir les deux mouvements pour avoir la mainmise sur la ville et les richesses de la région ». ajoute ce même habitant.

À Kidal, malgré le climat de tension, on place ses espoirs vers Bamako, même si l’on sait que les précedents accords signés, ne sont jamais parvenus à chasser la discorde et les rivalités qui animent depuis longtemps ces deux mouvements.

GATIA et HCUA en conclave à Bamako

Sur invitation du Haut Représentant du Président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, Mahamadou Diagouraga, les leaders du GATIA, membre de la Plateforme, et du HCUA, principal groupe armé de la CMA, sont en conclave à Bamako ce vendredi 12 août 2016.

L’objectif des autorités maliennes, à l’origine de cette rencontre, est de mettre fin aux violents combats qui opposent les deux groupes armés dans la région de Kidal, pour son contrôle. En toile de fond, ce sont les communautés Ifoghas et Imghads qui s’affrontent, étant respectivement majoritaires au sein du HCUA et du GATIA. Les derniers reprochent aux premiers de vouloir conserver une main mise sur les autres communautés, pourtant majoritaires dans la région.

Les deux groupes se sont mutuellement accusés d’avoir rompu le cessez-le-feu en vigueur, et ce malgré l’accord d’Anéfis scellé en mai, et plus récemment l’Entente de Niamey, qui prévoyait pourtant un partage des responsabilités au niveau de la gestion de la ville et de la région de Kidal. Mais pour beaucoup d’observateurs, les combats récurrents visent, pour l’un et l’autre, à s’assurer le contrôle des lucratives routes du trafic de drogue.

Le Haut Représentant, le Général de police Mahamadou Diagouraga, ancien patron des services secrets maliens (SE), et ex-ambassadeur en Mauritanie, connaît bien les différents acteurs pour avoir déjà été en charge de la mise en œuvre de l’accord d’Alger 2006. Il a aujourd’hui la lourde tâche de relancer un processus mis à mal par le manque d’engagement des parties.