Agences de communication : le bon grain et l’ivraie

Au Mali, les agences de communication ont fleuri ces 15 dernières années. A côté de celles qui ont pignon sur rue et qui jouissent d’une réputation flatteuse, de par leur professionnalisme et la qualité de leurs prestations, on trouve un bon lot d’officines évoluant dans l’informel sous la même appellation générique. C’est dire s’il faut séparer le bon grain de l’ivraie pour éviter les mauvaises surprises.

Dans le souci de parler d’une même voix face à leurs interlocuteurs, 35 agences de communication se sont regroupées en 2010 dans le GPAC (Groupement professionnel des agences de communication). Elles sont aujourd’hui 70, selon Nabi Doumbia, le Secrétaire permanent du groupement, qui dénonce la « concurrence déloyale de certaines sociétés non titulaires d’agréments, ni de NIF (Numéro d’identification fiscale) ni d’enregistrement à l’API et qui ne s’acquittent ni de leurs impôts et taxes ni de leurs obligations d’employeurs ».

En cause, le flou qui entoure la profession. « Au niveau de l’AMAP (Agence malienne de presse et de publicité, la structure publique qui autorise les implantations de panneaux d’affichage), ce sont plus de 400 sociétés qui étaient répertoriées comme agences de communication lors de notre création », nous révèlera Doumbia. Face au chiffre d’affaires cumulé des membres du GPAC, qui se montait à 2 milliards de francs CFA en 2016, quel est le montant des marchés attribués par copinage, pratiques corruptives ou trafic d’influence ? Combien de grosses « boites » étrangères non enregistrées au Mali ou de structures informelles mais au bras long s’invitent-elles à la table ? La communication, la vraie, ce sont de nombreux métiers : pointus (chefs de projets, créatifs, graphistes, vidéastes, photographes, spécialistes du marketing, imprimeurs) ou plus prosaïques (afficheurs), donc un grand nombre d’emplois. Mieux la réguler est donc impératif !

 

Agences locales vs groupes internationaux

Le Mali compte plus de 200 agences de communication, dont la grande majorité exerce dans l’informel. Parmi les plus reconnues, des sociétés internationales qui disputent âprement le marché aux entreprises locales.

Il n’existe pas de répertoire exhaustif des agences de communication opérant au Mali. D’après les acteurs du secteur, on peut estimer à environ 260 le nombre d’entreprises se réclamant des métiers de la communication. Cependant, une grande partie opèrent sans agrément de manière informelle.

L’essentiel du marché de la communication se réparti entre des agences locales et les filiales de groupesinternationaux qui investissent progressivement le secteur au Mali. Si le Groupement professionnel des agences de communication (GPAC), qui regroupe 65 agences professionnelles, ne possède pas les chiffres de la répartition des parts de marché entre ces différents acteurs, pour Hamidou Sampy, directeur général de Creacom Afrique, « la plupart des grands groupes internationaux viennent au gré des intérêts de leurs clients, avec des contrats ficelés depuis leurs sièges hors du Mali ». Ainsi, AG Partners, un groupe panafricain dépendant du géant Publicis, assure la régie publicitaire de RFI, et gère les campagnes de Royal Air Maroc, Oryx ou encore CFAO, pendant qu’Havas, concurrent français de Publicis, tient Canal+, Coca Cola, Samsung ou encore la Bank of Africa. Pour Aminata Bocoum, directrice d’Havas Mali, « il est important que les fournisseurs des agences de communication fassent l’effort de respecter les standards internationaux pour pouvoir prétendre aux gros marchés. A défaut, les clients iront chercher à l’extérieur ce que nous pourrions très bien leur fournir ici» .

Pourtant, quelques entreprises de communication maliennes ont réussi à imposer leur marque. Il s’agit tout d’abord de DFA Communication et de Spirit McCann qui se taillent la part du lion, grâce notamment à de gros contrats avec les compagnies de télécommunications, Orange et Malitel, mais aussi des multinationales, comme Total ou Ecobank pour DFA et Shell pour Spirit. Ils sont suivis de près par des agences plus restreintes qui réussissent cependant à se faire une place dans un secteur où d’après Awa Bocoum, directrice de Publistar, « il n’y a aucune logique dans l’attribution des marchés. Le relationnel joue beaucoup ». Que ce soit Creacom Afrique, Smart Media, Binthily Communication, ou encore Stellis, les agences « locales » parviennent à développer leur activité grâce à la demande croissante de secteurs comme la banque, l’assurance, l’agroalimentaire, les industries mais aussi des structures de l’État qui sollicitent de plus en plus leurs services.

Communication : la croissance, en attendant la régulation

Au commencement, était… le « prospecteur publicitaire ». Celui qui démarchait la publicité pour les médias d’État. Cette profession était régie par une loi datant des années 80. Puis, avec l’ouverture du monde des médias dans les années 90, est né un nouveau métier, celui des agences de communication. Ce n’est qu’à partir de 2000 qu’a lieu le véritable boom. Aujourd’hui, il en existe des centaines, qui se partagent un marché en constante croissance mais encore très timide comparé aux voisins ivoirien et sénégalais. Le business de la communication au Mali grandit, créé des emplois mais a encore besoin, pour atteindre sa vitesse de croisière, d’être régulé et de mieux s’organiser. Pleins feux sur un secteur et ses acteurs, dont la mission est de mettre les hommes et leurs produits en lumière.

Les premières agences de communication au Mali ont ouvert dans les années 90. Depuis, le paysage de la communication au Mali a connu une expansion avec l’arrivée sur le marché de nombreuses autres, à l’avantage des annonceurs, entreprises, sociétés ou administrations, qui ont finalement compris que leur développement était lié à la communication et à la publicité. Selon des estimations officieuses, elles sont près de 300 à cohabiter avec l’Agence malienne de presse et de publicité (AMAP), appartenant à l’État et qui fait office de régie publicitaire pour les médias publics. L’AMAP est également l’organisme qui délivre les agréments, un rôle que devrait reprendre la Haute autorité de la communication (HAC). Qui dans la publicité, qui dans l’évènementiel, qui dans le conseil ou le plus souvent faisant tout cela à la fois, elles luttent au quotidien pour obtenir et garder une part d’un marché de plus en plus grand et aussi de plus en plus exigeant.

Selon les professionnels, une agence de communication conseille les annonceurs, conçoit et réalise pour leur compte des campagnes de communication. « Au Mali, iI y a une véritable méconnaissance du métier. Les agences de communication sont un peu confondues avec tout le monde, parfois avec la presse, souvent même avec les griots », déplore Sidy Dagnoko, directeur général de Spirit McCann, et non moins secrétaire général du Groupement professionnel des agences de communication (GPAC). Créé en 2011, ce « syndicat » des agences de communication qui comptent s’est donné pour mission la défense de la profession en la dotant d’un cadre juridique adapté, et en oeuvrant pour un environnement économique plus dynamique, gage de ses propres succès. « Nous sommes toujours géré par un texte qui date des années 80 et qui n’a plus rien à voir avec les réalités d’aujourd’hui », déplore Abdoulaye Keïta, directeur général de Stellis communication, créée en 2009 sur les cendres de Panafcom Mali. Au GPAC, on estime en effet qu’il faut désormais prendre en compte toutes les facettes du métier, qui sont non seulement la prospection publicitaire mais aussi le conseil, la régie média, la régie publicitaire et la production audiovisuelle. « On fait ce qu’on appelle de la communication globale. Et par rapport à cette réalité du marché aujourd’hui, il n’y a pas de textes », explique Monsieur Keïta. L’objectif est donc d’aller vers une nouvelle loi qui prend en compte cette réalité.

Petits et grands En attendant que les textes, élaborés depuis au moins trois ans par le ministère en charge de la communication, soient adoptés par l’Assemblée nationale, le secteur s’organise donc autour de ses acteurs, les incontournables comme les plus récents. L’un des plus anciens et des plus importants est incontestablement Diop Fall Associés (DFA), dont l’un des co-fondateurs, Moustapha Diop, assure d’ailleurs la présidence du GPAC. Lui disputant la position de leader, Spirit McCann. « Ces deux sociétés ont réussi à s’imposer grâce aux marchés colossaux de la téléphonie et des grandes boîtes internationales », commente un promoteur d’agence. Aux côtés de Creacom Afrique, également parmi les plus anciennes, elles tiennent en tout cas la dragée haute aux grands groupes internationaux présents sur le marché malien, à l’instar d’AG Partners, un groupe panafricain, filiale du français Publicis, ou encore le dernier venu Havas, 4ème groupe mondial de communication, appartenant à Vincent Bolloré. Qu’elles se nomment Stellis, MasterCom, Starcom, Publistar, LeaderCom, Smart Media, Binthily Communication, Audacity Services ou Impact Média, les agences maliennes occupent un terrain de plus en plus vaste avec une demande croissante. « Même s’il est vrai que les entreprises maliennes n’investissent pas encore vraiment dans la pub, les choses bougent », se réjouit Abdoulaye Keïta qui s’est développé en Guinée, mais aussi dans l’affichage et l’impression grand format. Selon le GPAC, le chiffre d’affaires cumulé annuel des agences maliennes n’excède guère les 20 milliards de francs CFA, quand celui de leurs homologues ivoiriens est autour de 200 milliards. Une vraie manne, à laquelle rêvent les professionnels maliens de la communication et tous ceux qui gravitent autour de ces activités.

Les métiers de la « com » Une agence de communication, à la base, est un « architecte » en ce sens que c’est la structure dans laquelle on conçoit d’abord la stratégie de communication avant de définir les moyens de la déployer. Dans l’exécution, les agences travaillent avec divers intervenants. Parmi ceux-ci, les partenaires directs que sont les régies d’affichage, qui se sont d’ailleurs également réunies en Groupement des régies d’affichage du Mali (GRAM), et leurs prestataires que sont les imprimeurs, les colleurs, les sérigraphes. Mais aussi la presse pour la diffusion des supports de communication. Sans oublier tous les acteurs dépendants de la publicité comme les organisateurs de spectacles, les artistes, etc.

Cependant, « on a un problème de ressources humaines », explique Sidy Dagnoko. À l’en croire, de nombreux postes ne trouvent pas preneurs dans les agences de communication maliennes, notamment dans les métiers techniques comme le graphisme et la production. Ce sont des métiers souvent assez récents et pour lesquels le Mali est un peu en retard par rapport à ses voisins de la sous-région, et au-delà sur le continent. Autant d’opportunités d’emplois pour les jeunes Maliens qui, d’ailleurs, s’y intéressent de plus en plus grâce aux formations proposées désormais par certains établissements d’enseignement supérieur.

Défis et perspectives Pour Hamidou Sampy, ancien journaliste radio et directeur général de Creacom Afrique, l’une des agences pionnières, « il est clair que les agences de communication au Mali gagnent moins qu’ailleurs puisqu’elles partagent le marché avec des acteurs qui opèrent en toute illégalité ». Certaines ne sont en effet créées que « pour répondre à un nombre de marchés précis. Ces individus ne sont soumis à aucune contrainte fiscale et se font énormément d’argent avant de disparaître », explique un autre responsable d’agence. Et en général, « elles font n’importe quoi, sans souci des règles de base du métier », conclut-il. C’est cependant avec optimisme que les « communicants » maliens regardent l’avenir. Les agences de communication ont indubitablement contribué au Mali à donner une dynamique à la publicité, partant à l’activité économique en stimulant la concurrence. En cinq années, le chemin parcouru n’est pas négligeable. Elles ont réussi à donner l’envie aux annonceurs de s’investir plus. « Maintenant, il faut simplement mettre tout cela dans un environnement mieux structuré, pour que l’ensemble des partenaires soit sécurisé et qu’à la fois les médias, les annonceurs et l’État travaillent avec des partenaires fiables dans un environnement sécurisé et professionnel », ajoute le secrétaire général du GPAC.