Marché agricole : des solutions contre la pénurie

Les récoltes sont en train d’être engrangées et les paysans s’interrogent sur leurs lendemains, qui ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices. Il existe cependant des initiatives depuis plusieurs années pour empêcher que les spéculateurs n’ôtent le « tô » de la bouche des populations, en particulier rurales.

« Dans l’ensemble, les prix seront en hausse par rapport à l’année dernière »,  affirme Pierre Traoré, de l’Observatoire des marchés agricoles (OMA). Cette perspective effraie tous les ménages, depuis que les informations ont commencé à remonter du monde rural sur la faiblesse des récoltes de la campagne 2016 – 2017. C’est autrefois l’État qui régulait les marchés, par l’achat de produits lorsque les prix étaient bas et par des ventes lorsque les prix montaient. « Cette méthode était très coûteuse », poursuit M. Traoré qui explique qu’elle fut remplacée par l’information pour réguler le marché, permettant des décisions d’achat, de vente ou de stockage. La mission principale de l’OMA est donc de collecter cette information sur les marchés et de la diffuser.

Le stockage des denrées, pour éviter la déperdition et limiter la spéculation, ne s’est cependant pas arrêté. De nombreuses ONGs, à l’instar d’Oxfam ou Sos faim, entre autres, s’engagent auprès des populations rurales pour leur permettre de sauver une partie de leur récolte, qui auparavant prenait le chemin des pays voisins à bord de camions affrétés par des commerçants maliens ou étrangers. Fermer les frontières ? « Lorsque nous faisons des prix élevés, les autres de la sous-région font des prix bas. Il faut compter avec l’interconnexion entre les marchés », explique M. Traoré pour montrer que les solutions sont ailleurs. La surveillance des marchés et, en zone rurale et périurbaine, les banques de céréales, permettent, lors des crises, qui deviennent récurrentes au fil des ans, de stabiliser un tant soit peu les prix.

Thésauriser pour éviter la faim 

Les systèmes de stockage alimentaire de proximité ont donc un rôle à jouer dans la sécurité alimentaire et dans la régulation des marchés. Créée en 2001, la Fédération des banques de céréales de Fallou, dans le cercle de Nara, est l’une des pionnières de cette stratégie. Elle regroupe 5 unions de 43 banques villageoises. Chaque année, la fédération achète un stock d’environ 170 tonnes de mil, qu’elle commercialise auprès de plus de 10 000 bénéficiaires à travers son réseau. Grâce à elle, ce sont donc des milliers de familles qui échappent à la faim.

De l’engrais pour booster l’agriculture et les affaires

Alors que la saison agricole bat son plein avec le début des semis dans la plupart des zones agricoles, les vendeurs d’intrants et autres matériels agricoles se frottent les mains.

Si l’engrais organique (compost) commence à revenir dans les champs, la grande majorité des cultivateurs maliens ont toujours recours aux engrais chimiques. Les grandes exploitations achètent directement chez les usines et autres importateurs. Pour les petites quantités, on a recours aux détaillants. À Bamako, ils sont nombreux à offrir leurs produits dans la zone dite du Dibida, au Quartier du fleuve. On y trouve semences, pour la plupart importées, engrais chimiques, pesticides mais aussi du petit matériel agricole comme les épandeurs, les semoirs, etc.

Madou Diaby est un revendeur d’engrais et se réjouit de ce début de campagne qui s’annonce positive, avec la forte pluviométrie déjà constatée. « Nous vendons les engrais pour tout genre de semences, et en toute saison », mais en ce moment, la grande majorité des clients sont les cultivateurs de céréales tels que le riz, le mil, le maïs ou le sorgho. Selon le jeune commerçant, difficile d’indiquer des prix fixes pour ses produits. « Mes articles proviennent d’un peu partout, de la société Toguna Agro-industrie, de la Cigogne et de MPC », explique-t-il. Bocar Nantoumé, lui aussi revendeur d’engrais, assure que ses produits, qui se vendent entre 16 000 et 19 000 francs CFA, s’écoulent très bien. La queue devant sa boutique en témoigne. Dans la gamme des engrais liquides, c’est la marque italienne Osatu qui est la plus demandée. « Nous prenons un bidon de marque Osatu de 16 litres à 33 000 chez les grossistes, pour le céder à 35 000 ou souvent à 40 000 francs CFA. Les bidons de 5 litres sont achetés à 22 500 et vendus à 30 000 francs CFA  », explique un revendeur qui souligne qu’en un mois, « nous pouvons écouler un conteneur de produits ». À titre indicatif, pour la campagne agricole 2015-2016, la subvention des intrants a porté sur une quantité de 122 551 tonnes d’engrais et 213 tonnes de semences certifiées.

Exposés à longueur de journée aux émanations de ces produits toxiques, et balayant du revers de la main les accusations de non-conformité, les vendeurs préfèrent ne pas s’exprimer sur les éventuels effets qu’ils ont sur leur santé. Mais ils recommandent fortement à leurs clients, à l’instar de Madou, de se protéger le visage et les mains avec des gants, avant d’utiliser ces produits.