Zèguènè so : Démontrer les vertus du dattier sauvage

Saisissant l’opportunité de la crise sanitaire, qui lui a imposé un arrêt de travail, Fatoumata Keïta crée Zèguènè so en décembre 2020. Et même suite à la reprise après quelques mois d’inactivité, elle veut désormais se consacrer à la transformation d’un fruit aux multiples noms et vertus.

Balanites aegyptiaca pour les scientifiques et appelé zèguènè en bamanankan, le dattier sauvage est encore loin d’avoir dévoilé tous ses secrets. C’est pour explorer ses nombreuses vertus que la diplômée de l’ex Faculté des Lettres, arts et sciences humaines (FLASH) s’est inscrite au programme The Next Economy. Des racines aux fruits, en passant par la noix et l’écorce, le zèguènè peut se décliner en savon, huile, confiture et jus. Les dérivés de ce fruit généreux, dont « rien ne se jette », sont nombreux et ses vertus pas toutes connues encore.

Préparés de façon artisanale, la confiture et le jus sont produits sur commande, parce que Mme Keïta attend de mieux maîtriser les techniques de conservation. Pour le moment, le fruit décortiqué est vendu dans des boîtes en plastique 500 francs CFA. Une fois débarrassé de sa peau, qui n’est pas jetée parce qu’elle « soigne beaucoup de maux », il peut être sucé comme un bonbon. Sa coque renferme une matière oléagineuse et est également récupérée.

Fatoumata Keïta, membre de la Jeune chambre internationale (JCI) de Kati, vend ses produits d’abord à son réseau de connaissances et d’amis. Très prochainement, elle livrera aussi un magasin discount.

Elle s’approvisionne sur le marché local, où le kilogramme est vendu 300 francs CFA. Une variété originaire d’un pays voisin, avec des propriétés différentes. Mais la matière première vient aussi du Mali et de plusieurs autres pays africains.

Déjà connu pour soulager de nombreux maux, comme la constipation, le Balanites aegyptiaca a aussi des propriétés antivirale et antimicrobienne. Des qualités que Madame Keita entend faire découvrir davantage en s’associant avec un médecin.

La promotrice est actuellement en quête de financement pour acheter des machines pour décortiquer le fruit et extraire notamment son huile, très prisée.

Fatoumata Maguiraga

 

Aïssata Diakité, Zabban & Co

« Lutter contre la faim en Afrique » pourrait être son slogan. À 27 ans, Aïssata Diakité est la fondatrice de Zabban Holding, une société d’économie sociale et solidaire dans l’agro-alimentaire en Afrique de l’Ouest, créée en 2016. Deux ans plutôt, la jeune Malienne originaire de la région de Mopti, se fait connaître en remportant le prix du programme Entrepreneurs en Afrique (EEA) piloté par l’agence Campus France. À cheval entre la France et le Mali, Aïssata Diakité est également l’initiatrice du forum sur l’entreprenariat agricole en Afrique, dont la première édition s’est déroulée en juin dernier à Paris. Son entreprise fait travailler une centaine de personnes, dont cinq emplois directs. « Plus de 20 experts accompagnent l’entreprise », affirme-t-elle. Zabban Holding transforme les fruits, fleurs, feuilles, racines ou tiges de différentes variétés locales, en une nouvelle génération de jus fruités, naturels et nutritifs sous la marque Zabbaan, déposée à l’international. Souriante et dynamique, Aïssata Diakité est consultante auprès d’organisations internationales telles que la FAO et l’OIF sur des problématiques d’entrepreneuriats des jeunes et des femmes en Afrique subsaharienne. Très engagée sur les questions d’agroalimentaire, la jeune Malienne est passionnée par l’agriculture. « J’adore travailler sur les fruits et légumes, notamment les fruits sauvages qui sont délaissés malheureusement », regrette-t-elle. Diplômée de l’École de la Chambre de commerce et industrie de Paris, campus d’HEC où elle obtint un master en management du développement d’affaires en agrobusiness en 2013, Aïssata a récemment été lauréate du prix de la diaspora de l’entrepreneur nord-sud en France. Célibataire et sans enfants, Aïssata Diakité prend part actuellement à la COP22 au Maroc, en tant que consultante.

 

Industrie agro-alimentaire : le paradoxe malien

Alors qu’il a l’ambition affichée d’être le grenier de l’Afrique de l’Ouest, le Mali peine à ajouter de la valeur à ses produits agricoles. Des facteurs de production onéreux, une concurrence féroce venue de l’étranger et une très timide volonté politique ne concourent pas à l’émergence d’agro-industries fortes et concurrentielles.

Ils sont une petite poignée à maintenir aujourd’hui leurs unités industrielles à flot, et ce « au prix de beaucoup de sacrifice », confie l’un d’eux. Les agro-industriels maliens, qu’ils soient dans la transformation de céréales, dans la confiserie ou encore les produits laitiers, ont du mal à tenir face à des produits qui viennent « des pays côtiers, qui ne paient pratiquement pas de frais de douane, quand ils en paient ! », s’insurge notre industriel sous couvert d’anonymat. Ce ne sont pourtant pas les lois qui manquent pour encadrer les importations, mais elles peinent à être appliquées quand elles ne sont pas sciemment ignorées, corruption oblige. « J’ai moi-même porté maintes fois plainte contre des gens qui font rentrer frauduleusement les produits, mais il n’en est jamais rien sorti. Que voulez-vous qu’on fasse ? », s’interroge notre interlocuteur.

Ce n’est pourtant pas le potentiel qui manque. L’Organisation patronale des industriels (OPI) a, dans son livre blanc, déterminé pas moins de 24 filières, toutes potentiellement à très fort revenu si elles sont mise en valeur. Il s’agit entre autres du riz, de la mangue, de la pomme de terre, de l’échalote, de la gomme arabique, du karité, du bétail-viande, pour ne citer que celles-la. Hormis quelques structures aux installations encore artisanales, il n’existe quasiment pas d’unités modernes capables de transformer ces matières premières, qui sont donc exportées de manière brute, avant de revenir dans les rayons des supermarchés à des prix souvent inaccessibles pour le Malien moyen. C’est là tout le paradoxe malien.

« Pourquoi les riches commerçants qui importent ces produits n’investissent-ils pas pour les fabriquer sur-place ? Au moins nous aurions du travail dans les usines », s’interroge fort judicieusement Bouba, juriste chômeur. Selon les industriels, plusieurs facteurs peuvent expliquer la tiédeur des investisseurs à se lancer dans l’agro-industrie. Ces contraintes sont communes à tout le secteur et ont pour noms : coût élevé de l’énergie, fiscalité élevée, mais aussi la fraude qui impose une concurrence « intenable » aux produits locaux. « Il faut aussi que nos industriels nous donnent envie d’acheter leur produit ! L’emballage est souvent rébarbatif, ça nous pousse vers les produits étrangers », explique pour sa part Aminata, cadre de banque. Les  défis sont donc nombreux mais les ambitions sont là. La dernière-née des grosses structures, Laham Industries, s’est investie sur la filière bétail-viande avec un abattoir moderne installé à Kayes et une unité de vente à Bamako.