Primaire à droite : la surprise Fillon

François Fillon a écrasé tous ses adversaires hier soir lors de la primaire de la Droite et du Centre. Le discret candidat aux épais sourcils devra néanmoins battre Alain Juppé lors du second tour pour représenter son parti aux présidentielles de 2017.

On attendait un duel Sarkozy-Juppé, ce sera finalement Fillon-Juppé. L’ancien premier ministre a créé la surprise et pris de court tous les sondages et observateurs qui le voyaient en troisième position, en remportant le premier tour de la primaire. Avec 44,4 pour cent contre 28 pour cent pour son adversaire direct, Fillon a gagné avec une large avance.

Après sa victoire, le Sarthois dans son discours se veut rassembleur. « C’est l’heure de rassembler les Français derrière un idéal commun » soutient-il. Il a également eu un mot à l’encontre des perdants estimant qu’ils ont tous défendu leur conviction. Bruno le Maire et Nicolas Sarkozy battus lors de ce premier tour, ont appelé à voter pour Fillon. Deux soutiens de poids qui devrait conforter un peu plus le lead de Fillon.

Malgré ces vents contraires, Juppé reste optimiste. L’ancien maire de Bordeaux ‘’ décide de continuer le combat ‘’. « Ce premier tour constitue une surprise, dimanche prochain sera une autre surprise » s’est il exclamé. Il estime que désormais c’est un combat projet contre projet qui s’engage. Pour espérer une victoire, il peut compter sur le soutien de Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a appelé ses sympathisants à voter pour Juppé.

Mais le grand perdant de la soirée reste Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’Etat a terminé troisième et ne pourra donc pas espérer un second mandat. Echaudé par cette défaite qui vient s’ajouter à celle de 2012 contre Hollande, Sarkozy a décidé de se retirer de la vie politique. « Il est temps pour moi d’aborder une vie avec plus de passion privées et moins de passions publiques, tout ce qui touche la France me touche personnellement…Au revoir » conclut-il. Un nouvel au revoir qui semble acter la fin de sa carrière politique.

Boubacar Sidiki Haidara

Sarkozy-Juppé : Qui fera l’affaire de l’Afrique ?

À quelques mois de l’échéance présidentielle de 2017, la primaire de la droite et du centre focalise les attentions en France. Les Africains suivent avec intérêt les deux principaux candidats du parti Les Républicains, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé.

Pour Nicolas Sarkozy, qui traine un passif avec le continent, le discours de Dakar et la guerre en Lybie, entre autres, il est question de proposer « un nouveau contrat à l’Afrique », expliquait son porte-parole au Mali, Michel Darwiche, lors d’une rencontre le 6 novembre avec la communauté française. Pour l’ancien président, il s’agira de promouvoir le développement économique, avec « un plan Marshall africain », afin de retenir les jeunes, freinant du même coup l’immigration, son autre cheval de bataille. Quand au Mali, le candidat déclarait, début octobre, qu’il se demandait « quelle est la mission » de la force Barkhane. Y mettra-t-il fin, s’il était élu ? Rien n’est moins sûr, car une déstabilisation du Mali pourrait entraîner tout le Sahel.

Divergences Du côté du favori, Alain Juppé, « il n’a pas une vision antinomique de celle de Nicolas Sarkozy », expliquait son représentant Erwan Davoux. Des « nuances d’importance cependant », poursuit ce dernier. Au nombre desquelles, « une volonté d’un partenariat à égalité », comme le déclarait Alain Juppé sur RFI. « Je ferai de l’Afrique l’une des toutes premières priorités de la politique étrangère française » a-t-il promis, en rappelant que le continent était celui de l’avenir. Sur le Mali, « pas question de retrait », soutient M. Davoux, le « candidat Juppé connait assez le terrain pour ne pas commettre cette erreur. La présence française sera repensée avec nos partenaires maliens », a-t-il conclu.

Si certains comme la chercheure Kamissa Camara craignent que le retour de Sarkozy ait des conséquences négatives sur le continent et le Mali en particulier, d’autres pensent, à l’instar de Nouhoum Cissé, membre de la société civile, que « Sarkozy ou Juppé, l’élu défendra les intérêts de la France et ils sont de moins en moins ceux du Mali ». L’élection du candidat des Républicains aura lieu les 20 et 27 novembre, pour départager 7 prétendants.

 

Erwan Davoux : « La France n’a rien à dicter à l’Afrique »

Chargé des Français de l’étranger dans le comité d’Alain Juppé pour la présidentielle de 2017, Erwan Davoux est arrivé à Bamako jeudi 3 novembre pour prendre part à un séminaire sur les primaires organisé par Jean-Louis Arajol, délégué des Républicains.

Pourquoi avez-vous choisi de soutenir la candidature d’Alain Juppé ?

J’ai choisi de soutenir la candidature d’Alain Juppé car sa ligne politique s’inscrit dans la mouvance gaulliste et la fidélité à Jacques Chirac. Alain Juppé évoque l’« identité heureuse » à construire pour réconcilier les Français, quelles que soient leurs origines, et les faire adhérer à un projet commun. Il y a une volonté de rassemblement de tous ceux qui adhèrent aux valeurs de la République. Alain Juppé dispose aussi d’une longue expérience et me parait être celui qui rétablira l’autorité et la dignité de la fonction présidentielle. Il sera l’homme d’État qui effectuera enfin les réformes dont la France a tant besoin.

En quoi est-il différent des autres candidats ?

Alain Juppé se démarque de tous ses concurrents par des options claires qu’il s’agisse de l’immigration, de la politique de l’asile ou du regroupement familial. Il souhaite voir les réalités en face et non pratiquer un langage démagogique agréable à entendre pour certains mais sans lendemain. Le concept d’identité heureuse traite des questions d’immigration sans passion, avec lucidité et humanité. La France doit être ouverte sur le monde.

De nombreux observateurs pensent que la France est au Mali pour défendre ses intérêts. Que leur répondez-vous ?

François Hollande a pris la bonne décision lorsqu’il a décidé l’intervention au Mali. Peut-être s’agit-il, d’ailleurs, de la seule bonne décision de son mandat. Néanmoins il est regrettable que la France n’ait pas été en mesure d’entraîner ses partenaires dans cette opération. C’est cette situation qui explique les interprétations qui peuvent être faites sur la présence française au Mali. Si la partie militaire de l’intervention a été réussie, François Hollande n’a pas su saisir cette chance pour développer une véritable politique africaine fondée sur une vision à long terme. Les Français qui connaissent bien l’Afrique savent que c’est en inscrivant son action dans la durée qu’on peut construire. Il faut du temps pour voir un arbre grandir…

Dans une interview à BFM TV, Nicolas Sarkozy a dit : « Pas question de laisser les colonies françaises d’Afrique avoir leurs propres monnaies !» Quelle lecture faites-vous de cette position tranchée?

En matière monétaire comme dans d’autres, ce n’est pas à la France de décider seule ce qui est bon pour l’Afrique et les Africains. Nous n’avons rien à dicter : nous devons agir de concert. C’est en tout cas ce que pense Alain Juppé.