Amadou Thiam, président du groupe parlementaire ADP-Maliba – Sadi « Nous voulons que la lumière soit faite sur la mort de nos 11 militaires

Depuis la mort des 11 militaires maliens dans la nuit du 23 au 24 octobre, à la suite d’un raid de la force Barkhane, la polémique ne cesse d’enfler. Le groupe parlementaire ADP-Maliba – SADI, exigent qu’une enquête soit ouverte pour faire la lumière sur l’affaire et en situer les responsabilités. Le président du groupe parlementaire, le député Amadou Thiam, revient pour le Journal du Mali, sur les motivations de cette action.

Journal Du Mali : Vous demandez l’ouverture d’une enquête sur la mort des 11 militaires maliens, concrètement qu’attendez-vous de cette démarche ?

Amadou Thiam : Nous estimons en tant que groupe parlementaire ADP-Maliba ,SADI que la lumière soit faite sur la mort de nos onze militaires. Nous avons été surpris par la réaction du gouvernement là-dessus, qui d’un communiqué laconique, essaie à la limite de légitimer leurs morts. Il explique, mais il ne condamne pas pour autant, n’essaye pas de situer les responsabilités et n’essaye pas non plus d’éclaircir les circonstances qui entourent la mort de ses militaires. J’ai aussi entendu à travers certains médias français, des sources assez proches que ces militaires maliens seraient carrément devenus des terroristes. Ce qui est assez grave pour nous, que l’on fasse des insinuations et des suppositions sur la mort de ses militaires. Le temps qu’il a fallu au gouvernement et même à Barkhane de faire savoir qu’à travers ce raid, ces militaires sont morts, cela prête à suspicion. Il a fallu près d’une semaine pour cela. Tout cela crée beaucoup de zones d’ombres, il est important pour nous de savoir ce qui s’est passé, pas seulement pour que des sanctions soient prises contre les fauteurs, mais pour que ce soit un signal fort. Qu’à l’avenir, la force Barkhane ne puisse plus de manière unilatérale entreprendre des actions sur le territoire malien. Ils sont et il faut qu’ils demeurent une force d’appui, aux forces armées et de sécurité malienne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Vous pointez du doigt la faible action de l’État, estimez-vous qu’ils ont les mains liées dans cette affaire ?

En tant que représentation nationale, nous devons contrôler l’action du gouvernement, et aussi de représenter au mieux les populations. La question est au centre et nous nous sommes dits qu’au point de vue de la légalité internationale, cette intervention que ce soit de Barkhane ou de la MINUSMA qui se fait dans des zones où l’armée malienne est totalement absente, cela pose un véritable problème. Il s’agit pour nous de souligner cela, surtout que nous commençons à assister à de tels actes, il est important que nous attirions d’avantage l’opinion nationale et même internationale là-dessus.

Si le gouvernement n’accédait à votre requête, quels sont les recours dont vous disposez pour les « contraindre » ?

En tant que groupe parlementaire, nous disposons de beaucoup instruments. Dans cette quête de la vérité, nous nous réservons le droit d’interpeller le ministre de la Défense à l’Assemblée nationale. Au fur et à mesure, nous pourrions même demander que tout le gouvernement soit interpellé. Le Premier ministre et tous ses ministres concernés, qu’on nous explique ce qui s’est passé. Ce sont des moyens de recours que nous avons en tant que groupe parlementaire, et dont nous ne ferions pas l’économie si la situation n’évoluait pas.

Oumar Mariko, le président du SADI, est réputé pour ses prises de positions hostiles à l’égard de la France. Pensez-vous que ces inimitiés pourraient faire passer cette action pour une vengeance ?

Je suis le président du groupe parlementaire. Sur les 14 députés qui la compose, il y a 9 de l’ADP-Maliba, je crois que ce que nous menons comme lutte est tout à fait légitime. Ça ne vise aucun intérêt particulier, mais seulement à sauvegarder les intérêts du Mali et de ses partenaires, parce que si Barkhane est un partenaire du Mali, nous devons les aider à mieux nous aider.

Honorable Amadou Thiam : « Il n’y a eu aucun marchandage »

Le président du parti ADP-Maliba qui a quitté les rangs de la majorité présidentielle il y a quelques mois, s’exprime sur les véritables raisons du ralliement des députés démissionnaires du RPM.

Est-ce vrai que les députés démissionnaires du RPM qui ont rejoint l’ADP-Maliba l’ont fait contre le versement d’une forte somme ?

Les députés démissionnaires de la majorité ont rejoint les rangs de l’ADP-Maliba par conviction. Il n’y a eu aucun marchandage. Ils ont démissionné parce qu’ils sont contre la gouvernance actuelle au sein du RPM, et contre la gouvernance en général du pays. Je crois que la question c’est ce qui ne va au RPM et non comment ces élus sont venus à l’ADP-Maliba. Ces députés sont connus pour leurs prises de position. Ce sont des personnes de conviction. Qu’ils aient quitté les rangs de la majorité ne me surprend pas. Qu’on veuille lier leur conviction politique à de l’argent, c’est un faux débat. Notre combat, c’est contre la mauvaise gouvernance, c’est contre le non-respect des engagements qui ont été pris. À aucun moment nous ne les avons démarchés avec de l’argent. La vérité c’est que le Malien lambda a soif de changement. C’est tout.

Qu’est-ce qui explique pareille rumeur ?

Sur la scène politique, il y a des personnes qui font de la surenchère pour avoir des bénéfices autrement. C’est certainement cela. Malheureusement vous entendrez beaucoup d’autres choses.

La société Wassoul’Or serait votre principal bailleur de fonds ?

Comme les autres partis, l’ADP-Maliba tire ses financements de ses cotisations. Nous avons des opérateurs économiques qui font des dons. Sans oublier notre fondation et beaucoup d’autres groupements apolitiques qui nous aident. Le président de Wassoul’Or (Aliou Boubacar Diallo Ndlr) fait partie certes des opérateurs économiques qui financent le parti, mais il n’y a aucun lien entre le parti et sa société. Il est le président d’honneur du parti mais le rapprochement s’arrête là.

L’ADP-Maliba semble se rapprocher de plus en plus de l’opposition. À quand l’officialisation de cette position ?

ADP-Maliba annoncera dans les jours à venir à quel pôle il appartient, sachant que la politique au Mali est gérée par deux pôles : la majorité au pouvoir et l’opposition.

Un mot sur les prochaines élections communales ?

L’ADP-Maliba a déjà déposé plusieurs listes et nous comptons voir élire plusieurs centaines de conseillers répartis sur l’ensemble du territoire national. Nous espérons que cela se passe dans les meilleures conditions.

 

Amadou Thiam « ADP Maliba est sorti de la majorité mais n’est pas de l’opposition »

Quelques après jours l’annonce du retrait de son parti, l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba), de la majorité présidentielle, l’honorable Amadou Thiam s’exprime sur cette décision.

Quelles sont les raisons du retrait définitif de l’ADP-Maliba de la majorité présidentielle ?

Nous avons été saisis par la base militante du parti qui a réclamé le retour aux fondamentaux de notre engagement lorsque nous avons accepté de conduire en 2013 la campagne du président de la République. Il s’agissait, entre autres, de la lutte contre la corruption et de la résolution de la crise du Nord. Aujourd’hui, la gouvernance actuelle s’est éloignée de ces fondamentaux. Aussi, la Convention de la majorité présidentielle (CMP) n’est pas arrivée à créer un espace d’échange démocratique franc sur les questions nationales. Le président de la République et l’exécutif ne consultent plus la majorité. Toutes ces raisons ont créé un vide qui apparait comme un dysfonctionnement au sein de la majorité présidentielle et de l’appareil étatique. C’est pourquoi nous avons analysé la motion de la base militante du parti. Depuis quelques semaines, nous avions entrepris une large concertation au niveau national et international, afin de recueillir les avis de nos militants sur cette question. Un très grand nombre a souhaité que le parti se retire de la majorité présidentielle. Ce retrait est pour le parti un changement de cap.

Faut-il donc considérer désormais l’ADP-Maliba comme membre de l’opposition ?

Aujourd’hui le mandat que le parti a reçu c’est de se retirer de la majorité. Les militants ont également décidé que nous organisions une conférence nationale qui va définir le nouveau cap et l’orientation politique du parti. Pour l’instant, ADP-Maliba est sorti de la majorité mais n’est pas de l’opposition. Les concertations vont continuer jusqu’à la conférence nationale que nous souhaitons organiser dès que possible. C’est seulement à l’issue de cela que nous pourrons véritablement donner une réponse à cette question.

Quelle est votre ligne de conduite en attendant cette décision ?

Dans un premier temps, nous allons aller une fois de plus auprès de cette population pour recueillir leurs avis sur l’état d’avancement du pays et s’enquérir de leurs difficultés. Ensuite nous comptons faire un diagnostic de l’état du pays. Toute chose qui nous permettra de dégager une nouvelle stratégie par rapport au parti et de connaitre la conduite à tenir désormais en rapport avec la situation actuelle du pays. Nous allons, de façon souveraine, travailler à être une force réelle de proposition pour qu’ensemble nous arrivions à contribuer à la résolution de la crise du Nord.