Décès de Moussa Traoré : les minutes qui ont suivi

La nouvelle est tombée tel un couperet. Rien d’alarmant n’avait filtré quant à son état de santé, bien qu’il a fait des séjours médicaux au Maroc. C’est avec surprise que le Mali a appris le décès de son ancien Président, le général Moussa Traoré, le 15 septembre dans sa famille à Bamako, à l’âge de 84 ans. Quelques-uns de ses proches nous l’ont raconté.

Moussa Traoré s’en est allé en laissant son sac d’arachides entre les mains de Tiona Mathieu Koné. Son conseiller en communication alors qu’il était au pouvoir avait pour dessein de le lui remettre le 16 septembre, afin qu’il admire la qualité du produit venant de ses champs de Kadiolo. Mais voilà, le destin en a décidé autrement. « Ce mardi (15 septembre, ndlr), j’étais fatigué et je me suis dit que si j’allais chez lui il allait me retenir. En plus, on m’avait dit qu’il ne se sentait pas bien. Donc j’avais décidé de lui remettre le sac d’arachides le lendemain. Pendant que je mangeais, son fils Idy (Idrissa Traoré, ndlr) m’a appelé pour me dire qu’il était décédé », témoigne-t-il.

Aussitôt l’amère nouvelle avalée, Tiona Mathieu Koné se rend dans la famille Traoré, en compagnie d’Ahmed Mohamed Ag Hamani, un ancien ministre du défunt président. Moussa Traoré était décédé dans son lit vers 14 heures. « Il n’a pas souffert ». Mariam Traoré, l’ancienne Première Dame, « a le moral. Elle est très peinée, mais lucide ».

Un cortège civilo-militaire, escorté par deux motards de la gendarmerie, a conduit la dépouille à la morgue de l’ex Institut Marchoux, à Djikoroni-Para. Le cortège revient dans la famille pour recevoir les visiteurs. « Tous les anciens collaborateurs convergeaient vers là. J’ai vu Cheick Modibo Diarra, Diango Cissoko, Ousmane Issoufi Maïga, les anciens de l’UDPM, le voisinage, les anciens gardes du corps», raconte Koné.

Si à Tiona Mathieu Koné Moussa traoré a laissé un sac d’arachides, Mohamed Bamba n’aura pas de réponse à sa demande d’audience. Plus tôt dans la même journée, il était venu demander audience au Président Traoré pour avoir confirmation de sa présence à une activité qu’il organise ce 22 septembre. Désormais, c’est avec une décharge de demande qu’il se retrouve. « C’est après avoir quitté son domicile qu’arrivés au niveau du Haut conseil islamique nous avons appris son décès sur les réseaux sociaux », déclare-t-il.

Mohamed Bamba a été choqué d’apprendre la disparition de son « idole ». Entre l’ancien président et lui, « c’est toute une histoire ». Il se souvient encore qu’il l’avait un jour encouragé, quand il était à l’école fondamentale, alors qu’il avait 10 ans. Il déclare avoir demandé cette année-là à Moussa Traoré pourquoi son père n’était pas comme l’ancien président. «  Ton père n’a pas été comme moi, mais toi tu peux être plus que moi», lui avait-il répondu.

Controversé

Moussa Traoré est né le 25 septembre 1936 à Sébétou, dans la région de Kayes. Il suit une formation d’officier à l’école militaire de Fréjus, en France, en 1960, d’où il sortira major de sa promotion. « Sur son bulletin de notation, il était décrit comme homme de caractère, homme de forte personnalité », explique Tiona Mathieu Koné. Le 19 novembre 1968, Moussa Traoré participe au coup d’État militaire qui renverse le Président Modibo Keïta.

Il devient  président du Comité militaire de libération nationale, puis président de la République le 19 septembre 1969, jusqu’au 26 mars 1991, où il est renversé par un autre coup d’État militaire. Il lui est reproché d’avoir ordonné la répression d’une marche de milliers d’étudiants ayant fait une centaine de morts. Cela a valu au Président Moussa Traoré, en plus des accusations de violations des droits de l’Homme, d’être considéré comme un « dictateur ». « Il était très pieux, très laïc surtout. La preuve, je suis chrétien et il le savait. Il avait un garde du corps aussi chrétien, du nom de Jean. Quand on a fait un pareil parcours, on ne peut pas plaire à tout le monde. Tout ne lui a pas réussi, mais tout n’a pas été mal fait. Même les prophètes n’ont pas fait l’unanimité. Laissons le récit aux médias, historiens du présent, et enfin laissons la tâche aux historiens pour tamiser son parcours, ses succès et ses échecs », conclut Tiona Mathieu Koné.