Kidal, Anéfis, Ménaka : enjeux d’une partie d’échec

Mercredi 26 juillet, des affrontements ont de nouveau éclaté entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (coalition de mouvements pro-gouvernementaux), les deux frères ennemis, qui se sont soldés par une nouvelle défaite de la Plateforme. Deux jours après les combats, la CMA, à la surprise générale, a repris Ménaka et domine à présent le terrain avec les coudées franches pour négocier un cessez-le-feu qui pourra entériner ses positions actuelles, face à une Plateforme affaiblie par deux défaites consécutives, mais qui ne semble pas vouloir s’avouer vaincue.

À Bamako, tout est bloqué depuis le 19 juillet dernier, date à laquelle le cessez-le-feu devait être signé entre la CMA et la Plateforme. À la dernière minute, la Plateforme qui la veille avait validé le document, a refusé de le signer et ainsi d’acter la fin des hostilités, condition préalable à une seconde phase qui pourrait remettre sur la table l’installation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et le retour de l’administration malienne dans la région de Kidal. Depuis le 11 juillet dernier en effet, les conditions de cessez-le-feu exigées par les uns, refusées par les autres, à l’image des différents qui les opposent et qui se concrétisent violemment sur le terrain, mettent en échec de façon quasi-systématique les tentatives mises en place pour parvenir à un consensus. Loin de ces tractations politiques, dans la région de Kidal devenue une sorte d’échiquier régional, si pendant une semaine la quiétude du désert n’a pas été rompue par le feu des combats, un second round s’est discrètement mis en place, pour l’obtention de positions dominantes.  « Les gens qui rejettent le cessez-le-feu à Bamako, vous pouvez bien comprendre que sur le terrain ils ne vont pas être pacifiques. Donc, parallèlement au rejet du cessez-le-feu, la Plateforme a continué de faire des mouvements de troupes en direction de Takelote, Aghelhok, Anéfis, Tessalit et mercredi dernier, ils sont allés provoquer la CMA jusqu’à une trentaine de km de Kidal. C’est le geste qui a mis le feu aux poudres », relate cet employé humanitaire de la région.

C’est ainsi qu’aux alentours de 7 heures du matin, mercredi 26 juillet, de nouveaux combats violents ont éclaté entre la CMA et la Plateforme, comme l’explique cet habitant de Kidal joint au téléphone : « Les troupes de la Plateforme se trouvaient, depuis une semaine, à une quarantaine de kilomètres de Kidal. La CMA est partie les attaquer sur deux points chauds. Le GATIA (principale composante armée de la Plateforme) a eu le dessus jusqu’à environ 11 heures avant que des renforts de la CMA, menés par Rhissa Ag Bissada, viennent en appui d’Anéfis et parviennent à faire reculer la Plateforme vers Amassine ». La CMA a ensuite poursuivi les troupes de la Plateforme sur environ 100 km en direction de Ménaka. « De notre point de vue, c’était une défaite presque totale pour la Plateforme », déclare satisfait cet officier de la CMA. Dans l’après-midi de ce funeste mercredi, après la violence et la fureur des combats, c’est un bilan lourd en vies humaines et en dégâts matériels, qui résultait de ce nouvel affrontement. Selon un cadre militaire de la CMA, 5 morts et 5 blessés étaient à déplorer de leur côté, contre une vingtaine de morts pour la Plateforme, des dizaines de prisonniers et 22 véhicules saisis par la coordination. « Une dizaine de morts tout au plus et 9 prisonniers ! », rectifie ce sympathisant du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIAqui tient à souligner que parmi les nombreux prisonniers annoncés par la CMA, beaucoup étaient des civils pro-GATIA pris dans la brousse, notamment dans la zone de Takalote.

Parmi les victimes des affrontements, deux chefs militaires appartenant aux deux camps, Rhissa Ag Bissada du Mouvement National de Libération de L’Azawad (MNLA) et Ahmed Ould Cheikh surnommé Intakardé (en référence aux amulettes de protection qu’il portait en combat, censées le rendre invincible). Ce combattant du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) pro-Mali, ancien officier de l’armée malienne, qui a été membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à sa création, passé ensuite à la Plateforme et devenu bras droit du général Gamou, combattait sans merci ses ennemis qui pouvaient aussi être des parents. « On a essayé de le dissuader plusieurs fois, mais rien n’y a fait. Pour des histoires d’intérêt lié au narcotrafic, il a dévié de la ligne du mouvement et il a rejoint les militaires qui continuent à servir ce même narcotrafic. Quand on parle d’une guerre fratricide, ce n’est pas un vain mot et cela montre la gravité de ce conflit », lâche amer, ce cadre de la CMA, parent de ce défunt grand combattant de la Plateforme.

La perte d’un parent ou d’un proche qui a eu le malheur de s’engager dans l’autre camp, n’est pas rare dans les affrontements qui opposent ces Touaregs issus de la même région, de la même ville ou de la même famille. « On avait beaucoup de gens dans l’armée régulière, ils disent qu’ils sont restés loyaux au gouvernement malien, qu’ils répondent au commandement du général Gamou », poursuit ce même cadre de la coordination. « Pour nous, ce sont des satellites pro-gouvernementaux, qui ne sont pas d’accord avec le concept de l’Azawad, ils nous le disent carrément,  »nous, on est malien à part entière et on veut rien entendre de l’Azawad ». La cassure est là. Sans vraiment dire que ce sont des patriotes, nous sommes persuadés qu’ils servent des intérêts occultes, le grand banditisme, le narcotrafic, en tout cas, c’est loin d’être du patriotisme sincère », confie-t-il.

Mais au-delà des nombreux morts tombés aux combats, la Plateforme a aussi perdu l’enjeu principal de ces guerres, à savoir les positions qu’elle occupait autour de la ville de Kidal et dans la région, permettant ainsi à la CMA de dominer le terrain.

Le grand échiquier « À différents niveaux, dans les différentes parties, il y a ceux qui veulent avoir des positions de force, mais qui se sentent en position de faiblesse à chaque fois qu’ils veulent négocier des choses, c’est valable pour la partie gouvernementale, c’est valable pour la Plateforme et c’est valable aussi pour le CMA. Donc, gagner des positions sur le terrain permet de négocier plus fortement autour de la table à Bamako », analyse cet officiel malien proche du dossier.

Cette guerre de positionnement que se livrent les deux frères ennemis suspend, pour le moment, tout accord de cessez-le-feu qui, une fois signé, entérinera les positions sur le terrain des belligérants qui devront rester inchangées. Les deux camps se livrent donc à des opérations de reconquête ou de maintien de position, dont la ville de Kidal reste l’enjeu principal et qui permettront à celui qui dominera le terrain d’imposer ses conditions pour la paix.

Avant la signature de l’Accord d’Alger en juin 2015, c’était la CMA qui occupait Anéfis, par la suite la Plateforme a repris cette ville à la coordination et le gouvernement a laissé faire. La CMA considère que ses positions sur le terrain doivent être conformes à celles qu’elle occupait au moment où l’accord de paix a été signé. Pour elle, Anéfis doilui revenir de droit. « La Plateforme doit certainement juger qu’ils sont défavorisés parce qu’ils prétendent avoir perdu Anéfis qui était une position de la CMA lors du cessez-le-feu de 2014. Nous ne pensons pas qu’ils sont défavorisés par rapport à ça dans la mesure où Anéfis est juste une position qui ne devait pas être entre dans leur main et qui nous revient », affirme ce cadre du HCUA, qui ajoute, sibyllin, « je me demande si la CMA va accepter un cessez-le-feu maintenant qu’elle est carrément en position dominante. La Plateforme qui s’est engagée dans cette opération aurait dû prendre cela en compte, avec une probabilité principale, celle de sortir encore plus affaiblie ».

Selon nos informations, depuis les combats du 26 juillet, les unités de la Plateforme auraient convergé vers Tabankort, d’autres unités se trouveraient non loin d’Anéfis, désertée par la CMA après les combats du 26 juillet. « Ils sont en train de se regrouper à Tabankort pour préparer une nouvelle offensive. Aujourd’hui, ils ont de nombreuses unités qui sont concentrées dans la zone », confirme cet officier du MNLA bien renseigné sur les mouvements du camp adverse dans la région. « Je pense que ce n’est pas un retrait, je pense qu’ils veulent se regrouper pour ensuite former un seul front pour attaquer Kidal. Reste à savoir si Barkhane et la Minusma laisseront faire », poursuit-il.

Main basse sur Ménaka, Toujours est-il que 48 heures après avoir défait la Plateforme dans la région de Kidal, vendredi 28 juillet, La CMA mettait en branle une force constituée de « 50 à 100 véhicules », selon certaines sources, qui est arrivée à Ménaka en fin de journée. Cette colonne de la CMA a pu pénétrer, sans un coup de feu, dans cette ville stratégique que la coordination avait perdu face à la Plateforme à l’été 2016. « Nos éléments qui sont entrés à Ménaka appartiennent à la tribu Ichinidharen, ils sont de la région de Ménaka, ils avaient été chassés il y a quelques mois par l’alliance GATIA-MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad – ndlr), alors qu’ils étaient venus visiter leur campement vers Tin Fadimata. Tout s’est passé dans le calme, tout est rentré dans l’ordre », affirme ce gradé du MNLA joint au téléphone et qui a suivi, heure par heure, le retour de de ses troupes dans la ville.

Pourtant, l’arrivée « en force » des troupes de la CMA a suscité crainte et tension dans la ville, poussant le chef de cabinet du gouverneur de Ménaka à se réfugier avec son administration dans le camp de la Minusma et mettant en alerte les FAMA qui eux aussi se sont retranchés dans le camp de la mission onusienne. Le samedi matin, la confusion passée, des discussions entre la CMA, les FAMA, le MSA et la Minusma ont permis d’établir un partage équitable concernant la sécurisation et la gestion de la ville. La CMA occupe désormais le Nord de Ménaka, tandis que le MSA est chargé du sud et les FAMA sécurisent le centre où se trouve le gouvernorat. Cette nouvelle alliance de circonstance entre la CMA et le MSA pose néanmoins certaines questions quant aux relations futures du mouvement de Moussa Ag Acharatoumane avec le GATIA et sa cohabitation avec la CMA, même si sur place, on explique qu’« ils ont un objectif commun, une même volonté de sécuriser les populations et d’aider à la gestion de la ville », un leitmotiv que le MSA partageait, déjà, il y a encore quelques jours avec le GATIA.

Une partie loin d’être finie À Bamako, l’entrée de la CMA à Ménaka a été jugée par le ministère de la Défense comme un acte « contraire à l’Accord de paix ». Le Ministre de la défense, Tiena Coulibaly, a d’ailleurs rencontré, samedi 29 juillet en matinée, tous les partenaires, CMA , Plateforme, Minusma et Barkhane, pour tenter de « trouver une solution et ramener les belligérants dans l’Accord ».

Sur un autre front de négociation, à Kidal, la mission de bons offices menée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, et diligentée par le gouvernement pour négocier le retour de l’administration malienne, a rencontré jeudi 27 juillet, la société civile, les chefs de fractions et les notables de la région, pour recenser les conditions qui permettraient d’y parvenir. La nomination d’un gouverneur neutre, contrairement à l’actuel jugé trop proche du GATIA, la mise en place du MOC à Kidal avec seulement 200 éléments des FAMA et 200 éléments de la CMA, sans les éléments du GATIA dont la participation se voit conditionnée à un hypothétique apaisement de la situation dans le futur, la prise en compte des Accords d’Alger par l’amendement de la Constitution du Mali et enfin un retour aux dispositions du cessez-le-feu signé par les différentes parties le 20 juin 2015. Tels sont,  au sortir de ces concertations, les préalables à un retour de l’administration malienne et de la paix dans la région. « La médiation de Dicko qui favorise la CMA, c’est une nouvelle raison qui va pousser le GATIA à aller à la guerre. Ce document ce n’est pas la paix, on fait la paix avec tout le monde et pas comme ça. Pour moi, il a été influencé par Mohamed Ag Intalla et les vraies raisons de son déplacement à Kidal, ce n’est pas ce qui a été dit dans son document, c’est plus pour essayer d’avoir un lien avec Iyad et négocier », maugrée cet officier du MNLA, qui craint que la situation continue de s’envenimer. « D’une façon, oui, nous avons inversé le rapport de force sur le terrain, mais c’est encore trop tôt pour crier victoire. Le GATIA a subi beaucoup de pertes ces dernières semaines, à Ménaka, dans la région de Kidal et lors des deux derniers affrontements. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, morts aux combats ou fait prisonniers, beaucoup de véhicules, c’est conséquent. Mais les  choses sont claires, pour eux et donc pour nous, et je suis sûr que la partie n’est pas finie », conclut notre interlocuteur.

Kidal, l’enjeu d’un cessez-le-feu à plusieurs inconnues

Depuis le 11 juillet dernier, Il n’y a plus d’affrontement armés entre la Plateforme et la CMA à Kidal. La coordination contrôle la capitale de l’Adrar des Ifoghass ainsi qu’Anéfis où est rassemblé une grande partie de ses troupes. Si les fusils se sont relativement tût, vols, représailles et exactions visent les civils et servent, en photo ou vidéo, la guerre d’image et d’information que se livrent les deux camps. Sur la ligne de front située à une centaine de kilomètres de Kidal, chaque mouvement continue de tenir ses positions, essayant le plus possible de suivre les directives émanant des chefs politiques tous réunis à Bamako. « Ceux qui sont sur le terrain ne discutent même pas. Pour eux s’ils sont suffisamment préparés, ils peuvent décider d’attaquer, si les autres ne les attaquent pas avant », confie cette source proche des mouvements. « On ne sait pas ce qui va se passer, mais ici on ne parle même pas des pourparlers de Bamako, ce dont on parle, c’est la ligne de front », poursuit-il.

De la ligne de front justement, parviennent des nouvelles sporadiques et de nombreuses rumeurs, notamment d’Anéfis, revenu dans le giron de la CMA. Cet ex-fief de la Plateforme, sans réseau électrique et téléphonique depuis plus de 10 jours, vit coupé du monde, aux mains de ses nouveaux geôliers. Pour beaucoup à Kidal, cette ville est tenue non seulement par la CMA mais aussi par les djihadistes. « Ils sont allés là-bas deux à trois jours avant les combats, ce sont eux qui sont rentrés en premier dans Anéfis. Les gens à Kidal ont vu tous les renforts arrivés. D’abord des motos qui sont venus à côté de la ville, après c’était des convois de véhicules lourdement armés qui étaient stationnés à quelques kilomètres, ils étaient avec le noyau dur du HCUA. Le fait que la CMA, auparavant confinée à Kidal soit sortie brusquement attaquer le GATIA, ça a donné la puce à l’oreille à tout le monde ici », explique cet humanitaire de la région.

De guerre lasse Baba Ould Sidi El Moctar, maire d’Anéfis, aujourd’hui simple citoyen exilé à Bamako, tente comme il le peut d’obtenir des nouvelles de la situation sur place et affirme ne pas avoir entendu parler de djihadistes à Anéfis. « On sait seulement qu’il y a des hommes armés à l’intérieur de la ville, on suppose que ce sont des gens de la CMA. Ils ont le même comportement que le GATIA, ils sont là avec leurs fusils, ils aiment faire la loi, s’imposer, montrer que ce sont eux qui administrent », décrit-il. Selon lui, rares sont les véhicules qui peuvent sortir et rentrer dans la ville, une situation qui pose des problèmes aux populations en termes de ravitaillement. Les vivres et les dons des ONG sollicités par la population sont bloqués, quand d’autres ne partent même pas par peur d’être attaqué. « Nous ne sommes pas du tout contents, ni avec la CMA, ni avec la Plateforme, il est tant que tout ça finisse. On veut des solutions qui soient appliquées. Mais à chaque fois qu’il y a une décision prise, elle n’est pas appliquée, c’est ça le problème. Il faut la paix maintenant, vraiment. Il faut que la CMA et la Plateforme se retire, que le MOC fonctionne et que l’administration revienne », s’agace notre interlocuteur.

Tractations à plusieurs inconnues Cette supplique du maire d’Anéfis, qui en appelle à un retour de l’armée et de l’administration malienne, est au coeur des discussions à Bamako, où les leaders des mouvements armés, le gouvernement, la médiation internationale et la mission de bons offices emmener par l’Imam Mahmoud Dicko, tente de trouver une porte de sortie. Des discussions que certains, désabusés, jugent stériles : « Il y a deux choses à savoir, les trafiquants veulent que la guerre continue pour préserver leurs routes de trafic, les terroristes pour continuer leurs opérations, donc, leurs intérêts convergent. La Plateforme, le général Gamou, la majorité des Imghads, ils vivent aussi de la guerre contre nous. Donc, arrêter la guerre veut dire porter atteinte a l’intérêt de tout ce petit monde », lâche cet officier de la CMA qui ne croit plus à un cessez-le-feu durable. Pour Fahad AlMahmoud, un cessez-le-feu ne devrait pas être une condition à la mise en œuvre de l’Accord. « On a signé l’Accord, on était en guerre, on a fait le MOC à Tombouctou, à Gao, sous le feu. Tout ce qu’on a fait pour cet accord, il n’y avait pas de cessez-le-feu entre la CMA et la Plateforme. Je ne vois pas pourquoi maintenant on en fait la condition siné qua non pour la mise en place du MOC à Kidal», s’exclame-t-il, ajoutant que ce fief de la CMA reste le blocus principal et que « tant que la Plateforme n’est pas à Kidal, on ne fera la paix avec personne ».

La capitale des Ifoghass, dominée par cette communauté touareg qui refuse de partager le pouvoir avec les Imghads, pourtant majoritaire dans la population, est encore et toujours le point névralgique de la discorde, le générateur d’affrontement, que le brouhaha des négociations à Bamako peine à solutionner. « La Plateforme, la CMA, le gouvernement malien ne pense qu’à Kidal, ils ne pensent qu’à ça ! Nous on ne soutient pas particulièrement les uns ou les autres, on veut empêcher un massacre pour cette ville, c’est tout » déclare cet officiel français proche du dossier, qui affirme que dans ce conflit entre Ifoghas et Imghad, entre touareg et touareg de la même région, il est très difficile pour la France d’oeuvrer à l’organisation de la représentation et du partage du pouvoir  « avec des gens qui se battent entre eux depuis des générations ».

Pour le moment, à Bamako, la question du cessez-le-feu et du possible retour de l’administration malienne dans la région, est suspendue aux accords et désaccords entre les différentes parties. Les documents de cette nouvelle « trêve » existent mais sont souvent sujet à modification. Le week-end dernier, une énième clause a été soumise par la Plateforme au gouvernement, à destination de la CMA, proposant la signature d’un cessez-le-feu immédiatement suivi de l’installation du MOC et du départ des groupes armés vers les sites de cantonnement. Pour l’heure si on ne connaît pas la réponse de la CMA, on est en droit d’espérer que ces deux mouvements « indéfectiblement » attachés à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu, pourront, rapidement, parvenir à un consensus.

Azaz Ag Loudag Dag : « Quand les gens sont attaqués, ils se défendent »

Ce jeudi 20 juillet, le MOC devait être installé à Kidal. Les récents affrontements entre la Plateforme et la CMA ont renvoyé à une période, pour le moment indéterminée, la mise en œuvre de ces dispositions de l’Accord. Pendant qu’au Nord les deux mouvements belligérants occupents leurs lignes de front, à Bamako des médiations et négociations tentent de trouver une solution. Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads, qui participe activement à ces tractations a donné son point de vue au Journal du Mali, sur cette situation qui, une fois de plus, menace le processus de paix.

 Pensez-vous qu’une solution puisse être trouvée pour faire cesser les affrontements entre la Plateforme et la CMA dans le Nord ?

Je suis à Bamako donc je ne peux pas être précis sur ce qui se passe sur le terrain. Ce que je sais c’est que les gens de la Plateforme estiment qu’ils ont été attaqués dans leur fief aux alentours d’Anéfis, alors qu’ils ne s’attendaient à rien. Ils ont été contraints de se retirer sur Tabankort. Nous sommes en train de lancer des appels pour qu’il n’y ai pas de nouvel affrontement mais nous ne sommes pas sûrs que nous allons être écoutés parce que les éléments sur le terrain ont été frustrés d’avoir été attaqués et je ne peux pas donc garantir qu’il n’y aura pas d’affrontement. On est en train d’appeler les gens pour voir comment on peut résoudre le problème par le retour des patrouilles mixtes, du MOC à Kidal et le retour de l’administration. Mais ce n’est pas facile car sur le terrain les gens ne sont pas très disciplinés. Le gouvernement et la communauté internationale sont en train de déployer des efforts, il y a des commissions de médiation sous l’égide du religieux Dicko. Je ne sais pas ce que ça va donner mais je ne suis pas assuré que cela puisse marcher.

 Un nouveau chronogramme, pour la fin septembre, a emmergé des rencontres qui ont lieu à Bamako entre les différentes parties. Êtes vous en accord avec ces nouvelles dates ?

Non je ne peux pas vous confirmer que nous sommes en accord avec ce nouveau chronogramme. Nous sommes toujours en négociation à ce sujet. Il y a ceux qui pensent que ça peut être mis en place pour le 20 septembre, il y a ceux qui ne veulent pas s’y plier parce qu’il y a trop de tensions. Nous, à la Plateforme nous sommes parfaitement prêts à appliquer le chronogramme initial. S’il y a un retard ce n’est pas de notre faute.

La communauté internationale est pointée du doigt par votre mouvement comme étant un facteur qui envenime la situation en ne vous accordant pas l’accès à Kidal. Est-elle responsable selon vous ?

Cette situation est tellement ambiguë et incompréhensible qu’on ne sait plus qu’en dire. Barkhane est censée traquer les terroristes, en même temps beaucoup de gens disent que la base des terroristes se trouve à Kidal. La CMA est un peu liée à Iyad Ag Ghaly, mais moi je n’ai pas de preuves de ça. Barkhane prétexte qu’elle craint qu’il y ait des dégâts collatéraux sur la population, mais on ne voit pas pourquoi elle accepte alors que les troupes de la CMA sortent de Kidal pour aller nous attaquer sous leurs yeux. Il doit y avoir une certaine complicité, certaines accointances. On ne peut pas être formel mais c’est tout de même frappant.

Il y a aussi des informations visant la Plateforme, cette fois-ci, disant que ses unités sont soutenues et armées par le gouvernement ?

C’est de bonne guerre ! Vous savez, nous nous sommes armés pendant la crise au moment où il y avait un vide de l’administration et que nous ne voulions pas abandonner nos terres. Nous avons dû trouver le moyen de nous défendre par nous-mêmes car nous étions des loyalistes du côté du gouvernement et que cela faisait de nous des ennemis. A l’époque, plusieurs fois, la CMA a quitté ses positions pour venir nous attaquer alors que l’armée malienne était tout près d’eux. Depuis la signature de l’Accord, jamais la CMA ne s’est attaquée aux troupes gouvernementales. Nous par contre ils nous attaquent depuis la signature jusqu’à aujourd’hui. Vous savez la Plateforme s’entend bien avec la CMA, on n’a pas de problèmes avec tous les gens qui ne sont pas Ifoghas.

Elle a eu des problèmes avec la communauté Idnanes récemment.

Non c’est un problème entre la tribu Imghad et la tribu Ifoghas. Il y a des gens que les Ifoghas utilisent pour nous affronter et là nous sommes obligés de nous défendre d’eux. On a eu maille à partir avec les Idnanes ces derniers temps parce qu’ils ont été envoyés par les Ifoghas pour nous attaquer. Il semble y avoir une déconnexion entre ce qui est décidé politiquement à Bamako par les leaders des mouvements et le terrain. Qui dirige vraiment, qui peut tout lancer où tout arrêter côté CMA comme côté Plateforme ? C’est vrai, pour les Imghads c’est le Conseil supérieur des Imghads et pour la CMA c’est Alghabass Ag Intalla. Je suis moi-même un doyen du Conseil supérieur. Mais malgré ça, il y a quand même parfois de l’indiscipline. Quand les gens sont attaqués, ils se défendent. Quand ont les appellent pour leur dire qu’on ne leur a pas demander d’attaquer, ils invoquent la self-défense et ils disent que quand ils sont en self-défense ils ne peuvent entendre les ordres de Bamako, c’est ce qu’on nous répond. La situation est complexe mais je suis un homme d’espoir, donc je reste optimiste.

 

Une rentrée scolaire à Kidal ?

Alors que la rentrée scolaire au eu lieu lundi dernier pour la majorité des académies au Mali, après quatre ans de conflit, au nord du pays, l’insécurité demeure et les établissement scolaires restent fermés privant d’études nombres d’élèves. Pourtant à Anéfis voir à Kidal les choses pourraient changer.

Dans le Nord du mali, sur le terrain, notamment à Anéfis, on œuvre déjà à la réouverture des écoles pour la rentrée 2016. Les deux établissements de la ville sous la direction de l’académie de Gao devraient rouvrir leurs portes dans la quinzaine qui vient et le programme scolaire national y être dispensé. « Nous allons rouvrir les établissements normalement la semaine prochaine, nous préparons la rentrée », explique Babba Ould Sidi El Moctar, le maire d’Anéfis. « Pour l’instant cette réouverture ne concerne que les deux établissement d’Anéfis, nous sommes plus confiants cette année car la Plateforme pourra assurer la sécurité qui faisait défaut l’année dernière. En réalité, c’est les enseignants qui craignaient pour leur sécurité, ce qui faisait que les classes restaient closes, les choses devraient changer », ajoute l’élu local.

Du côté de Kidal, Le gouverneur de la ville basé à Gao ainsi que le directeur de l’académie de l’enseignement de Gao, ont tenté lundi 3 septembre dernier, de gagner Kidal pour la rentrée scolaire, ils ont été contraint d’annuler leur déplacement pour des raisons sécuritaires. Cependant, un nouveau départ pour la ‘‘ville bastion’’ est prévu et on assure même qu’une rentrée scolaire serait programmée pour le 15 octobre prochain, en fonction de la donne sécuritaire.

Une commission d’éducation locale de la ville de Kidal, a travaillé ces deniers mois à des rapprochements avec l’État et des partenaires comme l’Unicef, pour donner, pendant les vacances d’été, des cours de rattrapage aux élèves du primaire déscolarisés.

Ces deux rentrées, si elle sont menées à terme, devraient permettre de réinsérer dans le programme scolaire national nombre d’élèves trop longtemps déscolarisés.