Le développement  par l’émission de titres publics

 

La direction nationale du trésor et de la comptabilité publique a procédé ce jeudi 25 janvier, à la cérémonie de lancement du calendrier d’émission de titres publics pour l’année 2018. Autour d’un déjeuner organisé au Radisson, la direction espère mobiliser une conséquente somme afin d’assurer le développement du pays.

547 milliards de FCFA, c’est le montant que l’Etat souhaite mobiliser à travers les émissions de titres pour l’année 2018. Organismes financiers, établissements de crédits, ou même particuliers, tous sont appelés à sortir le chéquier afin d’aider à la mobilisation de ressources qui permettront par la suite de financer les investissements nécessaire au développement économique du pays.« Soyons tous acteurs du développement du Mali en nous engageant dans un partenariat gagnant-gagnant » a lancé le ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé à l’endroit des investisseurs.  547 milliards de FCFA donc, qui sera mobilisé à travers 22 émissions de titres publics dont neuf en bons du trésor et treize en obligations du trésor. Quelle différencese demanderont certains ? Elle se situe au niveau de la valeur nominale. 10.000 FCFA pour les obligations contre un million pour les bons du trésor. Le particulier aux fonds limités trouvera son bonheur en souscrivant à travers la Société de gestion et d’intermédiation (SGI) aux obligations. Pour quel intérêt ? Pourront rebondir d’autres. « Nous offrons des taux d’intérêts beaucoup plus important que les banques » répond Sidi Almoctar Oumar, directeur national du trésor et de la comptabilité publique. En clair, au-delà donc de la fierté de participer manière concrète au développement du Mali, le soumissionnaire verrait  son placement fructifié.

Pour mobiliser autant, l’apport des établissements financiers tels les banques est indispensable. Pour y bénéficier pleinement, l’Etat a innové. Plus de fréquence pour les émissions (tous les 15 jours), montant de soumissions réduites, et ce afin de permettre aux investisseurs de se mieux se préparer. Autre argument de taille avancé pour inciter les investisseurs, le Mali, depuis 2003 et son intervention sur le marché financier, n’a enregistré aucun incident de paiement. « Les banques ont pour rôle de collecter des ressources pour les placer par la suite, les titres publics sont des placements sûrs, à échéance l’Etat paye assurément les banques » assure Sidi Almoctar Oumar. La présidente de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF), Madame Toure Coumba Sidibe, a assuré de l’accompagnement du regroupement auprès de l’Etat. « Nous sommes conscient du rôle que nous (ndlr : APBEF) jouons dans l’économie du pays, nous allons nous mobiliser tous ensemble pour participer conséquemment aux émissions » promet-elle.  L’argent ainsi récolter sera injecté dans la réalisation d’infrastructures visant à développer le pays.

 

Moussa Alassane Diallo, Président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF)

Les services financiers numériques se multiplient. Quel est l’impact de cette croissance au Mali ?

C’est une offre qui est dynamique et diversifiée. Au regard du taux d’inclusion bancaire national, on voit que les besoins en services et produits financiers au Mali sont énormes. Dans certains pays le taux d’inclusion financière atteint les 99% alors qu’au Mali nous sommes encore dans les 45%. Il y a un boulevard devant les banques et les agents émetteurs de monnaie électronique.

Quelles sont les offres qui marchent le mieux ?

On constate un intérêt croissant pour la banque mobile et tout ce qui est dématérialisation des opérations bancaires. BNDA Mobile, par exemple, a enregistré à son lancement plus de 400 ouvertures de compte en deux jours. Il faudra donc que le système bancaire lui-même fasse preuve d’innovation et d’imagination. Les populations sont réceptives, mais il faut les accompagner par l’information, la sensibilisation et même l’éducation financière.

Quelles règles pour protéger la banque et ses clients ?

En 2016, la Banque centrale a procédé à la relecture de la réglementation sur les instruments de paiement. Cette réglementation est de nature à définir les cadres d’intervention des différents acteurs mais aussi à assurer la protection des consommateurs. Toute réglementation cherche en priorité à protéger le client. Cela est acté et la BCEAO est très attentive à l’évolution de ces nouveaux outils.

Les banques maliennes à l’heure du numérique

Appuyer quelques touches sur le clavier de son ordinateur ou de son téléphone et payer, de chez soi ou en voyage, un achat, une facture ou faire un transfert d’argent. C’est désormais chose possible au Mali. Même si ces innovations, qui font partie du quotidien ailleurs dans le monde, elles sont relativement récentes chez nous, et reçoivent un accueil très positif des consommateurs. Les institutions bancaires suivent, ayant compris que la banque du futur ne se trouvait plus en agence. Ces nouveaux moyens de paiement sont cependant très encadrés, et par les dispositions internes aux établissements émetteurs, mais aussi par les règlementations nationales et régionales. Dématérialiser l’argent, et rendre accessibles tous les services bancaires grâce à Internet et au téléphone, oui. En toute sécurité, c’est encore mieux.

« Un paysan de la zone de Koutiala a pris une carte bancaire chez nous. Il n’était pas très convaincu de l’intérêt d’en posséder une, mais il a suivi toutes les explications sur l’utilisation du produit. De retour dans sa localité, il teste sa carte et parvient à retirer de l’argent. Tout content, il répète l’opération à plusieurs reprises dans la journée. Il appelle derechef le chef d’agence qu’il félicite pour son agent qui est très efficace derrière le guichet. Ce dernier devrait être récompensé pour la célérité avec laquelle il s’occupe des clients. Il m’a servi trois fois de suite, rien qu’aujourd’hui, il n’a pas dû avoir le temps de manger ! ». Un rire dans la voix, le PDG de la Banque nationale de développement agricole (BNDA) raconte cette anecdote qui illustre bien l’usager lambda face à ces nouveaux instruments de paiement, dont le plus utilisé au Mali est bien la carte bancaire. « Les gens ont compris l’avantage du service mais ne savent pas trop comment il fonctionne », poursuit notre interlocuteur, qui est également le président de l’Association professionnelle de banques et établissements financiers du Mali (APBEF). Avec les efforts faits par les banques de la place pour étendre leur réseau de guichets automatiques bancaires (un taux d’expansion de 10% en moyenne par an), le défi de la proximité est en train d’être relevé. « Plus question d’aller faire la queue dans une banque maintenant pour retirer mes petits sous. Avant je perdais parfois une demi-journée à cause de l’affluence, surtout en fin de mois. Maintenant, quelques secondes d’arrêt au guichet le plus proche et le tour est joué », se réjouit Jean, commercial. « Nous visons l’objectif « zéro client au guichet », explique Alassane Diallo de la BNDA. L’objectif est de rapprocher nos services des consommateurs ».

Le moyen le plus sûr d’atteindre cet objectif est la banque mobile, disponible sur Internet ou à partir d’un téléphone portable. Après le « SMS banking », qui permettait déjà d’utiliser son téléphone portable pour obtenir des informations sur son compte bancaire, c’est désormais la quasi totalité des services qu’offrent la banque qui sont désormais disponibles grâce au « e-banking ». Toutes les banques présentes au Mali, qu’elles soient nationales ou étrangères, offrent à leur clientèle la possibilité d’avoir accès à tout ou partie de leurs prestations par Internet. La dernière à s’y être lancée est la filiale malienne du groupe panafricain Ecobank en avril dernier. À cette occasion, la directrice générale de la société, Mme Touré Coumba Sidibé, se réjouissait de l’innovation apportée à l’offre de la banque par Internet, grâce à l’application Ecobank Mobile qui permet d’avoir « la banque dans son téléphone ». Ce slogan, que revendiquent toutes les grandes banques, montre à quel point l’amélioration de l’accès à la téléphonie mobile au Mali, comme ailleurs en Afrique, a permis aux institutions bancaires de doper l’accès du public à leurs services.

Les sans-compte Plus besoin de compte bancaire désormais pour avoir les services que reçoivent les clients d’une banque. Du téléphone, le consommateur peut désormais avoir un compte mobile qui lui permet de faire toutes ses opérations. Outre les établissements bancaires traditionnels, depuis près de dix ans, ce sont les émetteurs de monnaie électronique qui permettent de réaliser des opérations de dépôt et de retrait. Finies les bas de pagnes et les économies emportées par le feu ou les inondations. Même les villages les plus reculés accèdent à l’inclusion financière grâce à ces nouvelles offres, qui ont permis, en dématérialisant la monnaie, de rendre accessibles leurs services à tous ceux qui détiennent un téléphone. « Le taux de bancarisation est de l’ordre de 16% pour le Mali, mais quand on parle de taux d’inclusion financière, cet indicateur intègre ce qu’on appelle les émetteurs de monnaie électronique. Et à ce niveau, le taux atteint 45%, contre 35% en décembre 2015. Le taux d’inclusion bancaire est donc en constante évolution », se réjouit le président de l’APBEF.

Objectif sécurité Si l’intérêt pour ces services « virtuels » ne se dément pas, l’un des aspects les plus important de leur utilisation est la question de leur sécurisation. « Il est primordial de sécuriser les fonds de nos clients. Une panoplie d’outils est mise en place au sein de la banque, mais le gros du risque est en fait dans le comportement même du client », explique le responsable informatique d’une banque de la place. « Prenez le cas des codes qui sont donnés. Les gens s’amusent à les laisser trainer, à portée des enfants, du conjoint, etc. avec les conséquences que cela peut avoir. Cela présente un risque. C’est pourquoi il faut un encadrement des usagers. Parce que si ce sont des opérations qui se terminent par des échecs ou des détournements d’argent au détriment des populations, cela peut entraver le développement de ces instruments », déplore un autre cadre de banque. La question de la sécurité est encadrée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui est en charge de l’élaboration des politiques dans la zone UEMOA. Des textes existants ont été réadaptés en 2016, afin de protéger les utilisateurs des instruments de paiement (chèques mais aussi et de plus en plus carte bancaire), ainsi que leurs données. En effet, si pour la banque les risques sont très limités du fait de la sécurisation à l’interne et des dispositifs de contrôle strict mis en place, les clients, quant à eux, sont exposés aux risques de manipulation des instruments d’une part, mais aussi aux risques de divulgation des codes qui vont avec ces instruments. C’est pourquoi, nous explique-t-on, dans l’organisation des banques, ceux qui gèrent l’aspect contrat ne sont même pas dans le même département que ceux qui gèrent l’aspect code, qui est confidentiel. Ce sont des directions différentes, de sorte qu’il y ait une étanchéité entre ceux qui sont en contact avec le client et ceux qui donnent le code. C’est l’une des mesures de sécurité.

Selon M. Saliou Seck, qui y a consacré ses travaux de fin d’études en droit des entreprises, la sécurisation des systèmes de paiements « est subordonnée à celle des instruments de paiements qui sont les interfaces entre les systèmes et leurs utilisateurs finaux. De la sécurité de ces instruments dépendent la confiance du public envers les systèmes de paiements et partant, l’ensemble du système bancaire et financier ». Le sentiment de sécurité, c’est également ce que recherchent les consommateurs qui utilisent les cartes bancaires sans compte. Très prisées par les commerçants et ceux qui voyagent régulièrement, elles permettent de ne plus s’encombrer de grosses sommes d’argent, car elles ont le double avantage de permettre des retraits au Mali et à l’étranger. Là aussi, la question de la confidentialité se pose.

Apporter la banque à tous, le défi est donc réalisable, en particulier grâce à l’utilisation des applications des TIC. Les banques et autres acteurs du secteur financier rivalisent d’innovation pour ce faire. La création d’une banque par l’opérateur télécom Orange participe à cette dynamique, et ces nouvelles offres sont plutôt vues comme complémentaires par les établissements traditionnels. Reste maintenant à relever le défi de l’information et de l’éducation des usagers, pour que ces nouveautés, censées leur faciliter la vie, ne soient pas sources de désagréments.

 

 

« Les banques maliennes sont solides »

Moussa Alassane Diallo, Président de l’Association des professionnels des banques et établissements financiers (APBEF)

Le taux de bancarisation s’est-il amélioré depuis la dernière Journée des Banques en 2015 ?

Dans le secteur, nous ne parlons plus de taux de bancarisation, car cela est réducteur. Nous parlons maintenant du taux de l’inclusion financière qui prend en charge à la fois le taux de bancarisation mais aussi l’ensemble des opérations financières qui sont effectuées sans passer par les comptes comme les transferts d’argent par téléphone ou d’autres moyens. Et ce taux avoisine les 37% aujourd’hui.

Ces nouveaux moyens financiers ne sont-ils pas une menace pour les établissements conventionnels que vous représentez ?

Il ne faut pas opposer aujourd’hui, en termes de concurrence, les systèmes de transfert d’argent au système bancaire. Cela doit être un tout. Je souligne cependant que les activités de transfert d’argent doivent s’effectuer dans un cadre à la fois réglementaire édicté par les institutions de la Banque centrale mais aussi dans des conditions de concurrence saine.

Le secteur bancaire malien démontre beaucoup de vitalité…

Oui, aujourd’hui le système bancaire est solide et accomplit à la fois ses missions de financement de l’économie mais aussi ses missions de distribution de produits et services bancaires. Et cela s’effectue aussi bien à l’intérieur du Mali que dans la sous-région ouest-africaine et même au-delà. La première raison, c’est le développement de grands groupes bancaires qui sont des réseaux avec plusieurs filiales mais aussi l’effet de la reprise économique au Mali. Le secteur agricole et celui des mines se portent très bien, il reste maintenant à redynamiser le secteur des PME/PMI.

L’appui aux PME/PMI justement reste une priorité au niveau de l’APBEF ?

C’est une priorité absolue. 80% des entreprises maliennes sont des PME, la plupart dans le secteur informel. Alors, est-ce aux PME de s’adapter aux banques ou l’inverse ? C’est bien sûr aux banques de s’adapter, en basant leur analyse de risque sur des éléments non-financiers, s’intéresser aux éléments physiques, etc. Tant que les banques maliennes ne relèveront pas ce défi, on dira toujours qu’elles ne financent pas l’économie.