Mali: premières discussions directes entre pouvoir et groupes armés

Rendez-vous a été pris à  16H00 (locales et GMT) au palais présidentiel de Ouagadougou. Autour du président burkinabè Compaoré, médiateur pour la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), se retrouveront une délégation du gouvernement malien, conduite par le chef de la diplomatie Tiéman Coulibaly, et des émissaires d’Ansar Dine, l’un des groupes islamistes occupant le Nord malien, et de la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Mais l’heure n’est pas encore à  des négociations de paix pour régler la crise dans le nord du Mali aux mains des islamistes qui en ont évincé en juin les rebelles du MNLA avec qui ils avaient mis en déroute l’armée malienne début 2012. Face à  une situation « critique », il s’agit pour l’instant de « trouver un cadre pour engager le processus de dialogue direct entre les parties », expliquait dimanche M. Compaoré. A la sortie d’un entretien lundi avec lui, le ministre malien des Affaires étrangères a également indiqué que la rencontre de mardi devait servir à  examiner « les possibilités d’amorcer un dialogue ». Il a surtout rappelé les lignes rouges fixées par Bamako à  toute négociation: respect de l’intégrité territoriale du Mali et du caractère laà¯c de l’Etat. Côté Ansar Dine, on se disait mardi prudemment prêt à  « écouter » les émissaires de Bamako. Ce mouvement essentiellement composé de Touareg maliens a, au moins dans son discours, fortement évolué sous la pression du Burkina et de l’Algérie, l’autre pays médiateur: il a dit renoncer à  imposer la charia (loi islamique) dans tout le Mali, mais pas dans les zones sous son contrôle, et s’est déclaré prêt à  aider à  débarrasser le Nord du « terrorisme ». L’Afrique attend l’ONU pour un recours à  la force Il a ainsi pris ses distances avec les deux autres groupes islamistes contrôlant la zone, les jihadistes surtout étrangers d’Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), avec qui il impose une version rigoriste de la charia. Marginalisé sur le terrain, le MNLA reste considéré comme un acteur-clé, d’autant qu’il a enterré sa revendication d’indépendance pour ne plus plaider que « l’autodétermination ». Sur cette base, « nous sommes aujourd’hui dans (une) disposition de négociation » avec Bamako, a indiqué à  l’AFP l’un de ses porte-parole, Moussa Ag Assarid. Les délicates discussions qui s’amorcent à  Ouagadougou ne font pas l’unanimité: certains acteurs politiques et de la société civile à  Bamako sont hostiles à  tout compromis. Mais si elles aboutissent, l’intervention militaire africaine actuellement en préparation devrait ne viser que les « terroristes », Aqmi et le Mujao. Les Nations unies doivent se prononcer en décembre. Après la Cédéao, le chef de l’Etat béninois Thomas Boni Yayi, président en exercice de l’Union africaine, et le président tchadien Idriss Deby ont lancé mardi « un appel » à  l’ONU pour qu’elle autorise « d’urgence » le déploiement de cette force. Les dirigeants africains ont été très déçus par le dernier rapport du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. Tout en jugeant que la force serait « sans doute nécessaire en dernier recours contre les plus extrémistes » des groupes armés, il a averti des risques sur la situation humanitaire et les chances d’une solution politique. Quant à  Aqmi, il menace la France, qui soutiendrait logistiquement une opération armée, et ses alliés en Afrique. « Le Sahara sera un grand cimetière pour vos soldats », a lancé dans une vidéo son chef Abou Moussab Abdel Wadoud, alias Abdelmalek Droukdel, menaçant aussi la vie des sept Français otages dans la région.

L’Algérie soutient l’idée d’une intervention militaire au Mali

Au lendemain de la visite de la secrétaire d’à‰tat américaine Hillary Clinton à  Alger, lundi 29 octobre, la participation de l’Algérie à  « la planification militaire » de l’intervention de la Communauté économique des à‰tats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dans le nord du Mali semble acquise. Plusieurs sources concordantes l’affirmaient mardi 30 octobre à  Alger : « Les discussions entre le président Bouteflika et Mme Clinton ont plus porté sur les modalités de la participation algérienne que sur son principe », affirme ainsi un proche du ministère des affaires étrangères. Concrètement, « il n’y aura pas de soldats algériens sur le sol malien, pas plus que de soldats français ou américains. Mais l’ANP (l’armée algérienne) sera associée à  la programmation des opérations militaires pour reconquérir le Nord-Mali. » des engagements « contre le terrorisme » Cette visite de la secrétaire d’à‰tat américaine aurait ainsi permis une clarification de la position algérienne. Jusqu’à  maintenant, Alger n’était pas favorable à  une intervention étrangère. Pour l’obtenir, Hillary Clinton a combiné flatteries de « la puissance militaire » et diplomatique de l’Algérie et rappels de ses engagements vis-à -vis de la communauté internationale « contre le terrorisme » . « Le président Bouteflika a longuement expliqué à  Mme Clinton que la solution ne pouvait pas être strictement militaire. l’écoute de Washington est apparue plus sérieuse que celle de Paris », souligne la même source. l’Algérie revendique plus de temps, afin, d’une part, de remettre sur pied l’armée malienne et, d’autre part, d’obtenir une évolution favorable dans les alliances sur le terrain dans le nord du Mali. Alger veut détacher la principale faction des insurgés, Ansar Eddine, de « ses alliés terroristes » . la diplomatie algérienne a été prise de cours dans la région La radicalisation salafiste, au début de l’année, de Iyad Ghaly, le chef du groupe touareg Ansar Eddine, avait marginalisé la faction laà¯que des indépendantistes du Mouvement de libération de l’Azawad (MNLA) et pris de cours la diplomatie algérienne dans la région. Mais celle-ci refuse encore d’admettre qu’Ansar Eddine ne peut plus faire partie de la solution dans le nord du Mali. Paris, à  l’inverse, assimile ce groupe aux autres organisations salafistes classées « terroristes » dans la région : Aqmi et le Mujao. Personne ne dit, à  Alger, si Abdelaziz Bouteflika a convaincu Hillary Clinton d’attendre encore que ses services « retournent » le leader Targui, devenu islamiste radical après un passage dans les années 1990 comme vice-consul du Mali en Arabie saoudite. En attendant, des experts africains, y compris Algériens, européens et onusiens, se réunissaient à  Bamako, mardi 30 octobre, pour mettre au point le « concept d’opération » d’une intervention armée dans le nord du Mali. Amine KADI, à  Alger

Clinton pousse Alger sur la voie d’une opération au Mali

La visite de Hillary Clinton ce lundi en Algérie n’a officiellement pas d’objectif précis. Dans les faits, la rencontre de la secrétaire d’à‰tat avec le président Abdelaziz Bouteflika sera consacrée pour une large part à  la situation au Mali. Washington veut convaincre Alger du bien-fondé d’une intervention militaire dans le nord du Mali et obtenir son accord pour déloger les terroristes d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Puissance militaire et diplomatique régionale, l’Algérie a un rôle clé dans la crise malienne. D’une part car les autorités algériennes possèdent des renseignements de première main sur Aqmi, dont la plupart des cadres sont issus du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), un mouvement algérien actif durant la guerre civile. D’autre part grâce aux liens forts qu’Alger entretient avec les leaders touaregs maliens. Enfin parce que l’Algérie possède 2000 kilomètres de frontières avec le Mali, par lesquels transite la majorité des biens, en particulier l’essence, dont a besoin le «Malistan». «Ce dernier point est le plus important», souligne un diplomate français. Au départ hostile à  voir des troupes dans ce qu’elle considère comme son pré carré, l’Algérie a fini par infléchir sa position. Alger aurait désormais donné son accord tacite à  l’opération à  condition qu’elle ne comporte que des troupes africaines. Signe de cette évolution, des militaires algériens participeront, les 3 et 4 novembre, à  une réunion de planification avec leurs homologues ouest-africains même si une participation directe des Algériens reste exclue. Pour une solution politique Les points de vue ne sont pas pour autant accordés. Les Algériens estiment ainsi que la solution au problème malien est avant tout politique. Ils demandent qu’un plan pour l’avenir des populations du Nord soit adopté avant toute opération. Contrairement à  la France, ils n’écartent pas non plus le dialogue et particulièrement avec les Touaregs d’Ansar Dine, qu’ils considèrent avant tout comme des nationalistes. Ce groupe islamiste, dirigé par Iyad ag Ghaly, un très proche des Algériens, est l’un des principaux acteurs au nord du Mali. «Les Algériens pensent qu’Ansar Dine peut rejoindre dans son ensemble le front antiterroriste», indique, dubitatif, un spécialiste français du dossier. Les à‰tats-Unis n’excluent pas non plus qu’Ansar Dine puisse tenir un rôle. Washington partage avec Alger une autre divergence d’avec Paris: le timing. Alors que la France entend intervenir le plus tôt possible, les Américains veulent prendre leur temps. «Une telle opération doit être préparée, bien financée et bien renseignée», ne cesse de répéter Johnnie Carson, du département d’à‰tat. C’est sur ce dernier point, le renseignement, que Hillary Clinton souhaite le plus l’aide des Algériens, qu’elle voudrait également voir plus souples sur l’avenir du nord du Mali. Seule certitude, les à‰tats-Unis, longtemps prudents sur le sort du Mali, sont clairement engagés. Le remplacement annoncé du général Ham par l’expérimenté général Rodriguez à  la tête de l’African Command sonne comme une preuve de plus.

Mali : nouvelle destruction de mausolées par les islamistes à Tombouctou

Les islamistes armés qui contrôlent le nord du Mali détruisaient jeudi 18 octobre de nouveaux mausolées à  Tombouctou, ville historique o๠ils avaient déjà  procédé à  de telles destructions en juillet, ont rapporté des témoins à  l’AFP. « Actuellement, les islamistes sont en train de détruire les mausolées de Karaba », un quartier du sud de Tombouctou, a affirmé un de ces témoins, propos confirmés par un autre habitant de la ville qui a précisé que les islamistes étaient arrivés à  bord « de trois véhicules, certains armés ». Des islamistes armés ont déjà  détruit avec des haches, samedi 29 septembre, le mausolée d’un saint musulman à  Goundam, une localité du nord du Mali, près de trois mois après avoir causé des dégâts similaires à  Tombouctou. D’après un habitant qui s’est exprimé sous couvert de l’anonymat, « ils ont cassé le mausolée [d’Alfa Mobo] jusqu’au niveau de la tombe, ils étaient 11 et quelqu’un filmait ». « LES ISLAMISTES SE SONT RAPPROCHà‰S DE LA POPULATION » Par ailleurs, le président du Collectif des élus du Nord-Mali Elhadj Baba Haà¯dara a appelé jeudi à  une intervention militaire internationale « urgente » contre les groupes islamistes armés qui occupent la région, avant qu’il ne soit « trop tard ». « Nous crions : ça s’enlise, faites vite ! Ils ont tous les moyens pour endoctriner la population : par peur, par conviction, par la force ou par l’argent », a déclaré le député de Tombouctou, en mission à  Paris à  la veille de la tenue à  Bamako d’une réunion internationale pour préparer la reconquête du nord du Mali. « Il faut une intervention urgente des forces occidentales. Nous l’espérons, nous le souhaitons, nous le désirons », a insisté M. Haà¯dara au cours d’un entretien à  Paris. « La communauté internationale a la responsabilité de faire très vite car les gens se rallient aux terroristes », a renchéri Haà¯ssata Cissé-Haà¯dara, députée de Bourem (à  45 km de Gao), également membre de la délégation parlementaire malienne. « A Gao, les islamistes se sont rapprochés de la population. Ils ont distribué de l’argent pendant le carême pour payer le sucre, ils ont donné de l’argent pour que l’électricité soit distribuée gratuitement », a-t-elle souligné.

« Il professore » arrive au Sahel

C’’est surtout sur la question malienne qu’il devra se pencher très rapidement, la crise qui secoue le pays étant, enfin, devenue une préoccupation pour les Nations Unis. l’annonce de sa nomination a été favorablement accueillie par les milieux diplomatiques, même si certains affirment que Ban-ki-Moon aurait pu choisir un émissaire africain, plus proche des réalités du terrain. Mais peut-être est d’ailleurs cela que voulait éviter el secrétaire général de l’ONU en nomment un homme qui aura un regard neuf sur la situation dans la bande sahélo-saharienne tout en ayant une expérience dans la négociation. « Susciter et soutenir l’engagement international » Il sera chargé de « coordonner les efforts de l’ONU pour mettre au point et appliquer une stratégie régionale intégrée pour le Sahel », une région qui connait d’énormes problèmes humanitaires et de sécurité. Il consultera les pays de la région et les organisations régionales, a expliqué M. Nesirky, porte parole du secrétaire général de l’ONU. Lourde tâche pour l’homme âgé de 73 ans dont la mission est de « susciter, soutenir et coordonner l’engagement international en appui aux efforts des pays du Sahel ». Arriver à  régler cette crise complexe, ne sera pas une mince affaire, surtout en ce qui concerne le cas malien. Le pays est coupé en deux depuis le mois d’avril 2012, 2/3 de son territoire occupé au nord par des groupes armés islamistes tandis qu’au sud, des querelles politiques ont succédées au coup d’état qui a déposé le président Amadou Toumani Touré, le 22 mars. La décision de principe de nommer un envoyé spécial pour le Sahel avait été prise lors d’une réunion à  haut niveau sur la situation dans cette région et au Mali, tenue en marge de l’Assemblée générale de l’ONU fin septembre mais ce n’est que ce mardi 09 octobre que le nom de Prodi a été officialisé. {b « Il Professore » ] Romano Prodi a une longue et brillante carrière au sein du gouvernement et de la diplomatie internationale. Il a été Premier ministre entre 1996 et 1998 puis de 2006 à  2008. Il a également présidé la Commission européenne de 1999 à  2004. «Le Professeur », universitaire d’économie et de politique industrielle, est connu comme un homme intègre et droit. Un peu austère mais très efficace dans les missions difficiles. Son expérience en 2008 à  la tête d’un comité conjoint de l’Onu et de l’Union africaine sur le maintien de la paix lui sera certainement utile pour sa nouvelle mission qui a commencé dès le jour de sa nomination, selon l’ONU. Il est catholique, marié et père de deux enfants

Washington réfléchirait à d’éventuels bombardements contre Aqmi

WASHINGTON — Les autorités américaines ont engagé une réflexion sur de possibles bombardements de drones dans le nord du Mali contre Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi), affirme mardi le Washington Post. Le journal assure que le principal conseiller du président Barack Obama pour l’antiterrorisme, John Brennan, mène l’évaluation de la situation dans la région en coopération avec le département d’Etat et le Pentagone, et examine la possibilité d’une intervention américaine pour lutter contre ces groupes extrémistes. Le recours par les Etats-Unis à  des drones, déjà  opérationnels contre des groupes islamistes armés dans des pays comme le Pakistan, le Yémen ou la Somalie, est également à  l’étude, indique le Post, citant des responsables américains sous couvert de l’anonymat. Sollicité par l’AFP, un porte-parole de la Maison Blanche n’a pas démenti la tenue de réunions spécifiquement consacrées au Mali et à  Aqmi, mais a refusé d’entrer dans les détails. « Ce ne devrait pas être une surprise que la Maison Blanche organise des réunions sur toute une série de questions, dont des dossiers d’antiterrorisme. Le président a clairement énoncé son objectif de détruire le réseau d’Al-Qaà¯da et nous y oeuvrons tous les jours », a expliqué Tommy Vietor, porte-parole du Conseil de sécurité nationale. « Nous n’entrerons pas dans les détails de ces discussions ou des préconisations » qui en sortent, a ajouté M. Vietor. L’attaque du consulat américain à  Benghazi le 11 septembre, un « acte terroriste » selon l’administration Obama, a renouvelé l’attention que les Etats-Unis portent à  Aqmi, soupçonné de connexions avec l’attentat, ont également affirmé à  l’AFP deux autres hauts responsables américains. « Manifestement il y a un regain d’intérêt pour Aqmi depuis l’attaque » au cours de laquelle l’ambassadeur en Libye Christopher Stevens et trois autres Américains ont été tués, a confié l’un de ces responsables s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. L’enquête se focalise sur « les groupes extrémistes dans la région des Benghazi ainsi que sur Aqmi », a-t-il ajouté. Lundi, un haut responsable de la diplomatie américaine avait affirmé que les Etats-Unis seraient prêts à  soutenir une intervention armée « bien préparée » et menée par des pays africains dans le nord du Mali pour en expulser la rébellion islamiste liée à  Al-Qaà¯da. « Il devra y avoir à  un certain moment une action militaire » contre les extrémistes liés à  Aqmi installés dans le nord du Mali, avait déclaré le plus haut responsable de l’Afrique au département d’Etat américain, Johnnie Carson. Le Premier ministre malien Cheikh Modibo Diarra a appelé samedi les Occidentaux, et au premier chef la France, à  intervenir militairement dans le nord du Mali en envoyant avions et forces spéciales.

Nord Mali : Alger négocie avec les islamistes

«Il y a urgence à  trouver une solution pour empêcher une intervention militaire dans le nord du Mali. Nous devons absolument convaincre toutes les factions sur le terrain de rompre les liens avec les terroristes d’Aqmi et du Mujao.» à€ en croire une source proche des négociations, c’est en recevant en secret une nouvelle délégation d’Ansar Dine qu’Alger essaie de trouver au plus vite une issue politique à  la crise au ­Sahel. Les tractations avec le mouvement islamiste touareg, qui ont commencé depuis le rapt des diplomates algériens à  Gao en avril dernier, visent «à  unir les différents courants d’Ansar Dine»: la faction la plus radicale – et la plus influente – qui ne reconnaà®t pas Aqmi comme un groupe terroriste, la frange plus souple, qui souhaite faire du Mali un émirat islamique mais pourrait se démarquer d’al-Qaida, et le courant composé essentiellement d’anciens du MNLA qui veulent privilégier l’autonomie de l’Azawad. «Voilà  pourquoi cette délégation était menée par Tena Ould Ahmed (le père spirituel d’Iyad ag Ghali, chef d’Ansar Dine), tenant de l’aile dure, et Amada ag Bibi, plus modéré», explique un proche du mouvement. Des pourparlers qui ne sont pas du goût de Bamako, o๠le premier ministre, Cheick Modibo Diarra, a appelé samedi les Occidentaux à  envoyer avions et forces spéciales au nord du pays. «Nous ne reconnaissons pas ce type de rencontre informelle, commente . Le Mali compte exclusivement sur une résolution des Nations unies pour envoyer les 3300 hommes de la Cédéao qui se tiennent prêts. L’Algérie cherche à  protéger ses hommes, quitte à  sacrifier la population malienne. Elle ne doit pas se sentir obligée de s’impliquer dans une opération militaire, le Mali ne lui demande rien.» Partenariat américano-algérien Sur un autre front, les Algériens soignent leurs relations avec les pays acquis à  leur cause. Le ministre nigérien de la Défense, Mahamadou Karidiou, reçu par le président Bouteflika la semaine dernière a rappelé la «convergence de vues» entre les deux pays. Autres partenaires privilégiés, les Américains… même si leurs déclarations se contredisent parfois. Alors que le général Carter F. Ham, haut commandant des forces armées américaines en Afrique (Africom) affirmait dimanche à  Alger que «la situation dans le nord du Mali ne peut être réglée que de manière diplomatique ou politique», le plus haut responsable de l’Afrique au département d’à‰tat américain, Johnnie Carson déclarait hier que les à‰tats-Unis «seraient prêts à  soutenir une intervention armée bien préparée, bien organisée, bien pourvue, bien pensée et agréée par ceux qui seront directement concernés». Les à‰tats-Unis semblent en fait garder deux fers au feu. Ils devraient soutenir au Conseil de sécurité des Nations unies le principe d’une intervention armée internationale aussi large que possible, mais tiennent à  s’assurer des conditions dans lesquelles elle pourrait se dérouler. Attendus le 19 octobre à  Washington pour la première session de dialogue Algérie-à‰tats-Unis, les Algériens martèlent qu’une telle opération serait «vouée à  l’échec». «Jeter quelque 3000 hommes dans un théâtre d’opérations de plus de 8000 kilomètres carrés serait insignifiant, s’emporte un haut gradé algérien. De plus, l’ennemi, invisible et insaisissable, mènera une guerre d’usure qu’il gagnera à  coup sûr contre une formation militaire telle que la pense la Cédéao, qui ne connaà®t pas, non plus, le terrain saharien. Enfin, les groupes armés s’appuieront sur la population locale, des Touaregs, pour qui une armée africaine équivaut à  une force d’occupation étrangère.»

Interview de Cheick Modibo Diarra : « Au Mali, chaque jour, les terroristes se renforcent »

Le Premier ministre revient de New York oà¹, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, il a formellement demandé à  l’ONU une intervention militaire internationale afin de reconquérir le Nord du Mali contrôlé depuis six mois par des groupes islamistes armés. [Comment comptez-vous rétablir la souveraineté du Mali ?] Cheick Modibo Diarra : Nous avons défini une stratégie en cinq points. Il faut, dès maintenant, commencer à  sécuriser les grandes villes du Mali. Si vous regardez le modus operandi des terroristes qui occupent le Nord du Mali, ce sont des gens qui dès que vous les contrariez, commettent des actes de violences dans des zones peuplées. Il faut donc faire en sorte qu’il n’y ait pas d’infiltration, ni multiplication de cellules dormantes. La deuxième étape, accomplie à  New York, est de solliciter formellement l’aide de notre organisation sous régionale, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cédéao], de l’Union africaine [UA], de l’Union européenne [UE] et de nos amis comme la France et les Etats- Unis et de transmettre au Conseil de sécurité notre requête d’intervention militaire internationale sous le chapitre 7 de la charte des Nations unies. Une fois votée, la résolution donnera une légitimité à  tous ceux qui veulent et qui peuvent nous accompagner dans la libération du nord. La phase deux se poursuivra avec des rencontres du gouvernement pour mobiliser toute la communauté internationale afin de voir qui veut participer, et comment, à  la libération du nord. La troisième phase consiste, avec nos partenaires, à  structurer et à  solidifier l’armée malienne qui doit être le fer de lance de cette affaire. Ces phases n’ont pas besoin d’être séquentielles. Elles peuvent se dérouler en même temps. La quatrième phase est de reconquérir le nord. Puis, enfin, il faudra sécuriser les régions libérées de façon durable. [Quel est votre calendrier ?] J’espère que les débats [sur la résolution] vont commencer au Conseil de sécurité dès la semaine prochaine afin qu’elle soit adoptée avant la mi-octobre. Chaque jour qui passe, nous avons davantage de mutilations, d’amputations, de viols, d’actes de barbarie dans le nord de notre pays. Le plus rapidement la résolution sera adoptée, le mieux ce sera. Et je suis convaincu que dès que nous aurons une résolution la plupart de ces malfrats et bandits essaierons de s’échapper avant même que les choses sérieuses commencent. Seuls les plus endurcis resteront. [Quand espérez-vous que la Cédéao enverra le contingent de 3 300 hommes qu’elle a promis de déployer au Mali ?] Une fois la résolution votée, on pourra immédiatement demander à  la Cédao de déployer des troupes qui nous aideraient à  sécuriser la ligne de séparation entre le nord et le sud. Parce qu’à  ce moment là , juste après le vote, les belligérants du nord et les narcotrafiquants vont se dire  » le Mali ne sera jamais plus aussi faibles, bientôt des soldats vont venir renforcer notre armée donc si nous voulons vraiment lui nuire, c’est le moment o๠jamais « . Il faut donc que la force de la Cédéao soit prête pour un déploiement presque immédiat dès l’adoption de la résolution. Hillary Clinton a estimé que « seul un gouvernement démocratiquement élu aura la légitimité pour parvenir à  une résolution négociée au Nord Mali et mettre un terme à  la rébellion ». N’est-ce pas le signe que les Etats-Unis sont opposés à  une intervention internationale ? Des élections… Quelle serait la légitimité d’un président élu dans un pays qui ne peut pas faire voter tous ses citoyens ? Je ne pense pas que les Etats-Unis bloqueront la résolution au conseil de sécurité de l’ONU Ils veulent participer au règlement de la situation dans le Sahel. Mais leur législation leur interdit de collaborer avec des gens arrivés au pouvoir après un coup d’Etat, jusqu’à  de nouvelles élections. Je ne pense pas que le désir des USA soit de faire perdurer la souffrance et le risque de globalisation des problèmes dans le Sahel. C’est juste une façon de nous dire ne pas prolonger inutilement la transition. Les Etats-Unis nous ont toujours demandé d’organiser, le plus rapidement possible, des élections crédibles. Ce message nous l’avons compris. [Si la résolution est votée en octobre, quand les forces de la Cédéao pourront-elles se déployer ?] On pourrait immédiatement demander à  la Cédao de se déployer pour nous aider à  sécuriser la ligne de séparation entre le nord et le sud. Parce qu’une fois que la résolution sera adoptée les belligérants du nord et les narcotrafiquants vont se dire « le Mali ne sera plus jamais aussi faible, des soldats vont venir le renforcer donc si nous voulons vraiment lui nuire c’est le moment o๠jamais ». La force en attente de la Cédéao peut donc être invitée à  renforcer les Maliens qui patrouillent dans cette zone et ainsi nous accorder un peu de tranquillité d’esprit pour préparer les autres phases. Donc j’inviterai la Cédéao à  se déployer presque immédiatement après l’adoption de la résolution. Même si ce n’est pas toute la force. Une fois la résolution adoptée, une stratégie consensuelle pourra être dégagée entre tous les participants. Mais sans attendre, il faudra renforcer la ligne de séparation pour que le problème ne gagne pas en complexité à  cause des infiltrations ou des tentatives pour casser cette ligne. [Sur quels pays comptez-vous ?] La question du Mali ne concerne pas seulement la Cédéao, mais toute la communauté internationale. Le Mali et la Cédéao joueront un rôle-clé mais il faut aussi inviter des pays du champ, tels que l’Algérie et la Mauritanie dont la participation est incontournable, des amis, comme le Maroc ou le Tchad. Bref, tous ceux qui pourraient venir nous aider à  contenir le problème à  une zone très restreinte en attendant que la communauté internationale – France, Etats-Unis, Grande-Bretagne notamment – apprête sa force d’intervention pour faire un travail propre et rapide. [La Cédéao est-elle prête ?] Vue l’insistance avec laquelle cette organisation nous a demandé de faire une requête d’intervention internationale, j’imagine que cela veut dire qu’il existe une telle force, quelque part. On a même parlé d’une force de 3 300 hommes. Dans un premier temps, il ne s’agit pas de tous les déployer, mais peut être un tiers pour renforcer nos lignes. A propos de l’Algérie et de la Mauritanie, ce sont des pays avec lesquels nous partageons près de 4 000 km de frontières. Il est évident que leur participation est incontournable. La question n’est pas de savoir qui est pour ou contre une intervention. Chacun dans cette affaire a son opinion. Certains pensent même qu’il faut négocier. Mais avec qui négocier ? Et pourquoi, on ne l’a pas fait jusqu’à  présent ? D’o๠l’intérêt d’internationaliser la crise avec la résolution de l’ONU. Ce consensus prévaudra. C’est une initiative malienne, ça se passe au Mali, le gouvernement malien a une stratégie en 5 points pour demander l’aide internationale. Ca fait plus de huit mois que dure la crise et je n’ai pas vu de solution non militaire émerger. En revanche, la situation empire de jour en jour avec les amputations, les flagellations, les viols, les destructions de nos sites au nord. Tout cela s’est passé sans que ceux qui croient à  la négociation ne nous montrent le chemin pour ramener ces gens à  la raison. Parler de négociation en ce temps-là  en réalité ferait perdre un temps précieux. Chaque jour qui passe, ces terroristes se renforcent, mettent en place des infrastructures de plus en plus sophistiquées qui nous demanderont davantage d’avantage d’efforts pour sortir de la crise. Le temps pour ces négociations est passé. Nous avons utilisés tous les canaux possibles. Nous avons un médiateur désigné par la Cédéao [Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso] mais à  ce jour nous n’avons pas reçu, de la part des terroristes et des occupants, un seul signal disant  » nous voulons négocier « . Il ne faut pas faire d’amalgame. Ce n’est pas un problème entre Maliens mais un problème avec des terroristes, des narcotrafiquants, des preneurs d’otages, des bandits de toutes sortes…Il faut que la communauté internationale se soulève contre tout cela et qu’elle les repousse. Nous sommes prêts à  négocier, à  tout moment, avec le MNLA [Mouvement national de libération de l’Azawad]. Mais le MNLA ne représente, peut être, que 10% de la population au Nord et militairement il n’est plus sur le terrain. Les terroristes du MUJAO ont complètement décimé la branche militaire du MNLA. Il ne reste que la branche politique qui se promène à  travers le monde et qui demande des négociations. Mais cela n’a rien à  voir avec le plus gros problème du Sahel : la présence de trafiquants de tous ordres et de plusieurs groupes terroristes connus au niveau international. Les pays qui parlent de négociations nous ont fait perdre du temps. Six mois après, un millier de terroristes dotés d’armes sophistiquées se sont installés. Cela n’a rien à  voir avec les revendications de petits groupes dissidents du Mali. [Cette offre de dialogue provient pourtant du président malien, Dioncounda Traoré et de Blaise Compaoré…] Moi non plus je ne veux pas faire la guerre avec mes compatriotes. Les seuls avec lesquels on peut négocier ce sont ceux du MNLA. Ansar Dine ? Une de ses branches vient d’amputer des gens à  Tombouctou. J’appelle ça des extrémistes pas des séparatistes. Ce n’est pas la même chose. Il ne s’agit pas de mobiliser la communauté internationale pour aller combattre des Maliens qui ont des revendications que certains peuvent trouver justes. Il s’agit d’aller déloger des narcotrafiquants et des terroristes qui petit à  petit se sont installés et qui menacent non seulement le Mali et la sous région mais aussi, à  terme, le reste du monde. L’offensive du MNLA au début de l’année a ouvert la porte au chaos par laquelle sont entrés toutes sortes de terroristes : Boko Haram, le Mujao, Aqmi, des salafistes de tous bords et Ansar Dine qui se rapproche de plus en plus de la définition du terrorisme. Ils se sont infiltrés et ont fini par chasser ceux qui ont commencé ce problème. Il n’y a personne, actuellement sur le terrain, avec lesquels on peut nous suggérer de négocier. Ceux avec lequel nous sommes prêts à  négocier [le MNLA] sont éparpillés entre Nouakchott, Niamey et Ouagadougou. Mais cela ne doit pas retarder la résolution que nous avons prise au niveau du Mali et sur la base de laquelle on a invité d’autres à  venir nous aider pour débarrasser le monde entier de ce fléau. [Est-ce que tous les Maliens, au sud, sont d’accord avec le déploiement de forces étrangères sur leur sol ?] Premièrement, le capitaine Sanogo [ex-chef de la junte]… Notre décision de demander une intervention internationale est une décision politique dans laquelle il ne s’est pas impliqué. La position du président et du gouvernement représente celle de tout le Mali. Le capitaine Sanogo… C’est une décision politique dans laquelle il ne s’implique pas. La position du président et du gouvernement représente celle de tout le Mali. Comment demander à  des gens de venir nous aider sans qu’ils soient présents sur le territoire. Venir aider le Mali à  libérer le nord c’est une chose, stationner à  Bamako qui est à  600 km de la ligne de séparation en est une autre. Peut-être que les troupes qui vont aller au front vont transiter par Bamako. Des avions d’une certaine dimension devront nécessairement atterrir à  Bamako. On verra. Mais ce sont juste des forces qui doivent transiter vers la ligne de front. Mais une fois qu’on aura mutualisé les forces, les généraux diront o๠il faut stationner les forces… Mais on n’en est pas encore là . Aujourd’hui je ne vois pas la nécessité de stationner des troupes à  Bamako. Nous avons les effectifs nécessaires pour sécuriser les institutions de la République. J’ai créé une force de plus de 1 200 hommes pour sécuriser la présidence, la primature, l’Assemblée nationale, les cours suprême et constitutionnelle, les ambassades et faire des patrouilles en ville. Ils peuvent effectivement bénéficier d’un rafraichissement de leurs capacités antiterroristes dans les grandes villes, mais nous n’avons pas besoin d’aide extérieure pour sécuriser les organes de la République. Seulement les équiper et les former. Peut-être qu’à  Bamako les gens ne comprennent pas que la longueur de la piste d’atterrissage est supérieure à  celle de Mopti et qu’elle peut donc accueillir certains aéronefs et certaines personnes en transit. [On a pourtant parlé d’établir le quartier général (QG) de la force à  Bamako.] Un QG peut être n’importe o๠maintenant, compte tenu de la modularité des équipements de transmission. Bamako est une ville de 3 millions de personnes. Moi, si j’étais suis un tacticien militaire, et que je me battais contre un ennemi sophistiqué, je ne mettrais pas mon QG dans un endroit très peuplé. Aujourd’hui, on peut installer des QG n’importe oà¹. Pourquoi pas à  N’Djamena ? Il faut attendre que les experts, que tout ceux qui veulent nous aider se mettent ensemble, ce sont eux qui viendront avec une stratégie. Alors on verra. On met en avant la question de la stratégie avant même de connaà®tre les moyens dont nous disposerons, quels pays nous aideront pour la reconquête. [L’aéroport de Bamako pourrait-il être militarisé ?] On est d’accord avec tout ce qu’exigera la stratégie commune. Mais les villes concernées telles que Tombouctou et Gao sont plus proches de Ouagadougou ou de Niamey que de Bamako. On prendra notre part mais vous verrez aussi que beaucoup de possibilités s’ouvriront à  nous quand les pays intervenants se seront déclarés. [Tout cela va prendre un temps fou ?] Pas nécessairement. Une fois votée la résolution, en une semaine, tous ceux qui voudront intervenir pourront être connus. Leurs moyens, leurs ressources, leurs experts, le terrain sont connus. Je suis sûr que la surveillance satellitaire des bandits est en cours. Ca peut aller très, très vite. Le plus important, c’est la capacité des forces en attente de la Cédéao à  envoyer quelques hommes pour renforcer nos lignes et ne pas ajouter une complexité à  la résolution du problème. Si on tient cette ligne de séparation, les choses pourront aller vite. [Vous voulez que l’armée malienne soit en première ligne, est-elle capable d’assumer ce rôle ?] Depuis le début de la transition, l’armée se ressoude et renforce sa chaine de commandement. Elle a besoin d’être équipée et formée mais il existe déjà  un noyau très compétent. [Qu’attendez vous de la part de la France ?] J’ai été vraiment très, très frappé et ému par le leadership que le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, et le président François Hollande ont mis en œuvre à  New York. Cela ne me surprend pas au regard des relations anciennes entre nos deux pays. Mais ça a été un moment fort quand j’ai vu la France, membre permanent du conseil de sécurité, intervenir avec autant de détermination et de clarté. Je suis sorti en me disant  » c’est le début de la fin pour la crise au Mali « . [Qu’entendez-vous par leadership ?] C’est-à -dire faire voir aux autres la nécessité de s’attaquer au problème à  un moment o๠d’autres n’en sont pas encore conscients. Parce que problème est trop éloigné. La piste de Tessalit est une de plus longues du Mali. De là  on est à  2 h 30 de l’Europe ! Le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire sont menacé de façons immédiates. La Chine, la Russie, l’Amérique sont plus éloignés. Mais ceux qui sont capables de voir les ramifications et d’attirer l’attention des autres, ça c’est une forme de leadership. Un autre aspect est de s’impliquer pour qu’aux Nations unies le problème soit visible. Puis une fois que toute la communauté se sera décidée d’agir, il faut que la France fasse le premier pas. Aujourd’hui nous sommes dans la première phase de sécurisation des villes. C’est une phase pendant laquelle la France peut nous aider. Nous avons besoin de tous les équipements modernes pour détecter les bombes, les armes à  feu, besoin d’équipements de communication. On peut attendre ça de la France. Et puis, une fois que la communauté internationale sera convaincue de la nécessité d’agir, il faudra que la France fasse le premier pas. Le jour o๠la force internationale s’engagera, quand on aura besoin d’utiliser la troisième dimension, les Mirage français pourraient s’engager. Si la France le veut, ses forces spéciales pourront aussi se joindre à  nos forces armées. Tout est ouvert. Mais déjà , le fait d’avoir pris l’initiative d’expliquer au monde la nature globale du danger que nous courrons, c’est la preuve d’un leadership très fort. Parce que j’ai l’impression que beaucoup ne sont pas conscients de ce qui nous guette. Les gens pensent que le danger arrivera dans deux ou trois ans et que d’ici là , le danger pourra être contenu dans une zone du Sahel, sans déborder… C’est une erreur. Le danger est beaucoup plus imminent et immédiat. [Ne craignez-vous pas que la question des otages français ne paralyse l’action de Paris ?] C’est un problème très important, pour nous également. Nous sommes en train de chercher des informations. Mais justement, le leadership d’une nation se mesure aussi à  sa capacité de ne pas se faire prendre tout en entier en otage. Sans oublier ses otages, la République française est en train d’assumer son rôle de leader mondial. D’autres Etats se seraient recroquevillés, AQMI [Al-Qaida au Maghreb islamique] aurait dicté sa politique étrangère. Le fait que le président Hollande ait rejeté cela est remarquable et applaudi partout dans le monde. La communauté internationale devrait faire tout ce qu’elle peut pour aider la France à  libérer ses otages. Christophe Châtelot (propos recueillis par)

Les djihadistes du Nord-Mali s’organisent en attendant « la bataille »

Doigt sur la gâchette, regard noir, un djihadiste de 14 ans ordonne au véhicule de se garer en contrebas du ruban de bitume reliant la frontière nigérienne à  Gao, plus importante des localités du nord du Mali sous contrôle de groupes islamistes armés. « Nous avons pris la décision de renforcer la sécurité ici et de prendre les mesures qui s’imposent », lance l’adolescent malien, Aziz Maà¯ga, rencontré par l’AFP à  Labézanga, localité malienne située à  plus de 200 kilomètres de Gao. Une fouille minutieuse du véhicule commence aussitôt. Rangers noirs et poussiéreux, fusil en bandoulière, des djihadistes emmitouflés dans des tenues militaires ou des vêtements kaki, inspectent tous les bagages et les passagers du véhicule. Première surprise: de la frontière nigérienne jusqu’à  Gao, quasiment tous les djihadistes croisés sont des Africains subsahariens. Ces derniers mois, on y rencontrait essentiellement de jeunes Maghrébins. « Moi même, je suis surpris », affirme le Nigérien Hicham Bilal qui dirige à  Gao une katiba (unité combattante). « Tous les jours, dit-il, nous avons de nouveaux volontaires. Ils viennent du Togo, du Bénin, du Niger, de la Guinée, du Sénégal, de l’Algérie et d’ailleurs ». « Puisque les gens veulent nous faire la guerre, il faut savoir qu’ici, il n’y a plus de Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest), d’Ansar Dine (Défenseurs de l’islam) et d’Aqmi (Al-Qaà¯da au Maghreb islamique). Nous sommes tous des moudjahidine. Demain, un Mujao peut se retrouver au sud, à  l’est ou ailleurs. Partout, nous sommes chez nous », dit-il. Sur la route, les postes de sécurité sont de plus en plus nombreux. « prêts pour la bataille » « Nous sommes prêts pour la bataille. Nous attendons que les troupes françaises ou africaines arrivent », assure un jeune Ivoirien, visiblement nouvelle recrue, alors que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) prépare l’envoi au Mali d’une force africaine pour aider Bamako à  reconquérir le Nord, avec l' »appui logistique » de la France. Dans Gao, passée fin juin sous le contrôle du Mujao, des pick-up chargés d’armes et de combattants font d’incessants allers-retours. Le drapeau noir des djihadistes flottent sur les pick-up. Les visages des combattants sont de plus en plus jeunes. Au siège de la police islamique de Gao, de nouveaux volontaires disent être venus prêter main forte à  leurs « frères moudjahidine ». « Je suis Khalil, Egyptien, et je suis venu donner un coup de main à  mes frères moudjahidine », dit un homme, grand de taille, dont les propos, en arabe sont traduits par son adjoint sierra-léonais. Un autre homme, s’exprimant en anglais, affirme qu’il est pakistanais et que « l’islam n’a pas de frontières ». Si des Egyptiens et Pakistanais ont repris en main la police islamique de Gao, les combattants algériens sont en première ligne au sud de la localité, sur la route menant à  Bamako. Quelques dizaines de combattants algériens y sont visibles, venus, selon un témoin, de la katiba du puissant chef d’Aqmi, l’Algérien Mokhtar Belmokhtar alias Belaaouar, qui dirige la région. Pour empêcher d’éventuels atterrissages d’avions ennemis, des djihadistes ont éparpillé des carcasses de véhicules pour rendre la piste impraticable. Selon des habitants vivant près de l’aéroport, deux camps d’entraà®nement accueilleraient des dizaines de combattants. « J’en ai vu qui s’entraà®naient. Il y a des séances de tirs et de tactiques militaires. Beaucoup sont très jeunes, ils disent qu’ils sont prêts à  mourir », raconte un fonctionnaire de Gao. Dans les neuf quartiers de la ville, il y aurait des combattants « camouflés » dans des maisons, selon d’autres témoignages. J’ai vu deux armes lourdes dans une maison du quatrième quartier de Gao. C’est la première fois que je vois ça », affirme Djénakou, un jeune habitant. « Paracétamol » Les « occupants » de Gao, selon lui, ont encore durci, récemment, les conditions d’application de la charia (loi islamique) qu’ils imposent. Le 10 septembre, cinq hommes accusés d’avoir braqué un car ont été amputés d’une main et d’un pied chacun. Aucune radio privée de la ville ne diffuse plus de musique. Les femmes doivent se voiler sous peine de sanctions, voire d’emprisonnement. Et rares sont les habitants qui osent fumer en public. Pour acheter discrètement du tabac, un nouveau nom de code: « paracétamol ». Venu de Bamba (à  245 km de Gao), un homme se plaint que tout le monde soit « au chômage dans son village, parce que Bamba est la principale zone de production de tabac et qu’ils interdisent de le vendre ». Les islamistes, plutôt tolérés par les populations au début de leur occupation, semblent de plus en plus impopulaires. Mais le marché de la ville grouille toujours de monde et les denrées de premières nécessité n’y manquent pas. Les clients qui commentent une possible intervention militaire étrangère se disent globalement « contre ». « Quand les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre. Les éléphants, ce sont les combattants d’ici et l’armée de Bamako avec ses soutiens extérieurs. L’herbe, ce sont les pauvres civils, nous », lance, fataliste, Mahamane, fonctionnaire à  la retraite.

Mali : la France en pointe contre Aqmi

Le principe d’une intervention militaire contre Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) est désormais acquis. Les capitales des pays concernés travaillent activement à  l’élaboration d’un scénario politico-militaire destiné à  débarrasser la région de la menace terroriste. Parce qu’elle est ciblée par Aqmi, la France est à  l’avant-garde de la future opération, dont l’ossature sera composée des forces de la Cédéao, la Communauté économique des à‰tats de l’Afrique de l’Ouest. Enlisées en Afghanistan depuis plus de dix ans, victimes de coups de rabot budgétaires qui grèvent leurs effectifs, les armées françaises ont prévenu que leur participation aux opérations extérieures se limiterait dorénavant à  un cadre multilatéral. Le passé colonial de la France et la menace qui pèserait sur la vie des otages si Paris était en première ligne dans le Sahel plaident également pour la modération. «Nous voulons seulement avoir un rôle de facilitateur. Pas question d’envoyer des troupes au sol», explique un diplomate français. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a promis une «aide logistique» pour aider à  résoudre la crise. Des Forces spéciales françaises dans la région Mais la France s’impatiente. Une centaine de membres des Forces spéciales françaises ont déjà  été déployés dans la région. Ils devraient être prochainement renforcés, notamment par les commandos de la Marine nationale. L’aide française comprend également des avions de patrouille maritimes, qui récoltent du renseignement, et un système de surveillance basé au Niger. Selon les hypothèses envisagées, notamment à  Paris, il s’agirait de former une force d’action de quelques centaines d’hommes pour reconquérir le nord du Mali, occupé depuis plusieurs mois par les groupes armés islamistes. Un noyau dur de 40 hommes, un premier cercle de 200 à  400 hommes et une piétaille de 3000 à  4000 hommes forment cette nébuleuse islamiste. «Ce n’est pas la campagne de Russie», commente un bon connaisseur du dossier. «Ils sont finalement assez peu nombreux. Un millier d’hommes occupe une partie d’un à‰tat qui n’existait plus», poursuit-il. L’opération ne doit cependant pas se limiter à  «donner un coup de pied dans la fourmilière puis s’en aller, prévient un spécialiste du dossier. Il faut inscrire l’action dans la durée, sinon le problème resurgira six mois plus tard». Selon le quotidien el-Khabar, un journal algérien bien informé sur les questions sécuritaires, les forces spéciales françaises entraà®neraient des militaires africains en Libye. «Ce n’est pas une information qui m’étonne. Les Français ont des intérêts dans la région, en Libye comme au Niger. Mais une intervention demande de la prudence et du doigté en raison de l’enchevêtrement d’acteurs aux alliances incertaines et de l’influence de puissances étrangères qui ont leur propre agenda», estime Liess Boukra, l’ex-directeur du CAERT, un centre d’étude du terrorisme basé à  Alger. L’Algérie, qui tient à  maintenir la pression terroriste hors de ses frontières – et si possible à  la repousser vers les pays d’Afrique subsaharienne -, refuse toute ingérence dans le Sahel. Cette position ne l’empêche pas d’entretenir des liens ambigus avec certains protagonistes de la crise, comme les islamistes touaregs d’Ansar Dine qui contrôlent Kidal, l’une des grandes villes du nord du Mali. «Il y a un côté trouble dans l’attitude d’Alger», déplore un diplomate français. Les Tchadiens en embuscade Le dispositif français pourrait être renforcé pour combler les lacunes de la Force africaine d’intervention. Le Niger a annoncé son intention de fournir des troupes et le Burkina Faso ainsi que le Sénégal pourraient le suivre. Des renforts venus du Tchad, un pays o๠la France dispose de bases militaires, pourraient participer activement à  l’opération. Mais les combattants tchadiens, aguerris au combat dans le désert, font peur à  leurs voisins en raison de leur réputation de soldats incontrôlables. De leur côté, les Maliens sont divisés et leur armée détruite. Or tout le monde sait que la Cédéao ne pourra guère jouer davantage qu’un «rôle tampon» dans cette affaire, selon les mots d’un diplomate. «Ses capacités militaires sont limitées. La Cédéao ne pourra jamais être en mesure de former le noyau dur de l’intervention.» Pour épauler les Africains, la Grande-Bretagne s’est rangée aux côtés de la France. Entre les deux pays, «la coopération est excellente», confie un officier. Les Allemands et les Polonais ont promis un soutien en matière de renseignement. Les Italiens et les Espagnols, leur concours politique. Les Russes ont assuré qu’ils ne bloqueraient pas le Conseil de sécurité de l’ONU pour une opération destinée à  lutter contre le terrorisme international. Les Chinois semblent partager ce point de vue. Quant aux Américains, ils ont offert leur soutien, en matière de renseignement notamment, tout en refusant le premier rôle. Plusieurs étapes, difficiles à  négocier, doivent encore être franchies avant le déclenchement de l’opération. Le président par intérim Dioncounda Traoré a demandé à  la Cédéao d’aider le Mali à  restaurer son intégrité territoriale. Il pourrait adresser la même demande à  New York le 26 septembre, à  l’occasion d’une conférence internationale qui se tiendra en marge de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU. Si les Maliens refusent tout déploiement de forces étrangères au Sud, Bamako a donné un discret feu vert à  la reconquête du Nord. Un émissaire spécial pour le Sahel va être nommé. Le nom du diplomate gabonais Jean Ping est évoqué. Son rôle serait d’associer l’Union africaine (UA) au dossier.

La France en quête d’une solution pour le Mali

Le sort des otages français aux mains d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) semble de plus en plus lié à  celui du Mali. Dans un communiqué publié mercredi soir, la nébuleuse terroriste a pour la première fois clairement menacé d’exécuter ses prisonniers enlevés il y a deux ans à  Arlit, au Niger, si une intervention militaire était mise sur pied pour tenter de remédier à  la crise qui secoue ce pays depuis six mois. Aqmi est l’un des principaux bénéficiaires du coup d’à‰tat du 22 mars, qui a vu la sécession du nord du pays désormais sous le contrôle de groupes armés qui lui sont apparentés. Les terroristes, s’ils se disent ouverts aux négociations en vue d’une libération, laissent aussi entendre que les captifs sont aussi des boucliers humains contre une éventuelle intervention qui viserait à  les priver de ce nouveau fief. L’à‰lysée assure «tout mettre en œuvre » pour obtenir une libération. Sous couvert d’anonymat, un officiel français assure que des négociations ne sont pas écartées. Mais Paris n’entend pas pour autant ralentir ses efforts pour mettre en place une opération militaire pour bouter les islamistes hors de la zone. «Le danger de voir l’émergence d’un Afghanistan au C’œur du Sahel, avec les risques que cela ferait peser sur les pays voisins, mais aussi sur la France, est trop grand », souligne le diplomate. Aussi le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a-t-il réaffirmé jeudi soir que la France apporterait bien son «soutien logistique» à  une éventuelle intervention militaire dans le nord du Mali. Reste que, pour la France, la question des otages n’est pas le seul obstacle à  surmonter avant de pouvoir envisager une solution militaire. Il faut aussi convaincre Bamako de se joindre aux efforts. Mais les autorités au pouvoir au Mali, très divisées, rechignent à  donner leur feu vert. Option armée «rapide» Jeudi, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a reçu le premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra. à€ l’issue de l’entretien, un porte-parole de la délégation malienne n’a pas levé les ambiguà¯tés. Tout en se disant favorables à  une option armée «rapide », les Maliens semblent néanmoins vouloir continuer à  privilégier la carte d’un dénouement pacifique. Ces contradictions laissent sceptiques sur les chances de voir émerger une solution lors de la réunion sur le Sahel, qui doit se tenir la semaine prochaine aux Nations unies. D’autant que le premier ministre est loin d’être le seul décisionnaire. Si cet ancien scientifique sans grande expérience politique apparaà®t comme le nouvel homme fort du pays, le président par intérim, Dioncounda Traoré, entend aussi jouer son rôle. Quant au capitaine Sanogo, le chef de la junte militaire officiellement dissoute, il ne cesse d’intervenir sur la scène politique. «La situation à  Bamako est devenue aussi inquiétante qu’au nord. Le pays navigue à  vue, car le pouvoir malien est une hydre à  trois têtes o๠chacun joue sa partition. Dès que l’on obtient l’accord de l’une des parties, les deux autres le contestent immédiatement », se lamente un dirigeant ouest-africain. Coincées dans un imbroglio qui les dépasse, les familles des otages essaient de ne pas perdre espoir. Marie-Line Bondu, la belle-mère de Pierre Legrand, l’un des otages, se refuse ainsi à  «baisser les bras ». «En ce qui concerne les négociations, nous n’avons pas de prise, les cartes sont dans les mains du gouvernement », dit-elle.

Nord-Mali: la Cédéao demande à Bamako de revoir sa copie

ABIDJAN – La Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a demandé à  Bamako de revoir sa copie pour remplir les conditions d’une intervention armée ouest-africaine dans le nord du Mali, contrôlé depuis cinq mois par des islamistes armés, a-t-on appris vendredi de source diplomatique. Les ministres ivoiriens des Affaires étrangères, Daniel Kablan Duncan, et de l’Intégration africaine, Ally Coulibaly, se sont rendus jeudi à  Bamako pour remettre au président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, la réponse à  la demande officielle d’aide qu’il a adressée début septembre à  la Cédéao. Deux des trois points évoqués par Bamako posent problème et ne permettent pas un accomplissement efficace d’une éventuelle intervention, selon des sources diplomatiques ouest-africaines. Dioncounda Traoré a expliqué clairement que le déploiement de forces militaires combattantes est sans objet à  Bamako, conformément au voeu de l’ex-junte militaire qui a renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré. Pour la Cédéao, les autorités maliennes doivent accepter le déploiement à  Bamako d’un minimum d’éléments, tant pour assurer la logistique de l’opération que pour sécuriser les institutions de transition, selon ces sources diplomatiques. Le président par intérim malien a aussi souligné qu’il ne veut pas que des troupes ouest-africaines combattent, mais qu’elles apportent un soutien logistique et aérien, ainsi qu’une participation au maintien de l’ordre, une fois les villes du Nord reconquises. De son côté, la Cédéao estime qu’une aide à  la formation de l’armée malienne et un appui logistique et aérien ne sont pas suffisants et que les troupes ouest-africaines ne doivent pas être confinées dans une position passive. Mercredi, le président du Burkina Faso Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne, avait estimé que les conditions de Bamako font qu’il est impossible pour la Cédéao aujourd’hui d’être de façon efficace sur le terrain. Le même jour, une source officielle à  Bamako avait déclaré à  l’AFP, sans vouloir être citée: Le Mali a besoin de l’aide de la communauté internationale mais pas de n’importe quelle aide. Cette source officielle malienne avait insisté sur la nécessité pour le Mali de faire ses propres choix: Si une intervention de troupes étrangères est nécessaire, nous voulons que les pays volontaires se manifestent et que le Mali choisisse les pays qui lui conviennent. C’est également à  nous de déterminer la durée du déploiement des troupes chez nous et o๠elles doivent être positionnées. La Cédéao, qui prépare depuis plusieurs mois le déploiement de 3.300 soldats au Mali, attend désormais une réponse du président Dioncounda Traoré. Si un accord est trouvé, elle transmettra à  l’Union africaine un projet de résolution qui devra ensuite être examiné et approuvé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Une conférence internationale sur le Sahel, présidée par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, est prévue le 26 septembre à  New York. Le Nord du Mali est contrôlé par des groupes proches d’Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi), qui y ont imposé la charia (loi islamique): un couple jugé illégitime a été lapidé à  mort, des hommes accusés de vol ont été amputés et les islamistes ont détruit des tombeaux de saints musulmans. (©AFP / 21 septembre 2012 13h14)

Otages au Mali: Paris pris dans le piège d’al-Qaida

Dimanche marquera l’anniversaire des deux années de captivités pour quatre hommes, quatre Français otages aux confins du désert malien d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Deux ans qui sonnent comme le symbole d’une certaine impuissance de la France à  endiguer l’expansion des idées djihadistes dans le Sahel. Car, depuis leur capture dans la nuit du 16 septembre 2010 à  Arlit, au Niger, o๠ils travaillaient pour la société Areva ou pour Sogea-Satom, peu d’avancées ont été enregistrées sur le sort et l’avenir de ces détenus. «On vit un enfer», raconte René Robert, le grand-père de l’un des séquestrés qui reconnaà®t «ne pas savoir grand-chose». Aqmi a pignon sur rue au Mali Pierre Legrand, Marc Ferret, Daniel Larribe et Thierry Dol sont aux mains d’Abou Zeid, un islamiste algérien, chef d’une des principales brigades d’Aqmi au Mali. «C’est un vrai intégriste, très décidé mais très versatile, ce qui ne facilite pas les choses», souligne un négociateur ouest-africain. La libération en février 2011 de Françoise, l’épouse de Daniel Larribe, et deux codétenus de nationalité togolaise et malgache pris eux aussi à  Arlit avait soulevé un peu d’espoir, vite douché. Les ravisseurs n’ont fait qu’espacer les nouvelles jusqu’au 8 septembre dernier et la diffusion par un site Internet mauritanien d’une vidéo. Ce film, datant du 29 août, montre les otages fatigués mais vivants. «C’est le signe que les négociations sont en ce moment bloquées», explique Mohammed Mahmoud Abou el-Maali, un journaliste mauritanien bon connaisseur de la nébuleuse islamiste. Pour lui, le fait qu’aucun ultimatum n’ait été posé est un «bon signe». Mais l’homme se garde de pousser plus loin l’analyse. Car ces derniers mois, la situation du Mali, et donc celle des otages, a radicalement changé. L’effondrement, fin mars 2012, du régime du président malien Amadou Toumani Touré puis l’irruption d’une rébellion au Nord a brouillé les cartes. «Cela gêne beaucoup la France dans les négociations. Les intermédiaires classiques, comme les Touaregs ou certains responsables maliens, ne sont plus efficaces», assure Abou el-Maali. Dans le même temps la puissance d’Aqmi s’est multipliée. à‰normité de la rançon demandée Les islamistes contrôlent maintenant directement ou au travers d’Ansar Dine et du Mouvement unicité et djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) tout le nord du pays et les villes de Gao, Kidal et Tombouctou, dont Aqmi a fait sa capitale. Le groupe qui ne comptait que quelques centaines de combattants peut maintenant disposer de plusieurs milliers d’hommes et d’un armement considérable. «Dans sa fuite l’armée malienne a abandonné un véritable arsenal. Les islamistes possèdent maintenant plus de matériel que le Burkina, le Niger et la Côte d’Ivoire réunis», assure-t-on dans l’entourage d’un dirigeant ouest-africain. Au final, Abou Zeid, l’ancien djihadiste traqué, s’est mué en un homme de poids. «Il a une adresse et un numéro de téléphone. Il faut cesser de le considérer comme un paria et négocier avec lui», affirme même un dirigeant arabe malien. Dans ce contexte, la diffusion de la vidéo a laissé perplexe. «Soit les gens d’Aqmi ont besoin d’argent pour financer leur extension, soit ils cherchent simplement à  replacer les otages dans le jeu médiatique pour faire pression sur le gouvernement français et s’en servir comme bouclier humain», explique un spécialiste. L’énormité de la rançon demandée, près de 100 millions d’euros, plaide pour la première hypothèse. Mais la France peut-elle payer, même une somme plus modeste, au moment o๠elle soutient l’option d’une intervention armée africaine contre Aqmi et ses alliés? Pour Paris, le dossier des otages maliens ressemble de plus en plus à  un piège.

Nord Mali : « le chien aboie, la caravane passe »

« Le chien aboie et la caravane » du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), allié d’Aqmi et les autres groupes islamistes tel Ansar dine, passe, en toute tranquillité et impunité ! Il leur arrive de rentrer en hibernation, se faire oublier par moment, en travaillant au rapprochement avec la population. Mais quand ça les prend, il ampute une main par-ci, donnent des coups de fouets par là Â… La dernière prouesse en date, C’’est l’interdiction aux radios de leur zone « d’occupation » de diffuser de la musique qu’ils qualifient de profane. Et « Ces fous de Dieu » n’ont pas du tout l’air de rigoler sur la question. Ils sont au sérieux et ne sont pas prêts de pardonner aux contrevenants. Leurs propos rapporter par des médias internationaux en disent long : « Nous, les moudjahidines de Gao, de Tombouctou et de Kidal, nous refusons désormais la diffusion de toute musique occidentale sur les radios en terre d’islam », a déclaré à  Oussama Ould Abdel Kader, un des porte-parole du MUJAO. Le fameux porte parole précise que l »interdiction prend effet « à  partir d’aujourd’hui (mercredi 22 août 2012). Nous avons déjà  parlé à  des gens qui ont des radios. Nous ne voulons plus de musique du Satan. Il faut à  la place les versets du Coran. La musique de l’Occident est la musique du Satan ». Avant de terminer que « La charia demande ça. Il faut faire ce que Dieu demande. On va appliquer la sanction de Dieu contre les contrevenants de la mesure visant une dizaine de radios privées ». Comme on le voit, les islamistes ne se montrent point préoccupés par ce qui se trame à  Bamako, capitale malienne. Ainsi, les questions de gouvernements d’union nationale, de l’organisation de journées nationale de concertation, de libération du Nord, ne les ébranlent absolument pas. Ils n’en ont que faire. Au contraire, ils posent des actes qui montrent qu’ils sont les maà®tres des lieux et qu’ils ne craignent personne. En effet, plus les jours passent, plus les islamistes imposent petit-à -petit leurs lois dans le Nord Mali, sans qu’il n’y ait de contre pouvoir réel pour s’y opposer, sauf quelques plaintes des défenseurs des droits de l’homme, des organisations internationales et sous régionales. Bamako même étant, pour le moment, imbriquer dans des contradictions internes, doublée de fierté nationale aveuglante. Au regard de cette situation, le MUJAO et ses acolytes n’ont-ils pas raison d’agir à  leur guise ? A vrai dire, jusqu’à  présent, aucune force ou organisation bien organisée ne semble imposante pour amener ces islamistes à  revoir leur copie. Les maliens de Bamako affirment fermement leur refus que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) intervienne militairement au Mali. A l’intérieur de la CEDEAO, elle-même, certains sont pour le dialogue et la concertation pour une sortie de crise au Mali (le Burkina Faso), d’autre sont pour une intervention. Dans cette situation de tergiversation, le président nigérian Goodluck Jonathan vient de lancer à  Dakar, au Sénégal, qu’une intervention militaire de l’Afrique de l’Ouest au Mali n’est pas à  exclure, si les négociations en cours venaient à  échouer. De façon claire, il a prévenue : « Je pense qu’à  travers les négociations, nous serons en mesure de résoudre cette crise. Nous n’avons pas forcément besoin d’une intervention militaire (…) mais si cela échoue, nous n’avons pas d’autre choix ». Ces propos vont-ils susciter un changement de direction chez les islamistes qui ont, pour le moment, les coudées franches pour agir comme ils le souhaitent ? Wait and see !

Diffusion d’une nouvelle vidéo des otages d’AQMI

Les trois hommes sont apparus ce mardi soir dans une vidéo dans laquelle ils ont appelé leurs gouvernements respectifs à  intervenir « rapidement et efficacement » pour les faire libérer. Dans la vidéo, diffusée sans le son, les trois hommes, présentés par Al-Jazeera comme étant Stephen Malcolm, un Britannique et Sud-africain, Johan Gustafson, un Suédois, et Sjaak Rijke, un Néerlandais, apparaissent assis sur des tapis dans le désert. Ils semblent être en bonne santé, vêtues de boubous, la tête entourée d’un turban et ayant la barbe fournie. Les otages demandent à  leurs pays mutuels à  engager des négociations rapides et efficaces avec leurs ravisseurs pour obtenir leur libération. Le 25 novembre 2011, les trois hommes avaient été enlevés à  Tombouctou et un quatrième, un Allemand, avait été tué en tentant de résister à  son enlèvement. Quelques heures auparavant, deux Français avaient été enlevés dans le nord du Mali. Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (AQMI), un groupe actif au Sahel, avait revendiqué ces cinq enlèvements. Un mois et demi plus tard, l’organisation terroriste avait menacé de tuer ses otages si la France et ses alliés tentaient une opération militaire pour les libérer. Selon AQMI, l’enlèvement des cinq Européens était une « réponse aux agressions répétées de la France contre les musulmans des pays du Sahel ».

GAO, KO debout!

En mars, les Touaregs s’installaient à  Gao avant d’en être chassés, trois mois plus tard, par les islamistes. Depuis, rares sont les journalistes qui ont pu s’y rendre. Reportage dans une cité à  moitié vidée de ses habitants, o๠les « barbus » font régner la loi. Gao n’est plus très loin. Le drapeau noir des salafistes flotte sur le barrage dressé au bord de la route. Le jeune qui nous arrête, mon chauffeur et moi, n’a pas plus de 14 ans. Il s’énerve en entendant la musique que crachote le vieil autoradio de notre véhicule. « C’est quoi, ça ? hurle-t-il en arabe. – Bob Marley. – Nous sommes en terre d’Islam et vous écoutez Bob Marley ? ! Nous sommes des djihadistes, nous ! Descendez de la voiture, nous allons régler ça avec la charia. » Un chapelet dans une main, un kalachnikov dans l’autre, il me rappelle ces enfants-soldats croisés vingt ans plus tôt en Sierra Leone… Les enfants sont souvent plus féroces que les adultes. Nous nous empressons de l’assurer de notre fidélité à  l’islam, avant d’être autorisés à  reprendre la route. Nouvelles recrues Quelques kilomètres plus loin, à  l’entrée de la ville, se dresse un nouveau barrage, tenu cette fois par un Algérien au teint clair – si clair que je le prends d’abord pour un Français. Il s’amuse de ma méprise. C’est une nouvelle recrue. Venus d’Algérie ou d’ailleurs, tous se retrouvent au commissariat de police, rebaptisé siège de la « police islamique » : Abdou est ivoirien ; Amadou, nigérien ; Abdoul, somalien ; El Hadj, sénégalais ; Omer, béninois ; Aly, guinéen ; Babo, gambien… Il y a là  toute l’internationale djihadiste ! Lunettes noires sur le nez, le bas du visage mangé par une barbe abondante, un Nigérian explique qu’il est un membre de la secte islamiste Boko Haram, responsable de nombreux attentats dans le nord de son pays. Il parle du Mali comme de la « terre promise », fustige l’Occident et les « mécréants », et jure qu’il est « prêt à  mourir, si c’est la volonté de Dieu ». Tous se pressent devant un homme de haute taille, Alioune. Originaire de Gao, c’est lui qui dirige la police islamique. Je n’ose pas lui rappeler que nous nous étions rencontrés il y a une dizaine d’années, quand il était encore un simple commerçant. Un talkie-walkie à  la main, il pose devant un véhicule qui appartenait autrefois à  la police malienne et qu’il a récupéré quand la ville est tombée entre les mains des islamistes, à  la fin du mois de mars. Alioune m’assure que l’on est les bienvenus « chez les musulmans » et explique qu’il tient à  ce que la sécurité règne dans sa ville. Oussama Les traces de la dernière bataille qui a opposé, fin juin, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et les djihadistes sont encore visibles. Les combats ont eu lieu près d’un bras du fleuve Niger, non loin du quartier général des rebelles touaregs. Les bâtiments qu’ils occupaient ont été criblés de balles. On m’explique que c’est Mokhtar Belmokhtar, l’un des principaux émirs d’Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi), qui a dirigé l’assaut contre les Touaregs. Depuis plusieurs semaines, il a pris ses quartiers dans la cité des Askia. Il s’y est installé avec son fils, prénommé Oussama, en hommage au défunt leader d’Al-Qaà¯da. La rue qui jouxte le commissariat accueille un marché bien achalandé : on y trouve, à  des prix raisonnables, des turbans, des chaussures, des tapis, des légumes, des oeufs… à€ quelques mètres de là  stationne un gros camion, immatriculé en Algérie et duquel sont déchargés (et vendus sur place) des épices, des fruits et divers produits alimentaires tout droit venus d’Algérie. En revanche, il n’y a plus de banque. Celles qui existaient avant la guerre ont été dévalisées, et l’argent devient de plus en plus rare. Pour les gens restés ici, pas d’autre moyen que de se faire envoyer des espèces par des parents installés dans le sud du Mali. Le procédé est souvent artisanal : on peut déposer à  Bamako, au siège d’une compagnie de transport qui fait la liaison avec le Nord, une somme d’argent en espèces qui sera reversée, moyennant une commission, à  son destinataire. Dans la ville, difficile d’étancher ma soif avec autre chose que de l’eau minérale. Tous les bars et les hôtels ont fermé. Même les Ghanéens, qui, au quartier 4, faisaient un tord-boyaux connu sous le nom de « toukoutou » ont décampé. Finalement, moyennant 2 500 F CFA (3,80 euros), je parviens à  mettre la main sur une canette de bière, importée clandestinement du Niger. Le soir, une relative fraà®cheur enveloppe Gao. Avant la guerre, 70 000 personnes vivaient ici. Depuis, près de la moitié des habitants ont fui. Personne pourtant ne regrette vraiment les combattants du MNLA, si souvent accusés de vols et de viols. Selon les organisations de défense des droits de l’homme, d’autres mouvements armés se sont rendus coupables des mêmes crimes, mais ce sont les Touaregs qui ont laissé les plus mauvais souvenirs. Voilée Même l’entrée de l’hôpital est gardée par des hommes armés. Devant moi, ils en interdisent l’entrée à  une femme qui se présente non voilée et l’obligent à  se couvrir la tête de son pagne. Ce matin-là , c’est l’heure de la pesée au service de pédiatrie. Le personnel soignant resté dans l’établissement est, pour l’essentiel, originaire de la région. Les enfants malnutris sont nombreux – 73 cas recensés en quelques heures grâce notamment au personnel local de l’ONG Action contre la faim (ACF) demeuré sur place. Ce 17 juillet, tout Gao commente l’annonce de la libération de trois Occidentaux (deux Espagnols et une Italienne) enlevés il y a neuf mois dans un camp du Front Polisario à  Rabouni, en territoire algérien. Le rapt avait été revendiqué par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), une branche dissidente d’Aqmi. Deux de ses chefs sont désormais installés dans la ville : Abdoul Hakim et Walid Abu Sahraoui. Le premier, le visage à  moitié dissimulé par une barbe noire, est l’émir de Gao. Il circule dans le véhicule du consul d’Algérie, enlevé avec plusieurs de ses collaborateurs en avril. Le second est le porte-parole du Mujao. Ils font, expliquent-ils, des allers-retours entre Gao et les camps du Polisario, et ce sont des Sahraouis qui composent le noyau dur du Mujao. Abdoul Hakim et Walid Abu Sahraoui ont tous deux une trentaine d’années et ne ressemblent pas à  des « fous de Dieu ». Ce dernier, pourtant, affirme être lié à  l’enlèvement des Occidentaux, en octobre, et dit avoir fait partie de la délégation à  laquelle une rançon de 15 millions d’euros aurait été versée en échange des otages. « En plus, ajoute-t-il fièrement, nous avons obtenu la libération d’un combattant du Mujao emprisonné en Mauritanie. » Poreux En théorie, le Mujao contrôle Gao, Aqmi règne sur Tombouctou et Kidal est entre les mains d’Ansar Eddine. Mais, sur le terrain, les groupes islamistes sont très poreux et les combattants circulent facilement de l’un à  l’autre. Un notable de la ville raconte qu’il a assisté à  une réunion à  laquelle participaient des représentants de groupes armés et un Belmokhtar « calme et modeste ». « Il a bien dit qu’il n’était pas là  pour nous imposer quoi que ce soit, mais pour composer. » à€ Gao, les écoles sont fermées. Il n’y a plus de représentants de l’administration officielle et c’est la police islamique qui délivre les laissez-passer (rédigés en arabe) nécessaires pour circuler dans la région. à€ lire aussi : « Aux armes les citoyens ! » Baba Ahmed, à  Bamako, raconte comment des centaines de jeunes maliens ont rejoint des milices qui veulent reconquérir le Nord. La charia, en revanche, n’est pas appliquée de manière aussi stricte qu’à  Tombouctou. « Les islamistes savent qu’il ne faut pas nous pousser à  bout, commente Douglas, un jeune du quartier 3. Ils en tiennent compte. » Comme beaucoup, il dit admi­rer ces hommes qui se sont pour l’instant montrés respectueux de la ville et de ses habitants. N’ont-ils pas, argumente mon interlocuteur, financé le nettoyage des caniveaux de la ville, alors que cela n’avait pas été fait depuis quinze ans ? Ici, chaque quartier attend son tour pour être alimenté en eau et en électricité, et, encore une fois, ce sont les islamistes qui fournissent le gazole qui fait tourner les groupes électrogènes, tout comme ce sont eux qui assurent la sécurité des transports au départ et à  destination de Gao. Une seule station d’essence est encore ouverte, et, après quelques hésitations, le pompiste avoue que le carburant vient d’Algérie. Plus loin, sur un terrain de foot improvisé, des gamins courent après un ballon. Les joueurs de la première équipe se sont surnommés « les envahisseurs ». Les seconds se font appeler « les défenseurs de la République ». Deux buts à  zéro en faveur des « envahisseurs »… Le match est terminé.

La loi salafiste menace le Sahel

Il y a eu d’abord l’interdiction de l’alcool, la fermeture des bars, l’obligation signifiée aux femmes de se voiler. Le stade suivant a été le pillage des maisons des chrétiens et la destruction de mausolées et de lieux saints historiques de l’islam à  Tombouctou. Puis des réfugiés ont fait état de châtiments physiques pour violation de la loi islamique. Dimanche 29 juillet, à  l’aube, les salafistes qui règnent sur le nord du Mali depuis avril ont franchi un palier particulièrement révoltant dans l’application forcenée de la charia : un couple a été lapidé pour avoir eu des enfants hors mariage. L’homme et la femme, parents d’un bébé de 6 mois, ont été amenés dans un lieu à  20 km de la petite ville d’Aguelhok. Enterrés jusqu’au cou, ils sont morts rapidement sous les jets de pierres, après avoir poussé quelques cris, selon les témoins qui ont fait le récit de l’exécution publique par téléphone à  l’AFP et au New York Times. Cette zone désertique du nord du Mali, plus grande que la France, est fermée aux journalistes depuis que les groupes armés salafistes, le groupe malien Ansar Eddine et Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), ont pris Tombouctou et Gao. Une situation extrêmement dangereuse est en train de s’installer dans le nord du Mali. Ce drame dépasse la tragédie des populations de la région, poussées à  l’exode par la brutalité des nouveaux maà®tres des lieux. Il déstabilise les pays du Sahel, dont des diplomates évoquent déjà  un « Afghanistan de l’Afrique de l’Ouest » ; selon le président du Niger, le groupe radical Boko Haram, du Nigeria, est désormais présent aussi dans le nord du Mali. Les intérêts occidentaux dans la région sont également menacés. Six Français, enlevés au Niger et au Mali, sont détenus en otage par AQMI et le nord du Mali risque de se transformer en base arrière pour des opérations terroristes contre les pays européens. Le Mali, qui se relève avec peine d’un coup d’Etat militaire mené en mars à  la suite, précisément, des poussées sécessionnistes du nord du pays, ne peut faire face seul à  cette situation. Une solution envisagée par les diplomates pour l’aider à  recouvrer l’intégrité de son territoire implique la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Celle-ci attend une demande formelle de Bamako pour, à  son tour, saisir le Conseil de sécurité de l’ONU d’une demande d’assistance au gouvernement malien, dont la souveraineté est défiée. Dans ce cas de figure, les pays de la Cedeao ne seraient sans doute pas en mesure de mettre sur pied, seuls, une force susceptible de reconquérir le nord du Mali. D’autres pays occidentaux, mais aussi l’Algérie voisine, doivent alors être prêts à  leur fournir une assistance matérielle, logistique, aérienne ou dans le domaine du renseignement, le tout dans le cadre d’un mandat de l’ONU. Le retour du président par intérim Dioncounda Traoré à  Bamako, fin juillet, ouvre la voie à  un tel scénario. Il y a urgence. Sur le terrain, la situation se dégrade rapidement, beaucoup plus rapidement que n’évolue la politique, à  Bamako, Alger ou New York.

MNLA, tout ça pour ça ?

Le 17 janvier restera dans l’histoire du Mali comme une date funeste. Elle a été suivie de beaucoup d’autres, le 22 mars, le 30 mars, le 21 mai, le 1er juillet. Toutes correspondent à  des événements dont l’éventualité, il y a à  peine un an, n’aura pas effleurer l’esprit de la majorité des maliens. En se lançant dans la guerre « pour l’indépendance de l’Azawad », les touareg, qui se sont régulièrement révoltés contre l’autorité de Bamako, ont franchi un cap supplémentaire. Cette fois-ci, ils sont arrivés armés, avec dans leurs bagages des amis forts encombrants. Des alliés multi-azimuts, avec un seul point commun, l’extrémisme religieux. Leur armement abondant et sophistiqué a permis une véritable blitzkrieg (guerre éclair), provoquant la débandade dans les rangs de l’armée et le désarroi des populations. 100 jours après, plus de MNLA! Si au départ, la convergence des intérêts avait semblé unir le Mouvement National de Libération de l’Azawad et ses alliés, très vite le ménage à  plusieurs n’a plus été possible. Les exactions auxquelles se livraient les indépendantistes, leur combat médiatique et le soutien évident des puissances occidentales, n’étaient pas du gout de leurs amis circonstanciels. Ceux-ci ont tôt fait, dès le mois d’avril de se démarquer et de préciser qu’ils reconnaissaient bel et bien le Mali uni mais entreprenaient d’y faire régner la charia. A quoi pensait le MNLA en ce moment là  ? A sa survie, très certainement, puisqu’il n’a pas cessé de faire des appels du pied aux islamistes au point d’annoncer une fusion entre tous les groupes armés en présence au Nord. Mais voilà , après plus de trois mois d’occupation des régions du nord, les massacres, les pillages et les viols, les assassinats et la répression des jeunes… Après tout cela, le MNLA a, à  son tour, effectué, « un repli stratégique ». Depuis ce mercredi 11 juillet, ils n’ont plus le contrôle d’aucun hameau de leur territoire de l’ «Azawad». Qui tue par l’épée, périt par l’épée…Même s’ils crient qu’ils sont toujours dans la course, il est clair aujourd’hui que Kidal, Gao et Tombouctou ont changé de maà®tres. Le cheval de Troie Tout ça pour ça ? C’’est bien la question qu’il faudrait leur poser. A quoi cela aura alors servi de venir mettre leurs frères maliens, avec qui ils auront vécu, difficilement peut-être, mais tout de même, pendant des siècles ? Pourquoi avoir permis que l’histoire retienne leurs noms, Iyag Ag Ali et consorts, comme les fossoyeurs du Grand Mali ? Ces interrogations leur ouvriront peut-être les yeux. Pour qu’ils comprennent que rentrer par la petite porte dans l’histoire est tout aussi négatif que d’en sortir par la fenêtre. A cause d’eux, aujourd’hui 2/3 du Mali est en proie à  des hommes qui ne vont pas s’y limiter. Ils l’ont dit et ils en ont les moyens. Surtout qu’à  Bamako, C’’est le gouvernement d’union nationale qui intéresse plus qu’autre chose. Les amis du MNLA, vous avez mis vos frères dans la situation la plus difficile de leur histoire. Vos frères touareg, parce que quand la haine s’élance, il est difficile de l’arrêter et aujourd’hui les maliens ne sont pas fous d’amour pour eux. Vos frères maliens qui, mis face à  leur responsabilité, n’oublieront certainement pas la votre. Maintenant, posez-vous cette question ? Pourquoi vous ont-ils aidé, si C’’est pour vous jeter dehors à  la première occasion ? Avez-vous compris qu’ils se sont servis de vous ? Que vous avez été leur « cheval de Troie » ?

Mali : une nouvelle donne régionale après l’échec de la rébellion touarègue du MNLA

Né fin 2011, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) était pourtant considéré comme le grand bénéficiaire du coup d’Etat militaire du 22 mars contre le régime d’Amadou Toumani Touré. Il se présentait lui-même comme un « rempart » contre Al-Qaà¯da au Maghreb (Aqmi), cherchant à  s’attirer les sympathies d’un Occident inquiet face à  la menace terroriste. Comment ce mouvement d’enfants du pays, héritiers d’une longue tradition de luttes indépendantistes, a-t-il pu être chassé de ses terres en quelques mois, jusqu’à  la déroute cinglante de jeudi avec la chute de son quartier général de Gao Le chercheur Pierre Boilley, directeur du Centre d’études des mondes africains (Cémaf) à  Paris, avance plusieurs explications, dont « l’existence de courants antagonistes au sein du MNLA » et l’incapacité des touareg à  fédérer « l’ensemble des populations du nord, notamment les arabes et les songha௠». « La crise en Libye, qui a fourni hommes et armes aux factions armées du Nord-Mali (MNLA comme islamistes), a précipité le déclenchement de la rébellion sans que le projet du MNLA pour un Etat indépendant au Nord soit très abouti », ajoute-t-il. Pour l’islamologue Mathieu Guidère, les combattants du MNLA « se sont démobilisés après la prise des grandes villes » alors que les islamistes locaux d’Ansar Dine, commandés par le charismatique leader touareg Iyad Ag Ghaly, « ont labouré le terrain, restauré l’ordre dans les villes, rassuré les commerçants ». Et Ansar Dine, relèvent les chercheurs, a continué « à  revevoir un soutien logistique et financier », notamment de personnalités en Arabie Saoudite et en Algérie, alors que le MNLA s’isolait par sa déclaration unilatérale d’indépendance de l’Azawad. « Les islamistes du Nord-Mali ont reconnu Iyad Ag Ghaly comme le maà®tre du territoire » La situation est aujourd’hui « plus claire au nord qu’au sud du Mali. Le Nord est clairement contrôlé par des islamistes, avec un groupe dominant qui est Ansar Dine », affirme Mathieu Guidère. « Avec Aqmi et Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, groupe dissident d’Aqmi), ils se sont mis d’accord il y a deux mois sur une plateforme commune, pour l’instauration d’un Etat islamique au Nord-Mali », dit-il. L’islamologue explique que les liens hierarchiques entre eux sont très codifiés: « les islamistes du Nord-Mali ont reconnu Iyad Ag Ghaly comme le maà®tre du territoire. Ce qui signifie que les responsables d’Aqmi comme Mokhtar Belmokhtar ou Abou Zeid ont fait allégeance à  Ghaly ». Pour le spécialiste des mouvements islamistes Dominique Thomas, de l’Ecole pratique des hautes études en sciences sociales (EHESS), « Aqmi a effectivement trouvé un sanctuaire dans la zone controlée par Ansar Dine ». Mais il souligne que les membres d’Aqmi « sont eux-mêmes implantés depuis des années, ont noué des liens avec les habitants à  travers leurs trafics et des mariages ». Nouvelle donne Face à  cette « nouvelle donne », la communauté internationale est hésitante. Réunis vendredi à  Yamoussoukro, les dirigeants d’Afrique de l’Ouest ont à  nouveau exhorté le conseil de sécurité de l’ONU à  autoriser l’envoi d’une force au Mali. Mais ils ont aussi réitéré leur préférence pour la négociation. Les Etats-Unis, qui emboitent généralement le pas à  la France sur ce dossier, ont aussitôt mis en garde contre une « entreprise très lourde ». A Paris, on attend des Etats africains qu’ils définissent clairement le cadre et les objectifs d’une telle intervention. Les experts relèvent aussi les divisions régionales, l’Algérie étant tradionnellement très hostile à  toute intervention, contrairement au Nigeria ou à  la Côte d’Ivoire, et jugent qu’une intervention militaire est très risquée. Elle serait vécue au Nord « comme une occupation par des troupes étrangères » et au Sud comme « une sorte de mise sous tutelle », relève Mathieu Guidère. « Si Ansar Dine est vaincu, les islamistes vont rejoindre Aqmi. Cela ne fera que gonfler les rangs d’Aqmi de façon terrifiante », estime-t-il. Reste aussi « une inconnue », pour Pierre Boilley: « la capacité ou pas du MNLA de préparer une contre-offensive ».

A Tombouctou, les islamistes détruisent les mausolées musulmans

Des islamistes d’Ansar Dine, un des groupes armés contrôlant le nord du Mali, ont démoli samedi 30 juin plusieurs mausolées de saints musulmans à  Tombouctou, en représailles à  la récente décision de l’Unesco de classer cette ville mythique patrimoine mondial en péril. L’objectif affiché par Sanda Ould Boumama, porte-parole d’Ansar Dine à  Tombouctou, est de détruire tous les mausolées de la ville, « sans exception ». Samedi, au moins trois mausolées avaient d’ores et déjà  été détruits à  coups de pioches, de houes et de burins, aux cris de « Allah akbar ! » (« Dieu est grand! »), ont rapporté des témoins. Le premier sanctuaire visé a été celui de Sidi Mahmoud, dans le nord de la ville, qui avait déjà  été profané début mai par des membres d’Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi), un allié d’Ansar Dine, ont raconté des habitants joints depuis la capitale, certains sous le choc. « Aujourd’hui, au moment o๠je vous parle, les islamistes d’Ansar Dine ont fini de détruire le mausolée du saint Sidi Mahmoud. Ils ont cassé (et) fait tomber le mur » de clôture du site, « c’est très grave », a déclaré en pleurant un des témoins. Les islamistes se ont ensuite attaqué tour-à -tour aux mausolées de Sidi Moctar, dans l’est de la ville, puis celui d’Alpha Moya, qui ont tous deux été détruits. « NOUS, NOUS SOMMES MUSULMANS. L’UNESCO, C’EST QUOI ? » Ce projet de destruction totale des mausolées est une réponse à  la décision de l’Unesco, annoncée jeudi, de placer Tombouctou, depuis 1988 au patrimoine mondial de l’humanité, sur la liste du patrimoine en péril, d’après le porte-parole d’Ansar Dine. « Dieu, il est unique. Tout ça, c’est ‘haram’ (interdit en islam). Nous, nous sommes musulmans. L’Unesco, c’est quoi ? », a-t-il dit, ajoutant que Ansar Dine réagissait « au nom de Dieu ». Selon le site Internet de l’Unesco, Tombouctou compte « 16 cimetières et mausolées qui étaient des composantes essentielles du système religieux dans la mesure oà¹, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers ». Fondée entre le XIe et le XIIe siècles par des tribus touareg, et surnommée notamment « la cité des 333 saints », elle a été un grand centre intellectuel de l’islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes. Tombouctou est également célèbre pour ses dizaines de milliers de manuscrits, dont certains remontent au XIIe siècle, et d’autres de l’ère pré-islamique. Ils sont pour la plupart détenus comme des trésors par les grandes familles de la ville. Environ de 30 000 de ces manuscrits qui étaient conservés dans un institut gouvernemental ont été déplacés et « sécurisés » ailleurs, après le saccage de lieux par des islamistes en avril, d’après des bibliothécaires. En annonçant jeudi sa décision de placer la cité sur la liste du patrimoine mondial en péril, de même qu’un site historique de Gao (nord-est), l’Unesco avait alerté la communauté internationale sur les dangers qui pèsent sur la cité. « Nous venons juste d’apprendre la nouvelle tragique des dégâts sans raison causés au mausolée de Sidi Mahmoud, dans le nord du Mali », a déclaré Alissandra Cummins, présidente de l’Unesco, dans un communiqué, appelant toutes les parties impliquées dans le conflit à  Tombouctou à  « exercer leurs responsabilités ». En plus de Tombouctou (nord-ouest), Gao et Kidal (nord-est), les trois régions formant le Nord, sont sous le contrôle des islamistes divers groupes armés qui ont profité de la confusion créée à  Bamako par un d’Etat militaire le 22 mars. La démolition des mausolées de Tombouctou par les islamistes rappelle le sort d’autres ouvrages du patrimoine mondial, dont les Bouddhas de Bamyan, dans le centre de l’Afghanistan, détruits en mars 2001 par les talibans et leurs alliés d’Al-Qaà¯da. En Afrique de l’Est, les islamistes somaliens shebab ont détruit de nombreux mausolées de mystiques soufis dont la mémoire était vénérée par les populations locales. TERGIVERSATIONS SUR L’ENVOI D’UNE FORCE Rà‰GIONALE L’Afrique de l’Ouest a appelé vendredi le Conseil de sécurité de l’ONU à  « accélérer » en vue de l’adoption d’une résolution autorisant l’envoi d’une force régionale au Mali contre les groupes armés, surtout islamistes, qui contrôlent le Nord. La Cédéao prépare depuis plusieurs semaines l’envoi éventuel d’une force dans le pays, dont l’effectif est actuellement fixé à  quelque 3 300 hommes. Mais elle a besoin, avec l’Union africaine (UA), d’un soutien international à  une telle opération, et d’un appui notamment logistique des Etats-Unis et de la France. Un premier projet a été jugé beaucoup trop imprécis au Conseil de sécurité de l’ONU, et la Cédéao revoit sa copie. Les Etats-Unis ont d’ailleurs adressé vendredi une mise en garde contre une « entreprise très lourde pour la Cédéao », qui devrait être « préparée très soigneusement et disposer de ressources en conséquence ». Les chefs d’Etat de la Cédéao ont réaffirmé leur préférence pour la négociation – confiée au président burkinabè et médiateur Blaise Compaoré – mais réitéré leur choix d’une intervention armée si nécessaire.

Mali: la médiation poursuit ses discussions avec les islamistes d’Ansar Dine

« Nous poursuivons les échanges avec eux pour mieux leur expliquer notre position et celle de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédeao) », a indiqué à  l’AFP un proche de M. Compaoré venu retrouver la délégation dans un grand hôtel de la capitale. A l’issue d’une rencontre lundi avec M. Compaoré, médiateur de la Cédéao, la délégation d’Ansar Dine avait annoncé accepter la médiation du président burkinabè qui, de son côté, a appelé ce groupe à  rompre avec les « terroristes » d’Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi), ses grands alliés dans le Nord malien. « Nous demandons au monde de nous comprendre, (. . . ) nous nous battons au nom d’Allah. Nous, on n’est pas Al-Qaà¯da. L’islam interdit de prendre quelqu’un en otage » ou de prendre « l’argent de la rançon d’un otage », a assuré à  l’AFP Cheick Ag Wissa, porte-parole de la délégation islamiste. Une délégation du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), la rébellion touareg supplantée dans le nord du Mali par les islamistes, se trouve aussi à  Ouagadougou. Des envoyés du MNLA, mouvement d’idéologie sécessionniste et laà¯que, avaient rencontré M. Compaoré le 9 juin. « Rien ne peut sortir de nos discussions tant qu’Ansar Dine réclame l’application de la charia (loi islamique) et le jihad (guerre sainte) », a affirmé à  l’AFP Magdi Ag Bohada, responsable du MNLA à  Gao, une grande ville du Nord malien. Il a ajouté que son groupe avait « confiance » dans le Burkina Faso mais non dans les autorités maliennes. La médiation souhaite arriver à  un « agenda global de sortie de crise » qui se concluerait par des négociations entre groupes armés occupant le Nord malien depuis fin mars, communautés de la région et autorités de Bamako. Pendant ce temps, la Cédéao prépare l’envoi éventuel d’une force de quelque 3. 300 hommes au Mali. La France a dit mardi s’attendre à  une décision rapide du Conseil de sécurité de l’ONU soutenant ce projet de l’Union africaine et de la Cédéao.

Que peut-on vraiment négocier avec les islamistes d’Ansar Dine?

Des émissaires du groupe islamiste Ansar Dine (…) à  Ouagadougou. Même si aucune confirmation officielle n’en a été donnée, on se demande bien pourquoi cette frange de la rébellion du Nord-Mali a choisi de sortir maintenant du bois, au lendemain même de la rencontre des chefs d’états-majors de la Cédéao à  Abidjan. Ansar Dine se sentirait-il menacé et isolé, au point de devoir se déplacer à  Ouagadougou pour négocier, étant donné la probabilité d’un conflit sous-régional? Peu d’informations ont filtré quant à  la composition de la délégation des islamistes. Encore moins sur la durée du séjour et sur un éventuel entretien avec le président Blaise Compaoré, médiateur officiel de la Cédéao dans la résolution de la crise malienne. Des interlocuteurs infréquentables On ignore ce que veulent bien les islamistes qui occupent illégalement la partie septentrionale du Mali et actionnent la machine de la charia sur ce territoire. Le groupe Ansar Dine exerce de multiples exactions et brimades sur des groupes de populations vulnérables dont les femmes et les jeunes. Outre la répression, on lui reproche d’être à  l’origine de l’introduction, dans la sous-région, d’individus peu recommandables comme les narcotrafiquants et des terroristes venus de pays étrangers au continent. Cette complicité, ajoutée à  la mise en application aveugle de la charia, a sérieusement contribué à  discréditer l’organisation d’Ansar Dine aux yeux des masses ouest-africaines. Celles-ci, très religieuses, sont soucieuses du respect de leurs traditions et des valeurs humaines que véhiculent leurs cultures depuis des temps immémoriaux. Mais pourquoi recevoir ce groupe jugé non recommandable et aujourd’hui en apparence soucieux de mieux se faire connaà®tre? Il a toujours été dit que la porte du dialogue reste ouverte. Aussi ne doit-on pas exclure de les recevoir, au nom de la paix et de la culture démocratique. Même si eux savent bander du muscle et sortir des griffes. Il faut les recevoir en espérant qu’ils seront prêts à  s’amender. Car, eux et leurs alliés méritent d’être jugés par la Cour pénale internationale (CPI), pour les actes posés. De fait, de quels droits un groupe d’individus non élus peut-il s’approprier des préceptes religieux pour soumettre des groupes de populations paisibles, dans un pays souverain, reconnu au plan international comme étant une République indivisible, laà¯que et ayant choisi de vivre en démocratie? Quelles sont les raisons de ces pourparlers? Pour l’exemple, en aucun cas cette agression des institutions républicaines ne devra rester impunie. Ansar Dine et autres doivent comprendre qu’il leur sera très difficile de convaincre l’opinion ouest-africaine du bien-fondé de l’Islam dont ils sont promoteurs. Encore moins lorsqu’ils s’acoquinent avec des sécessionnistes! Par leurs pratiques, ils ne feront que du tort à  cette religion qui a trop souffert de l’égarement de certains prétentieux. N’empêche, il faut les recevoir tout en demeurant vigilant. C’’est pourquoi une foule de questions taraudent les esprits. Qui est donc à  l’initiative d’une telle rencontre? Ansar Dine? Le médiateur, de façon unilatérale? s’il s’agit d’une initiative du médiateur, à  quel jeu jouerait-il? A moins qu’il n’y ait eu concertation entre la médiation et la Cédéao. On se rappelle, l’organisation sous régionale avait recommandé de négocier avec tous les groupes rebelles, à  l’exclusion des organisations terroristes dont celles d’Ansar Dine. Pourquoi donc le Burkina Faso a-t-il accepté de recevoir les islamistes qui sèment la terreur dans le Nord-Mali ? En le recevant à  Ouagadougou, le médiateur se sentirait-il redevable après le rôle joué par Ansar Dine dans la libération d’une otage suisse il y a quelques mois? Ansar Dine serait-il devenu fréquentable et partenaire au point d’envisager des actions similaires? En tout cas, ce mouvement doit en savoir beaucoup sur la situation des otages français au Mali. Il détient de ce fait une arme entre les mains. Une donne que n’ignore pas le médiateur… La stratégie de l’usure Ansar Dine cherche aussi à  miser sur le temps. Tout en donnant l’air de vouloir négocier, le groupe pourrait en même temps fourbir les armes. Car, il doit se rendre à  l’évidence: par ses pratiques anachroniques, il s’est fait aujourd’hui plus d’ennemis que d’amis en Afrique de l’Ouest. Chercher par ces temps-ci à  se repositionner semble bien trop tard. En tout cas, ses tentatives de négociations semblent plutôt viser à  déstabiliser la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) déjà  sur le sentier de la guerre. Ansar Dine voudrait brouiller les cartes, confondre le médiateur et la Cédéao qu’il n’aurait pas mieux fait. Et qu’en dira la partie des officiels maliens? Dans tout ce méli-mélo, le principal intéressé, le gouvernement malien, semble aujourd’hui répondre aux abonnés absents. Son silence, surtout le temps qu’il prend à  demander officiellement assistance en vue de reconquérir le territoire perdu, n’est assurément pas de nature à  faciliter la tâche à  la Cédéao. l’organisation sous-régionale qui a entrepris des démarches auprès du Conseil de sécurité des Nations unies attend toujours le feu vert des autorités maliennes pour venir les épauler. Dans cette attente, qu’attendre des autres composantes de la rébellion? Recevoir Ansar Dine peut bien paraà®tre comme un élément de motivation et d’encouragement à  venir négocier. Après Ansar Dine, il ne reste plus qu’Aqmi à  venir voir le médiateur! Le Pays

Mali : l’Afrique de l’Ouest envisage d’envoyer une force de 3 300 hommes

« L’effectif que nous avons estimé pour cette opération est de 3.270 hommes », a déclaré devant la presse le général Soumaà¯la Bakayoko, chef de l’armée ivoirienne. Les « gros effectifs » seront « fournis par le Nigeria, le Sénégal, le Niger » mais « tout le monde participera, y compris la Côte d’Ivoire », a-t-il ajouté. Il s’exprimait à  l’issue d’une réunion de plusieurs chefs d’état-major de pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), actuellement présidée par la Côte d’Ivoire, sur la force d’intervention que la région prévoit d’envoyer au Mali. La réunion d’Abidjan est intervenue alors que le Conseil de sécurité de l’ONU s’est abstenu par deux fois cette semaine d’apporter son soutien au projet de force d’intervention au Mali présenté par l’Union africaine (UA) et la Cedeao, le jugeant notamment trop imprécis. « Dès la semaine prochaine », des éléments de l’état-major de la Cedeao « iront à  Bamako travailler avec leurs camarades de l’armée du Mali pour voir les modalités pratiques » de l’envoi de la force, a ajouté le général Bakayoko. Engager la « reconquête » du Nord-Mali La « dernière planification » de l’opération aura lieu à  Bamako, a-t-il précisé, soulignant que le chef d’état-major du Mali, présent à  la rencontre, « a montré la volonté de l’armée malienne d’accueillir » cette force, qui devrait intervenir en soutien à  l’armée régulière. Le Mali a insisté jusque-là  sur le fait que tout éventuel déploiement d’une force ouest-africaine devait se faire à  sa demande. La réunion d’Abidjan devait servir à  valider le « concept d’opération » élaboré ces trois derniers jours dans la capitale économique ivoirienne par les militaires de la Cedeao, assistés d’experts de l’ONU, de l’UA et des Etats-Unis, entre autres. La force ouest-africaine servirait à  « stabiliser et consolider » les institutions de transition à  Bamako et, aux côtés de l’armée malienne, à  « engager la reconquête du Nord-Mali », contrôlé depuis fin mars par des rebelles touareg et des islamistes armés, avait expliqué le général Bakayoko à  l’ouverture. Il n’y aura de recours à  la force qu’« en dernier ressort, après épuisement de toutes les voies de dialogue », avait-il insisté. Le chef d’état-major de l’armée malienne, le colonel-major Ibrahima Dahirou Dembélé, a cependant jugé devant la presse « très difficile » que la situation au nord se dénoue « sans une solution militaire ». « Même s’il y a négociation, je ne compte pas beaucoup sur (la) bonne foi » des groupes armés, a-t-il souligné. Compaoré doit recevoir Ansar Eddine Le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur de la Cedeao, a engagé des discussions avec la rébellion touareg et devrait recevoir dimanche le groupe islamiste Ansar Eddine. Le président du Niger Mahamadou Issoufou a appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à  ne pas « s’éterniser dans des débats sans fin », faisant valoir que « les jihadistes sont en train de se renforcer », dans une interview au Journal du Dimanche. Dans la foulée d’un putsch le 22 mars à  Bamako, l’immense région désertique du nord du Mali est tombée aux mains du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, rébellion touareg) et surtout d’Ansar Dine et de son allié jihadiste Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi).

Que pensent les Maliens d’une intervention étrangère au nord ?

« Nous voulons retrouver notre dignité, notre honneur et notre souveraineté. Personne ne doit faire la guerre à  notre place. Nous avons des troupes capables de chasser les envahisseurs au nord. Seuls les armements nous manquent », témoigne Ousmane Dicko, médecin à  Bamako. «Â Le premier ministre a vite compris que la résolution de ce problème passe par le dialogue et non par les armes ». «Â s’opposer à  l’intervention au nord, C’’est être l’ennemi du Mali » Yacouba Maiga, ressortissant du nord estime lui que «Â toute personne qui s’oppose à  l’intervention de la force étrangère au Mali pour libérer les régions du nord est l’ennemi du Mali : « Je suis venu de Gao il y’a deux semaines, mes frères qui sont là -bas ne veulent plus de condamnations mais qu’on libère le nord des mains des envahisseurs qui tuent, violent et pillent. D’autres sont plus virulents sur l’absence de réaction du gouvernement :  » Cheick Modibo Diarra constitue le véritable blocage pour l’intervention de la force internationale. Parce qu’il agit sous les ordres du capitaine Amadou Haya Sanogo qui rejette toute intervention militaire de la CEDEAO. Ils veulent cacher l’incapacité de nos militaires à  faire face à  l’ennemi » tempête Boucary Diarisso, professeur de français « Les maliens doivent avaler leur fierté et laisser la communauté internationale nous aider. On n’a pas besoin d’en faire la demande. Les Maliens sont humiliés au nord et l’intervention doit être immédiate. Nos militaires ont peur de se battre contre les rebelles », renchérit Mohamed Sangaré, huissier. Pour Nouhoum Coulibaly, garagiste à  la zone industrielle : « La guerre demande des moyens. Si nos militaires doivent aller au front, on peut se passer de la force internationale ». « La CEDEAO bluffe » Pour Djibril Sacko, informaticien , l’intervention de la CEDEAO tarde à  se matérialiser : « Je ne crois plus en l’action de la CEDEAO. On nous a tympanisé avec alors qu’aucun signal n’est visible. D’ailleurs, pourquoi mettre cette intervention entre les mains du gouvernement ? Le dialogue a assez duré ! » Enfin de compte, il faut agir et vite, estime Ramata Keita, historienne « Aujourd’hui, le Mali n’a plus de choix, l’intervention de la CEDEAO s’impose car le problème dépasse les frontières maliennes avec l’implantation des islamistes dans la région. Le Mali n’est qu’un maillon dans ce conflit qui implique les voisins directs que sont le Niger, la Mauritanie et l’Algérie.

Mali: le président intérimaire Traoré reçu à Paris par Laurent Fabius

PARIS — Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, s’est entretenu jeudi avec le président intérimaire malien, Dioncounda Traoré, sur la situation dans le nord du Mali et la transition dans ce pays. MM. Fabius et Traoré « se sont entretenus de la situation au Mali, notamment des moyens de stabiliser et de sécuriser la transition à  Bamako ainsi que de la situation qui prévaut au nord du pays », a déclaré le ministère des Affaires étrangères français dans un communiqué. « Les efforts de la CEDEAO, la mobilisation de l’Union africaine, en particulier la saisine par celle-ci du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pour aider le Mali à  surmonter la crise, ont été discutés », a-t-il ajouté. « Alors que l’aide bilatérale de la France comme celle de l’Union européenne ont été suspendues suite au coup d’Etat du 22 mars dernier, le ministre a soulevé la question des conditions et des modalités d’une reprise future de l’aide internationale », a souligné le ministère. Laurent Fabius doit aussi recevoir vendredi le Premier ministre malien par intérim, Cheikh Modibo Diarra, en visite en France. Le président Dioncounda Traoré se trouve depuis le 24 mai en France pour des examens médicaux, après avoir été frappé et blessé le 21 mai dans son bureau à  Bamako par des manifestants hostiles à  son maintien au pouvoir. Il doit conduire la transition pour une durée d’un an, après un coup d’Etat militaire le 22 mars. Ce putsch qui a renversé le président Amadou Toumani Touré a précipité la chute de l’immense région désertique du Nord Mali aux mains du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, rébellion touareg) et surtout du mouvement islamiste Ansar Dine et de son allié Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi).

Mali : la prochaine guerre

Pendant que le Conseil de sécurité de l’ONU n’arrive pas à  s’entendre sur le dossier syrien, il pourrait dans le même temps décider rapidement d’une intervention au Mali. Inquiet de l’installation de « troupes terroristes » dans le nord du pays, François Hollande a garanti, lundi, le soutien de la France à  une opération militaire de la Communauté économique des à‰tats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), sous l’égide de l’ONU. « Si une intervention est décidée, c’est aux Africains de la mener, la France comme d’autres puissances se mettant au service des Nations unies », a précisé le président français. « François Hollande se montre particulièrement prudent sur la question », note Antoine Glaser (1). « L’Algérie, principal partenaire dans la région, ne veut pas entendre parler de forces françaises à  ses frontières, d’autant plus que la constitution algérienne lui interdit d’intervenir chez ses voisins », ajoute le spécialiste de l’Afrique. On se souvient, de la même manière, que l’Union africaine s’était fermement opposée à  une action de l’Otan en Libye, avec le résultat que l’on connaà®t. Mais dans le cas du Sahel, l’adversaire comme le terrain demeurent autrement plus instables. L’enfer du Sahara Dans l’enfer du Sahara, un soutien international, tout du moins logistique, paraà®t indispensable. « Les moyens de la Cedeao ne sont pas appropriés à  la région, au niveau tant matériel que financier », explique Pierre Jacquemot, chercheur associé à  l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). « Agir au Sahara suppose des moyens aériens, de petits équipements rapides au sol ainsi que des soldats aguerris : tout ce dont une armée africaine classique n’est pas dotée », ajoute le spécialiste de l’Afrique subsaharienne. Une intervention africaine pourrait-elle dès lors ouvrir le chemin à  un envoi futur de casques bleus ? Une hypothèse « crédible en cas de besoin », juge le journaliste Serge Daniel (2). Un scénario qu’écarte de son côté Pierre Jacquemot, « étant donné les difficultés que connaà®t déjà  l’ONU en Côte d’Ivoire (Onuci), o๠sept casques bleus ont été abattus vendredi dans une embuscade. Une fois et demie plus grand que la France, pour une densité de population qui ne dépasse pas 1,2 habitant par kilomètre carré, le nord du Mali est historiquement revendiqué par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), un groupe touareg musulman – mais laà¯que -, qui lutte depuis cinquante ans pour arracher à  Bamako l’indépendance de la région. « Il a été aidé dans ce sens par l’ex-gouvernement français de Nicolas Sarkozy, notamment pour contrer les ambitions du groupe touareg islamiste d’Ansar Dine (Défenseur de l’islam, en arabe, NDLR) », indique Antoine Glaser. Ce dernier mouvement, proche d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), prône l’instauration de la charia. à‰tat islamique Or ces deux groupes touaregs, aux ambitions pourtant divergentes, se sont alliés au début de l’année dans leur lutte contre l’armée malienne. Leur percée explique en partie le coup d’à‰tat militaire du 22 mars dernier, qui a mis fin à  dix ans de règne d’Amadou Toumani Touré. Les putschistes reprochaient notamment au président malien de ne pas assez oeuvrer pour remédier au chaos dans le nord du pays, qui a entraà®né, selon l’ONU, la fuite d’au moins 126 400 Maliens à  l’étranger depuis janvier dernier. Or, bien loin de freiner l’avancée des rebelles, la faiblesse du nouveau pouvoir s’est révélée contre-productive. Privée de tout commandement, l’armée malienne n’a pu contenir les assauts touaregs, qui se sont emparés de Tombouctou, Gao et Kidal, les trois grandes villes du nord. Et coup de théâtre, le 27 mai dernier, les frères ennemis, le MNLA et Ansar Dine, ont annoncé leur fusion et proclamé la création de l’à‰tat islamique de l’Azawad. Une déclaration par la suite démentie par plusieurs ailes au sein du MNLA, faisant apparaà®tre d’importantes dissensions sur l’application « pure et dure » de la charia. Les erreurs afghanes « On ne peut avoir de vraie collusion entre les deux tendances », estime Pierre Jacquemot. « Les touaregs du MNLA n’accepteront jamais un à‰tat islamique sur leurs terres de Tombouctou, ni à  Gao », insiste le chercheur. Problème, selon le journaliste Serge Daniel, les forces du MLNA seraient pratiquement absentes sur le terrain face à  Ansar Dine, allié à  Aqmi. Prônant le djihad en Afrique de l’Ouest, la branche régionale d’al-Qaida aurait récemment enregistré l’arrivée de combattants venus tout droit d’Afghanistan et du Pakistan. « Aqmi a trouvé dans les pays pauvres du Sahel son nouveau fief », affirme Antoine Glaser. « Une planque parfaite », ajoute Serge Daniel. L’organisation vit aujourd’hui principalement du trafic de drogue ainsi que de rapts de civils occidentaux, dont les six otages français toujours retenus au Sahel. Aqmi s’appuierait également sur des combattants binationaux, selon Serge Daniel, formés à  perpétrer des attaques directement en France. à€ l’instar de l’Afghanistan, o๠les talibans avaient été armés par les à‰tats-Unis contre les Soviétiques, les djihadistes bénéficieraient de l’aide bien involontaire de l’Occident. « La chute de Kadhafi a provoqué la dispersion d’armement sophistiqué dans le nord du Mali, note Antoine Glaser. Nombre de touaregs travaillaient pour les forces de sécurité libyennes, qui leur assuraient un financement correct. Aujourd’hui, on les retrouve dans les rangs de la rébellion. » Par Armin Arefi (1) Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique, coauteur de Sarko en Afrique, avec Stephen Smith (éditions Plon) (2) Serge Daniel, correspondant de l’AFP à  Bamako, auteur de Aqmi, l’industrie de l’enlèvement (éditions Fayard)

Tiébilé Dramé : « Ce n’est pas le moment de regarder dans le rétroviseur »

Le Parti pour la renaissance nationale (PARENA) qui a pris de nombreuses initiatives (dont la dernière remonte aux 10 et 11 décembre 2011), en vue d’une solution politique et démocratique des crises qui fragilisent notre pays, propose la tenue d’un atelier dont l’objectif est de réfléchir à  la situation dramatique que traverse le nord du Mali et proposer des pistes de résolution durable sinon définitive. Peut-on encore vivre ensemble (sous le même toit) dans le même pays ? Quelle conduite vis-à -vis du groupe Ansar Eddine ? Comment gérer la revendication séparatiste du MNLA ? Journaldumali.com : Après la rencontre du 10 et 11 décembre 2011, le PARENA convoque une nouvelle concertation sur le Nord, quelle est la pertinence d’une telle initiative dans le contexte actuel ? Tiébilé Dramé : Ce brainstorming sur les graves crises qui affectent le nord du Mali est la première initiative du genre depuis le déclenchement de la rébellion en janvier, le coup d’Etat du 22 mars et la partition de fait du pays. Devant la gravité de la situation et l’impasse cruelle dans laquelle le pays se trouve, il nous a paru judicieux de regrouper les acteurs politiques, les représentants de l’Etat, de la société civile, des élus, des ressortissants du nord afin de réfléchir ensemble au triste sort de notre pays et esquisser des solutions pour mettre fin à  l’occupation des 2/3 du territoire, et préserver l’unité, l’intégrité de notre territoire et la cohésion nationale. Votre engagement pour le Nord remonte à  des années, pourriez-vous revenir sur les différentes actions et négociations que vous avez mené ? Ce n’est pas le moment de regarder dans le rétroviseur. l’heure est trop grave. C’’est le présent et l’avenir qui doivent requérir toute notre attention. La situation au Nord s’enlise, que faut-il prévoir comme action urgente, après les convois humanitaires ? La ville de Gao a vécu lundi une manifesation exprimant le ras-le-bol des habitants ? Je rends un vibrant hommage à  la résistance de la jeunesse de Gao, à  celle de l’ensemble de notre peuple contre l’oppression, les pillages, les exactions et les humiliations quotidiennes dans les régions occupées. Que faut-il prévoir comme action urgente me demandez-vous ? l’urgence, C’’est libérer le pays, refaire son unité, sa cohésion. Par la guerre ou par le dialogue. On ne peut pas continuer dans l’immobilisme actuel qui est honteux et dégradant pour nous. Le FDR dont votre parti est membre, a boycotté la convention nationale proposée par le capitaine Sanogo ? Faut-il aujourd’hui une intervention militaire de la CEDEAO ? Nous n’avons pas encore boycotté la convention. Nous avons demandé des éclaircissements sur le projet et souhaité que la convention ne s’écarte pas de la Constitution, car nous ne nous associerons à  aucune initiative qui vise à  mettre entre parenthèses la loi fondamentale votée par le peuple souverain du Mali. Comment parvenir un accord entre le CNRDRE et la CEDEAO d’ici la fin des 40 jours de l’intérim de Dioncounda Traoré ? Le respect de la Constitution est le schéma le plus facile, le plus rapide à  mettre en œuvre. Doit-on craindre un risque de tension le 22 Mai ? Je ne suis pas devin. Je ne saurai vous dire ce qui va se passer le 22 mai. Je peux, en revanche, vous faire part de mes souhaits : ce pays qui est déjà  par terre, notre peuple qui est humilié et qui souffre tant n’ont pas besoin de tensions, de violences à  Bamako. Résolvons la crise politique et institutionnelle de manière pacifique en trouvant une formule compatible avec la Constitution qui doit rester la référence en toutes circonstances. On ne vote pas une constitution, on ne restaure pas une constitution pour s’asseoir dessus.

Un drone abattu aux frontières algéro-maliennes

C’’est à  proximité de la frontière algéro-malienne que la destruction d’un drone français ou américain de type Predator a été signalée ce lundi par les forces de défense algériennes. D’après le quotidien El Khabar, des individus, dont les identités sont encore inconnues, auraient abattu l’engin en plein vol à  l’aide de missiles sol-air russes, un arsenal provenant des anciens stocks de l’armée loyaliste libyenne. l’armée malienne aurait récupéré les débris dans la région de Ouikran, près de la frontière algérienne. Selon le quotidien, le drone a été détruit alors qu’il effectuait un vol de reconnaissance à  l’ouest de la ville de Toudenni. l’incident témoigne du climat qui règne actuellement dans la région du Sahel. Ces drones, très utilisés en matière de surveillance par les puissances occidentales, servent notamment à  se renseigner sur les déplacements des groupes armés qui opèrent dans la bande sahélienne. Les drones au Sahel, une nouveauté ? Les services occidentaux sont très actifs dans la sous-région du Sahel. Mais, longtemps réservée à  des zones comme le Pakistan ou l’Iran, l’utilisation par ces mêmes services de drones se développe au Sahel. Pour l’heure, ni les Etats-Unis, fournisseurs de ces drones Predator, ni la France qui en possède quelques-uns, n’ont exprimé le moindre mot à  ce sujet. Des sources ont indiqué que ces engins volants étaient aussi utilisés pour rendre comptes des circulations du Mouvement de libération de l’Azawad (MNLA) et d’Al-Qaà¯da au Nord du Mali. Ils auraient commencé à  survoler le territoire après la chute de Kadhafi, pendant la présence des forces américaines et françaises. l’Algérie, qui a plus de 1 300 kilomètres de frontière avec le Mali, a interdit à  ces deux pays de faire voler leurs drones au-dessus de son territoire. Ces drones pourraient aussi être un moyen de localiser les otages aux mains des groupes terroristes. Actuellement, une douzaine de personnes est gardée prisonnière par Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).

Aqmi dévoile une vidéo des deux otages français au Mali

C’est une première preuve de vie depuis les photos qu’avaient diffusées leurs ravisseurs en décembre dernier. Al-Qaida au Maghreb islamique a fait parvenir aux autorités du Burkina Faso qui l’auraient transmise au gouvernement français une vidéo montrant les deux otages français enlevés au Mali en novembre dernier. Le film tourné le 22 février montre les Français assis sur le sable devant une tente, le visage entouré d’un turban, indique l’AFP, qui a pu visionner la vidéo. Le Quai d’Orsay s’est refusé, samedi après-midi, au moindre commentaire. Kidnappés depuis 150 jours, on ne sait pas si Philippe Verdon et Serge Lazarevic se trouvent encore au Mali. Visiblement affaibli, mais parlant d’une voix claire, Philippe Verdon dit vivre «dans le désert avec Aqmi dans des conditions extrêmement difficiles, notamment pour des raisons de santé». Il lance un appel à  Nicolas Sarkozy pour «faire tout ce qui est en sa possibilité pour essayer de dénouer cette situation». Les hommes d’Aqmi nous disent que les portes ne sont pas fermées dans les discussions et les négociations», ajoute-t-il. «Ils me disent qu’il y a des moudjahidine qui sont emprisonnés en Mauritanie et au Mali. Il y a une volonté d’apaisement de la part d’Aqmi, qui soit dans l’intérêt de toutes les parties», affirme-t-il. Serge Lazarevic fait le même constat. «Je demande à  la France, au président Sarkozy, aux associations françaises, internationales et au peuple français, s’ils peuvent nous aider. Toute aide est la bienvenue, Aqmi est ouvert à  la négociation», souligne l’homme qui paraà®t mieux se porter que Philippe Verdon. Les otages saluent également leurs familles. Un comité de soutien inquiet Les deux hommes ont été enlevés dans leur hôtel, le 24 novembre 2011, à  Hombori. Présentés comme géologues, leur réputation a néanmoins fait l’objet de nombreuses spéculations. Aqmi les a présentés comme des agents des renseignements français. Le passé de Philippe Verdon a entretenu la confusion. Philippe Verdon s’est souvent trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Il a été emprisonné au début des années 1990 par le Spla, les séparatistes du Soudan du Sud après un atterrissage forcé dans une zone de guérilla. Aux Comores, il a été accusé de fomenter un coup d’à‰tat, mais les charges à  son encontre sont abandonnées. Une réputation supposée de barbouze qui ulcère leurs familles. Selon leurs proches, les deux hommes étaient en voyage d’affaires et travaillaient sur un projet de cimenterie dans la région. «Mon fils a été présenté comme James Bond ou comme un escroc international, mais il n’est ni l’un ni l’autre. Il est juste un homme d’affaires atypique sans la moindre expérience militaire», avait expliqué son père Jean-Pierre Verdon. Cette vidéo ne rassure pas le comité de soutien des deux hommes qui veut une preuve de vie plus récente. Début avril, l’organisation avait exhorté la France et les candidats à  l’Elysée de ne pas les oublier. «Il faut tout faire pour les sortir de là », insistait Pascal Lupart, qui fustigeait «le peu de discernement des autorités françaises et maliennes» dans cette affaire. Le président du comité de soutien redoutait que la rébellion touaroueg dans le Nord-Mali, la confusion qui règne autour des «intentions des groupes armés islamistes» ne nuisent un peu plus aux otages. Outre Philippe Verdon et Serge Lazarevic, Aqmi détient quatre autres Français, collaborateurs du groupe nucléaire français Areva et de son sous-traitant Satom, ont été capturés au Niger le 16 septembre 2010. Au total, Aqmi et un groupe considéré comme dissident, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), retiennent en otages vingt personnes, treize occidentaux et sept Algériens.

Nord Mali : Boko Haram s’en mêle

Une toile d’arignée. Les islamistes, salafistes et autres djihadistes tissent une véritable toile d’araingée au Nord du pays et rendent plus complexe la reconquête du nord comme le souhaitent de nombreux ressortissants du nord qui battent le pavé à  Bamako. Mais les chef islamistes n’en ont cure et poursuivent leurs croisades idéologiques qui n’engagent qu’eux et leurs hommes. Au moment o๠des villes comme Gao se vident de sa population et lorsque des émissaires d’Al Qaeda ont déjà  rendu visite à  Iyad Ag Ghaly, le chef salafiste, calife à  la place du MNLA, on apprend que des membres du mouvement islamiste nigérian Boko Haram prêtent main forte aux islamistes pour étendre leur influence dans la zone. D’après des sources à  Gao, ces combattants venus des rangs de Boko Haram, sont de nationalité nigérienne, mais surtout nigériane. Ils étaient soit en formation dans les katibas, cellules au Sahel, quand l’actuelle crise dans le septentrion malien a commencé, soit ils venaient à  peine d’arriver sur le terrain, en provenance du Nigeria. Boko Haram est connu pour ses positions radicales et la brèche ouverte au nord du Mali est l’occasion d’étendre son influence dans la zone. Haidara se défend de toute accointance Le prédicateur Cherif Ousmane Madani Haà¯dara réfute lui toute accointance avec les mouvements islamises qui ont envahi le nord : « Mon association a été créée en 1991. Elle s’appelle Ansar Eddine. Notre but est de sensibiliser les gens et de leur faire savoir que l’islam, c’est la tolérance. L’autre groupe qu’ils viennent de créer au Nord, s’appelle aussi Ansar Dine. Mais nous n’avons rien à  voir avec eux », a d’abord affirmé Haà¯dara, dont l’organisation religieuse est basée à  Bamako, dans le quartier très populaire de Banconi, d’o๠elle rayonne dans plusieurs pays frontaliers comme la Côte d’Ivoire ou le Burkina Faso. Face à  la complexité de cette présence au Nord, d’aucuns préconisent une intervention militaire.  » Comment négocier avec ces chefs religieux qui s’allient entre eux, l’option militaire est la seule voie », juge un habitant de Bamako. Du reste, les salafistes ont déjà  commencé à  faire plier les habitants à  leur idéologie. Tombouctou est devenu en quelques jours le berceau du djihad, sauce Iyad Ag Ghaly…