Jean Kassogue : « Si l’Etat prend ses responsabilités, Dana Ambassagou n’a plus intérêt à faire la guerre »

Lors de la visite du Premier ministre dans la région de Mopti cette semaine, le groupe d’auto-défense Dana Ambassagou s’est engagé à déposer les armes. Après avoir combattu ceux qu’ils appellent les forces extrémistes, les responsables du mouvement affirment désormais « laisser faire » l’Etat. Enfin le bout du tunnel dans le centre ? Le nouveau porte-parole du groupe Jean Kassogué répond à nos questions.

Le mouvement s’est engagé le 2 octobre à déposer les armes. En juillet déjà, un cessez-le-feu unilatéral avait été entériné conduisant à une dissidence au sein du mouvement, quelle en était la cause ?

La première signature de cessez-le feu n’a pas permis de mettre fin au conflit. Au contraire, il s’est intensifié. Cela veut dire que les vrais acteurs n’ont pas été consultés. A l’époque Youssouf Toloba a été clair. Il a dit que depuis qu’il a commencé le combat, aucune autorité ne lui a tendu la main. Ils ont voulu le contourner, hors, c’est lui qui a créé le mouvement Dana Ambassagou. Il a nommé des personnes qui ont signé en sa place, sans le consulter, il s’estime donc trahit. Quand nous avons commencé à travailler avec lui, nous nous sommes rendu compte que ceux qui l’entouraient sur le plan politique n’étaient pas à la hauteur. Mais Toloba lui-même est une personne extrêmement intelligente. Il a dit être prêt au dialogue. Mais il a fait savoir que toute personne voulant agir au nom du mouvement sans passer par lui, il ne sera jamais d’accord. Il est le premier responsable. C’est lui qui répond en cas de problème. Toloba ne cherche qu’à défendre le pays dogon contre ceux qui l’attaque.

C’est donc le fait qu’il n’ait pas été associé qui le dérangeait ?

Ils ont fait croire à l’opinion que ceux qui ne sont pas venu signer sont des bandits, des ennemis à la paix. Ce n’était pas vrai. Le problème est que la personne derrière le mouvement n’avait pas été consultée. Mais à partir du moment où l’Etat lui a tendu la main, il s’est dit prêt pour la paix. Et cela n’a pas tardé. Il a été convaincu au bout de trois semaines de discussion. Maintenant, vu que l’armée à assurer vouloir prendre la situation à bras le corps, il a signé le document et il dit  vouloir observer la suite. S’ils ont besoin de lui, il répondra à l’appel et apportera toute l’assistance nécessaire.

Il existerait un accord tacite entre le gouvernement et le mouvement pour la sécurisation du centre ?

Je ne crois pas du tout. Avant lorsque l’armée était alertée sur la survenue d’une attaque, elle trainait des pieds pour répondre. C’est pour cela que le mouvement a pris les choses en main. Ceux qui sont payés pour assurer la sécurisation, il est grand temps de leur céder la place.

D’où proviennent donc vos armes ?                                                              

Les chasseurs sont nantis de pouvoirs magiques. Ils ont d’abord combattu avec leurs fusils de chasse, mais par la suite, ils ont gagné des butins de guerre au fil des succès contre ces terroristes.  Ces derniers acculés ont dit ne plus vouloir combattre contre les chasseurs, préférant l’armée malienne.  Quand les gens voient ces chasseurs avec des armes de dernière génération, ils y voient la main de l’Etat derrière. Mais non, au contraire l’Etat cherche à désarmer le mouvement. L’Etat n’arme ni de près, ni de loin Dana AmbaSagou. La situation était chaude et les chasseurs ont usé de leurs pouvoirs mystiques pour venir à bout de terroristes et prendre leurs armes par la suite.

Avez-vous confiance en la capacité de l’armée à sécuriser la zone ?

Toloba a dit que ‘’si’’ sa signature  peut occasionner la paix définitive, il l’apposera. Le mot ‘’si’’ est une réserve. Si l’Etat prend toutes ses responsabilités pour faire face aux terroristes, Dana Ambassagou n’a plus intérêt à faire la guerre. Nous ne pouvons pas tous dire avoir confiance, il nous faut attendre de voir les forces à l’œuvre. Nous avons entendu beaucoup de choses, ce que nous voulons maintenant c’est du concret. Le gouverneur de Mopti a assuré à Toloba que l’Etat est prêt à prendre la relève à compter du 1er octobre. Nous verrons si cela est réel ou pas. Nous avons mis en place une équipe de suivi, maintenant avoir une confiance totale dépendra de l’Etat.

Centre du Mali : Une milice peule voit le jour

Au centre du pays, dans la région de Mopti, une milice peule vient de naitre. Dénommée Alliance pour le Salut au  Sahel (ASS), elle a pour  objectif de défendre par les armes les populations peules  contre les ‘’exactions’’ de la  milice Dozo qui opère dans cette zone. Alors que les règlements de compte sont  quasi-quotidiens, la création de ce mouvement  fait craindre le  pire.

Face au refus de la milice Dozo de se désarmer, un regroupement dit ‘’Alliance pour le Salut au Sahel’’ est née. « C’est une réalité, il y a un groupe peul qui est entrain de combattre la milice Dozo. Qui le constitue est la grande interrogation. Les gens  ont favorablement répondu à l’appel, même le Ganda Izo qui est membre du Tabital Pulaaku est dedans », révèle cet enseignant qui vît dans la zone.  Pour le  président  de Tabital Pulaaku de Bankass, la recrudescence des attaques dont les peuls sont victimes et l’inaction du gouvernement  sont la cause de ce soulèvement.  Des peuls du Burkina Faso et du Niger seraient dans ce mouvement naissant.  Selon Moussa, un animateur dans une radio locale de la région,  l’objectif  de cette alliance est de s’auto-défendre.  « On dit qu’ils veulent protéger  leur communauté des exactions ainsi que leur bien, mais aussi s’opposer aux  Dogons, Bozos et Bambaras avec qui ils ne s’entendent pas dans cette partie », déclare-t-il. La zone de couverture de l’Alliance pour le Salut au Sahel (ASS) s’étend de Douentza, Bandiagara, Koro jusqu’à Djenné.

Si autrefois les différends entre les peuls et leurs  voisins Dogon, Bambara et Bozo tournaient autour du foncier et des espaces de pâturages  l’adhésion de certains peuls aux groupes djihadistes, et les amalgames dont ils font objets ravivent les tensions. La cohésion sociale et le vivre ensemble en dépit des différentes initiatives pour calmer la situation sont au plus bas. « Les affrontement sont fréquents  mais ils ne sont pas couverts.  Il y a des déplacements forcés dans le cercle de Koro. Donc maintenant,  les gens vont essayer de se venger », alerte cet enseignant de Bandiagara sous couvert d’anonymat.