Azarock Ag Innaborchad : « Si rien ne change pour les autorités intérimaires nous ne serons pas prêt le 13 avril »

Azarock Ag Innaborchad, président du Congrès pour la Justice dans l’Azawad ( CJA), ce groupe politico-militaire qui bloque depuis un mois l’installation des autorités intérimaires à Tombouctou et à Taoudeni, nous a accordé un entretien où il explique ne pas accueillir à bras ouvert la décision récente du gouvernement d’installer les autorités intérimaires sans leur « inclusion » totale.

La décision d’installer les autorités intérimaires le 13 avril à Tombouctou et Taoudéni a été prise par le gouvernement. Est- ce que cela veut dire que vos revendications sont toutes honorées ?

À ma connaissance on a juste des promesses et ce n’est pas nouveau, ça fait longtemps qu’on a des promesses.

Donc allez-vous accepter l’installation des autorités intérimaires sans que toutes vos revendications soient prises en compte ?

Disons qu’il sera difficile pour nous d’accepter, d’ailleurs on n’est pas les seuls, ce n’est pas seulement une affaire du CJA, c’est une affaire de toutes les populations de Tombouctou et Taoudéni. Il serait très difficile d’accepter parce que nous sommes engagés dans des revendications de fond qui concernent l’inclusivité. Nous avons parlé de l’ouverture des autorités intérimaires; apparemment ce n’est pas quelque chose dont il faut parler. Même si le CJA essaye de se retirer, la population ne le fera pas. Nous pensons qu’on ne peut pas parler d’inclusivité sans un minimum d’ouverture et sans une implication dans le processus.

Que revendiquez-vous concrètement ?

Concrètement, on revendique une large ouverture des autorités intérimaires au CJA et aux populations, et puis essentiellement notre implication dans les organes de mise en œuvre de l’Accord tels que les commissions, les comités, le CSA et tout ce qui s’ensuit. Nous voulons être impliqués dans l’ensemble du processus.

 Vous n’êtes donc pas prêt pour le moment à une installation des autorités intérimaires le 13 avril ?

Si rien ne change pour les autorités intérimaires nous ne serons pas prêt le 13 avril.On espère que d’ici le 13 avril les choses iront mieux dans le cas contraire ce ne sera pas possible. Ce n’est pas la première décision d’installer les autorités intérimaires, c’est la quatrième fois. Mais cette fois ci, cette décision est légèrement mieux réfléchie que les autres. On parle cette fois-ci de la désignation du Président sur la base d’un consensus des membres des autorités intérimaires. C’est une avancée, c’est une bonne chose, mais on ne dit rien de l’ouverture des autorités intérimaires. C’est un tabou qu’il ne faut pas toucher. Le CJA revendique quand même d’être impliqué dans la série d’organe prévue pour la mise en œuvre de l’accord. Ce n’est pas plus compliqué que ça ! Nous avons la même vision que nos communautés. Nous pensons vraiment que l’ouverture de l’autorité intérimaire est indispensable pour que les gens se sentent concernés et ne se sentent pas exclus. Pour cela, il faut être au niveau des décisions et non des éxécutants. Le CJA est en symbiose avec les populations et ce que les populations veulent, nous, on ne peut pas les empêcher de le revendiquer.

Tombouctou : Un blocage gouvernemental

Alors que la mise en place des autorités intérimaires à Tombouctou est toujours bloquée, principalement à cause de l’exclusion du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA). Mercredi 15 mars, le collectif des élus municipaux de la région de Tombouctou, au nom de l’inclusivité, ont demandé au gouvernement de prendre un décret additif pour élargir les membres des autorités intérimaires de 13 à 21 personnes. Un soutien qui ne semble pas infléchir la décision du gouvernement.

À Tombouctou, la mise en en place des autorités intérimaires semblent, pour le moment, bien éloignée. En cause, l’exclusion du CJA de la mise en place de ces instances, malgré la libération des checkpoints par leurs éléments armés. « Quand nous sommes allés voir le gouvernement pour leur faire comprendre que nous voulons être inclus dans les autorités intérimaires pour représenter les communautés de Tombouctou. Ils nous ont dit les autorités intérimaires sont bloqués et que s’ils acceptaient, ce serait ouvrir la boîte de Pandore », révèle Azarock Ag Innaborchad, président du CJA. Le mouvement politico-militaire qui a fait défection de la CMA tente depuis, de négocier sa position avec le gouvernement qui se refuse toujours à lui faire des propositions concrètes.

Mais mercredi 15 mars, un soutien au CJA est venu des élus municipaux de la région de Tombouctou qui se sont réunis dans la cité des 333 saints. Ces élus venus de tous les cercles de Tombouctou, ont appelé à l’inclusivité du CJA dans les autorités intérimaires et dans toute activité liée à la résolution de la paix au Mali. « Ils souhaitent que les membres des autorités intérimaires soient élargies de 13 à 21 membres, pour inclure le mouvement afin d’avoir plus de représentativité pour des villes comme Niafunké, Goundam, Gourma-Rahrous et les autres communautés de la région de Tombouctou «, explique Mohamed Ag Alher, animateur à la radio Jamana de Tombouctou.

Même appréciation du côté de la société civile et de la population, comme l’explique ce citoyen de Tombouctou joint au téléphone : « la population de Tombouctou soutient l’inclusion du CJA. Comme la société civile a donné son feu vert, la population est d’accord. C’est la population qui élit les personnes, il faut qu’on accepte, qu’on obéisse à ses réclamations et revendications », affirme-t-il

Sur le terrain, des responsables du CJA sont aux côtés de la population pour voir comment ils peuvent arranger la situation et tentent de s’impliquer dans toutes les activités permettant à la paix et à la sécurité de régner. « Ils ont organisé des escortes pour les civils qui voyagent sur l’axe Tombouctou – Goundam, qui est l’axe le plus menacé. C’est une manière pour eux de prouver qu’ils sont prêts à accompagner le gouvernement et les populations », ajoute ce même citoyen

Les troupes du mouvement sont néanmoins toujours en nombre et en armes à l’extérieur de la ville, prêtes à n’importe quel moment, à l’affrontement. Exerçant sur le gouvernement une pression à double tranchant, qui sape une confiance déjà fragile à établir entre les deux parties.

La solution semble plus que jamais dans le camp du gouvernement qui malgré maintes tractations ne semble pas prêt à infléchir sa décision. « Personnellement, je ne crois pas qu’ajouter une personne ou 2 ou 3 soit un problème, si cela peut calmer la tension et résoudre la situation, je crois que c’est mieux que de se figer sur des positions qui mènent nulle part », objecte le président du CJA, qui ajoute, « Je suis absolument convaincu que cela n’intéresse pas le gouvernement car c’est à notre demande et par l’intermédiaire du Haut représentant que nous avons pu voir le ministre Ag Erlaf, sinon personne ne nous avait contacté. Tant que la question n’est pas considérée comme une question essentielle le problème ne peut pas être résolu. Mais qu’ils n’oublient pas que si les populations décident de ne pas installer les autorités intérimaires, elles ne seront pas installées, sauf si on leur marche dessus. Je crois que ce n’est pas l’objectif de l’État malien, ni de la communauté internationale, et encore moins de la communauté malienne », conclut-il.