Azaz Ag Loudag Dag : « Quand les gens sont attaqués, ils se défendent »

Ce jeudi 20 juillet, le MOC devait être installé à Kidal. Les récents affrontements entre la Plateforme et la CMA ont renvoyé à une période, pour le moment indéterminée, la mise en œuvre de ces dispositions de l’Accord. Pendant qu’au Nord les deux mouvements belligérants occupents leurs lignes de front, à Bamako des médiations et négociations tentent de trouver une solution. Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads, qui participe activement à ces tractations a donné son point de vue au Journal du Mali, sur cette situation qui, une fois de plus, menace le processus de paix.

 Pensez-vous qu’une solution puisse être trouvée pour faire cesser les affrontements entre la Plateforme et la CMA dans le Nord ?

Je suis à Bamako donc je ne peux pas être précis sur ce qui se passe sur le terrain. Ce que je sais c’est que les gens de la Plateforme estiment qu’ils ont été attaqués dans leur fief aux alentours d’Anéfis, alors qu’ils ne s’attendaient à rien. Ils ont été contraints de se retirer sur Tabankort. Nous sommes en train de lancer des appels pour qu’il n’y ai pas de nouvel affrontement mais nous ne sommes pas sûrs que nous allons être écoutés parce que les éléments sur le terrain ont été frustrés d’avoir été attaqués et je ne peux pas donc garantir qu’il n’y aura pas d’affrontement. On est en train d’appeler les gens pour voir comment on peut résoudre le problème par le retour des patrouilles mixtes, du MOC à Kidal et le retour de l’administration. Mais ce n’est pas facile car sur le terrain les gens ne sont pas très disciplinés. Le gouvernement et la communauté internationale sont en train de déployer des efforts, il y a des commissions de médiation sous l’égide du religieux Dicko. Je ne sais pas ce que ça va donner mais je ne suis pas assuré que cela puisse marcher.

 Un nouveau chronogramme, pour la fin septembre, a emmergé des rencontres qui ont lieu à Bamako entre les différentes parties. Êtes vous en accord avec ces nouvelles dates ?

Non je ne peux pas vous confirmer que nous sommes en accord avec ce nouveau chronogramme. Nous sommes toujours en négociation à ce sujet. Il y a ceux qui pensent que ça peut être mis en place pour le 20 septembre, il y a ceux qui ne veulent pas s’y plier parce qu’il y a trop de tensions. Nous, à la Plateforme nous sommes parfaitement prêts à appliquer le chronogramme initial. S’il y a un retard ce n’est pas de notre faute.

La communauté internationale est pointée du doigt par votre mouvement comme étant un facteur qui envenime la situation en ne vous accordant pas l’accès à Kidal. Est-elle responsable selon vous ?

Cette situation est tellement ambiguë et incompréhensible qu’on ne sait plus qu’en dire. Barkhane est censée traquer les terroristes, en même temps beaucoup de gens disent que la base des terroristes se trouve à Kidal. La CMA est un peu liée à Iyad Ag Ghaly, mais moi je n’ai pas de preuves de ça. Barkhane prétexte qu’elle craint qu’il y ait des dégâts collatéraux sur la population, mais on ne voit pas pourquoi elle accepte alors que les troupes de la CMA sortent de Kidal pour aller nous attaquer sous leurs yeux. Il doit y avoir une certaine complicité, certaines accointances. On ne peut pas être formel mais c’est tout de même frappant.

Il y a aussi des informations visant la Plateforme, cette fois-ci, disant que ses unités sont soutenues et armées par le gouvernement ?

C’est de bonne guerre ! Vous savez, nous nous sommes armés pendant la crise au moment où il y avait un vide de l’administration et que nous ne voulions pas abandonner nos terres. Nous avons dû trouver le moyen de nous défendre par nous-mêmes car nous étions des loyalistes du côté du gouvernement et que cela faisait de nous des ennemis. A l’époque, plusieurs fois, la CMA a quitté ses positions pour venir nous attaquer alors que l’armée malienne était tout près d’eux. Depuis la signature de l’Accord, jamais la CMA ne s’est attaquée aux troupes gouvernementales. Nous par contre ils nous attaquent depuis la signature jusqu’à aujourd’hui. Vous savez la Plateforme s’entend bien avec la CMA, on n’a pas de problèmes avec tous les gens qui ne sont pas Ifoghas.

Elle a eu des problèmes avec la communauté Idnanes récemment.

Non c’est un problème entre la tribu Imghad et la tribu Ifoghas. Il y a des gens que les Ifoghas utilisent pour nous affronter et là nous sommes obligés de nous défendre d’eux. On a eu maille à partir avec les Idnanes ces derniers temps parce qu’ils ont été envoyés par les Ifoghas pour nous attaquer. Il semble y avoir une déconnexion entre ce qui est décidé politiquement à Bamako par les leaders des mouvements et le terrain. Qui dirige vraiment, qui peut tout lancer où tout arrêter côté CMA comme côté Plateforme ? C’est vrai, pour les Imghads c’est le Conseil supérieur des Imghads et pour la CMA c’est Alghabass Ag Intalla. Je suis moi-même un doyen du Conseil supérieur. Mais malgré ça, il y a quand même parfois de l’indiscipline. Quand les gens sont attaqués, ils se défendent. Quand ont les appellent pour leur dire qu’on ne leur a pas demander d’attaquer, ils invoquent la self-défense et ils disent que quand ils sont en self-défense ils ne peuvent entendre les ordres de Bamako, c’est ce qu’on nous répond. La situation est complexe mais je suis un homme d’espoir, donc je reste optimiste.