Kidal, l’enjeu d’un cessez-le-feu à plusieurs inconnues

Depuis le 11 juillet dernier, Il n’y a plus d’affrontement armés entre la Plateforme et la CMA à Kidal. La coordination contrôle la capitale de l’Adrar des Ifoghass ainsi qu’Anéfis où est rassemblé une grande partie de ses troupes. Si les fusils se sont relativement tût, vols, représailles et exactions visent les civils et servent, en photo ou vidéo, la guerre d’image et d’information que se livrent les deux camps. Sur la ligne de front située à une centaine de kilomètres de Kidal, chaque mouvement continue de tenir ses positions, essayant le plus possible de suivre les directives émanant des chefs politiques tous réunis à Bamako. « Ceux qui sont sur le terrain ne discutent même pas. Pour eux s’ils sont suffisamment préparés, ils peuvent décider d’attaquer, si les autres ne les attaquent pas avant », confie cette source proche des mouvements. « On ne sait pas ce qui va se passer, mais ici on ne parle même pas des pourparlers de Bamako, ce dont on parle, c’est la ligne de front », poursuit-il.

De la ligne de front justement, parviennent des nouvelles sporadiques et de nombreuses rumeurs, notamment d’Anéfis, revenu dans le giron de la CMA. Cet ex-fief de la Plateforme, sans réseau électrique et téléphonique depuis plus de 10 jours, vit coupé du monde, aux mains de ses nouveaux geôliers. Pour beaucoup à Kidal, cette ville est tenue non seulement par la CMA mais aussi par les djihadistes. « Ils sont allés là-bas deux à trois jours avant les combats, ce sont eux qui sont rentrés en premier dans Anéfis. Les gens à Kidal ont vu tous les renforts arrivés. D’abord des motos qui sont venus à côté de la ville, après c’était des convois de véhicules lourdement armés qui étaient stationnés à quelques kilomètres, ils étaient avec le noyau dur du HCUA. Le fait que la CMA, auparavant confinée à Kidal soit sortie brusquement attaquer le GATIA, ça a donné la puce à l’oreille à tout le monde ici », explique cet humanitaire de la région.

De guerre lasse Baba Ould Sidi El Moctar, maire d’Anéfis, aujourd’hui simple citoyen exilé à Bamako, tente comme il le peut d’obtenir des nouvelles de la situation sur place et affirme ne pas avoir entendu parler de djihadistes à Anéfis. « On sait seulement qu’il y a des hommes armés à l’intérieur de la ville, on suppose que ce sont des gens de la CMA. Ils ont le même comportement que le GATIA, ils sont là avec leurs fusils, ils aiment faire la loi, s’imposer, montrer que ce sont eux qui administrent », décrit-il. Selon lui, rares sont les véhicules qui peuvent sortir et rentrer dans la ville, une situation qui pose des problèmes aux populations en termes de ravitaillement. Les vivres et les dons des ONG sollicités par la population sont bloqués, quand d’autres ne partent même pas par peur d’être attaqué. « Nous ne sommes pas du tout contents, ni avec la CMA, ni avec la Plateforme, il est tant que tout ça finisse. On veut des solutions qui soient appliquées. Mais à chaque fois qu’il y a une décision prise, elle n’est pas appliquée, c’est ça le problème. Il faut la paix maintenant, vraiment. Il faut que la CMA et la Plateforme se retire, que le MOC fonctionne et que l’administration revienne », s’agace notre interlocuteur.

Tractations à plusieurs inconnues Cette supplique du maire d’Anéfis, qui en appelle à un retour de l’armée et de l’administration malienne, est au coeur des discussions à Bamako, où les leaders des mouvements armés, le gouvernement, la médiation internationale et la mission de bons offices emmener par l’Imam Mahmoud Dicko, tente de trouver une porte de sortie. Des discussions que certains, désabusés, jugent stériles : « Il y a deux choses à savoir, les trafiquants veulent que la guerre continue pour préserver leurs routes de trafic, les terroristes pour continuer leurs opérations, donc, leurs intérêts convergent. La Plateforme, le général Gamou, la majorité des Imghads, ils vivent aussi de la guerre contre nous. Donc, arrêter la guerre veut dire porter atteinte a l’intérêt de tout ce petit monde », lâche cet officier de la CMA qui ne croit plus à un cessez-le-feu durable. Pour Fahad AlMahmoud, un cessez-le-feu ne devrait pas être une condition à la mise en œuvre de l’Accord. « On a signé l’Accord, on était en guerre, on a fait le MOC à Tombouctou, à Gao, sous le feu. Tout ce qu’on a fait pour cet accord, il n’y avait pas de cessez-le-feu entre la CMA et la Plateforme. Je ne vois pas pourquoi maintenant on en fait la condition siné qua non pour la mise en place du MOC à Kidal», s’exclame-t-il, ajoutant que ce fief de la CMA reste le blocus principal et que « tant que la Plateforme n’est pas à Kidal, on ne fera la paix avec personne ».

La capitale des Ifoghass, dominée par cette communauté touareg qui refuse de partager le pouvoir avec les Imghads, pourtant majoritaire dans la population, est encore et toujours le point névralgique de la discorde, le générateur d’affrontement, que le brouhaha des négociations à Bamako peine à solutionner. « La Plateforme, la CMA, le gouvernement malien ne pense qu’à Kidal, ils ne pensent qu’à ça ! Nous on ne soutient pas particulièrement les uns ou les autres, on veut empêcher un massacre pour cette ville, c’est tout » déclare cet officiel français proche du dossier, qui affirme que dans ce conflit entre Ifoghas et Imghad, entre touareg et touareg de la même région, il est très difficile pour la France d’oeuvrer à l’organisation de la représentation et du partage du pouvoir  « avec des gens qui se battent entre eux depuis des générations ».

Pour le moment, à Bamako, la question du cessez-le-feu et du possible retour de l’administration malienne dans la région, est suspendue aux accords et désaccords entre les différentes parties. Les documents de cette nouvelle « trêve » existent mais sont souvent sujet à modification. Le week-end dernier, une énième clause a été soumise par la Plateforme au gouvernement, à destination de la CMA, proposant la signature d’un cessez-le-feu immédiatement suivi de l’installation du MOC et du départ des groupes armés vers les sites de cantonnement. Pour l’heure si on ne connaît pas la réponse de la CMA, on est en droit d’espérer que ces deux mouvements « indéfectiblement » attachés à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu, pourront, rapidement, parvenir à un consensus.