Mali – Balla Fasséké : l’ancêtre des Kouyaté

Balla Fasséké, de son vrai nom Nyankoman Doka, est un griot qui a joué un rôle déterminant lors du règne de Soundiata Kéïta. Il est mort en 1271 et sa tombe se trouve à Kénioroba, sur la route de Kangaba. Qui était l’ancêtre des Kouyaté?

1218. Soundiata est contraint à l’exil à Mema par Dankaran Touman, son demi-frère et nouveau roi après le décès de leur père, Naré Maghan. À l’époque, le Manding est un vassal de l’empire Sosso du puissant empereur Soumaoro Kanté. Le royaume, exacerbé par les impôts et la soumission, veut s’affranchir, sous la houlette de Dankaran Touman. Soumaoro Kanté, en colère, envahit et détruit le royaume « comme un vieux canari ». Dankaran Touman s’enfuit en territoire guinéen actuel, à Kissidougou.

Au Manding, la résistance s’organise du côté des chasseurs, avec au centre le grand guerrier Kamadjan Camara. Celui-ci et ses conseillers consultent les oracles, qui prédisent une issue favorable à la guerre contre Soumaoro : seul L’enfant lion (Soundiata) pourra venir à bout du grand sorcier du Sosso. Rapidement, deux missions se mettent en place. La première part convaincre Soundiata de regagner la mère patrie. La seconde est conduite par Nyankoman Doka et Sansonma Goninafè, charmante fille de Dankaran Touman. Son objectif est d’amener Sansonma Goninafè à percer le mystère de l’invincibilité de Soumaoro Kanté.

De Nyankoman Doka à Balla Fasséké

À Mema, Soundiata accepte de rentrer libérer le Manding du joug de Soumaoro. Pendant ce temps, Nyankoman Doka est en mission avec Sansonma Goninafè auprès du roi Sosso. Soumaoro est absent. Il est à la chasse en brousse.

Nyankoman Doka, en se baladant dans les appartements privés de son hôte, tombe sur un instrument: le sosobala, un balafon magique dont les génies ont fait cadeau à Soumaoro Kanté, qui en jouait à chaque fois qu’il devait sortir en brousse. Nyankoman Doka se mit donc à jouer sur le sosobala. Soumaoro, grand thaumaturge, entendit la mélodie de son instrument de musique favori. Pris de colère, il s’interrogea : « quelle créature audacieuse joue de mon balafon ? »écrit Drissa Diakité dans « Kuma ou la force du serment ». Soumaoro se hâta de rentrer et tomba sur Nyankoman Doka, très étonné par les notes mélodieuses mêlées aux louanges qui lui étaient adressées par le griot. « L’art que tu montres à jouer du balafon est un don de Dieu. (…). À partir d’aujourd’hui, tu seras à mon service et tu veilleras sur mon balafon tel un épervier (sègè) qui veillera sur moi-même et sur tout mon clan. Tu seras mon balafasègè – L’épervier maître de mon balafon – ». C’est ainsi que Nyankoman Doka est devenu Balla Fasséké, toujours selon l’œuvre de Drissa Diakité.

Cependant, Doka refusera l’offre de Soumaoro et lui exposera le message du Manding. « Je suis déjà au service d’un autre roi. Et le Manding m’a mandaté auprès de toi afin de t’informer de son allégeance. Ô vous, l’invaincu et l’invincible, en gage de bonne foi, le Manding vous fait présent de cette jeune femme nubile pour renforcer les alliances qui nous lient depuis des lustres ». Soumaoro en sera ravi. Cependant, il coupera les tendons d’Achille de Balla Fasséké après que celui-ci ait tenté de s’évader plusieurs fois. Il deviendra ainsi perclus.

Des jours durant, Sansonma Goninafè va user de sa force de séduction pour ravir à Soumaoro son secret d’invincibilité, son « tana ». Elle y parviendra enfin : c’est l’ergot d’un coq blanc. L’empereur sorcier et magicien sosso avait 69 façons de se métamorphoser. Il faudra attendre qu’il se transforme en un lutin blanc avec un point noir, lequel devra être écorché par l’ergot d’un coq blanc, ce qui lui sera fatal. Sansonma Goninafè s’enfuit donc avec ce secret vers le Manding. Et c’est cela qui permettra à Soundiata, déjà rentré au royaume, de vaincre Soumaoro.

Après la prise du Sosso, Soundiata, reconnaissant à l’égard de Balla Fasséké, aurait lié un pacte de fidélité avec lui. « À partir d’aujourd’hui, Kounyantiè (il y a désormais un pacte de fidélité entre toi, moi et toute ma descendance) », jurera-t-il.

Et c’est ainsi que Balla Fasséké prit le patronyme Kouyaté. Il sera par la suite nommé premier conseiller de la famille royale. Et il sera décidé que le sossobala ferait désormais partie du patrimoine de Doka et que ses descendants pourraient en hériter. De nos jours, le sossobala se trouve à Nyagasola, en Guinée.

Mali : L’industrie culturelle peine à décoller

Le Mali, l’un des pays les plus riches culturellement, peine encore de nos jours à peine à se faire reconnaître. Certains acteurs du monde de la culture malienne se sentent délaissés par les autorités, mais, malgré les difficultés, ils restent tous motivés.

Compte tenu de la richesse culturelle du Mali, le paysage culturel connaît toujours des difficultés par rapport à la promotion artistique et à la création musicale et théâtrale. Kary Bogoba Coulibaly, feu Teneman Sanogo, Adama Traoré, Malick Tiénan Dramé se sont donné les mains pour former la première troupe théâtrale privée du Mali, le « Nyogolon », en 1980, à côté du Kotèba national. Sur le plan musical, il y a aussi le Badema national, l’Ensemble instrumental et certains orchestres nationaux comme le Super Biton, qui se sont toujours investis dans la promotion de la culture malienne. « Il fallait un autre souffle pour ce développement culturel, musical et théâtral, et nous nous avons donné le ton pour que les autres puissent inspirer de nous », déclare Kary Bogoba Coulibaly, Secrétaire général de la Fédération des artistes du Mali et Président de l’Union nationale des comédiens du Mali.

Pour pouvoir montrer les savoirs du Mali et s’inspirer de ceux des autres pays, Adama Traoré, Directeur artistique d’Acte Sept, comédien, metteur en scène, auteur et entrepreneur culturel, a initié le festival Théâtre des Réalités en 1996. « C’est ainsi que nous avons découvert que nous manquions de tout, de techniciens au niveau de l’écriture, en son, en lumière », nous a-t-il confié.

Peu ou pas d’aides Malgré la présence d’un Institut national des arts qui est une référence en Afrique, et du Conservatoire multimédia Balla Fasseke Kouyaté, les artistes maliens n’ont pas de fonds d’aide à la création. « Pour tout ce que vous voyez comme produits et créations artistiques, les artistes font des miracles en partant de rien », affirme Kary Bogoba Coulibaly. Certains d’entre eux vivent d’ailleurs dans des conditions extrêmement difficiles. Kary Bogoba estime que la jeune génération doit s’inspirer des œuvres du terroir afin de les valoriser. « Nous avons tellement de richesses que nous n’avons pas besoin de nous laisser perdre dans des choses qui ne collent pas avec notre identité culturelle ».

Avec la crise de 2012, certains partenaires de la culture malienne sont partis et elle ne reçoit plus d’aides venant de certaines coopérations internationales, comme l’UE. « Il n’y a pas d’aide à la création, ni à la diffusion. Il n’y a pas d’aides non plus pour les structures indépendantes comme la mienne », dit Adama Traoré. « Nous sommes dans le sauve-qui-peut, dans la débrouillardise ».

En cinéma, avec Souleymane Cissé, Cheick Oumar Sissoko et Abdoulaye Ascofaré, entre autres, le Mali a remporté de grands prix à travers le monde en 1975, 1983 et 1978. Mais de 2003 à nos jours, les films maliens n’ont plus brillé. « En 2017, nous avons acquis des matériels de dernière génération en grandes quantités, pour que la production cinématographique puisse reprendre partout à travers le Mali », assure Moussa Diabaté, Directeur général du Centre national de la cinématographie du Mali. Renaissance du cinéma malien ? En outre, d’ici 2019, Bamako sera dotée de deux nouveaux complexes cinématographiques sur les rives droite et gauche. Avec des longs-métrages comme le Pari, Cheitane, Noguchi, Zabou, des films d’école ainsi que des courts-métrages, le Mali sera bien présent au FESPACO 2019. « Le CNCM compte bien remporter l’Étalon de Yennenga et entrer à Cannes par la grande porte, avec des longs-métrages et un film de création artistique qui sort de l’ordinaire. Nous sommes très confiants », s’enthousiasme Moussa Diabaté.

De nombreuses salles de spectacles ne répondent plus aux besoins du monde culturel d’aujourd’hui et certaines activités sont confiées à des structures étrangères au pays. « Il est temps que l’on fasse confiance à la jeunesse malienne pour l’évènementiel », estime Ismaël Ballo, promoteur de Prestige Consulting. Il est en train de travailler avec d’autres organisateurs de grands évènements et des producteurs à définir une programmation culturelle et à s’entraider pour la réussite des projets.

Kary Bogoba Coulibaly, de son côté, interpelle l’État, qui doit protéger et promouvoir les créations artistiques afin d’aider les artistes maliens à accéder aux marchés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et surtout à garantir leurs droits d’auteurs. Les humoristes et leurs émissions doivent également bénéficier d’un fonds annuel d’aide à la création. Pour cela, il appelle tous les artistes à l’union sacrée. « Il faut que la Convention de Florence et celle de l’Unesco de 2003 et 2015 soient appliquées, pour que les acteurs de la culture ne soient pas taxés comme n’importe quelle marchandise », ajoute Adama Traoré.

Mamary Diallo : Né pour être artiste

Mamary Diallo, est un jeune malien, artiste plasticien, peintre et membre de plusieurs associations artistiques. Il est titulaire d’un Master en Arts plastiques du Conservatoire Balla Fasseké Kouyaté depuis 2010. En plus d’être artiste, Mamary Diallo enseigne au lycée de Bougouni et fait la navette entre son atelier, situé à Quinzambougou, à Bamako, et cette ville.

Lorsqu’il était étudiant au Conservatoire Balla Fasseké Kouyaté, cet artiste organisait chaque année des évènements. À partir de 2008, il a bénéficié d’un financement de l’Union Européenne pour la réalisation d’une exposition sur la mosquée Djingareyber de Tombouctou. Cette mosquée du style architectural soudano-sahélien a été une grande source de motivation pour le jeune peintre et c’est là que sa carrière a pris son envol. « Chaque artiste est obligé de choisir son style et sa technique de travail, c’est ce qui fait sa fierté », explique Mamary Diallo. « Moi, j’ai essayé de trouver la solution pour réutiliser cette pratique du style soudano-sahélien dans la peinture, avec des matériaux comme la paille associée au banco, l’argile, la feuille blanche et la gomme arabique ».

Dès l’enfance, Mamary Diallo, alors en classe de 3ème année, était sollicité par les enseignants de la 6ème année pour faire des croquis, comme l’appareil circulatoire. « Moi, je suis né pour être un artiste. C’est un don naturel, depuis tout petit je dessine. Je reproduisais les petits dessins des livres et je parvenais à faire mon propre portrait », nous a appris le plasticien. À l’adolescence, les parents de Mamary lui ont conseillé d’arrêter, et ont même cherché à l’empêcher de dessiner, pour qu’il se consacre à ses études. Mais, grâce à son talent, il a par la suite pris part à plusieurs activités artistiques, comme la Biennale co-organisée par le Brésil et l’Argentine, en 2008, où il était le seul artiste de l’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’à la 14ème édition de l’exposition « La Documata » en Grèce, en 2017, avec autres artistes représentant tout le continent.

Pour cet homme de culture, dans la vie chacun suit son destin. « Depuis que j’ai su en moi ce désir qui me pousse à m’exprimer, je ne me suis jamais découragé. Les gens qui réussissent dans la vie ne sont pas les plus riches ou intelligents, ce sont ceux qui n’abandonnent jamais ». Ses tableaux sont aujourd’hui achetés ou commandés par les ministères, les services, les ambassades et des particuliers.

Mamary Diallo vient de recevoir une médaille de bronze, Art, Sciences, Lettres remise par la Société Académique d’Éducation et d’Encouragement, le 2 juin 2018.