Banditisme : L’Opération coup de poing, un an après

Pour faire face à une criminalité qui ne cessait de croître dans la capitale, le ministère de la Sécurité et de la protection civile lança le 28 janvier 2019 « l’Opération coup de poing », dans le district de Bamako et à Kati, pour juguler l’insécurité rampante.

1 013 éléments de la police nationale, de la gendarmerie et de la garde nationale ont été mobilisés dans le cadre de cette opération, qui a permis d’importantes saisies à l’époque, selon les chiffres avancés par le ministère de la Sécurité. 471 engins à deux roues ont été immobilisés pour vérification, idem pour 38 engins à quatre roues, 56 pistolets automatiques ont été saisis, en plus de 26 fusils de chasse et de 500 briques de chanvre indien. Lors d’une conférence de presse, dans la foulée de l’opération, le général Salif Traoré, ministre de la Sécurité et de la protection civile, avait affirmé « pas moins de 1 500 personnes ont été contrôlées, dont environ 200 retenues pour des fins d’enquêtes ». Si le département s’est félicité de ces résultats, le commissaire divisionnaire Bakoun Kanté, alors Conseiller technique, aujourd’hui promu Chef de cabinet, rappelait que les opérations de ce type se faisaient depuis bien longtemps. La seule différence, à l’en croire, a été la « campagne de communication » qui a permis d’obtenir l’assentiment de la population. Qui, toutefois n’a pas été unanime, certains dénonçant les méthodes des forces de sécurité, violant le respect des droits de l’Homme et étant assimilées à des abus d’autorité. Étayant leurs propos notamment par des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrant plusieurs personnes couchés à plat ventre « aux fins de contrôle ».

Quid de la justice ?

Le ministère de la Justice assure ne pas avoir été associé à l’opération. De ce fait, il n’existerait  donc aucun dossier « Opération coup de poing » au sein du département. Difficile donc de mesurer la suite qui a été donné à ces affaires. « Presque tous les magistrats qui étaient en poste à cette période ont été mutés. Ceux qui sont là aujourd’hui travaillent sur différentes affaires, comme à leur habitude », explique-t-on au ministère. Les personnes interpellées ont été, selon la loi, présentées devant les différents tribunaux compétents, en l’absence d’un dossier commun estampillé « Opération coup de poing ». Assez évasif sur le sujet, le ministère précise néanmoins que certaines sont « peut-être » en attente de jugement, en cours d’instruction ou ont même été libérées fautes de preuves.

Insécurité : Le centre fait-il oublier le nord ?

Dans le nord du pays, des personnes sont assassinées, souvent en masse. Au centre de l’attention au début de la crise, cette zone est supplantée depuis des mois par des violences, tantôt de milices communautaires, tantôt de groupes djihadistes au centre. Qu’en est-il ?

« Le bilan est passé aujourd’hui à  49 morts, parce qu’un blessé a succombé », informe Mohamed Ag Albachar, porte-parole du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA). Ce chiffre macabre est le résultat du forfait commis par des « bandits armés » en motos à l’est de Ménaka, les 11 et 12 décembre. Les victimes étaient de la communauté Daoushak, principale base du mouvement. Quelques semaines plus tôt, le 12 novembre, une attaque terroriste menée par des hommes non identifiés faisait trois morts et de nombreux blessés à Gao, malgré la présence des nombreuses forces armées. À Tombouctou, le constat est similaire. Les  populations se sont habituées aux violences. « Le centre est devenue l’épicentre de la crise, mais l’arbre ne cache pas la forêt. Cela ne fait pas ombre aux exactions qui se passent au nord », rappelle Drissa Traoré, coordinateur du projet conjoint AMDH –  FIDH. Des mesures sécuritaires sont annoncées pour réduire le banditisme dans les régions de Gao et Tombouctou. « Il est vrai qu’il y a une recrudescence des exactions au nord, mais ce qui se passe au centre est très grave», reconnait le charge de communication du MSA. La situation « est préoccupante » parce que les milices locales sont devenues un véritable danger pour la cohésion sociale et la paix. « C’est au centre qu’il y a le plus d’affrontement intercommunautaires. Il a fait oublier le nord, mais c’est surtout parce que l’ennemi au nord est connu, alors qu’au centre il y a également des populations locales qui s’affrontent », souligne Dr Fodié Tandjigora, sociologue à l’Université des lettres et sciences humaines  de Bamako. Il y a urgence selon lui, « c’est à gérer rapidement parce qu’il y a un risque que cela se transmette à la future génération ».

La MINUSMA a déployé une équipe spéciale d’enquête sur le lieu des exactions à Ménaka « pour établir les faits et les circonstances » de ces exécutions. L’AMDH et la FIDH invitent les autorités « à mener des enquêtes sur ces crimes qui ne peuvent pas être tolérés », soulignant la recrudescence d’actes insoutenables.

Bajan Ag Hamatou : « Tous ceux qui meurent sont membres de nos familles »

Depuis quelques semaines, la ville de Ménaka est confrontée aux vols à mains armées.  Mais jeudi dernier, c’est un vieil arabe qui a été assassiné en plein jour. Dans ce contexte, plusieurs personnalités se sont rencontrées Place de  l’indépendance pour dénoncer ces pratiques et appeler au calme. Bajan Ag Hamatou, député élu à Ménaka et 6ème Vice-président de l’Assemblée nationale, explique à Journal du Mali comment lutter contre ces agissements.

Qu’est ce qui explique  le banditisme à Ménaka, malgré la présence de forces armées dans la ville ?

Depuis 2012, nous sommes soumis à ce grand banditisme. Depuis le déclenchement de la rébellion,  nous  ne connaissons que morts d’hommes et braquages. La grande majorité de la population a encouragé ce banditisme dans le nord du Mali et dans la région de Ménaka. C’est devenu un comportement des jeunes gens et, au fur et à mesure, ce phénomène s’aggrave. Si nous  ajoutons  les morts d’aujourd’hui à ceux d’hier et d’avant-hier, c’est extrêmement inquiétant. La  MINUSMA, Barkhane, les forces armées maliennes et les mouvements sur place ont décidé de lutter contre ce phénomène. Mais son ampleur est telle que ni Barkhane ni la MINUSMA ne peuvent le réduire en un temps record. Il faut que toute la population prenne conscience de ce qui nous arrive et du devoir que nous avons de lutter contre ces pratiques. Malheureusement, c’est à Ménaka et ses alentours que cela se passe.

Que faut-il faire pour  lutter contre ce banditisme ?

Il n’y a pas d’autre solution au phénomène que nous vivons qu’une meilleure coordination. Il faut qu’il y ait une bonne organisation entre ceux qui combattent ces pratiques, les forces armées et de sécurité du Mali, la MINUSMA, Barkhane et les mouvements armés, appuyés par les populations. Tous ceux qui meurent sont membres de nos familles. Chacun d’entre nous a le devoir et l’obligation d’arrêter ce phénomène. La  seule solution passe par  l’implication des cadres, des responsables et de la population. Il ne servira à rien de pleurnicher et de se demander pourquoi cela arrive. Que chacun parle à ceux qui sont autour de lui et qu’on dénonce ceux qui le font.

Quelles sont les mesures prises concrètement ?

Ceux qui sont chargés de la sécurité de nos populations et de leurs biens ont décidé ensemble de se retrouver pour apporter la solution à cette criminalité. Mais elle ne peut être réellement efficace que si la population aide ces forces-là dans ce travail. C’est notre devoir, parce que ce sont nos enfants et les membres de nos familles qui meurent. Le plus rapidement possible une solution sera trouvée.