Intervention française au Mali : une fin au goût très amer

Arrivée en « sauveur » à Konna, le vendredi 11 janvier 2013, l’Armée française a discrètement quitté ce lundi 15 août 2022 le Mali, dans la poussière du désert de Gao. Mettant fin à neuf ans de coopération dont l’épilogue sonne comme une défaite.

L’idylle aura duré neuf ans. Après des premières années de bonheur, de gros nuages ont commencé à s’amonceler autour du couple Mali – France. Un premier coup d’État, le 18 août 2020, n’avait pas porté atteinte à cette relation, qui avait connu, certes, des bas, mais jamais assez importants pour la remettre en cause. Il aura fallu attendre un second coup, le 24 mai 2021, et le début de la « rectification » de la transition pour que la situation change rapidement. Tensions politiques, déclarations tapageuses des deux côtés, recours à Wagner selon plusieurs pays occidentaux, ce que le gouvernement malien réfute toujours, parlant d’instructeurs russes, ont, entre autres choses, conduit au divorce. Consommé depuis février 2022, il est officiel depuis le 15 août 2022. Les derniers soldats de Barkhane ont quitté le Mali, mettant ainsi fin à neuf années de présence militaire française dans le pays, débutée en janvier 2013 par l’opération Serval, remplacée par Barkhane en août 2014. Près de 125 000 soldats français ont servi au Sahel, selon des données avancées par Florence Parly, alors ministre des Armées, en février dernier. N’ayant pas réussi à éradiquer le terrorisme au Mali, l’intervention française a été pour de nombreux analystes un échec. Pis, les autorités maliennes accusent désormais officiellement la France de complicité avec les terroristes. Dans un courrier adressé au Conseil de sécurité des Nations unies le 15 août, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, accuse la France de « violations répétées de l’espace aérien malien » et de «fournir des renseignements» à des groupes terroristes, auxquels l’Hexagone aurait également livré des armes et des munitions. Des accusations dont le chef de la diplomatie malienne assure détenir les preuves. Elles donnent plus d’éclairage aux conclusions de l’Armée malienne suite à l’attaque de Tessit du 7 août dernier (42 morts et 22 blessés). Une note publiée le 8 août par sa cellule de communication indique que « les terroristes ont bénéficié d’un appui majeur et d’une expertise extérieure », sans préciser toutefois d’où et de la part de qui. Même après le départ des forces françaises, le bras de fer va donc se poursuivre entre le Mali et la France. Sur le terrain des Nations unies, où les deux pays avaient déjà eu des confrontations et où le discours du Premier ministre Choguel Maïga à la tribune de l’ONU, le 25 septembre 2021, avait été un élément déclencheur des lendemains qui déchantent entre les deux pays. Une source française nous a confié que Paris, ainsi que la représentation française à l’ONU s’activaient déjà par rapport aux accusations, sans plus de détails. Mais déjà, ce mercredi 17 août, l’ambassade de France au Mali a réagi sur ses comptes facebook et twitter assurant que la France n’a jamais « soutenu directement ou indirectement ces groupes terroristes qui demeurent ses ennemis désignés sur l’ensemble de la planète ». Dans sa lettre, le Mali demande à la France de cesser « immédiatement ses actes d’agression », et, qu’en cas de persistance, le Mali se réserve le droit de faire usage de la légitime défense.
«Problème kidalois
»
 Un point de non-retour semble être atteint entre les deux autorités, alors que les relations étaient précédemment relativement bonnes. Autre temps, autre contexte, autres acteurs. Le 2 févier 2013, le Président français d’alors, François Hollande, s’était offert un bain de foule, accueilli en grande pompe à Bamako. Sur la place de l’Indépendance, lors de son discours, il avait assuré : le Mali « va connaître une nouvelle indépendance, qui ne sera plus cette fois la victoire sur le système colonial, mais la victoire sur le terrorisme, sur l’intolérance et sur le fanatisme ».
Mais, après cet épisode heureux, même si les parties évitaient de faire part de leurs états d’âmes publiquement, la question de Kidal aura toujours été une épine dont personne n’aura jamais vraiment su se départir.
Lors de la libération de Kidal, l’opinion malienne n’a pas digéré le fait que les soldats français soient entrés dans la ville sans aucun militaire malien à leurs côtés. Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a d’ailleurs révélé que le Colonel Assimi Goita faisait partie des soldats auxquels l’entrée à Kidal avait été refusée.
« Il faut reconnaître que Serval est arrivé à un moment assez critique. À cette période, il y avait une colonne de djihadistes qui descendait vers le sud après l’occupation des régions du nord. L’opération Serval a permis de stopper ce processus, mais il était convenu que l’armée malienne reprenne le dessus et, dès le départ, le fait de ne pas avoir accès à la ville de Kidal avait déjà posé un problème », rappelle l’analyste Boubacar Salif Traoré, Directeur d’Afriglob Conseil.
Toute comme lui, Dr. Amidou Tidiani, enseignant-chercheur à l’Université Paris-13 trouve que l’opération Serval a été couronnée d’une pleine réussite. Du fait qu’elle a été une intervention ponctuelle qui visait une cible précise, identifiée et déterminée entre les parties malienne et française.
« Par contre, avec le passage à Barkhane, la France a changé la nature, les objectifs, le périmètre et les moyens de l’opération, qui est passée d’une intervention à une présence. Les objectifs français n’étaient plus ceux du Mali. Au même moment, la menace contre laquelle la France est intervenue se propageait et le « problème kidalois », qui, pour le Mali, a été l’élément déclencheur de l’instabilité, a été considéré dans le cadre de Barkhane comme une opportunité », explique Dr. Amidou Tidiani, selon lequel « le schisme entre autorités maliennes et françaises est né de cet élément et s’est exacerbé avec l’arrivée de Takuba, un conglomérat de forces spéciales répondant à un vieux rêve européen qui vise à rendre opérationnelle une Europe de la défense face aux nouvelles menaces venant de la Russie, de la Turquie et éventuellement de la Chine ».
« Cet agenda n’était pas celui du Mali. C’est pourquoi, alors que l’armée française parlait de réussite, les Maliens, qui voyaient leur pays sombrer, ne comprenaient pas. En réalité, ce qui se jouait au Mali dépassait les enjeux liés à la sécurité et à la stabilité du pays. Pour la sécurité et la stabilité du Mali, les 9 ans de présence française sont globalement un échec, mais du point de vue du renforcement militaire de la France (et de l’Europe) dans le monde, c’est une réussite », assure-t-il.
En outre, certains observateurs reprochent à l’Armée française de n’avoir pas atteint ses objectifs : « permettre au pays de recouvrer son intégrité territoriale » pour Serval et « lutter contre le terrorisme » en ce qui concerne Barkhane. Et, malgré sa présence, le terrorisme s’est métastasé au centre et au sud du Mali.
« Il a été dit que Barkhane allait permettre à l’armée malienne de se reconstruire de manière convenable. Mais, au fur et à mesure, on s’est aperçu qu’il y avait toujours des non dits dans ses opérations. Et beaucoup de zones d’ombre questionnent les Maliens : on ne connaissait pas le déroulement des certaines opérations et on ne dissociait pas le plan militaire du plan politique français », explique Boubacar Salif Traoré, faisant référence à des propos « déplacés » tenus par le Président français à l’encontre de la transition malienne.
Plusieurs bavures de l’armée française ont également contribué à tenir son image dans le pays. En octobre 2017, l’une de ses opérations a conduit à la mort de 11 militaires maliens retenus en otages par un groupe terroriste, présentée d’abord comme une opération ayant permis de neutraliser plusieurs terroristes par la France, qui se « refusait » à commenter la « propagande djihadiste» alors que des informations faisaient état de bavure. C’est le gouvernement malien qui confirmera la mort des soldats lors de cette opération, près de 15 jours après. De même, en septembre 2020, des tirs de sommation de soldats français sur un bus ont coûté la vie à un civil à Gao et, en janvier 2021, selon l’ONU, « 19 civils réunis pour un mariage près de Bounty ont été tués par une frappe militaire de la force Barkhane ».
Par ailleurs, l’intervention française a également eu des côtés positifs. À Konna, dans la région de Mopti, une rue porte toujours le nom de Damien Boiteux, le premier soldat français mort au Mali, et témoigne de l’importance de l’assaut des forces spéciales du COS (Commandement des opérations spéciales) de Serval, en 2013.
Barkhane, qui l’a remplacé, a permis de « neutraliser » plusieurs cadres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) (dont son chef emblématique, Abdelmalek Droukdel, et son chef militaire, Bah Ag Moussa) et des cadres de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) (en particulier Adnan Abou Walid al-Sahraoui, « émir » de l’EIGS).
«La France n’est pas partie»
Avec 5 100 hommes au plus fort de son engagement, 3 drones, 7 avions de chasse, 19 hélicoptères, 6 à 10 avions de transports tactiques et stratégiques, 260 véhicules blindés lourds, 360 véhicules logistiques et 210 véhicules blindés légers, la France avait mis les gros moyens et, après son départ, certaines zones doivent être réoccupées. « Quoiqu’il en soit, elle était un gros dispositif avec de nombreux hommes et  du matériel assez impressionnant. D’où l’étonnement des populations quant au fait qu’elle n’ait pas eu beaucoup de succès. Forcément, un vide sera créé et ce vide va être comblé par l’armée malienne, qui fait déjà un travail remarquable », analyse Boubacar Salif Traoré.
Alors que la France a annoncé son départ, l’enseignant-chercheur Dr Amidou Tidjani, aussi avocat au Barreau de Paris, n’en est pas convaincu. « La France n’est pas partie et elle n’a pas l’intention de partir. Elle restera en embuscade en espérant un pro français aux affaires à Koulouba pour revenir », dit-il. Les soldats qui ont quitté le Mali se sont redéployés au Niger, où le gouvernement a accepté de les accueillir.
Vide sécuritaire
Dans certaines régions, dont Ménaka, où étaient présents les soldats français, les terroristes gagnent du terrain et étaient à la date du 16 août « très proches de la ville », selon des sources locales. D’où la nécessité de combler le vide.
« Il faudrait une force intégrée au niveau africain pour coordonner la lutte contre le terrorisme du Mali jusqu’au Cameroun, une riposte transnationale face à une menace transfrontalière, comme le disait Amadou Toumani Touré. Mais, aujourd’hui, cela paraît peu réalisable. Dans ces conditions, la seule alternative c’est le renforcement de l’armée malienne par des moyens de surveillance, des moyens d’intervention rapide et la construction d’un État fort », plaide Dr Amidou Tidiani.
Pour combler le vide sécuritaire, le gouvernement malien s’emploie à occuper les anciens camps de l’armée française. En outre, le 9 août, il a réceptionné de nouveaux moyens aériens. Sur un autre plan, l’intégration sur une période de 2 ans de 26 000 ex combattants des mouvements rebelles et d’autodéfense est annoncée. « Il y a plusieurs stratégies qui sont en cours d’élaboration, mais, à mon avis, il faut déjà identifier des zones prioritaires. Aussi, comme on le conseille en diplomatie, il faut veiller à la classification des partenaires, comme la Russie qui se manifeste de plus en plus. Mais cela ne suffira pas. Il faut d’autres partenaires, comme l’Algérie, qui est impliquée. Ainsi sera comblé le vide laissé par les forces françaises », soutient Boubacar Salif Traoré.

Barkhane : les derniers soldats de la force ont quitté le Mali

Barkhane au Mali, c’est désormais officiellement terminé. Le dernier contingent de la force a quitté le pays aujourd’hui. Hier dimanche 15 aout 2022, une grande manifestation a été organisé par la société civile à Gao. Les manifestants réclamaient le départ sous 72h de Barkhane. 

Après neuf années sur le sol malien, débuté par l’opération Serval en janvier 2013 puis remplacé par Barkhane en août 2014, le dernier contingent de soldats français a quitté le Mali ce lundi vers 11h, ce qui met fin officiellement à la présence militaire française dans le pays. Après des mois de tension politique, la France qui au plus fort de son engagement avait environ 5 000 éléments déployés au Mali a annoncé en février dernier la fin de sa présence militaire. Avant cette annonce officielle de l’état-major français, des habitants de Gao, où Barkhane occupait encore sa toute dernière base ont manifesté pour réclamer le départ sous 72 heures de la force. Ils reprochaient à la force cette insécurité grandissante dans le pays. Le porte-parole des manifestants Abdoul Karim Maiga s’est réjoui de ce départ assurent que leurs efforts ont porté fruit.

Même si beaucoup d’observateurs estiment que l’opération Barkhane a été un échec, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées françaises a réfuté ce constat lors d’une audition devant le Sénat début août. Il a notamment avancé les succès qui ont permis de neutraliser des chefs terroristes comme Abou Walid Al-Sahraoui de l’Etat Islamique, mais l’insécurité est aujourd’hui tout de même généralisée. La force française Barkhane avait déjà transféré aux Forces armées maliennes les bases de Ménaka, de Tessalit, de Kidal, de Tombouctou et de Gossi, tous dans le nord du pays. Le départ de la base de Gao aujourd’hui était la dernière étape, elle signe la fin de l’opération Barkhane au Mali.

Sécurité : les autorités de transition invitent la France à retirer sans délai les forces Barkhane et Takuba du Mali

Après l’annonce du retrait des troupes françaises et étrangères engagées dans Takuba du Mali, le gouvernement transition a mis 24h pour réagir. Les autorités disent prendre « acte de la décision unilatérale des autorités françaises en violation des accords liant la France et le Mali et impliquant d’autres partenaires ». Dans le même communiqué, le gouvernement rappelle que les résultats obtenus par les austérités françaises n’ont pas été satisfaisants ni en 2013 avec l’opération Serval, ni en 2016 avec Barkhane. Alors que les président français Emmanuel Macron parle de 4 à 6 mois pour un retrait des troupes, les autorités de transition par le biais de ce communiqué invitent la France à retirer sans délai les forces Barkhane et Takuba du territoire national, sous la supervision des autorités maliennes. A Bruxelles, en plein sommet UA-UE, le président français Emmanuel Macron a réagi : « nous avons annoncé la réarticulation du dispositif et il s’appliquera en bon ordre afin d’assurer la sécurité de la mission des Nations Unies et de toutes les forces déployées au Mali. Je ne transigerai pas une seconde sur leur sécurité « .

Jean François Camara : « l’essentiel de la lutte doit se faire par l’armée malienne »

Retrait de Barkhane et des forces européennes du Mali, capacité de l’armée malienne à prendre pied sur le terrain, Jean François Camara, enseignant-chercheur à l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako répond à nos questions.

Quelles peuvent-être les implications du retrait des forces françaises et européennes du Mali?

Éventuellement, il peut y avoir des conséquences, parce que l’on ne maîtrise pas tout. Je suis sceptique par rapport à cette question. Si la France décide de se retirer, je doute que les Forces armées puissent occuper effectivement la place qu’elles occupaient. Nous avons des échos que le Mali a signé des accords de défense avec la Russie dont on ne sait pas si elle prendra cette place.

Le sommet du G5 Sahel à Paris tenu en l’absence du Mali et du Burkina, pourrait-il avoir des conséquences sur la cohésion entre les pays?

 Par rapport à la cohésion, cela peut être problématique. Parce que le Mali et le Burkina ne peuvent pas être ignorés alors que ce sont les deux Etats vraiment concernés. Je pense que les deux Etats ont été consultés, même s’ils n’ont pas fait le déplacement. Il y a trop de confusion autour du G5, et pas de cohésion autour de ses objectifs. Les 3 frontières (Mali, Burkina Faso et Niger) devraient mettre en place une synergie capable de répondre aux attentes de la population dans la lutte contre le terrorisme, cela n’a pas été fait. Des décisions ont été dictées et ne sont pas adaptées au contexte de la lutte. En amont les trois Etats devraient mettre en place des stratégies cohérentes permettant de lutter contre le terrorisme. Il n y a pas assez de connexion militaire entre eux. Sans cela les questions militaires seront vouées à l’échec.

 L’armée malienne semble monter en puissance, a t-elle les moyens aujourd’hui de lutter efficacement contre les terroristes?

 Oui on en parle, mais à elle seule elle ne peut pas. Elle doit être appuyée par une autre puissance militaire. Elle a besoin d’être épaulée sur le plan logistique, des formations. Mais ce qui doit être compris, l’essentiel de la lutte doit se faire par l’armée malienne.

 Quel bilan pouvons-nous tirer de la présence française au Mali? 

 Le bilan est très mitigé parce que si l’on observe depuis le début, la sécurité ne s’est pas vraiment améliorée, au point que les populations se demandent s’il n ya pas connivence entre l’armée française et les terroristes. Notre armée doit compter sur elle-même, nous avons des hommes valables bien formés, ils doivent le prouver.

C’est elle qui doit être au front pour combattre les terroristes.

Barkhane – Takuba : chronique d’un départ annoncé

L’expulsion de l’ambassadeur français au Mali décidée par les autorités de la transition le 31 janvier 2022 a marqué un tournant dans les relations diplomatiques, déjà tendues depuis plusieurs mois, entre Paris et Bamako. Elle a suscité beaucoup de réactions dans l’opinion publique française et obligé l’État français à accélérer sa décision sur l’avenir de son engagement militaire au Mali, où, en plus de Barkhane, la France assume le commandement de la force européenne Takuba. Face à une situation de plus en plus « intenable », Paris et ses partenaires européens envisagent sérieusement un retrait militaire définitif du Mali, tout en restant engagés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

« Nous devons constater que les conditions de notre intervention, qu’elle soit militaire, économique et politique, sont rendues de plus en plus difficiles. Bref, on ne peut pas rester au Mali à n’importe quel prix », a déclaré la ministre française des Armées, Florence Parly, le 29 janvier, au lendemain d’une réunion de l’Union européenne au cours de laquelle la situation au Mali a été évoquée.

« Nous voulons tous poursuivre ce combat. Nous sommes unis par rapport à cet objectif, il nous faut donc désormais en déterminer les nouvelles conditions », a-t-elle poursuivi, deux jours avant l’expulsion de Joël Meyer, l’ambassadeur français en poste au Mali, considérée par plusieurs candidats à la présidentielle française comme une humiliation.

Il n’en fallait pas plus pour remettre sur la table la question de la présence française au Mali, 9 ans après le début de son intervention, d’abord avec Serval, puis Barkhane. Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a assuré le 1er février que la situation ne pouvait pas rester en l’état et que d’ici la mi-février la France allait travailler avec ses partenaires pour « voir quelle est l’évolution de notre présence sur place et pour prévoir une adaptation ».

Un débat sera également organisé au Parlement français d’ici la fin de la session en cours, à la fin du mois de février, pour évoquer l’engagement militaire de la France au Mali, a annoncé le 2 février le Premier ministre Jean Castex.

Options 

Les options pour Paris vont d’un maintien avec une réorganisation, à un départ définitif ou à un transfert des troupes vers un autre pays du Sahel. « Pour moi, la première option pour la France pourrait être de réduire davantage sa présence au Mali, en laissant seulement quelques détachements à Gao. La deuxième serait de concentrer l’essentiel de ses forces au Niger, notamment dans la région du Gourma, et de continuer à mener des opérations dans la zone des trois frontières, avec les renseignements américain et nigérien, et la coalition des forces du G5 Sahel », avance le Dr. Abdoulaye Tamboura, géopolitologue, qui par ailleurs n’est pas convaincu que la France décidera de quitter définitivement le Mali.

Pour Moussa Djombana, analyste géopolitique et sécuritaire, « l’équation est très complexe pour la partie française qui sans nul doute, si elle devait quitter le Sahel, le ferait malgré elle, la mort dans l’âme ».

« Logiquement, si on s’en tient aux précédentes déclarations du Président Macron, la France doit s’assumer, être conséquente avec elle-même et s’en aller du Mali. Cependant, les intérêts des États n’étant pas à occulter, quitter le Mali reviendrait à abdiquer face à la Russie et à livrer le Mali sur un plateau d’or à Poutine. Pris sous cet angle, vu la rivalité entre l’Europe et la Russie, je vois mal la France et ses alliés européens s’en aller aussi facilement », analyse-t-il.

En revanche, selon Dr. Aly Tounkara, Directeur du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S), « il est fort probable qu’on assiste dans les semaines à venir à un retrait définitif de la présence militaire française au Mali et même de la Task Force Takuba ». Pour lui, l’avenir de la France sur le plan militaire au Mali s’inscrit clairement dans le court terme.

Rester au Sahel… mais où ?

Comme l’ont affirmé à plusieurs reprises les autorités françaises, un désengagement français du Sahel, où le pays combat le terrorisme, n’est pas envisagé. La France étudie donc la possibilité de poursuivre la lutte anti-terroriste dans la région depuis un autre pays au cas où elle devrait quitter le Mali.

Le Niger, un pays au cœur du Sahel et dont la gouvernance est stable, apparait comme la destination vers laquelle les troupes françaises pourraient se replier. La ministre française des Armées, Florence Parly, s’y est d’ailleurs rendue le 3 févier pour discuter de l’évolution du dispositif militaire français au Sahel.

« L’opération Barkhane doit être revue de fond en comble et il nous faut probablement nous replier sur le Niger et bâtir un modèle dans lequel nous serons en capacité d’intervenir en cas d’urgence », a suggéré le 3 février l’ancien ministre français de la Défense Hervé Morin. D’après l’état-major français, qui a tenu un débriefing avec des journalistes sur la question, le départ de Barkhane du Mali n’est pas vu comme un problème, puisque la lutte contre les groupes terroristes se poursuivra depuis Niger. Le même précise que la coopération militaire entre les FAMa, Barkhane et Takuba sur le terrain ne reflète pas les tensions diplomatiques. L’armée française a annoncé que du 1er au 6 février, une opération menée par les militaires maliens et Takuba a permis de neutraliser une trentaine de terroristes dans la zone des trois frontières. Toutefois, la tension diplomatique entre les deux pays, les problèmes avec Takuba et aussi la présence sur le terrain de « sociétés privées », confirmée par Vladimir Poutine le 7 février poussent la France à regarder vers le Niger.

« Les hautes autorités nigériennes ayant de bons rapports avec les autorités politiques françaises, un redéploiement de Barkhane sur ce pays est envisageable et pourrait susciter moins de remous qu’au Mali. Il est donc évident que Niamey symbolise la survie et l’avenir de Barkhane au Sahel », pense pour sa part Moussa Djombana.

Pour autant, selon cet analyste, un éventuel redéploiement de Barkhane et de la Task Force Takuba au Niger ne se fera pas sans obstacles. « En général, une partie des opinions publiques est contre la présence militaire française au Sahel. Malgré les bonnes dispositions d’esprit des autorités nigériennes, si l’opinion publique nationale évolue fortement contre ce projet, les dirigeants, pour ne pas prendre de risques, pourraient reculer et opposer une fin de non-recevoir à la poursuite de la mission de Barkhane et Takuba sur le sol nigérien », avise celui qui pointe également des « difficultés matérielles » de redéploiement et un « changement obligatoire dans la stratégie opérationnelle globale » de la mission dans la bande sahélienne.

À côté de l’alternative d’un redéploiement vers le Niger, Dr. Abdoulaye Tamboura pense que la France pourrait également se replier sur certaines bases, notamment dans la région des pays du Golfe de Guinée, en Côte d’Ivoire, au Bénin ou au Sénégal, qui sont également confrontés aux menaces terroristes.

« La France peut essayer de réorganiser ses troupes dans les pays qui font l’objet d’attaques sporadiques de la part des djihadistes. La région du Golfe de Guinée peut constituer aussi une zone stratégique pour elle », indique le géopolitologue, qui relève par ailleurs, dans ce cas, des difficultés logistiques pour mener des opérations dans le Sahel. « L’essentiel de l’effectif de la Force Barkhane va être réparti entre la Côte d’Ivoire et le Niger, deux pays qui restent très fidèles à l’engagement français dans le Sahel. Mais, au-delà de cet engagement, ce sont des intérêts géostratégiques et géopolitiques qui seront préservés », renchérit le Dr. Tounkara.

Takuba, lendemains incertains

L’avenir de la force européenne pilotée par la France et mise en place en 2020 pour l’épauler dans son combat contre le terrorisme au Mali est plus que jamais incertain. Sur demande insistante du gouvernement malien de transition, le Danemark a décidé le 27 janvier dernier de retirer ses troupes, récemment déployées.

« Les militaires au pouvoir ont envoyé un message clair et ont réaffirmé que le Danemark n’était pas le bienvenu au Mali. Nous ne l’acceptons pas et pour cette raison nous avons décidé de rapatrier nos soldats », avait déclaré Jeppe Kofod, le ministre danois des Affaires étrangères, après une réunion au Parlement. Le mardi 1er février, la Norvège a suivi en renonçant à l’envoi d’un contingent militaire qui devait intégrer la force Takuba, faute d’accord avec les autorités maliennes. « À compter d’aujourd’hui, il n’est pas d’actualité d’envoyer une force norvégienne au sein de la force Takuba », a clairement indiqué le ministre norvégien de la Défense.

D’autres pays européens, à l’instar de la Hongrie, du Portugal, de la Roumanie et de la Lituanie, qui seraient dans l’attente d’un feu vert de Bamako pour envoyer leurs contingents, reverraient leur position vu le contexte actuel tendu entre la France et le Mali. L’Allemagne, de son côté, va soumettre la question de l’avenir de son engagement au Mali à son Parlement au mois de mai, a annoncé dans une interview le 2 février la ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock.

« L’avenir de la Task Force Takuba est très sombre. Beaucoup de pays contributeurs ont commencé à hésiter, notamment ceux qui ont un mandat en cours d’acceptation. Beaucoup vont clairement décliner l’envoi de leurs troupes », glisse Dr. Aly Tounkara.

« Mais, dans le même temps, il semble que l’approche privilégiée par les autorités maliennes consiste à faire venir d’autre pays contributeurs, qui dépendraient de l’État du Mali et non de la France comme cheffe de file de ces armées partenaires. Ce scénario pourrait faire prendre la mayonnaise, mais dans le long terme. À court terme, dans un esprit de cohérence, les autres pays présents dans la force Takuba pourraient également suivre la France dans son probable retrait définitif du Mali », poursuit-il.

Par ailleurs, selon une source diplomatique, quelles que soient les décisions prises par la France et ses partenaires européens, elles auront un impact sur l’ensemble des missions présentes sur place au Mali, notamment la MINUSMA et la mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM). « La France pourrait mettre un frein à l’EUTM, qui est chargée de la formation de nos militaires, dont la présidence est tournante entre les pays de l’UE. Elle pourrait essayer de convaincre ses partenaires pour qu’ils arrêtent la mission, alors que c’est une mission très bénéfique pour nos militaires », craint Dr. Tamboura.

En attendant l’issue des discussions et les prochaines décisions que pourraient prendre la France et ses partenaires sur l’avenir de leur engagement militaire au Mali et au Sahel, l’hypothèse d’un retrait pur et simple de la Force Barkhane et de la Task Force Takuba est sérieusement envisagée, selon des sources proches du dossier.

Les modalités d’un tel retrait sont sur la table des consultations que Paris est en train de mener avec les pays européens et africains engagés dans la lutte contre le terrorisme au Mali et également en discussion au sein de l’état-major de l’armée française.

Le sujet devrait également être évoqué à Bruxelles, lors du sommet Union européenne – Union africaine, prévu les 17 et 18 février 2022, où, selon une source bien introduite, Emanuel Macron pourrait annoncer le retrait de la France du Mali et une adaptation du dispositif militaire.

Mali : la France envisage sérieusement un retrait de Barkhane

La question d’un retrait de Barkhane et de Takuba du Mali a été clairement mise sur la table aujourd’hui lors d’un briefing de l’armée française confie des médias. Le départ de Barkhane du Mali n’est pas vu comme un problème opérationnel puisque selon l’armée la lutte contre le terrorisme se poursuivra du Niger. Paris souhaite en effet se replié vers le Niger qui parmi les pays qui font face au terrorisme est celui qui n’a pas connu de coup d’Etat, et semble la meilleure alternative. La ministre des Armées de France était à Niamey le 3 février pour discuter de cette éventualité et des modalités. Les tensions diplomatiques et les joutes verbales entre le Mali et la France amènent cette dernière à envisager son retrait du Mali. Toutefois, selon les échos du briefing de l’armée francaise, la coopération militaire entre les FAMa, Barkhane et Takuba sur le terrain ne reflètent pas les tensions diplomatiques entre les deux pays.

Me Baber Gano : « le Mali et la France doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent»

Me Baber Gano, Secrétaire général du RPM et ancien ministre de l’Intégration africaine répond à nos questions sur la transition, l’opération Barkhane, revient sur l’actualité politique. 

Que pensez-vous de l’inclusivité du nouveau gouvernement de transition ?

Le gouvernement comporte 25 ministres titulaires et trois portefeuilles délégués. Quand on regarde l’ordre protocolaire dans l’architecture gouvernementale, on comprend que le Dr. Choguel Kokalla Maïga a mis les priorités sur le ministre de la défense qui est le numéro un après le premier ministre, ensuite il y a le ministère de la justice puis on a le ministère de la refondation. Cela annonce déjà les priorités du gouvernement : la sécurité, la justice et la refondation. Cela est un bon signal. En ce qui concerne l’attelage, des consultations ont été menées, au souhait du premier ministre, compte tenu des recommandations de la CEDEAO et de la classe politique pour un gouvernement inclusif. Notre surprise fut grande lors de la publication de la liste du gouvernement. Cette attente de la CEDEAO n’a pas été comblée. Le gouvernement, à mon avis, n’a ni été inclusif entre les membres du M5 ni avec les partis politiques d’autres bords. Le gouvernement n’a pas pris en compte les attentes de la CEDEAO et de la classe politique, qui voulaient accompagner une transition avec beaucoup plus de détermination et d’engagement pour la réalisation des réformes et l’organisation d’élections crédibles et transparentes dans les délais prévus. Qu’à cela ne tienne, notre souhait aujourd’hui est de toujours rester dans cet accompagnement de la transition. Nous ne sommes pas intéressés que par des postes ministériels, mais bien aider le Mali à sortir de ce labyrinthe.

Emmanuel Macron met fin à l’opération Barkhane dans un contexte sécuritaire toujours préoccupant. Quelle devrait être la réaction du gouvernement?

Je regrette le durcissement du ton de la France. La France est et restera le partenaire le plus privilégié pour le Mali dans la lutte contre le terrorisme. En 2013, n’eût été l’intervention de la France, le Mali allait tomber dans les mains des djihadistes. Cette intervention française était une manière de payer une dette morale vis-à-vis du Mali. La France et le Mali doivent rester des partenaires bilatéraux quelles que soient les questions qui fâchent. Il y a divergence sur deux questions : la présence militaire française et le dialogue avec certains groupes djihadistes. Et pour Emmanuel Macron il est inconcevable de discuter avec ceux-là qui tuent les siens. Mais discuter ne signifie pas forcément que nous allons vers l’impunité. Personnellement, je propose un référendum sur  les deux questions, à savoir la présence française au Mali et le dialogue avec les djihadistes Nous avons la légitimité de dialoguer avec les djihadistes, parce que c’est une recommandation du DNI, mais nous pouvons aussi avoir la légalité constitutionnelle. Nous devons donc réchauffer les relations diplomatiques et ne pas laisser la situation se cristalliser davantage. Cela n’est de l’intérêt pour personne.  Il faut qu’on discute dans un cadre bilatéral, ramener les questions de divergences telles que la présence militaire française, le dialogue avec certains groupes djihadistes et même l’Accord pour la paix afin de se rassurer mutuellement dans le respect de la souveraineté nationale, car la France a besoin de garantie. C’est ce que le  gouvernement de Choguel devrait faire.

Le Premier ministre a promis des audits pour bientôt. Est-ce qu’une chasse aux sorcières envers les anciens membres de la majorité présidentielle est à craindre ?

Je ne pense pas que cela soit sa vision. Il prend des mesures pour une bonne gouvernance et pour ce faire il faut lutter contre la corruption et la délinquance financière. Cependant auditer ne commence pas seulement par les membres de l’ancienne majorité. Il peut remonter à plus de 15 ans ou 20 ans. Si on veut assainir la vie publique, cela ne se limite pas seulement à une gestion de l’ancienne majorité d’Ibrahim Boubacar Kéïta.  Certes nous avons été les anciens dirigeants à gérer, mais nous ne craignons rien.

Le RPM semble désormais être le seul parti à tirer le train « EPM ». Plusieurs partis n’y sont plus membres…..

Je ne suis pas le président de l’EPM mais mon parti a joué un rôle de colonne vertébrale avant les événements du 18 août. Je regrette aujourd’hui que le regroupement vole en éclats. Je pense que raisonnablement cette coalition doit s’interroger sur de nouveaux objectifs. Après la chute d’Ibrahim Boubacar Keita, l’’EPM aurait du réfléchir pour repartir sur de nouvelles bases parce que c’est un regroupement de partis mis en place pour soutenir la majorité présidentielle de l’époque. Et IBK n’étant plus aux affaires, on ne peut pas faire du IBK sans IBK. Dans le préambule de ce regroupement politique, il est clairement dit que la soixantaine de partis se mettaient ensemble pour « apporter au président IBK une majorité présidentielle et parlementaire ». Donc à mon avis après le coup d’Etat du 18 août, les relations politiques devaient être rénovées pour qu’on sache les nouvelles priorités pour un horizon donné, quitte à changer le nom « EPM ». Certains partis ont décidé de rester, mais jusqu’à quand ? On n’a pas encore fini avec les saignées, il faut certainement s’attendre à d’autres départs tant qu’on ne change pas les objectifs. Mais le RPM en est toujours membre.

Comment va le RPM?

Le RPM se réorganise pour se restructurer. Le coup d’Etat nous a refroidi et aujourd’hui les militants ont compris que nous devons travailler à ressouder les rangs. Et nous allons nous présenter aux élections futures.

Propos recueillis par Boubacar Diallo

La version courte de cet article a été publiée dans Journal du Mali l’Hebdo n°323 du 17  au 23  juin 2021 

Barkhane : en pleine polémique, la ministre française des armées Florence Parly en déplacement au Mali

Alors que Barkhane est dans l’œil du cyclone après la publication mardi 30 mars d’un rapport de la MINUSMA qui conclut à une bavure de la force française lors d’une frappe le 3 janvier dernier, la ministre française des Armées sera en déplacement à Bamako ce mercredi selon plusieurs sources. Une visite qui assure t-on était déjà programmée, bien avant la publication du rapport de la mission onusienne qui pointe la responsabilité de la France dans la mort de 19 civils, tué alors qu’ils célébraient un mariage à Bounty, dans le centre du pays. Paris a immédiatement réagi par la voix de son ministère français des Armées qui a réfuté mardi 30 mars toute bavure et émis « de nombreuses réserves » sur ce rapport.

Gao : À l’ombre des assassinats ciblés

Même le football fuit Gao. Les matches du championnat national devant se jouer dans la ville seront délocalisés à Mopti, « en raison de la crise sécuritaire et de l’éventualité de l’absence de moyens de transport aérien et / ou du coût y afférent », informe le nouveau règlement spécial de la Ligue 1 malienne. Le climat n’est pas favorable pour jouer au ballon dans ce no man’s land animé par des incidents sécuritaires des plus spectaculaires. Le dernier en date, l’assassinat de l’opérateur économique Abdoulaye Baba Koné. Dans la nuit du 8 au 9 février dernier, il a été abattu aux environs de 3 heures à son domicile par des hommes armés non identifiés. Meurtre qui s’ajoute à la longue liste des assassinats ciblés qui endeuillent la ville de Gao depuis 2012.

Le 26 janvier, c’est une clinique privée qui a été braquée par des hommes armés et  les patients dépossédés de leurs biens. La veille, un jeune homme avait été tué au quartier Sosso Koira par trois hommes armés. Le 24 janvier, c’est un  membre du GATIA (un groupe d’autodéfense, ndlr) qui était tué par deux individus armés à bord d’un véhicule. Ces trois jours suffisent  pour résumer la situation sécuritaire de la ville de Gao et donner une indication de ce qu’est devenu le quotidien de ses habitants. « Aujourd’hui, les populations sont devenues des otages malgré elles. Nous sommes déçus parce que nous ne pouvons pas comprendre que malgré le dispositif militaire en place les populations continuent toujours d’être traquées. Pis encore, imaginez qu’en plein jour à Gao, vous ne pouvez pas porter de beaux habits, vous ne pouvez pas être dans une belle voiture, de peur d’être enlevé », témoigne Almahady Moustapha Cissé, Coordinateur de Songhoy Chawaara Batoo, une coalition d’une dizaine d’organisations et de faitières de la communauté de culture songhoy.

Les opérateurs économiques ciblés

Parmi les victimes figurent plusieurs opérateurs économiques de la ville. Abdoulaye Baba Koné, Abdoulaye Oumar Maïga, Hama Hiya, Hassan Tall, tous opérateurs économiques, ont été ciblés et abattus dans Gao.  Le  13 décembre 2020, Abdoulaye Adama échappe à une tentative d’assassinat. Touché par une balle, il survit. Cette situation pousse la Cité des Askia à se demander à qui profiteraient ces assassinats. « Dans la situation où les groupes terroristes sont vaincus, les ressources financières de l’extérieur n’étant plus à jour, les rançons ne pouvant plus financer leurs activités, les ressources locales sont prioritaires. Pour se financer, les terroristes recourent à la criminalité. Les opérateurs économiques sont obligés de payer pour sécuriser leurs business. Au cas où un opérateur économique refuse, alors il sera une cible », explique le Dr. Mady Ibrahim Kanté, chercheur associé au Timbuktu Institute. « Il y a certains observateurs qui pensent qu’il s’agit d’un règlement de comptes entre opérateurs économiques», soutient Mohamed Ag Ismaël, chercheur. Cependant, pour Almahady Moustapha Cissé, c’est plus que cela. « C’est une forme de terrorisme pour chasser tous ceux qui comptent par le commerce, l’intelligence, le militantisme, pour les effrayer afin qu’ils quittent la ville.  À Ansongo, il y a eu des menaces de mort. Certains opérateurs n’y sont plus. Il en est de même à Gao ».

Incompréhension

À Gao, plusieurs forces militaires se côtoient, mais la sécurité est toujours des plus préoccupantes. C’est ce contraste qui en étonne plus d’un. L’opération française Barkhane y tient une base de 1 600 soldats et la force onusienne, la  Minusma, en déploie plus de 4 000  dans la région. Cela sans compter les 600 éléments du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et les centaines d’éléments des forces de sécurité et de défense maliennes. Cependant, malgré cette présence militaire, les enlèvements, braquages et assassinats ciblés sont monnaie courante, avec une facilité éclatante. D’où l’incompréhension et la colère. « C’est un manque de courage politique. Une ville comme Gao, avec des camps et autant de moyens  militaires! Soit ils voient et ferment les yeux ou alors ils n’ont aucune volonté de faire face », déclare Almahady Moustapha Cissé. Pour le chercheur Mohamed Ag Ismaël, « cela ne peut s’expliquer que par des complicités à l’intérieur de la ville et au sein des forces qui contrôlent les sorties de Gao. Le fait est que les auteurs connaissent très souvent leurs victimes et leurs emplois du temps ». Le Secrétaire général de la Fédération des organisations de résistance civile de Gao  (FORC-G) abonde dans le même sens et va même plus loin. Pour Halidou Malicki, « le laxisme » des forces en charge de la sécurité favorise une telle situation. « À Gao, on circule librement, sans qu’on sache qui est qui et qui fait quoi. Il y a un  certain laxisme des forces de défense et de sécurité aux différents postes de contrôle de la région. Il suffit simplement d’avoir quelques liasses de billets pour pouvoir entrer dans la ville. Il n’y a pas non plus de fouilles minutieuses au niveau des postes d’entrée. Et nous ne sentons pas la présence de l’armée. Quant aux forces étrangères, les patrouilles qu’elles ont l’habitude de mener ne sont pas en réalité de nature à dissuader ceux qui veulent commettre des forfaits en ville », tempête-t-il.

Prolifération d’armes

Face à cette nouvelle forme d’insécurité, qui va croissant dans la ville de Gao, le gouverneur de la région, le général Moussa Traoré,  a décidé le 12 février dernier d’instaurer un couvre-feu et d’interdire la circulation des véhicules non immatriculés à l’exception de ceux des forces armées et de sécurité maliennes et de leurs partenaires. Le lendemain, des opérations de patrouille dans la ville ont permis de saisir en neuf heures chrono « 6 véhicules dont 5 pick-up et 1 Hilux, 11 armes de guerre, des munitions en vrac et d’autres matériels de combat ».

Cela corrobore une thèse largement répandue : la prolifération des armes est le terreau de l’insécurité à Gao. « Cela ne me surprend pas que des armes puissent être retrouvées dans des véhicules, parce que chacun aussi se sécurise. C’est une ville où l’on tue les gens tous les jours. Individuellement, chacun aussi cherche à se défendre », explique  Moussa Boureima Yaro, Coordinateur du Mouvement des Jeunes Patrouilleurs de Gao, qui menait des patrouilles citoyennes en 2012 pour veiller sur la sécurité des personnes et de leurs biens alors que la ville était entre les mains des djihadistes.

Selon Georges Berghezan, chargé de recherche au Groupe de recherche et d’informations sur la paix et la sécurité (GRIP), « ce qui favorise la prolifération des armes dans le Nord, c’est d’abord la grande disponibilité d’armes illicites dans la région, due à plusieurs conflits, en cours ou récemment achevés, et la perméabilité des frontières des pays du Sahel. En outre, selon certaines estimations (ni officielles ni étayées), au moins 30% des armes illicites proviendraient des stocks nationaux (principalement FAMa), que ce soit par la vente illicite ou la perte au combat.

Pour le nombre d’armes illicites au Mali, et a fortiori dans la région de Gao, le GRIP ne dispose d’aucune estimation. Notez que l’institut Small Arms Survey estimait que, en 2017, 206 000 armes à feu se trouvaient aux mains de civils au Mali (le terme « civil » étant attribué à toute personne non membre des forces de défense et sécurité), 15 800 aux mains des militaires et 3 000 aux mains des forces de l’ordre. La persistance de conflits non résolus dans le Nord m’apparait donc comme le principal moteur de la prolifération des armes et leur utilisation meurtrière », explique-t-il.

La ville de Gao compte plusieurs mouvements armés, dont les principaux sont les ex indépendantistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme.  Selon des données de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et de réinsertion (CNDDR) datant de janvier 2021, près de 24 000 ex combattants ont été enregistrés dans la région de Gao, dont 9 635 avec des armes de guerre et près de 15 000 avec des munitions. 6 770 des ex combattants appartiennent à la Plateforme et  1 761 à la CMA. Grâce au processus DDR, 200 éléments de chacun des deux mouvements composent, à côté de 200 autres éléments de l’armée malienne, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), qui effectue des patrouilles mixtes pour la sécurisation des personnes et de leurs biens. Cependant, certains éléments de ce mécanisme sont soupçonnés d’être derrière les braquages, enlèvements et assassinats ciblés dans la ville. « Beaucoup de cas ont révélé que certains auteurs d’actes de banditisme sont des éléments du MOC. Il y a eu beaucoup de cas où les présumés auteurs, pris ou  pourchassés, se sont révélés être des éléments du MOC.  Nous avons demandé, le temps qu’on puisse faire le grand DDR, de faire sortir le MOC hors de la ville, pour permettre de contrôler qui y entre, qui en sort, qui est détenteur d’armes et qui ne l’est pas », explique Almahady Moustapha Cissé.

Outre certains éléments du MOC, des soupçons pèsent également sur les groupes armés présents dans la ville. Faute de voir leurs besoins comblés, certains de leurs membres se lanceraient dans des actes de banditisme. « Il y a des éléments non contrôlés de l’ex rébellion, des mouvements d’autodéfense, etc. Mais je tiens à préciser que ces éléments agissent pour leur propre compte, même si le retard dans l’application de l’Accord pour la paix a sa part de responsabilité. Des jeunes armés sans revenus ont quand même besoin de survivre. Mais, encore une fois, cela ne peut en aucun cas justifier les tueries », explique Mohamed Ag Ismaël. Pour Almahady Moustapha Cissé, même des militaires maliens feraient partie des auteurs. « Ceux qui attaquent, il y en a partout. Récemment on a compris qu’il y avait des militaires. Une fois, un garde a quitté Bourem pour venir mener une attaque à Gao ».

En attendant que les nouvelles mesures sécuritaires prises par les autorités de la région aient l’effet escompté, la ville est pour l’heure un véritable « Far Nord ». Situation que voudrait voir changer la Coalition Songhoy Chawaara Batoo, au risque de « prendre ses responsabilités pour protéger sa communauté contre une épuration ethnique qui ne dit pas son nom à travers ces assassinats ciblés ». Prendre les armes ? « Pour le moment nous n’en sommes pas encore arrivés là. Nous avons d’abord toute une panoplie de moyens et de leviers légaux, dont nous allons nous servir pour faire comprendre notre cause », conclut Almahady Moustapha Cissé.

Boubacar Diallo

Kemi Seba : « Les premiers responsables de notre situation, c’est nous les Africains »

De passage à Bamako dans le cadre d’une tournée contre le néocolonialisme, l’activiste et panafricaniste Kemi Seba a au cours d’un long entretien répondu à nos questions. France, Russie, intégration africaine, IBK, le président de l’ONG Urgences Panafricanistes n’élude comme à son habitude aucun sujet.

Durant votre tournée de  sensibilisation sur la question du Franc CFA, vous avez été à Cotonou, interdit d’embarquement le 8 janvier 2020 pour Bamako. Selon vos dires, à l’époque, c’était sur ordre du gouvernement malien.  Une année après, vous revenez au Mali. Vous considérez-vous cela déjà comme une victoire ?

C’est très clairement une victoire. Je tiens à préciser que c’était dans le cadre d’une tournée contre la France-Afrique. En effet, j’avais été interdit d’embarquer devant témoins à l’aéroport. Les responsables m’avaient dit clairement que c’était une demande qui venait des autorités maliennes et que par conséquent ils ne pouvaient que s’exécuter. Et je reviens, autorisé, un an plus tard au Mali. Je ne vous cache pas que j’étais tendu en prenant l’avion parce que je ne voulais pas revivre évidemment la même situation, mais j’étais très ému de pouvoir rentrer. Je ne peux pas comprendre qu’un certain nombre de criminels aient le droit de rentrer sur nos sols, des touristes non africains qui n’ont parfois pas de très bonnes mentalités qui peuvent venir où ils veulent sur le continent, et des Africains qui, eux sont interdits de rentrer parce qu’ils veulent la souveraineté pour leur population. Je pense que c’était un non-sens. Je suis très touché de cette démarche des autorités maliennes.

Quel est votre regard sur le départ du président IBK, renversé par un coup d’Etat militaire ?

Chacun son tour chez le coiffeur. Comme le dirait l’autre chacun son tour chez le barbier. Je crois qu’il n’a ni cheveux ni barbe, je ne suis pas sûr. Mais ce qui est certain, c’est que la roue tourne. Il faut que les dirigeants n’oublient jamais qu’ils sont à la base des citoyens. Il n’y a qu’une seule entité qui est éternelle sur terre et c’est le Tout Puissant quel que soit le nom que chacun veuille lui donner. Il faut que nous soyons humbles.

Aujourd’hui on est devant, demain on peut tomber. Il faut faire attention à la manière dont on se comporte avec les concitoyens. La brutalité avec laquelle j’avais été interdit d’embarquer l’année dernière m’avait profondément blessé. D’autant plus que j’avais payé un billet d’avion cher. Et être autorisé à rentrer à Bamako et voir qu’il n’est plus là, est clairement une victoire qui est symbole de l’effort de la population malienne.

Vous approuvez la manière par laquelle il est parti ?

Je suis à un milliard de pour cent derrière la démarche de la population. Je pense que quelqu’un qui se comporte en étant, comme le dit mon professeur de philosophie, dans une logique de « mésécoute » vis-à-vis de son peuple ne peut que récolter le fruit de cette « mésécoute ». Si vous décidez de débrancher cette connexion que vous avez avec votre population alors que vous êtes censé être son président, dès lors qu’elle se rebelle vous en paierez le prix en premier. Il est parti et on souhaite qu’il puisse aller le mieux possible sur le terrain de la santé et que s’il y a un certain nombre d’actions qui doivent être poursuivies vis-à-vis de lui, qu’il en soit ainsi ou à l’encontre de son fils Karim.

Vous êtes présent aujourd’hui au Mali pour afficher votre soutien à « Yerewolo Debout sur les remparts » qui réclame le départ de la force Barkhane.  Pourquoi l’armée française doit-elle quitter le Mali ?

Je suis là dans le cadre de la sensibilisation contre le néocolonialisme. Et nous nous appuyons toujours sur des partenariats ou des fédérations fiables. Yerewolo est une plateforme qui nous paraît rigoureuse, sérieuse, dynamique, animée par de jeunes courageux, notamment Ben le cerveau et d’autres. En ce qui concerne la base militaire, on essaie d’être le plus lucide dans notre grille d’analyse. Quand quelqu’un contribue à mettre le feu dans une zone voisine de votre maison, une zone voisine qui par hasard s’appelle la Libye et que ce feu finit par se propager partout dans la zone où vous vivez, est-ce que vous allez venir par la suite demander à ce quelqu’un, qui a mis le feu, qu’il puisse venir quelque part s’occuper de la sécurité dans votre maison ? Non ? Vous aurez tendance à vous dire qu’il vaut mieux se méfier du pyromane. Donc l’un des grands pyromanes dans le Sahel, c’est l’armée française. Et malheureusement l’armée française, ce sont des gens qui sont souvent instrumentalisés et qui ne se rendent pas forcément compte. Les responsables, ce sont l’oligarchie française et on ne peut pas lui faire confiance.

C’est une oligarchie qui a déstabilisé le Sahel et par conséquent notre responsabilité, c’est de demander au déstabilisateur de plier bagage.

 Quelle est votre réaction suite à la répression de la manifestation du 20 janvier appelant au départ de Barkhane ?

Quand on fait une analyse prospective, on se disait depuis une semaine que le contexte politique et social faisait qu’il était à craindre que les autorités maliennes cèdent aux pressions des autorités françaises. Il y a un an justement sous la pression j’avais été arrêté au Burkina Faso, un pays où j’ai énormément de sympathisants et où le président m’avait reçu avec les honneurs avant. C’est lorsqu’il y a eu  le sommet de Pau, quand Macron a tapé sur la table, que tous les dirigeants ont commencé à serrer la vis. Ils (les autorités de la transition, ndlr)  sont soumis à une pression internationale qui dépasse l’entendement. Et donc, ils ont le choix entre être fidèles à leurs principes et essayer de se conformer aux attentes de l’extérieur. C’est extrêmement dommage cette répression mais elle était prévisible. Elle ne fait que matérialiser notre dénonciation puisque notre but était d’illustrer le néocolonialisme français, de le dénoncer, de l’exposer aux yeux du monde. On interdit une mobilisation pour des motifs fallacieux, parce que partout dans le monde les gens se réunissent malgré la covid. Ces gaz lacrymogènes prouvent qu’on veut faire taire une dénonciation qui vise juste.

Dans des zones en proie aux violences terroristes, des populations se sentent en sécurité au regard seul des forces françaises présentes là où leur propre armée n’est pas. Est-ce que demander le départ de Barkhane dans ce contexte n’est pas problématique ?

Qui est-ce qui a fait ce constat ? Je pense que les populations de ces régions fragilisées demandent la sécurité. Elles n’ont pas cherché à savoir quelle est l’entité qui applique cette sécurité. Mais je peux vous assurer qui si elles peuvent être sécurisées par leurs semblables dès lors qu’ils ont une égalité en termes des armes, c’est quelque chose qui leur rassurerait profondément. Ce qui doit rassurer la population, c’est une armée régulière avec suffisamment d’armes. Alors que les rebelles sont surarmés par des entités qui ont tout intérêt que le chaos puisse prospérer et ces entités sont liées aux autorités françaises.

Plusieurs forces étrangères sont sur le territoire malien. MINUSMA, Takuba. Est-ce que vous appelez également à leur départ ?

Les choses ne sont pas si simples que ça. Il y a des mécanismes sur le terrain militaire, politique ou diplomatique qui font que ça ne se termine pas en 24 heures simplement. L’armée malienne est souvent raillée par des membres de sa propre population. Une propagande a été faite pour la décrédibiliser, pour justifier la présence d’armées étrangères sur le sol malien, qui sont là souvent pour sécuriser les diverses ressources maliennes. Qu’à la limite, il y ait une contribution de l’Union Africaine pour que l’armée malienne soit beaucoup plus soutenue par ses pairs. Cela va beaucoup plus dans le sens d’une véritable sécurisation parce qu’il en va de l’intérêt du continent africain. Les armées étrangères dès lors que le chaos perdure, c’est une possibilité pour elles de pouvoir sécuriser leurs ressources pour un certain temps.

Ben le cerveau souhaite la signature d’un accord de défense militaire avec la Russie. Le Groupement des jeunes Patriotes, un mouvement de la société civile malienne, demande l’intervention de la Russie en remplacement de la France. Est-ce que cela n’est pas le même interventionnisme ?

En tant que président d’ « Urgences Panafricanistes », nous soutenons toutes les démarches du petit frère Ben le cerveau. Maintenant, j’ai la possibilité de parler avec expérience. Je suis allé en Russie une cinquantaine de fois. J’ai de très bons amis au sein de l’appareil de l’Etat et même l’un des préfaciers de mon dernier livre (L’Afrique libre ou la mort, ndlr) est l’un des conseillers de Vladimir Poutine. Dans la Russie, il y a du bon mais aussi du mauvais. Sur le terrain de la géopolitique froide, il y a un constat et des victoires matérielles. La réalité c’est que la Russie aussi est une nation qui va à la recherche de ces contrées pour les ressources. Et le comportement de certains Russes ne va pas dans le sens, objectivement, de la souveraineté des populations locales aussi. Et donc si on veut des résultats pour faire taire des conflits, les Russes sont beaucoup plus efficaces que les Français. C’est une réalité. Mais à long terme, on ne peut pas compter sur les Russes parce qu’on ne va pas toujours être assisté par l’extérieur alors qu’on n’est pas inférieur à d’autres populations dans le monde. La Russie peut être une étape intermédiaire mais ne doit pas être une finalité. Sinon on va passer d’un colon à un autre.  

Vous êtes très proche de certains cadres russes. Et plusieurs personnes vous soupçonnent d’être un de leurs agents.  Qu’avez-vous à répondre?

Ça me fait doucement sourire. Dès lors que  Frantz Fanon était opposé à l’impérialisme occidental, on disait de lui que c’était un agent des forces anti-occidentales. Ça a toujours été ça. On disait que Lumumba était un pion des Russes, Malcom X, un communiste. Dès que quelqu’un s’oppose à l’hégémonie occidentale, il est qualifié d’agent russe. J’aime les anathèmes contre nous. Qu’on parle en bien ou en mal de nous, on s’en fout. L’essentiel c’est que notre message passe. Je suis un agent de mon ancêtre. C’est la seule réalité qui est la mienne et je dis que l’Afrique ne pourra s’en sortir que par elle-même. Certainement pas par Poutine. J’ai beau l’aimer sur le plan géopolitique, ce n’est pas quelqu’un qui sera un messie pour l’Afrique.

Considérez-vous les Africains ne partageant pas votre lutte comme des Oncle Tom ?

Je n’emploie jamais cette terminologie qui est anglo-saxonne. Nous, on parle plutôt de « bounty » (noir à l’extérieur blanc à l’intérieur, ndlr). Je pense qu’il y a du tout. Il y a des personnes qui font un travail actif pour les intérêts français dans nos pays et puis il y a des gens qui, peut-être par manque d’information ou par lassitude, finissent par se dire que les autres doivent être là.  Quand j’étais plus jeune, j’étais peut-être plus franc-tireur, radical. Et aujourd’hui j’essaie d’avoir beaucoup plus « d’empathie » et essayer de comprendre qu’il y a différents mécanismes qui poussent des gens à avoir des sentiments de résignation.

Vous êtes un panafricaniste. Et selon vous il s’agit d’une unité dans la diversité et dont l’objectif doit être la souveraineté. Que pensez-vous de l’Union Africaine aujourd’hui ?

C’est l’union d’un gang de dirigeants, un club de golf d’autocrates qui n’a aucune incidence sur la vie des Africains. C’est l’union des autocrates africains. Je pense qu’on devrait changer le sigle (UA) en UAA. Ce n’est pas l’Union africaine. L’Union africaine, c’est ce que nous essayons de faire en allant partout sur le continent pour prôner l’unité entre nous, la solidarité et le respect de nos populations.

On a aujourd’hui la zone de libre-échange économique (Zlecaf), des efforts sont en train de se faire pour la création de la monnaie commune de la CEDEAO, l’Eco. Comment jaugez-vous l’intégration africaine ?

Je regarde plus l’intégration africaine dans le cadre de nos ressources humaines, notamment les capacités des populations à migrer les unes aux autres. Avec la Zone de libre-échange, j’ai toujours un problème par rapport à l’implication du néolibéralisme dans les enjeux africains. Qu’on le veuille ou pas elle est une plaie qui est la résultante contemporaine d’un processus de prédation qui est le capitalisme, qui nous a entraîné dans des situations que nous avons connus auparavant. Le libre-échange, si ça peut permettre de faciliter le commerce entre nos nations, c’est positif. Mais si c’est en réalité une zone de libre-échange faite pour favoriser quelque part le commerce d’entités étrangères qui vont bénéficier de nos règles sur notre continent, on ne va pas s’en sortir. Et j’ai l’impression que c’est vers cette direction que nous allons.

Pour ce qui est de l’Eco, qui est un maquillage extrême du franc CFA, les autorités françaises ont pris peur parce qu’elles ont vu notre capacité de mobilisation en Afrique francophone à travers l’ONG Urgences Panafricanistes et son extension qui est le front anti CFA. Par conséquent, ils ont essayé de faire un changement cosmétique. Il y a eu des changements  notables qu’on ne peut pas nier, mais ils ont gardé un point crucial qui est l’arrimage à l’euro. Ce qui fait que l’euro est une monnaie beaucoup trop forte pour les économies locales et cela anéantit tout processus de compétitivité. Donc on a un problème de fond par ce système qui arrange les multinationales occidentales et françaises mais qui ne facilite pas le processus d’élévation économique pour les populations africaines.

N’est-ce pas un peu simpliste de dire toujours  que le problème vient de « l’oligarchie occidentale », alors que nous sommes pour la plupart indépendant depuis une soixantaine d’année. Qu’en est-il du rôle de nos dirigeants à nous, de nos peuples aussi ?

Je suis le premier à dire qu’une civilisation est détruite par l’extérieur que si elle est rongée de l’intérieur. Les premiers responsables de notre situation, c’est nous autres Africains. Il y a ce passage du coran qui dit que Dieu ne change pas les conditions d’un peuple tant que le peuple ne change pas lui-même. On peut toujours se plaindre de l’autre qui a besoin de toute façon de piller nos ressources pour exister. Mais pourquoi nous qui devrions être les premiers garants de notre souveraineté, nous sommes les premiers à laisser cette souveraineté être trouée ? Je ne suis anti personne. Je suis pour le changement, pour l’évolution de nos populations. Je suis à un stade de mon combat où je n’arrive plus à en vouloir au colon de vouloir nous coloniser parce que le capitalisme, comme le disait El-Hadj Malik El-Shabazz (Malcom X, ndlr), c’est le vautour. Certaines nations ont besoin de piller pour exister. Très bien, c’est leur rôle. Le nôtre doit être de résister. Pourquoi nos dirigeants se courbent ainsi même s’il y a des pressions au lieu de jouer leur rôle comme d’autres ont pu le faire auparavant. Et ce qui est triste, ce sont les gens de la société civile comme nous qui jouons leur rôle.

Le combat que vous menez  »l’Afrique aux africains » est le combat de plusieurs vies, depuis que vous avez commencé, estimez-vous avoir fait bouger les lignes?

En termes de prise de conscience de la population en Afrique francophone sur les questions relatives au néocolonialisme, sur la nouvelle génération, on a eu une incidence considérable à différents endroits de telle sorte qu’aujourd’hui la problématique de la France-Afrique dans la zone Franc est devenue plus prépondérante. Nous avons une grosse responsabilité dedans. Deuxième chose, c’est que le basculement Franc CFA-Eco qui, pour moi n’est qu’un changement de façade pour l’instant mais qui n’aurait jamais lieu si on n’avait pas été capable d’embrayer la machine. C’est une course de fond, ce n’est pas un sprint. Le combat continue, mais le simple fait aujourd’hui qu’il y ait des changements mécaniques qui ont été effectués à la suite de nos mobilisations est la preuve que la France-Afrique est en train de commencer à vaciller même si le chemin est encore long.

Avez-vous songé à faire la politique pour porter haut votre combat ?

Je fais de la politique, la participation à la vie de la cité. Mais est-ce que j’irai un jour sur le terrain institutionnel ? C’est une possibilité. A titre d’exemple, lors des dernières élections législatives un peu tronquées au Benin, le seul parti de l’opposition qui a pu se présenter, les FCBE (Forces cauris pour un Bénin émergent, ndlr) m’avait proposé d’être dans les postes à responsabilité parmi les candidatures et j’avais refusé. J’estime que nous sommes dans une démarche où nous devront prendre le temps. Je ne suis ni de l’opposition ni du pouvoir, nous sommes une troisième voix qui va au-delà de cette dichotomie.

Nous essayons de poser un schéma qui va simplement de l’idéologie prépondérante de ce 21ème siècle, de la Russie à Cuba, l’Iran et partout, qui est le souverainisme. C’est notre ligne politique et pour l’instant nous exploitons ses idées, nous les diffusons, nous les matérialisons à travers la société civile qui nous laisse une liberté de ton malgré les répressions. Je n’ai que 39 ans, peut-être qu’il arrivera un temps où je me lancerai sur le terrain institutionnel, mais ce n’est même pas sûr que ce soit essentiel. Il y a des gens qui n’ont jamais été politiciens au sens institutionnel du terme qui ont beaucoup plus laissé une empreinte sur le monde.  Je nuance ma réflexion toujours là-dessus. C’est une hypothèse, mais certainement pas une thèse.

Barkhane : à l’heure du choix

Huit ans après le début de l’intervention militaire française au Mali, le bilan est à bien des égards mitigé. L’opération Barkhane, qui a succédé à l’opération Serval en 2014, a engrangé des résultats, mais doit de plus en plus faire face à un rejet grandissant tant au Mali qu’en France, où, selon certains sondages, plus de la moitié des citoyens ne l’approuvent plus. Si un retrait immédiat, comme le souhaite une frange de la population malienne qui donne de la voix, semble ne pas être une option, certains faits laissent entrevoir une possible réorganisation du dispositif de la force au Mali.

73% d’opinions favorables en 2013 et 59% en 2019. Ils ne sont plus que 49% des Français à approuver l’opération Barkhane, selon un sondage Ifop réalisé début janvier 2021 et publié par Le Point le 11 janvier 2021. Une nette détérioration au fil des années de l’adhésion en France à cette opération, qui s’ajoute à une exigence accrue ces dernières semaines de certains Maliens d’un départ des forces étrangères du Mali, dont les troupes françaises.

Aux avant-gardes de cette position, le mouvement « Yèrèwolo, Debout sur les remparts », qui avait appelé à une mobilisation à Bamako le mercredi 20 janvier, jour symbolique du 60ème anniversaire de l’armée malienne, pour demander « le départ de l’armée française à travers l’opération Barkhane au Mali ». Mobilisation qui tourna finalement court après que les forces l’ordre aient gazé la poignée de personnes rassemblés pour cette manifestation interdite par les autorités.  Pour ce mouvement,qui s’appuyait sur l’activiste Kemi Séba, le chanteur Salif Keita et des représentants des « Gilets jaunes » français pour la réussite de la manifestation, « le Mali n’aura jamais la paix tant qu’il ne contrôlera pas son armée et ne jouira pas pleinement de sa souveraineté ».

Pour ce mouvement, appuyé pour cette manifestation par Kemi Séba, activiste, le chanteur Salif Keita et des représentants des « Gilets jaunes » français, « le Mali n’aura jamais la paix tant qu’il ne contrôlera pas son armée et ne jouira pas pleinement de sa souveraineté ».

Pointée du doigt

La relative impopularité de l’opération Barkhane aujourd’hui résulte d’un sentiment de lassitude des populations maliennes vis-à-vis d’elle, sentiment qui s’est développé au fil des années avec l’enlisement de la crise sécuritaire dans les régions du nord et du centre, mais aussi progressivement dans celles du sud du pays.

« C’est normal que l’opération Barkhane soit critiquée aujourd’hui. S’il y a une minorité agissante au Mali qui fait beaucoup de bruit pour le retrait des troupes françaises, c’est tout simplement  parce que  l’insécurité gagne de plus en plus de terrain dans le pays », constate le Dr. Abdoulaye Tamboura, géopolitologue.

Comme pour ne rien arranger, la polémique autour de la frappe de Barkhane à Bounti, dans le cercle de Douentza, région de Mopti, le 3 janvier 2021, est venue renforcer la vision des Maliens qui souhaitent le retrait de cette force.

Par ailleurs, même si comme l’affirmaient le 7 janvier, deux communiqués distincts de l’État-major des armées françaises et du ministère de la Défense et des anciens combattants du Mali, il n’y a pas eu de dommage collatéral, ni d’élément constitutif d’un rassemblement festif ou d’un mariage dans la zone des frappes, le parti SADI du Dr. Oumar Mariko a affirmé « sans ambages », dans une déclaration en date du 18 janvier 2021, que l’armée française avait commis « une tragique bavure, qui a coûté la vie à de nombreux innocents et décimé partiellement une lignée familiale ».

« Vouloir occulter cette réalité et conclure à la présence de Groupes Armés Terroristes pour justifier une quelconque frappe de l’armée française est une insulte à l’intelligence collective de notre peuple, profondément attristé par cette tragédie », lit-on dans le communiqué signé du Bureau politique.

Ajustement impératif 

Alors donc que l’opération Barkhane fait face aux critiques sur son efficacité, la France envisage de réduire l’effectif de son dispositif présent au Sahel. Les 600 soldats supplémentaires déployés en janvier 2020, à l’issue du sommet de Pau, devraient être prochainement rapatriés.

« Nous serons très probablement amenés à ajuster ce dispositif : un renfort, par définition, c’est temporaire », a affirmé Florence Parly, ministre française des Armées, au « Parisien », dans un entretien publié le 4 janvier. Le  sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel, prévu pour février prochain à N’Djamena, sera l’occasion de prendre une décision. Le président français Emmanuel Macron a confirmé le 19 janvier ce réajustement qui se fera lors du sommet, où il se rendra.

Au-delà de cette réduction de l’effectif de l’opération Barkhane, des interrogations se posent sur l’opportunité d’une réorganisation de la force en vue d’un désengagement progressif de l’armée française au Sahel.

Une réduction et une possible réorganisation dont l’impact sur le terrain peut laisser entrevoir plusieurs options, selon Niagalé Bagayoko, politologue, Présidente de l’African Security Sector Network.

« Cette réduction sera peut-être vue comme un acte de bonne volonté qui pourrait permettre de faire avancer les négociations entre Bamako et les djihadistes,  mais elle peut être vue également comme un aveu de faiblesse et encourager au contraire d’avantages d’actions contre les effectifs restants de Barkhane ou de la Minusma. Et bien entendu contre les FAMa », analyse-t-elle.

La Task Force Takuba, qui vise à faire travailler les forces spéciales européennes en accompagnement et en formation des forces sahéliennes, pourrait en revanche bénéficier d’un renforcement.

Mais, là aussi, « on peut s’interroger, parce que les dernières attaques, qui ont été très meurtrières pour la Force Barkhane en fin d’année 2020 et en début d’année 2021, pourraient avoir dissuadé les partenaires européens, qui sont encore aujourd’hui très peu nombreux, déjà, de déployer des effectifs combattants sur le terrain », indique Niagalé Bagayoko.

Pour l’experte en sécurité en Afrique de l’Ouest et centrale, il parait de plus en plus difficile pour une opération extérieure de s’impliquer dans la résolution d’une crise dont les racines font qu’il est extrêmement difficile de n’avoir qu’une approche militaire.

« On voit très bien aujourd’hui que cette problématique terroriste ou djihadiste apparait comme très imbriquée dans d’autres questions, notamment celles des affrontements inter ou intra-communautaires ou plus largement  entre groupes djihadistes  et certains groupes ou milices d’auto-défense, ce qui tend à rendre la situation extrêmement complexe », souligne-t-elle.

Renforcement des FAMa

Les autorités de la transition malienne se sont inscrites dans la poursuite de la coopération militaire avec les forces étrangères présentes au Mali. C’est dire que l’option d’un retrait immédiat de l’armée française, qui vient en appui à des forces armées maliennes faisant face à de multiples défis sécuritaires, n’est pas à l’ordre du jour.

« Ceux qui prônent le discours d’un départ immédiat de la France ne feront que précipiter le Mali dans un désastre qui ne dirait pas son nom. Je comprends cette position, parce qu’il y a de plus en plus de morts et de victimes, mais c’est ensemble, avec la communauté internationale, qu’on pourra résoudre ce problème », argue Dr. Abdoulaye Tamboura.

« Le Mali peut diversifier sa coopération,  mais elle se construit, elle ne vient pas comme cela, du jour au lendemain. C’est dans le cadre d’une confiance mutuelle. Au sein de l’Europe, aujourd’hui, je ne vois pas d’autres pays, à part la France, qui est l’un des seuls qui puisse envoyer des troupes sur un terrain extérieur d’opération. Même la Grande-Bretagne a des difficultés et l’Allemagne n’a pas une armée aussi efficace que cela », relève le géopolitologue.

La véritable alternative ne serait autre qu’un renforcement des capacités des forces armées maliennes, à travers « une formation et des outils de guerre assez efficaces, même en matière de renseignement, ce qui prendra encore quelques années », ajoute celui qui soutient qu’à partir de Ségou les forces armées maliennes ne maîtrisent plus le terrain, contrairement aux djihadistes aguerris.

C’est pourquoi, la France n’ayant pas vocation à « rester éternellement » au Mali, comme l’a plusieurs fois répété Florence Parly, l’État malien doit se préparer à trouver des alternatives pour réduire dans un premier temps l’impact que pourrait avoir l’ajustement du dispositif de Barkhane.

Bounty : Florence Parly récuse la thèse de la bavure

La ministre française des Armées Florence Parly a été auditionnée ce mardi soir par la commission Défense de l’Assemblée nationale. Elle au cours de son audition qualifié de rumeurs les accusations à l’encontre de la force française, responsable pour certains d’avoir fait des victimes civiles lors d’une frappe à Bounty dans le centre du Mali.  « La frappe était dirigée contre un groupe armé terroriste (…) affilié à al-Qaïda ». « Il n’y a pas eu de dommage collatéral observé. On a entendu parler d’un mariage : il n’y a pas eu de rassemblement festif à l’endroit où la frappe est intervenue » a-t-elle répété. Derrière tout ceci, il y aurait selon elle une volonté de manipulation. « Nous savons qu’il existe une sorte de guerre informationnelle » et « il n’est pas totalement innocent que cette sortie médiatique intervienne à un moment où » ce groupe (JNIM)« a communiqué pour expliquer qu’il était temps que les armées françaises quittent le Sahel. Il n’est pas tout à fait anodin que nous ayons pu lire qu’il pouvait s’agir d’une bavure », a-t-elle souligné.

Mali – Bounty : les FAMa donnent leur version des faits

Dans un communiqué datant du mercredi 06 janvier 2021, le ministre de la Défense et des Anciens Combattants donne sa version des faits sur les frappes aériennes à Bounty dans le centre du Mali. Le communiqué précise que les cibles neutralisées (une trentaine) étaient des objectifs militaire confirmés. « L’environnement n’a montré ni scène de mariage, ni enfants ou femmes » en réponse notamment à des témoignages de villageois et des commentaires sur les réseaux sociaux affirmant que la frappe a touché des personnes rassemblées pour une cérémonie de mariage . Le ministère rappelle que la zone entre Hombori et Douentza est connue comme étant une zone d’influence de la Katiba Serma et du rassemblement pour la victoire de l’Islam et des musulmans qui y dispose de plusieurs centres d’entraînements et d’atelier de confection d’EEI qui fait de nombreuses victimes dans les rangs des forces engagées contre le terrorisme. Toutefois, le ministère assure de l’ouverture d’une enquête par les services compétents pour mieux comprendre ce qui s’est passé.

Mali – Bounty : MSF qui a assisté les blessés n’est pas en mesure de confirmer les circonstances des événements

Une ambulance de Médecins Sans Frontières (MSF) effectuant une référence médicale entre Douentza et Sévaré, dans le centre du Mali, a été arrêtée le mardi 5 janvier et retenue violemment et de longues heures par des hommes armés, entraînant la mort d’un des patients qui se trouvaient à bord, a annoncé Médecins Sans Frontières dans un communiqué ce jeudi. « Nous condamnons dans les termes les plus vigoureux toutes les formes d’entraves et de violences exercées contre les secours médicaux, nos patients et les membres de notre personnel », a déclaré Juan Carlos Cano, chef de mission de MSF.

Plus tôt cette semaine, les équipes de MSF avaient admis au Centre de santé de référence de Douentza, plusieurs blessés graves en provenance des villages de Bounty et Kikara, au nord-est de Douentza. Les patients, pour la plupart des hommes âgés de plus de soixante ans, présentaient des lésions dues à des explosions, des éclats de métal et des blessures par balles. Les équipes MSF, n’étant pas physiquement présentes au moment des faits, ne sont pas en mesure de confirmer les circonstances exactes de ces événements, autour desquels règne encore beaucoup de confusion.

Mali – Barkhane : la France annonce la neutralisation de terroristes, des villageois évoquent des victimes civiles

Le voile se lève. Depuis dimanche, les réseaux sociaux bruissaient des événements survenus dimanche à Bounti, un village dans le centre du Mali. Selon plusieurs témoignages, une frappe menée par un hélicoptère non-identifié a fait plusieurs victimes civiles (une vingtaine) au cours d’un mariage. Les regards soupçonneux  se sont tournés vers l’armée malienne et les forces étrangères sans pour autant en accuser aucun des deux nommément. Deux jours après, La France, dont la force anti-terroriste Barkhane a mené la frappe a commenté et réfuté la « bavure ».  Une patrouille d’avions de chasse a « neutralisé » des dizaines de djihadistes préalablement repérés après une opération de renseignement de plusieurs jours, a-t-il indiqué l’état-major français à l’AFP. « Les informations relatives à un mariage ne correspondent pas aux observations effectuées », a-t-il dit. « Il ne peut y avoir de doutes et d’ambiguïté, il n’y avait pas de mariage. C’est une frappe menée après un processus particulièrement formel et multipartite sur un groupe armé terroriste pleinement identifié, après un recoupement d’informations, des attitudes, une posture, sur une zone caractérisée », a dit une source militaire française proche du dossier cité aussi par l’AFP. Les autorités maliennes n’ont pour l’heure pas encore réagi.

Mali – Barkhane : les effectifs de la force bientôt réduits

La semaine qui vient de s’achever a été particulièrement meurtrière pour les militaires français au Mali. Au total cinq soldats y sont morts sur la période dans des attaques djihadistes. Dans ce contexte, la France va « très probablement » réduire les effectifs de la force Barkhane au Sahel après des « succès militaires importants » en 2020, a déclaré la ministre française des Armées.

« Nous serons très probablement amenés à ajuster ce dispositif : un renfort par définition, c’est temporaire », a expliqué Florence Parly dans une interview au quotidien Le Parisien à paraître ce lundi après le renfort de 600 soldats qui a porté les effectifs de Barkhane à 5.100 hommes en 2020. Une décision sera prise à l’occasion du prochain sommet conjoint de la France et des pays du G5 Sahel en février à N’djamena au Tchad, a ajouté la ministre. La ministre a en outre de nouveau exclu toute négociation « avec des groupes terroristes comme Al-Qaida ou l’Etat islamique, qui assassinent de manière aveugle et ont du sang sur les mains ». Mais la porte est ouverte pour « des gens qui ont déposé les armes et qui ne sont pas motivés par une idéologie radicale et criminelle », a-t-elle relevé. Ils doivent se rallier aux accords de paix d’Alger de 2015, a-t-elle ajouté.

Terrorisme : la France annonce la mort de Bah Ag Mossa

Ca bruissait sur les réseaux sociaux depuis mercredi 11 novembre, la France confirme vient de confirmer. La ministre des Armées Florence Parly a salué, ce vendredi 13 novembre, dans un communiqué une opération engageant au Mali d’importants moyens de renseignement ainsi qu’un dispositif d’interception composé d’hélicoptères et de troupes au sol conduisant à une frappe contre Bah Ag Mossa, décrit comme le chef militaire du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). L’ancien officier déserteur de l’armée malienne, également connu sous le nom de Bamoussa Diarra, était un lieutenant d’Iyad Ag Ghali, le chef touareg du Rassemblement pour la victoire de l’Islam et des musulmans (RVIM), lié à Al-Qaïda. Il est considéré comme responsable de plusieurs attaques contre les FAMa et les forces internationales. Selon le porte-parole de l’état-major français, le colonel Frédéric Barbry, les militaires ont tenté d’intercepter le pick-up du jihadiste, accompagné de quatre autres personnes non identifiées, à environ 100 km de Menaka (nord-est). Les occupants fortement armés ont alors brusquement ouvert le feu avec des mitrailleuses et de l’armement individuel, provoquant une riposte, a-t-il expliqué. L’affrontement a duré une quinzaine de minutes. Les cinq hommes ont été tués.

Takuba : La force bientôt opérationnelle

La task force Takuba a été lancée officiellement le 27 mars 2020. 11 États européens ont adopté la déclaration politique la créant. Elle sera intégrée au commandement de l’opération Barkhane en vue de lutter contre les groupes terroristes dans la zone des trois frontières.

La task force Takuba (sabre en tamasheq) sera principalement composée de forces spéciales européennes qui auront comme tâche de lutter contre le terrorisme dans le Liptako Gourma et de permettre à terme l’autonomisation des forces armées maliennes pour assurer la sécurité dans cette zone, présentée comme un repaire de l’État islamique au grand Sahara, notamment. Takuba sera déployée fin août – début septembre, mais les premiers éléments, une soixantaine nous dit-on, arriveront dès fin juillet. « Sur le terrain, à la fin de l’été, vous aurez dans le Liptako des unités qui seront appareillées. Des doublettes, avec une compagnie FAMa d’un côté et une petite unité franco-estonienne de l’autre », explique Mathieu Hédoin, Conseiller de l’ambassadeur de France au Mali. L’Estonie fait partie, en plus de la Suède et de la République tchèque, des pays ayant décidé d’envoyer des troupes dans la région. Pour les trois pays, elles devraient tourner autour de 250 éléments. L’ambassade précise que ce sont des forces spéciales, bien entraînées et bien équipées, qui feront du terrain auprès des FAMa et devront accélérer la montée en puissance de ces dernières. Les FAMa, par la voix du Directeur de la DIRPA, le colonel-major Diarran Koné, assurent que le Mali contribuera avec des éléments actuellement en préparation. « Ils répondront avec efficience le jour J », tient-il à préciser.

Des formes à déterminer

La Belgique, le Portugal, le Danemark et les Pays-Bas, tous signataires de la déclaration politique du 27 mars, doivent encore affiner la forme que prendra leur contribution à la task force Takuba. « Cela pourra être des hommes sur le terrain, des hélicoptères ou même des officiers d’état-major, qui seront également basés à Ndjamena », énumère M. Hédoin. Lors du sommet de Nouakchott, le 30 juin dernier, on a enregistré une participation italienne. Le président du Conseil des ministres a annoncé une contribution de ce pays pour 2021. D’ailleurs, c’est au début 2021 que la force devrait atteindre sa pleine capacité opérationnelle, pour emprunter au jargon militaire. Selon les planifications, 400 à 450 éléments composeront Takuba, même si, précise l’ambassade de France, cela dépendra fortement des contributions des États.

Boubacar Sidiki Haidara

Dr Aly Tounkara : « On ne peut pas parler de succès »

Dr Aly Tounkara, enseignant-chercheur, sociologue et spécialiste des questions de genre et d’extrémisme violent répond à nos questions sur le sommet du G5 Sahel en Mauritanie, six mois après celui de Pau.

Lors du sommet du G5 Sahel à Nouakchott ce mardi, le président français s’est montré optimiste sur une victoire contre les terroristes, le pensez-vous trop optimiste ?

A la suite du sommet de Pau, un certain nombre de changements restent observables dans les pays du Sahel notamment les trois pays les plus touchés par le terrorisme qui sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Les armées africaines et la force Barkhane seraient plus dans un rapport de partages et de fournitures de renseignements. C’est une avancée incontestable. Dans le même temps les actions menées par Barkhane appuyé par ces forces nationales, notamment dans la zone des trois frontières, elles ont été couronnées de succès. Je pense que c’est plus la mort de Droukdel qui a amené le président Macron à apprécier les efforts dans le Sahel, qui n’est pas une fin en soi du terrorisme. Mais il y’a quand même des difficultés majeures dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Puisque en dépit du partage de renseignements, si vous suivez l’actualité, vous vous rendrez compte que les armées africaines évoluent parallèlement à la force Barkhane. Si les deux armées menaient des actions conjointes de façon effective et réelle, les bavures qui sont reprochées à ces armées le seraient aussi pour Barkhane. Cela démontre donc que la coopération n’est que de façade. De la même manière quand vous regardez les besoins qui sont satisfaits notamment par l’Union Européenne à travers la France ou encore les Etats-Unis, ce ne sont ceux exprimés par les armées africaines elles-mêmes. On ne peut pas lutter efficacement contre le terrorisme lorsqu’on n’a pas d’avions de chasse, ce qui avait été demandé par nos armées. Ce sont des difficultés qui font qu’on ne peut pas parler de succès, ou de fin du terrorisme dans les années à venir.

Plusieurs pays avaient fait des promesses de financement pour le G5 Sahel, mais qui peinent à se matérialiser, qu’est-ce qui bloque ?

Les raisons du blocage sont plurielles. Il y’a déjà l’attitude des chefs d’Etat du G5 Sahel eux-mêmes. Vous ne pouvez pas prétendre à une quelconque souveraineté et au même moment délégué les négociations d’une levée de fonds à d’autres acteurs notamment la France. Ce ne sont pas les chefs d’Etat qui sont en contact direct avec les pays qui ont fait des promesses. Ces derniers ne font pas non plus confiance à ces chefs d’Etat du G5 quant à leur capacité d’endiguer le terrorisme, ni même à gérer les fonds qui seront alloués pour. Il y’a une question d’éthique, de morale, de capabilité de ces Etats africains. Je crois que c’est cela qui explique pour beaucoup que ces pays qui ont fait des promesses n’arrivent pas à les tenir.

Le Sommet de Nouakchott confirme les progrès depuis Pau et énonce les futurs enjeux

Les membres du G5 Sahel et la France y ont affichés leur unité et dressé un bilan positif quelques mois après Pau. Mais loin d’être une rencontre d’autosatisfaction, le sommet a également pointer la nécessité d’amplifier les résultats militaires et d’amorcer efficacement l’action civile et politique de la coalition.


Le sommet s’est déroulé hier, mardi 30 Juin, et a réunis de nombreuses personnalités : outre le Président de la République Française et les dirigeants du G5 Sahel, étaient présent le Premier ministre Espagnol Pedro Sanchez ainsi que la Chancelière Allemande Angela Merkel et le Premier ministre Italien Giuseppe Conti. La présence des trois autres principales puissances de l’Union Européenne à Nouakchott, contrairement à Pau, peut être interprété comme un signal fort d’une mobilisation européenne croissante. Une mobilisation que l’on peut relier aux disposition fortes prises à Pau et, incontestablement, suivis d’effets. Ces derniers, encore à consolider, semblent cependant convaincre les partenaires européens de la qualité du leadership français dans la gestion de la crise au Sahel.  Cette mobilisation aurait-elle été envisageable sans des résultats significatifs ? En tout état de cause aucun responsable présent à Nouakchott ne semble avoir infirmé la phrase du président Macron : « L’Europe ses états membres, ses institutions, nos partenaires américains et les pays voisins sont au rendez-vous, et ils sont à vos côtés car nous sommes convaincus que la victoire est possible au Sahel, et qu’elle est déterminante pour l’équilibre en Afrique et en Europe. »

Effets militaires : encourageants mais à amplifier

Signe le plus visible de la perte du contrôle de la situation, les opérations militaires ont été le point focal du sommet de Pau et le principal poste de progrès depuis. Fin 2019 les armées maliennes, nigériennes et burkinabé essuyaient des pertes très lourdes dans leur rangs face des à Groupes armés terroristes faisant la démonstration d’une habilité martiale reconnue par l’armée française elle-même. D’où le recentrage opérationnel entrepris depuis lors ayant conduit à une concentration des forces dans la région des trois frontières et une agressivité française redoublée. Ce tournant à produit des résultats comme le président français l’a rappelé à Nouakchott lors de la conférence de presse : « nous avons beaucoup réorganisé, nous avons amélioré notre efficacité dans la lutte contre le terrorisme, mieux partagé l’information, réussis le centre unique de coordination à Niamey et eu des résultats spectaculaires en particulier dans les dernières semaines. Dans la région des trois frontières des zones ont été reprises aux groupes terroristes, les armées se redéploient, le rapport de force a été inversé ». Il est important à ce titre de rebondir sur le centre de coordination de Niamey : Mécanisme de Commandement Conjoint (MCC) mis en place par Barkhane, il est l’amorce de l’autonomisation des forces du G5 Sahel sur leur terrain, conformément aux objectifs finaux de l’opération Barkhane. Cela dit, cet objectif est encore loin d’être remplis et les GAT bénéficient toujours d’une très importante capacité de nuisance : un fait rappelé par les dirigeants du G5 qui souhaitent voir s’amplifier autant l’effort militaire sur le terrain que sur le plan de la formation et des équipements. Même si sur ce dernier point d’importants avancées ont été consentis ces derniers mois, aboutissant à 200 millions de crédits d’équipement et des progrès capacitaires notables (combat aéroterrestre, maintien en condition opérationnelle des matériels, etc.).

Ces résultats s’accompagnent d’une mobilisation internationale croissante avec le maintien des forces danoises et britanniques sur place, le lancement de la Task Force Européenne Takuba, l’officialisation du renouvellement du mandat de la Minusma, le renforcement par l’Espagne et l’Allemagne des missions de formation EUTM et enfin de la constitution d’un contingent de 3000 soldats par l’Union Africaine. Peut-on véritablement comparer la situation actuelle avec la détresse et la méfiance mutuelle qui était de mise à la veille du sommet de Pau en janvier dernier ? Un investissement salutaire qui pourra aider à résoudre l’une des principales inquiétudes du sommet :  la situation militaire préoccupante du Burkina-Faso.

Un parent faible identifié : la gouvernance et le développement

L’une des principales réalisations du sommet de Pau fût la création de la coalition pour le Sahel chargée d’harmoniser les opérations de militaires avec la coordination des initiatives de développement. Structurellement, cette initiative est une des réussites rappelées à Nouakchott, entre autres par la bouche du président français : « La coalition pour le Sahel que nous avons annoncée à Pau il y a six mois est en place ». Cette dernière s’est en effet officiellement lancée depuis le 28 mars et a connu sa première réunion (45 ministres des affaires étrangères et une quinzaine de représentants d’institutions internationales). Devant favoriser le drainage des aides et le partage de l’information, les actions concrètes de la coalition n’ont toutefois pas encore été mise en œuvre. Il faut toute de même rappeler que le développement se situe dans un continuum avec les opérations militaire, et qu’un minimum de tenue du terrain est fondamentale dans les zones contestées. Ces dernières seront la cible principale des aides mais étant donné la situation militaire qui prévalait en Janvier 2020, il était nécessaire d’appuyer en priorité sur le volet militaire. Le rapport de force ayant aujourd’hui évolué positivement, le sommet de Nouakchott a acté la nouvelle stratégie de développement. Symétrique dans sa conception aux opérations militaires ; elle passera par un ciblage de zones précises à traiter prioritairement. Elle ira des missions CIMIC (missions civilo-militaires) de l’armée française aux programmes de développement d’urgence (PDU) de l’alliance pour le Sahel (pilier développement de la coalition) en passant le Cadre d’Actions Prioritaires Intégré (CAPI) du G5 Sahel. On doit également mentionner un axe fort du sommet à cheval entre la formation militaire et l’émergence d’une gouvernance plus juste. Face à la recrudescence d’accusations d’exécutions sommaires des armées du G5 ; les autorités de la région, la France ; l’ONU et l’UE ont fermement condamné ces actes et ouvert des enquêtes. Un sujet pris très au sérieux comme en témoigne les mots prononcés le 18 juin, devant le Sénat, par la ministre française des armées, Florence Parly : « Il y a des brebis galeuses partout mais nous serions coupables si nous ne mettions pas tout en œuvre pour réduire ce risque ».

Ces annonces ont été accueillies favorablement par les participants du sommet, toutefois, comme au lendemain de Pau, il s’agira de joindre la parole aux actes aussi bien du côté de l’investissement français et international, que des efforts politiques devant être fournis par les pays du G5 et avant tout le Mali en proie à une inquiétante crise de sa classe dirigeante. Mais si les prochains mois se déroulent comme les six derniers, on peut se montrer optimiste. La suite lors du prochain sommet prévu pour 2021.

Aux côtés de la France : les FAMA se redressent et montent en puissance

A quelques jours du sommet de Nouakchott, on observe de réels progrès des armées maliennes en opération comme dans la structuration générale des forces. De sérieux efforts seront nécessaires avant que le Mali dispose de forces armées totalement autonomes et opérationnelles, cependant, 6 mois après le sommet de Pau, il faut apprécier le chemin parcourus.

En 2013, les forces maliennes n’étaient que l’ombre d’elles-mêmes, en 2019, malgré les progrès importants, leurs sérieux défauts n’avaient pas tenus le choc de la poussée agressive des Groupes Armés Terroristes (GAT) et de leurs montées en gamme capacitaire. Après des revers cuisants pour les Fama, et même pour certains soldats français, se posait alors la question de la pertinence du dispositif Barkhane sur le sol malien. La réponse fût donnée quelques temps plus tard, le 13 Janvier 2020 lors du sommet de Pau. Prenant acte de la démoralisation de ses partenaires du G5 Sahel, et de la trop grande dispersion des objectifs intermédiaires de l’opération Barkhane, le sommet de Pau décidait de raffermir sa relation avec les pays du Sahel tout en rationalisant ses objectifs militaires et augmentant drastiquement le tempo opérationnel.

Ce changement de donne aurait difficilement fonctionné sans sur une autonomisation croissante des acteurs déployés sur le théâtre dont les Fama. Pour rappel cinq acteurs sont présent au Mali : les Fama, la Minusma, la Force-Conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), la mission de formation européenne EUTM-Mali et enfin Barkhane. Toute la stratégie française reposant sur la combinaison d’une pression accrue sur les GAT, la maitrise et la sécurisation des zones « périphériques » ou pacifiées, et l’autonomisation des forces du G5 Sahel. Or, malgré les pertes, les Fama ont progressé sur l’ensemble de ces points.

La montée en puissance opérationnelle

La coopération entre les Fama et Barkhane est largement fondée sur le Partenariat Militaire Opérationnel, axé sur l’ensemble des pays du Sahel, les Maliens reçoivent environ deux tiers de ses capacités d’appuis. Le PMO comporte plusieurs volets : combat, planification opérationnelle, formation. Or, ces derniers mois, sur un plan strictement opérationnel les forces maliennes ont participé de manière accrue aux opérations aux côté de Barkhane (Opération Monclar, Sama…), dans le cadre de la FC-G5S, aux côtés de la Minusma avec qui les Fama collabore pour le retour de l’Etat dans le Mali du nord, ou bien en unité nationale. A ce titre elles ont pleinement participé à la reprise du terrain sur les GAT au Mali et dans le reste des trois frontières avec la Force-Conjointe.

Dans cette voie, il est nécessaire de rappeler les mécanismes de coordination mis en place récemment dans le cadre de la coopération de Barkhane et des unités nationales du G5 Sahel : outre l’Etat-Major de la FC-G5S, on compte les Mécanismes et Commandement Conjoint (MCC), débouchant sur la création du PCC (Poste de Commandement Conjoint). Alimentées par des personnels français, maliens et d’autres soldats du G5, ils ont permis une synchronisation accrue des forces. Cet élément est très important car il permet d’appuyer à la fois les forces de Barkhane au contact mais aussi dans des zones où elle ne peut risquer de disperser son effort. Par ailleurs, ainsi intégrées dans des dispositifs plus vastes, les armées maliennes reçoivent une expérience croissante du combat et des opérations : un préalable vers plus d’autonomie et de coopération.

Une formation accrue et des unités qui se distinguent

Parallèlement, les armées maliennes profitent du volet de formation intense fournis par le PMO et la mission EUTM (dans les faits largement portée par la France). Le PMO appui la formation des officiers et officiers supérieurs via l’envoi de personnel à l’Ecole de Guerre à Paris et surtout via le réseau écoles nationales à vocation régionale (ENVR) qui forment toute une génération de cadres africains. Via la mission EUTM, la France participe à la formation des sous-officiers : chevilles ouvrières fondamentale pour l’encadrement d’une armée moderne. D’un point de vue tactique le PMO à permit aux armées maliennes de se former à des capacités tactiques plus complexes débouchant sur des unités dédiées en son sein. Il s’agit pour commencer des Guetteurs Aériens Tactiques Avancés (GATA) : première brique dans la constitution de capacités de combat collaboratif aéroterrestre, ils se sont distingués en conduisant des frappes air-sol pour le compte des armées françaises. Pour répondre directement à la nature fugace des GAT, le PMO) à permis au FAMA de constituer, depuis mai 2020, une unité légère de reconnaissance et d’intervention (ULRI) : très mobiles (montées sur moto) et couplées aux capacités de renseignement française ces unités seront capables d’infliger une pression soutenue aux terroristes au cœur de leurs sanctuaires. Dans le cadre des opérations spéciales ont été constituées des unités d’élites anti-terroristes, les Unités spéciales anti-terroristes (USAT) : elles ont été préparées, entre autres, afin de pouvoir se déployer aux côtés des forces spéciales européennes de la Task Force Takuba. Ces réalisations marquantes ne doivent cependant pas occulter le travail quotidien de formation des soldats aux actes réflexes (utilisation des armes, se poster, rendre compte, etc.) et élémentaires ou encore les formations de sauvetage au combat. Et enfin, sur un plan logistique, des formations ont été dispensées afin d’améliorer le niveau de Maintien en Conditions Opérationnelles des matériels de l’armée malienne. A terme les gains en expérience leur permettront d’intégrer des matériels plus perfectionnés (drones tactiques et stratégique, etc), de constituer des Etat-Major dotés de leur propres capacités de renseignement et de moyens de communication modernes permettant de se coordonner dans les deux dimensions (terre et air)… .

En définitive, il ne s’agit pas pourtant de dresser un tableau trop onirique, les armées maliennes souffrent de défauts structuraux encore lourd : déficit de gestion organique -même si la bancarisation des soldes est une bonne nouvelle en ce sens, formation encore insuffisante, gestion erratique de la distribution des équipements, etc… Toutefois les progrès réalisés quelques mois après Pau (en germe bien avant) prouvent que les armées maliennes savent apprendre. A ce titre les pertes subies récemment ne sont en rien représentative de la situation réelle.  Le sommet de Nouakchott dans quelques jours sera donc l’occasion de faire un bilan bien précis des avancées et de transformer l’essai dans les mois et les années à venir.

Niagalé Bagayoko : « L’arrivée des forces tchadiennes ne pourra pas fondamentalement modifier les rapports de forces »

Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Securty Secteur Netwrok (ASSN), experte sécurité en Afrique de l’Ouest et centrale répond à nos questions sur la participation sollicitée du Tchad dans la zone des trois frontières.

La France et le G5 ont une nouvelle fois sollicitée la participation tchadienne dans les opérations le long de la zone des trois frontières. Il avait déjà été sollicité une première fois dans ce sens en 2019, quelle réponse peut-on attendre du pays cette fois-ci?

En effet, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense du G5 Sahel (Mali, Tchad, Niger, Burkina Faso, Mauritanie) et français se sont réunis en visioconférence le lundi 27 avril. Ils ont insisté sur «  l’importance de l’envoi dès que possible d’un bataillon tchadien dans la zone des trois frontières », dite du Liptako Gourma et située entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

La question du déploiement du contingent tchadien dans la zone du fuseau Centre (alors que le Tchad est situé dans le fuseau Est selon le découpage de l’espace sahélien opéré par le G5/Sahel) est une question ancienne, qui peut presque être qualifiée de « serpent de mer ». Le Président Déby a toujours insisté sur la très grande valeur ajoutée de l’intervention tchadienne qu’il a toujours su habilement négocier, parfois jusqu’à la surenchère. Il faut réinscrire cette négociation dans le cadre de la rhétorique tchadienne qui insiste toujours et ce de manière récurrente sur la responsabilité des pays occidentaux sur la déstabilisation de la zone sahélienne. La position toujours réaffirmée d’Idriss Deby est que c’est l’intervention en Libye décidée par les puissances occidentales qui est à l’origine de la déstabilisation du Sahel et notamment du Mali, et dans ce cadre-là, il y’a une dette de ces forces à l’origine de cette déstabilisation qui doivent en retour prendre en charge y compris financièrement les interventions menées sur le terrain par les forces africaines qui acceptent depuis 2012 de payer le prix du sang.

 

Le président Déby avait déclaré le 10 avril ne plus vouloir participer à des opérations en dehors de ses frontières, propos par la suite nuancés. Cela peut-il être interprété comme un coup de pression ou une réelle volonté de repli?

En effet, le président Deby est revenu par le biais d’un communiqué de son ministère des Affaires étrangères sur ses propos initiaux relatifs à la décision du Tchad de n’envoyer dorénavant aucun soldat au-delà des frontières nationales dans le cadre d’engagement individuel des troupes tchadiennes pour lutter contre le terrorisme. Le ministère des Affaires étrangères tchadien a indiqué par la suite qu’il n’a jamais été question pour le Tchad de se désengager ni de la force multinationale mixte, ni de la force conjointe du G5 Sahel et moins encore de la MINUSMA. Ce qu’il faut préciser, c’est que tous ces engagements sont extrêmement importants d’un point de vue financier pour le Tchad parce que notamment sa participation à la MINUSMA est aussi une façon comme pour tous les pays notamment africains d’obtenir des remboursements de ce que l’on appelle règle COE (Contingency owned equipment qui peut se traduire par « remboursement des matériels appartenant aux contingents ») qui leur permet aussi d’entretenir leurs forces armées. C’est très important comme source de revenus pour les armées notamment africaines, c’est donc une source dont le Tchad et son armée ne peuvent se passer. Ce qu’Idriss Deby a toujours voulu négocier dès le début, c’est la prise en charge financière de sa participation. Il semble que ce qu’il a réussi à obtenir, est que le contingent appelé à être déployé dans la zone des trois frontières soit pris en charge par les partenaires internationaux, notamment sans doute la France dans le cadre du soutien qu’elle apporte aux armées partenaires du G5 Sahel.

 

Concentré les efforts dans la zone des trois frontières ne contribuerait-il pas à déplacer le problème (création de nouveaux fronts terroristes) plutôt que d’y mettre fin?

C’est de toutes façons dans la zone des trois frontières  que les interventions de la Force Barkhane tout comme des armées du G5/Sahel ont été concentrées pour répondre aux violences commises par  les groupes djihadistes, notamment du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans/GSIM),  de l’Etat Islamique au Grand Sahara désormais affilié à l’ISWAP (Islamic State West Africa Province) ou plus anciennement par le Groupe Ansarul Islam.  Les manœuvres et opérations conjointes menées par ailleurs par la Force conjointe du G5/Sahel ont aussi, depuis la création de celle-ci, été largement concentrées dans cette zone des trois frontières.

Lors du Sommet de Pau, il a été officiellement décidé que la lutte anti-terroriste ciblerait plus spécifiquement l’EIGS. Cependant, La recrudescence des attaques perpétrées par Boko Haram (et notamment par la faction JAS d’Aboubakar Shekau) dans le Bassin du Lac Tchad a démontré que le front Est demeure également un enjeu crucial, même s’il a été un peu moins pris en compte dans l’approche française de la lutte anti-terroriste tout comme par l’effort mené en commun par les armées du G5/Sahel. L’Opération Bohoma, supervisée par le Président Déby lui-même démontre l’importance de ce front dans la gestion de l’insécurité au Sahel.

L’apport du Tchad en 2013 dans la reconquête des zones occupées au Mali a été déterminant, le pays peut-il encore y joué un rôle important ?

Le rôle du Tchad a en effet été déterminant, notamment lors de la mise sur pied de la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine) déployée sous l’égide de l’Union africaine: c’est précisément pour intégrer les forces armées du Tchad (qui, de par son appartenance, à la CEEAC relevait de la brigade centre de la Force africaine en attente) que cette force a été élargie au-delà de la seule CEDEAO. Les contingents tchadiens ont ensuite joué un rôle majeur au sein de la MINUSMA. Mais il ne faut pas oublier que les engagements du Tchad ne se sont pas au cours des dernières années limitées au seul théâtre malien. En effet, les forces armées tchadiennes ont aussi été très active au sein de la FMM (Force multinationale mixte) réactivée dès 2012 pour être déployée sous le pilotage de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) pour lutter contre la secte Boko Haram. Le Tchad a aussi déployé des hommes dans le cadre d’un autre mécanisme de coopération transfrontalière en matière de sécurité qui existe depuis 2010 à travers la « Force Mixte Tchad-Soudan » (FMTS), mécanisme militaire transfrontalier permanent doté de 3000 hommes et déployé le long de la frontière entre les deux pays. On voit donc combien l’engagement tchadien a été actif sur différents fronts.

Cependant, l’arrivée des forces tchadiennes sur le théâtre malien ne pourra à elle seule fondamentalement modifier les rapports de forces. Tout d’abord parce qu’au-delà de la zone des trois frontières, la situation demeure complexe au Mali, notamment parce que l’Accord pour la Paix et la réconciliation au Mali n’est pas appliqué de manière satisfaisante tandis que les incidents récents survenus du côté de la frontière mauritanienne ou dans le Sud dans la région de Kayes sont des motifs de préoccupation. Par ailleurs, la situation n’est pas caractérisée par la seule violence des groupes djihadistes mais aussi par celle des HANI (hommes armés non-identifiés) souvent criminels ou des groupes d’auto-défense ou milices communautarisés. Les méthodes très expéditives de l’armée tchadienne ont souvent été dénoncées. Dans un contexte où les abus ou exactions commises par des unités des forces de défense et de sécurité des armées du Mali, du Niger et du Burkina Faso sont dénoncées de manière croissante par des rapports de plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme, l’intervention tchadienne comme celle des armées partenaires ne devra pas être jugée à la seule aune de l’efficacité opérationnelle et de la dite « neutralisation des GAT (groupes armés terroristes) » mais aussi à la capacité à apporter une protection aux populations dans le respect de leurs droits et de leur dignité.

Barkhane: Une trentaine de terroristes mis « hors de combat »

Dans un communiqué datant du 07 février 2020, Barkhane a annoncé en coordination avec ses partenaires des forces armées maliennes la mise hors de combat d’une trentaine de terroristes. « Entre le 6 et le 7 février, la force Barkhane a conduit une opération d’opportunité à l’Ouest du Gourma ayant abouti à la neutralisation d’une vingtaine de terroristes ainsi qu’à la destruction de plusieurs véhicules » peut-on lire dans le communiqué. L’action s’est déroulée dans une zone où sévit la katiba du Gourma. « Barkhane a mobilisé ses moyens aériens sur très court préavis, démontrant la capacité de la force à agir vite et loin de ses emprises » précise le texte. Un drone Reaper, une patrouille de Mirage 2000 ainsi qu’un hélicoptère Tigre et un Cougar ont participé à deux frappes ciblées sur une zone où des combattants terroristes avaient été repérés.
Dans le même temps, la force Barkhane a poursuivi son action dans le Liptako cette semaine. Les
opérations conduites par les commandos de Barkhane ont ainsi permis la mise hors de combat d’une dizaine
de terroristes lors de deux actions distinctes, dans des zones où l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS) est
actif.

Mahamadou Sawadogo : « Il serait intéressant d’élargir le G5 Sahel à des pays plus attractifs »

Mahamadou Sawadogo, chercheur burkinabé spécialiste de l’extrémisme violent dans le Sahel répond à nos questions sur la situation sécuritaire.

La France a annoncé le renforcement de Barkhane, qui va passer de 4 500 à 5 100 soldats. Qu’est-ce que cela peut apporter concrètement sur le terrain, notamment dans la zone dite des trois frontières ?

Cela peut avoir un impact positif sur la zone, qui est l’épicentre de la violence. C’est de là que l’État islamique attaque les trois pays (Mali, Burkina Faso, Niger). Cela permettra de stabiliser la zone, mais les groupes terroristes ne vont sûrement pas attendre le déploiement de Barkhane pour continuer leurs assauts. Il y a donc le risque que leurs attaques soient dirigées ailleurs. Pour le Burkina, ce sera peut-être désormais vers l’est ou l’ouest, pour le Mali, ils vont remonter vers le centre.

Ce renforcement devrait aider au déploiement de la force Takuba, mais peu de pays européens semblent enclins à l’intégrer. Existe-t-il un risque qu’elle devienne une Arlésienne, comme le G5 Sahel ?

Oui, évidemment. Ce ne sont toutes les armées qui peuvent se déployer au Sahel. Ce sont des conditions assez particulières, difficiles et un risque d’enlisement n’est pas à exclure. Pour ce qui est du G5 Sahel, les pays qui le composent n’attirent pas vraiment les investisseurs. Il serait donc intéressant de l’élargir le G5 à d’autres pays plus attractifs, le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Ghana.

Ces pays pourraient être bloqués par la crainte d’être pris pour cibles…

Oui, mais s’ils ne le font pas, ils seront des cibles quand même. Je suis convaincu que des terroristes s’y trouvent déjà. Autant unir les forces pour en venir à bout, au lieu d’être attentistes. Lorsque le Mali était le seul ciblé, le Burkina ne s’est pas trop préoccupé. Nous voyons le résultat.

Des observateurs affirment que les groupes terroristes qui se confrontent sur d’autres théâtres se tolèrent et coopèrent même au Sahel. Comment l’expliquer ?

Ils ont des combattants ayant servi plusieurs les mêmes groupes. Ainsi, Ansarul Islam a été dissout. Une partie des combattants s’est retrouvée dans l’État islamique et une autre dans le JNIM. Ils sont comme des frères et ont également compris que, dans le cas du Sahel, ils avaient tout intérêt à s’entendre, parce que cela leur donne de la puissance. Ils se complètent. Certains sont plus tactiques et techniques, d’autres sont en nombre et connaissent parfaitement le terrain. Certaines fois, ils ont des revendications hors nature, si je puis dire : un groupe vient revendiquer le territoire identifié d’un autre, cela leur permet de brouiller les pistes.

Opération Barkhane : un dispositif d’aide au développement pour les pays du G5 Sahel

Relancée au sommet de Pau du 13 janvier, l’opération Barkhane s’inscrira désormais dans le projet plus vaste d’une “Coalition pour le Sahel”. Les quatre piliers de ce dispositif – combat contre le terrorisme, renforcement des capacités militaires des États de la région, appui au retour de l’Etat et des administrations sur le territoire, et aide au développement – témoignent de l’étendue des chantiers qui attendent la coalition.

De fait, l’opération Barkhane, née en 2014, ne s’est jamais limitée à des opérations contre les groupes armés terroristes. Loin de se résumer à des opérations militaires, Barkhane s’inscrit dans le temps long du développement. En contribuant à former et à équiper les forces armées des pays du G5 Sahel, mais aussi en venant directement en aide aux populations locales, cette opération ambitionne de contribuer de manière décisive au développement des pays de la zone concernée.

 

Former pour développer           

 

Le développement des pays du G5 Sahel est indissociable d’une sécurisation durable de la zone. Aussi, la formation des armées sahéliennes de demain est l’un des principaux objectifs de Barkhane depuis son lancement. Les formations, dispensées par Barkhane ou les forces françaises prépositionnées au Gabon et au Sénégal, concernent en particulier le tir de combat, la lutte contre les engins explosifs improvisés et le sauvetage de combat. Elles permettent également de former les cadres au processus d’élaboration des ordres, et à la préparation et à la conduite des missions.

 

Cet objectif de formation a été renforcé en 2019. Plus de 600 actions de formation ou d’accompagnement au combat ont été conduites : 112 au Tchad, 339 au Mali, 126 au Niger, 7 au Burkina Faso et 6 en Mauritanie. Elles portent sur la préparation d’opération, les instructions au tir, ou encore la sensibilisation au droit international humanitaire. Des actions sont également conduites au Centre de Préparation à l’Engagement Opérationnel (CPEO), comme des séquences de mise en condition opérationnelle finale. Elles visent à garantir l’aptitude des bataillons nationaux à s’engager aux côtés de Barkhane et à bénéficier des mêmes appuis. En 2019, quatre séquences de préparation à l’engagement opérationnel, appelées DIDASKO, ont été réalisées à Oualam au Niger, à La Loumia au Tchad au profit d’un bataillon de la FC du G5 Sahel, à Dori au Burkina Faso et puis enfin très récemment à Markala au Mali. Dans le cadre de Barkhane, ce sont en tout près de 13 000 soldats des pays du G5 Sahel qui ont pu suivre en 2019 une action de formation dans des domaines particuliers (instruction au tir, coordination des feux, coordination des appuis, sauvetage au combat, lutte contre les IED…).

 

 

Développer les infrastructures et favoriser l’accès aux soins

 

L’opération Barkhane apporte une aide concrète aux populations locales en conduisant ou en soutenant des projets qui améliorent l’accès à l’eau, à l’énergie, à la santé ou à l’éducation. Toutes ces actions concourent au développement de la bande sahélienne et permettront à terme de sécuriser durablement le territoire. En 2019, plus de 75 projets civilo-militaires ont été menés au profit de la population, dont 35 projets à destination de celle de la région du Liptako-Gourma. Parmi ces réalisations, on relève notamment 6 projets d’adduction d’eau, 13 projets d’agropastoralisme, 16 projets en lien avec l’éducation et l’accès à l’information. Ces projets sont financés par Barkhane et certains sont réalisés en autonomie par les forces armées maliennes. Dans les temps à venir, Barkhane appuiera la mission pour la stabilisation du centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) pour deux grands projets à Menaka : la réhabilitation de la centrale électrique et le renforcement capacitaire du commissariat, avec l’achat de véhicules, de motos, l’amélioration des infrastructures, etc.

 

En ce qui concerne l’accès aux soins, des aides médicales gratuites sont proposées à la population lors de chaque opération, en particulier avec les forces partenaires. L’opération Barkhane a ainsi permis de réaliser en moyenne plus de 100 consultations et plus de 400 soins par jour au profit de la population malienne, tchadienne et nigérienne. Plus de 20 actes techniques (imagerie et laboratoire) et près de 3 interventions chirurgicales en moyenne sont également réalisés quotidiennement à leur profit.

 

Des manifestants exigent le départ des forces étrangères

Ils étaient  près d’un millier à répondre vendredi après-midi à l’appel de plateformes politiques et d’associations de la société civile pour dénoncer la présence militaire française.

Les manifestants ont exprimé leur ras-le-bol sur les banderoles où l’on pouvait lire « France dégage, IBK dessera ». Sur l’une d’elles, le président Macron était même représenté en Hitler.

« Nous sommes les défenseurs de cette nation, pays de Modibo Keita. Le président qui a honoré le peuple malien en chassant l’armée française du Mali le 29 janvier 1961. Nous ne sommes pas  des ingrats, nous resterons dignes aux idées de Modibo Keita » a assuré Diongo, secrétaire exécutif des jeunes patriotes de Bandiagara.

Le président du parti SADI Oumar Mariko a dans son intervention, demandé au peuple malien un « éveil de conscience » afin de prendre son destin en main.

« La guerre est un combat destructeur et meurtrier pour certaines personnes, mais elle enrichi d’autres ; ceux qui souhaitent toujours la présence des forces étrangères, il est probable qu’ils se nourrissent de cette guerre. Nous disons non à la France non à tous ceux qui  soutiennent la politique française au Mali »  déclare Oumar Mariko. Le grand meeting s’est terminé sans  incident.

Malgré  la  présence  des  forces  étrangères, le pays toujours est  en  proie  à de nombreuses  attaques  terroristes.

La guerre au Sahel : la communauté internationale unie contre le djihadisme

Alors que tous les yeux sont braqués sur l’opération Barkhane et la présence française dans la bande sahélienne et au Mali, c’est une guerre de dimension internationale qui se joue actuellement au Sahel. La France y agit au nom de la communauté internationale, notamment dans le cadre de l’ONU, afin de soutenir les armées africaines dans une lutte commune contre le djihadisme. En repoussant ce dernier au Sahel, la communauté internationale vient en aide aux populations africaines, premières victimes du terrorisme djihadiste, et tente d’endiguer la menace terroriste internationale en évitant la création d’un nouvel état djihadiste à l’image de l’Etat islamique.

                                                          

L’engagement de la communauté internationale au Sahel

En 2013, la France a répondu à l’appel du Président Traoré afin d’empêcher la progression des forces djihadistes vers Bamako. Depuis, l’armée française a déployé 4500 soldats dans la bande sahélienne, et particulièrement au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane. Ces opérations ont un prix pour la France. Financièrement, son aide représente un coût financier et humain : depuis 2013, la France a perdu 41 hommes au Sahel – 13 soldats sont encore morts le 25 novembre. La France agit au nom et sous le contrôle de la communauté internationale. Son intervention au Mali est en effet encadrée par un accord de défense signé en mars 2013 et par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui l’autorise à intervenir afin de soutenir la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).

Depuis la création du G5 Sahel en 2014, la communauté internationale a décidé d’intensifier l’aide apportée aux pays africains qui ont uni leurs forces dans le projet d’assurer eux-mêmes leur sécurité. Les Européens, en particulier, et les Américains, apportent une aide financière, logistique et opérationnelle. Les pays partenaires se sont engagés, en accord avec le G5 Sahel, à fournir des équipements et des prestations à la Force conjointe, et non à opérer de simples transferts de fonds.

Au total, 414 millions d’euros ont été promis à Bruxelles en 2018 et 207 millions d’euros de contributions ont déjà été apportés par l’Union européenne et les Etats-Unis. A ce jour, n’ont pas encore été débloqués 100 millions promis par l’Arabie saoudite, la contribution des cinq Etats sahéliens au fonds fiduciaire (10 millions chacun) et la contribution chinoise (6,5 millions d’euros). En outre, les contributions versées sur le fonds fiduciaire du G5 Sahel atteignent 17,1 million d’euros : elles doivent provenir notamment des Emirats pour permettre l’achat de camions, de Turquie en vue de l’achat de matériel militaire ou encore du Rwanda.

 

Une aide concrète

Au-delà d’un engagement militaire de la France sur le terrain, c’est toute la communauté internationale qui intervient au Sahel à travers l’aide apportée aux pays engagés dans la guerre contre le djihadisme. L’aide européenne et américaine a permis la livraison d’équipements militaires, le financement d’infrastructures, etc. Concrètement, les bataillons de la Force conjointe ont déjà reçu des véhicules, du matériel contre les engins explosifs improvisés, ou encore des équipements de protection.

Le G5 Sahel bénéficie donc des équipements envoyés par la communauté internationale : véhicules, équipements de protection, etc. Les pays européens sont pleinement engagés au Sahel. Par exemple, la République tchèque a livré des équipements de protection individuelle pour le bataillon malien de la FC-5GS pour 400.000 euros, ou encore le Luxembourg a fourni un hôpital et des ambulances pour les bataillons burkinabé et nigérien de la Force conjointe du G5 Sahel pour un coût de 500.000 euros.

Certains retards de livraison et les échecs militaires créent une frustration compréhensible chez les populations, mais l’aide apportée au Sahel est pourtant bien réelle. Récemment, la France a par exemple été accusée sur les réseaux sociaux d’avoir livré des motos aux forces djihadistes alors que les forces armées maliennes ont confirmé que ces motos leur étaient destinées.

 

Vers l’autonomie de la défense des pays du Sahel

La France et la communauté internationale sont intervenus au Mali en réponse à une situation d’urgence qui n’est pas destinée à durer, même si certains sont découragés. Le combat continue face à la recrudescence des attaques djihadistes, mais l’un des projets essentiels de la communauté internationale est de former les armées nationales au Sahel, afin qu’elles deviennent progressivement autonomes dans leur défense.

Ainsi, la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), lancée en février 2013, réunit 620 militaires de 28 pays européens : sa mission est de former les militaires maliens. Son mandat a été prolongé en 2018 et son budget a été doublé pour être étendu aux pays réunis depuis 2014 au sein du G5 Sahel.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président français, Emmanuel Macron, a maintes fois souligné son attachement à la formation des armées sahéliennes. En Côte d’Ivoire, la France finance ainsi la construction d’une Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) à Jacqueville. Celle-ci formera les acteurs de la lutte antiterroriste pour toute la bande sahélienne.

 

Barkhane : Le Danemark en soutien

Les forces armées du Danemark déploient à Gao, dans le nord du Mali, deux hélicoptères de transport Agusta Westland EH101 et 70 hommes jusqu’en décembre 2020, en soutien à l’opération Barkhane au Sahel.

Cette semaine, les derniers soldats déployés avec la contribution de l’hélicoptère danois ont atterri à Gao. La force danoise est ainsi prête à commencer à travailler dans le cadre de l’opération Barkhane.

« C’est la première fois que le Danemark envoie des soldats à l’opération Barkhane et je sais qu’il a fallu beaucoup de préparation aux forces armées. C’est pourquoi je suis très heureux que les forces armées danoises soient maintenant prêtes à contribuer également aux efforts de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, en coopération avec les alliés européens », a déclaré la ministre danoise de la Défense, Trine Bramsen.

L’objectif de la contribution est de soutenir les efforts menés par la France dans la région du Sahel dans les tâches de transport de personnel et de marchandises, les hélicoptères de transport étant fortement en demande.

« L’hélicoptère EH101 a une grande capacité de transport et fera une différence pour l’opération Barkhane. Dans le même temps, cela rendra la vie quotidienne plus sûre et plus flexible pour les soldats au sol », a déclaré le lieutenant-colonel Martin Birkedahl Nielsen, chef de la Section des opérations aériennes.

G.K

Face au fake news : la vérité sur l’action française au Sahel

Le 25 novembre, 13 soldats français sont morts dans un accident d’hélicoptère au Sahel. Depuis 2013 et le lancement de l’opération « Serval » au Mali, qui a donné lieu en 2014 à l’opération « Barkhane », ce sont déjà 41 soldats français qui ont été tués dans cette région.

La France a-t-elle sacrifié ses troupes au nom de ses intérêts économiques ? A-t-elle déployé 4500 hommes sur ces opérations extérieures afin de déstabiliser davantage le Sahel et de soutenir secrètement les combattants djihadistes de la région ? Ces questions absurdes ne le sont pas pour nombre d’internautes qui relaient depuis le mois de novembre rumeurs et fake news sur les prétendues raisons de la présence militaire française au Sahel. Alors que l’opération « Barkhane » est essentielle dans la lutte internationale contre le djihadisme, la France doit compter ses morts dans un climat où on la somme de se justifier.

 

La France dénonce les rumeurs et les « mouvements antifrançais » au Sahel

Depuis le mois de novembre 2019, en Afrique, les rumeurs courent sur les réseaux sociaux. Elles visent à semer le doute sur les intentions de la France au Sahel et à attiser la défiance des populations à l’égard des troupes françaises. Ainsi, l’armée française est régulièrement accusée de vouloir déstabiliser la région : en livrant des motos aux forces djihadistes, selon une rumeur ; en attaquant une base militaire dans le sud-est du Niger, selon une autre rumeur. À chaque fois, les autorités sont obligées de publier des démentis officiels : les motos étaient destinées aux forces maliennes ; aucune base n’a été attaquée à Diffa. De même, les images de l’accident d’hélicoptère du 25 novembre sont devenues virales, alors que l’accident a eu lieu en pleine nuit et qu’il n’en existe pas d’image. Sur les réseaux sociaux, on ne s’embarrasse pas de vérité et l’on commente donc allègrement les images d’un autre accident. En France, ce sont d’autres rumeurs qui se propagent et alimentent les théories du complot : l’opération « Barkhane » serait cette fois destinée à protéger les intérêts économiques de la France, notamment les mines d’uranium exploitées de longue date dans la région par Areva. L’Etat français, selon cette nouvelle rumeur, utiliserait ses forces armées pour défendre des intérêts privés. Pourtant, les troupes de l’opération « Barkhane » sont essentiellement déployées au nord du Mali et les mines d’uranium se trouvent au nord du Niger – on se trompe donc de pays.

De fait, ces rumeurs sans fondement et souvent contradictoires relèvent de deux phénomènes différents. En France, elles traduisent une volonté de repli et un renoncement aux idéaux universalistes: elles visent à discréditer des opérations extérieures jugées coûteuses en vies et en argent. En Afrique, elles sont le fruit d’une défiance plus générale à l’égard de l’interventionnisme et du néocolonialisme supposé de la France. Le 4 décembre, en marge du sommet de l’OTAN, Emmanuel Macron a souligné que l’opération “Barkhane” ne pouvait perdurer dans ce contexte de “mouvements antifrançais”  et a demandé aux pays du G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Niger, Burkina Faso et Tchad) d’exprimer clairement leurs attentes par rapport à la France.

La présence de l’armée française est plus que jamais nécessaire au Sahel

Il faut revenir aux sources de l’opération « Barkhane » pour comprendre l’absurdité des rumeurs actuelles. En 2013, lorsque François Hollande décide d’envoyer des troupes au Mali, c’est à la demande de son président : il s’agit de venir en aide à un “Etat ami”, selon les mots du président Hollande, confronté aux offensives djihadistes. Il s’agit en outre de protéger les intérêts vitaux de la France en secourant les ressortissants français qui vivent dans ce pays dont les liens avec la France sont historiques. Depuis, l’intervention de l’armée française s’est étendue à une zone plus vaste et Emmanuel Macron a réaffirmé l’engagement de la France au Sahel car la menace djihadiste s’y est intensifiée.

Face aux rumeurs, il suffit de rappeler les faits : l’opération “Barkhane” sert les intérêts conjoints du Sahel et de la France. Ces intérêts ne sont pas économiques, mais vitaux et géostratégiques. Au Sahel, le 10 décembre dernier, ce sont 71 soldats nigériens qui ont été massacrés au poste de reconnaissance d’Inates, à quelques kilomètres de la frontière malienne. Le 15 décembre, les présidents des Etats membres du G5 Sahel réunis à Niamey ont donc demandé l’aide de la communauté internationale et réaffirmé leur besoin d’être aidés par des puissances étrangères. Loin de subir la présence militaire française, les pays du Sahel la demandent. Mais l’opération “Barkhane” sert également les intérêts de la France, car face à la menace djihadiste sur son territoire, la France mène au Sahel une guerre préventive. Les opérations extérieures de l’armée française servent en effet à limiter l’impact qu’une crise au Sahel ne manquerait pas d’avoir sur la France. Les soldats français morts en opération extérieure le 25 novembre dernier sont donc bien morts pour le Sahel, et pour la France.

Barkhane: treize militaires français tués dans l’accident de deux hélicoptères

Treize militaires français de la force Barkhane ont trouvé la mort au Mali dans une collision accidentelle de deux hélicoptères, lors d’une opération de combat contre des djihadistes, a annoncé ce mardi l’Elysée dans un communiqué. Un hélicoptère de combat Tigre est entré en collision avec un hélicoptère de manœuvre et d’assaut Cougar, selon l’Etat-major des armées, entraînant la mort de six officiers, six sous-officiers et un caporal-chef se trouvaient à bord. L’accident est survenu lundi soir, vers 19h40, dans le cadre d’une opération de Barkhane, qui  « Engagés au sol depuis quelques jours, les commandos traquaient un groupe de terroristes, décelés quelques heures plus tôt, qui évoluaient en pick-up et à motos. Très rapidement, ils ont été renforcés par des hélicoptères et une patrouille de Mirage 2000 », explique le ministère des Armées dans un communiqué. Cet accident porte à 38 le nombre de militaires français tués au Mali depuis le début de l’intervention française dans ce pays du Sahel en 2013, avec l’opération Serval. Le dernier mort était le brigadier Ronan Pointeau, 24 ans, tué début novembre dans l’explosion d’un engin explosif.