Sécurité : Le sentiment « anti-français » gagne les esprits

La montée chez une partie des Maliens d’un sentiment de lassitude vis-à-vis de la France et de sa présence militaire au Mali va grandissant. Alors que les appels de soutien aux Forces armées maliennes se multiplient, à travers des manifestations populaires, ces dernières deviennent très rapidement l’occasion pour certains d’exprimer ouvertement leur mécontentement envers le rôle des Français dans la gestion de la crise sécuritaire qui secoue le pays depuis 2012. Si l’Hexagone n’est pas exempt de reproches, n’est-il pas indexé à tort ? Pour beaucoup, la question est : la France joue-t-elle franc jeu au Mali ?

Vendredi 15 novembre 2019. Des milliers de Maliens sont sortis massivement pour répondre à l’appel de partis politiques de l’opposition et regroupements de la société civile afin de manifester un soutien sans faille à l’armée malienne, qui ne cesse de compter ses morts au front dans la crise sécuritaire que traverse le pays depuis des années.

Si officiellement le mot d’ordre était donc clairement en faveur des Famas et de la dénonciation de la mauvaise gouvernance, les partisans de l’incrimination de la France dans les plus grands  malheurs du Mali, du moins d’un point de vue sécuritaire, n’ont pas manqué l’occasion de se faire entendre. Certains l’ont même poussé à l’extrême, en brûlant le drapeau français Place de l’Indépendance à Bamako, un lieu hautement symbolique.

« Ces moments sont douloureux à plus d’un titre. Ils occultent les efforts déployés par la France pour sauver le Mali du péril djihadiste et font le jeu de ceux-là même qui attaquent les forces maliennes et internationales. Ils ne sont pas à l’image de la longue et amicale coopération qui unit la France et le Mali », regrette SE Joël Meyer, ambassadeur de France au Mali.

Les initiateurs de la manifestation n’ont pas, dans les jours qui ont suivi, condamné ces actions même s’ils n’approuvent pas ces agissements. « Les messages qui ont été véhiculés par les leaders présents lors de la manifestation n’étaient pas des messages de haine contre la France. Nous n’adhérons pas à cette position. Mais aujourd’hui il faut comprendre que cette population est perdue à cause de la mauvaise gouvernance. Notre problème n’est pas donc pas la France », explique Moussa Seye Diallo, secrétaire adjoint à la communication de l’URD.

« Mais, quand vous lancez un appel, c’est tout le monde qui vient, avec ses intentions, émotions et réflexions. Aujourd’hui, quand on regarde la population malienne, on se rend compte que certains n’arrivent pas à comprendre ce qui se passe dans les zones de conflit. Bien qu’il y a une présence des forces étrangères, avec en tête de proue la France, les massacres continuent », ajoute-il.

Même son de cloche chez les Fare An ka Wuli, où l’on précise que la manifestation n’avait pas pour but d’attaquer qui que ce soit, même si l’on estime la réaction de certains Maliens compréhensible. « La déclaration du Président Modibo Sidibé va dans le sens de l’essence même de la mobilisation. Après, l’opinion nationale et les ressentiments des uns et des autres quant à la position de la France ne nous engagent pas », précise Bréhima Sidibé, secrétaire général adjoint du parti, qui par ailleurs fait partie du regroupement « Anw Ko Mali Dron ».

Causes lointaines 

Avant d’en arriver là, des prémices avaient déjà été observés à travers le pays. Que ce soit lors des manifestations récentes à Sévaré ou de la mobilisation du mouvement « On a tout compris » début 2018, le sentiment « anti-français » croît ces dernières semaines.

« Il s’explique par un essoufflement face à la détérioration de la situation sécuritaire. Autant, en 2013, l’arrivée de l’opération Serval, avec la campagne militaire franco-africaine qui s’en est suivie, a été perçue comme salvatrice, autant  la persistance de la menace sécuritaire des années après reste incompréhensible pour certains Maliens », fait remarquer Baba Dakono, chercheur à l’Institut d’études de sécurité en Afrique (ISS Africa).

Cet observateur averti trouve d’ailleurs « normal » que la population s’en prenne un peu aux acteurs militaires, et donc à la France, considérée comme une puissance dans ce sens, capable d’aider le Mali à faire face aux terroristes si elle jouait franc-jeu.

« La suspicion vient du fait que les Maliens ne comprennent pas toujours pourquoi, à l’entrée de Kidal, les troupes françaises avaient interdit l’accès des troupes maliennes, et cela jusqu’à présent », souligne le Pr Issa N’diaye, ancien ministre de l’Éducation nationale et militant du mouvement démocratique.

Selon lui, cela crée une ambigüité et ce n’est pas seulement au Mali que les Français sont indexés, mais un peu partout en Afrique de l’Ouest, notamment au Burkina Faso ou au Niger.

Une ambigüité que ne comprend pas SE Joël Meyer, selon lequel, au contraire, la position de la France face au fléau terroriste qui meurtrit le Sahel a toujours été parfaitement claire.

« Quelle « ambiguïté », de la France et de la communauté internationale, peut-on dénoncer alors que, aux côtés de leurs camarades maliens, tant  de soldats français et étrangers, tout particulièrement Africains, se sont sacrifiés sur ce sol pour défendre ce pays ? », questionne le diplomate français, qui avoue par ailleurs comprendre l’incompréhension ou l’impatience d’une partie de l’opinion malienne.

Pour SE Meyer,  la lutte contre le fléau terroriste s’inscrit nécessairement dans un temps long. « Croyez bien encore une fois que nous préférerions épargner la vie de nos militaires, mais la France tient ses engagements de solidarité », rappelle-t-il.

Kidal, le point d’achoppement

Pour beaucoup, le nord du Mali, plus précisément la région de Kidal, serait le symbole du « jeu trouble » auquel s’adonnerait la France au Mali. Les Maliens auraient toujours en travers de la gorge cette interdiction des forces françaises d’entrer à Kidal pour en reprendre le contrôle au détriment des rebelles Touaregs.

« Cela est difficile pour un pays qui se dit ami du Mali d’interdire l’entrée dans une partie du territoire national malien aux troupes maliennes. Cela ne peut pas se justifier, ce qui rend la position de la France de plus en plus indéfendable, même du point de vue de certaines personnes dans l’opinion publique française », relève le Professeur N’diaye.

« S’agissant de Kidal, le Président Macron a récemment rappelé que la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Mali n’étaient pas négociables », lui répond l’ambassadeur Joël Meyer, pour lequel ces principes ont été solennellement consacrés par l’Accord signé en 2015 entre le gouvernement et d’anciens rebelles du Nord, qui ont ainsi fait le choix de retrouver le giron de l’État malien plutôt que de poursuivre leur funeste entreprise déstabilisatrice.

« La France n’a d’autre intérêt au Nord que l’application de cet Accord », soutient-il très fermement.

Désengagement français ?

Pour ceux qui se questionnent sur un éventuel désengagement de la France du Mali, vu les appels incessants émanent d’une partie de l’opinion nationale, il n’en serait rien, du moins pas tant que les données n’auront véritablement pas évolué.

« Un tel désengagement, c’est d’abord admettre que les millions d’euros qui ont été investis au Mali et dans le Sahel n’auront pas servi à grand-chose. Ce serait pratiquement un aveu d’échec », affirme Baba Dakono. « D’autre part, la position portée par une frange de la population n’est certainement pas celle portée par les décideurs au plan national, qui ont établi le plan de coopération militaire avec la France », précise le chercheur.

Un point de vue qui cadre parfaitement avec celui du représentant de la diplomatie française au Mali, qui réaffirme l’attachement de son pays au « caractère souverain des décisions des autorités maliennes pour ce qui concerne leur pays », avant d’appeler les Maliens à « distinguer la réalité de la désinformation et à faire la part entre les faits et les rumeurs ». « Ne nous trompons pas d’ennemi », avertit-il.

Ménaka: Barkhane multiplie les patrouilles avec les Forces armées maliennes

Des patrouilles conjointes, mais avant des séances d’échanges et de formation avec Barkhane, voici quelques exercices auxquels des unités de Forces armées maliennes s’adonnent depuis des semaines. Objectif: approfondir leurs savoir-faire dans le domaine du combat individuel et collectif et du guidage aérien.

 

C’est dans cette optique que du 12 au 22 août 2019, le groupement tactique « Edelweiss » a été engagé dans une nouvelle série d’opérations dans la région de Ménaka, avec pour objectif de continuer à renforcer le partenariat militaire opérationnel entre les Forces Armées Maliennes et Barkhane. 

 

Dans ce cadre, une compagnie d’infanterie malienne était engagée sur le terrain aux côtés du groupement tactique « Edelweiss », tandis qu’un officier malien était intégré au centre opération du groupement pour concevoir, conjointement avec ses homologues français, les plans et les ordres des opérations sur lesquelles les unités ont été engagées. 

 

Alternant patrouilles et séances de formations, les soldats maliens ont pu profiter de cette séquence pour mener de manière conjointe des missions avec les soldats français, notamment dans la ville de Ménaka renseigne le communiqué de presse reçu par la rédaction. 

 

Conduite par les armées françaises, en partenariat avec les pays du G5 Sahel, l’opération Barkhane a été lancée le 1er août 2014. Elle repose sur une approche stratégique fondée sur une logique de partenariat avec les principaux pays de la bande sahélo-saharienne (BSS) : Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Niger, et Tchad. 

 

Lutte contre le terrorisme: Rencontre entre le nouveau commandant de la Force Barkhane et les FAMa à Gao

Le nouveau commandant de la Force Barkhane (Comanfor), le général de Division Facon, a effectué une visite de terrain le 6 août 2019 dans la première Région militaire de GaoDeux événements ont marqué cette visite du Comanfor Barkhane à Gao : une rencontre avec sa troupe (Force Barkhane) et une visite de courtoisie au nouveau Bataillon spécial des FAMa.

Barkhane: Immersion à Ménaka

Présente à Ménaka depuis plus d’un an pour lutter contre les groupes armés terroristes, la force Barkhane représente, dans cette région stratégique, une arme redoutable. Ses actions sur le terrain, en partenariat avec les FAMAs, la Minusma, les forces de sécurité et certains groupes armés, ont permis d’instaurer depuis quelques mois une relative accalmie dans la ville. Immersion avec une force qui mise parallèlement sur des actions de développement pour un retour à la normale.

Ménaka. 23 février. Il est 16 heures quand l’avion se pose sur une piste en latérite, à une centaine de mètres du super camp de la Minusma, qui abrite les forces armées maliennes et la base opérationnelle avancée de la force Barkhane. Un vent poussiéreux souffle sur toute la zone. Un camion de Barkhane pour le transport de l’équipage est déjà stationné, sécurisé à 360° par des véhicules blindés légers. Le convoi pénètre quelques minutes après dans la base de Barkhane, dont la voie d’accès passe par la Minusma. De véritables fortifications se présentent sous nos yeux. Des postes de défense, des BRDM, des véhicules blindés, des avions, des militaires armés sont installés dans cette zone, soigneusement  épargnée des regards indiscrets.

À l’intérieur de la base, l’ambiance est particulière. Des tentes en bâches sont dressées, des douches et toilettes de campagne aussi. À quelques mètres, le drapeau de la France flotte à côté de celui du Mali. « Bienvenue sur le camp français de Ménaka. C’est assez exceptionnel d’accueillir autant des journalistes sur une base militaire, donc nous sommes forcément obligés de respecter certaines consignes de sécurité », explique  le lieutenant Léopold, officier de presse. Au même moment, un hélicoptère survole de camp. C’est dans ce labyrinthe que se préparent les opérations communes et les patrouilles, souvent avec les forces armées maliennes ou avec la Minusma. Mais aussi des opérations d’envergure contre les groupes armés terroristes (GAT). Une vie rustique, dans un environnement aux aléas difficiles. Déjà,  le soleil rougeâtre cède la place à l’obscurité.  

L’éternel combat pour la sécurité

À Ménaka ou Minika (Où allons-nous en tamasheq), la force Barkhane entretient un partenariat solide avec les forces armées maliennes. Les deux armées mènent régulièrement des patrouilles communes dans la ville. Dimanche 24 février. Alors que la nuit a été froide, les premiers rayons du soleil annoncent le début d’une journée de forte chaleur. Sur la base de Barkhane, le dispositif se met en place pour une patrouille commune avec les FAMAs dans Ménaka. Le convoi se met en marche et quelques instants après, toujours à l’intérieur du super camp, deux pick-up des Famas, équipés d’armes lourdes, rejoignent le cortège. Au dehors, un premier arrêt au commissariat de police de la ville, de l’autre côté de la route nationale. Les bâtiments avaient  été occupés suite à la rébellion de 2012 par des groupes armés. Rénovés par la Minusma, ils sont redevenus opérationnels en décembre 2017, avec un effectif d’une vingtaine d’éléments. Selon le capitaine Alhousseyni Ag Annaib, chef du commissariat, la conjoncture sécuritaire s’est améliorée depuis, même si les défis sont considérables. « Il y a du calme aujourd’hui. La situation sécuritaire à Ménaka n’est pas seulement d’ordre terroriste, elle est mise à mal surtout par les conflits intercommunautaires », souligne-t-il. « Nous avons obtenu la participation des groupes armés, qui montre leur volonté d’aller vers la paix.  Cette dynamique fait qu’avec les  FAMAs et les forces étrangères, ils patrouillent ensemble pour sécuriser les populations, d’où une certaine tranquillité », ajoute-t-il. L’établissement bénéficie, outre de l’appui de la MINUSMA, de celui de  la force antiterroriste. « Barkhane nous a installé des postes de combat sur le toit et dans les alentours, mais aussi des fils barbelés. Nous avons  mis en place avec les FAMA, Barkhane et la Minusma un poste de coordination d’opérations tactiques, ici au commissariat », se réjouit le capitaine, avant d’ajouter « sans la France nous n’en serions pas là ». Il reste cependant que l’action de ces forces de sécurité intérieures est très limitée dans une ville où tout le monde peut s’arroger le droit de porter des armes. Il déplore l’insuffisance des moyens humains et matériels. « La police ici, est militaire et donc nous avons besoin de moyens militaires. Quand on va attaquer le commissariat avec des moyens militaires, ce n’est pas avec du gaz lacrymogènes que nous allons pouvoir nous défendre », argumente sereinement le chef de la police judiciaire.

En plus de son appui aux forces de sécurité, c’est véritablement avec les forces de défense que Barkhane collabore de façon quotidienne. « Nous faisons des patrouilles avec Barkhane, mais aussi avec la Minusma et les groupes signataires de l’Accord, comme le GATIA et le MSA », témoigne le sergent Aboubacar Traoré, chef  de l’équipe en patrouille des Famas.

En visite à Ménaka le 25 février, le commandant de la force Barkhane, le Général Fréderic Blachon, a rappelé tout son intérêt pour la région. « Tout commence par la sécurité. En venant ici, c’est l’occasion pour moi de vous montrer à combien la force Barkhane estime essentielle la sécurité de cette ville. Ce que je suis en train de faire en ce moment, au côté d’un gouverneur, je le fais peu, et peut être pour la seule et unique fois au cours de mon mandat », affirme-t-il. « En 2018, nous avons pu neutraliser pas mal de terroristes. Nous leurs avons porté des coups et repoussé la menace. Mais nous savons que l’ennemi peut toujours faire du mal, même si c’est sans commune mesure avec la situation d’il y a deux ans », ajoute avec verve le commandant. Alors que les Famas s’installent à Anderanboukane, le patron de la plus importante opération militaire extérieure française rassure. « Nous avons bien l’intention de continuer à nous investir. Nous resterons le temps nécessaire à Ménaka, jusqu’à ce que le relais puisse être un jour pris complètement par les FAMAs », affirme-t-il. Parlant des rapports de Barkhane avec les mouvements présents sur le terrain, comme la Plateforme, la CMA et le MSA, le général fait le point. « Barkhane entretient entre avec l’ensemble des groupes signataires une impartialité totale. Il y a des groupes signataires qui sont plus engagés aux côtés du gouverneur et, par la force des choses, ce sont bien ceux-là qui bénéficient de plus de soutien », précise-t-il, avant d’ajouter : « ceux qui payent le prix du sang contre le terrorisme ont à un moment donné plus de légitimité, qu’on le veuille ou non », avance-t-il, faisant référence notamment au  GATIA et au MSA. 

Quelques minutes après, comme elle le fait le plus souvent, la patrouille commune s’engouffre dans la ville, au nord-ouest. Les enfants dans les rues, au passage des véhicules, lèvent une main en guise de salutation aux soldats. Une présence militaire qu’ils ont finie par intégrer, dans cette ville où le bruit des armes n’effraie plus. Sur certains murs figure encore le nom de la discorde : Azawad. 

Arrivée Place de l’indépendance, adjacente à la mairie, la patrouille s’immobilise, puis commence une progression à pied vers le principal marché moderne de la ville. Des commerçants détaillants exposent leurs produits variés dans cet espace public. Mais c’est au marché que se concentre l’essentiel des articles, des céréales, des habits, des condiments, avec toujours une ambiance animée. Ceux qu’on appelle là-bas en tamasheq les « Ikoufar » (les Blancs, les Occidentaux, les non musulmans en général), suscitent malgré tout la méfiance de certaines personnes. « Je n’ai rien contre eux, mais je sais que les gens s’en méfient ici », confie un habitant de la ville, sous anonymat.  Par contre, l’Imam de la mosquée du premier quartier se dit satisfait de leur présence. « Ils ne nous dérangent pas. Ce sont seulement ceux qui n’ont pas confiance en eux qui n’apprécient pas leur présence ici », se démarque Ibrahim Souley Maiga. 

Opérations séduction

Force militaire par excellence, Barkhane s’investit aussi depuis quelques mois dans des actions civilo-militaires en faveur des populations de Ménaka. « Nous sommes là pour rassurer la population et faire en sorte que le développement puisse se poursuivre, et même reprendre parfois dans certaines régions. Il n’y a pas de développement sans sécurité, ni de sécurité sans développement », dit le colonel Gabriel, commandant du groupement tactique numéro 2 de la force. Pour manifester cette volonté, Barkhane a signé un contrat avec le Groupement entreprise commerce général dans le cadre de la gestion des déchets du 1er quartier. Un incinérateur a été installé pour permettre à l’association des femmes de trier les déchets de Barkhane, qu’elles récupèrent, brûlant ce qui est inutile. D’un coût de  22 millions de francs CFA, il permettra dès le 1er mars à 110 familles de bénéficier de ses retombées, en vendant les bidons et contenants en aluminium récupérés jusqu’au Niger voisin. « Barkhane nous a aidé à obtenir le projet. C’est un atout, parce qu’il n’était pas destiné à l’origine à Ménaka », souligne l’entrepreneur Moussa Ismaguel. 

De l’autre côté de la ville, dans le lit de la mare d’Izgaret, au troisième quartier, la force Barkhane a également doté les maraichers d’un puits à grand diamètre d’une valeur de 5 millions de francs CFA. Mais, mal conçu, il a été endommagé avant de recevoir un autre financement de Barkhane. « Je cultive de la betterave, de la salade, du choux et des épices variées. Je les vends à bas prix à ces femmes là-bas, qui, elles, les revendent au marché avec un peu de bénéfice », signale le jardinier Abdoulaye Mohamed. « Vu que nous n’avons pas d’activités, à cause de la crise, nous faisons ce travail », note-t-il avec amertume. Ces initiatives d’aide à la population sont mises à profit par la force pour échanger avec elle et recenser certaines de ses préoccupations. C’est dans ce cadre qu’elle a fourni en juillet 2018, dans l’ouest de la ville, au quartier Abattoir, un château d’eau. D’une capacité de 50 barriques, sa réalisation a coûté 22,6 millions de francs Cfa à Barkhane. Plus de 120 familles bénéficient désormais de cette source, rare, d’eau potable, grâce à cinq bornes fontaines installées dans le quartier.  Devant le domicile du chef de quartier, président de l’entreprise Bellakoni, une borne fontaine. Des dizaines de bidons sont  rangés devant.

Duo sécurité – développement

Si la sécurité de la ville et de la région en général est une préoccupation majeure, le développement demeure le socle de la stabilité. « La création d’un cadre de concertation de tous les acteurs présents à Ménaka a permis de conjuguer nos efforts, Famas plus groupes armés, de patrouiller à l’intérieur de la ville, mais, également, les patrouilles Famas – Barkhane – Minusma ont réduit largement l’insécurité à Ménaka et dans ses alentours », rapporte Daouda Maiga, le gouverneur de la région. Pour soutenir les actions de sécurisation, il mise sur des projets de développement colossaux, en plus des actions des ONG présentes. « Nous avons lancé il  y a quelques jours le Programme  de développement de la région de Ménaka, pour presque 1,5 milliard de francs CFA, sur financement de l’Agence française de développement (AFD), pour un an. (…) On lutte contre l’insécurité et on installe le développement, qui est l’une des mamelles de la stabilité », affirme le gouverneur. 

Pour sa part, le Comanfor (Commandant de la force) prévoit de revenir au printemps avec le conseiller en développement de l’AFD. « Nous, notre  domaine, c’est la sécurité. Mais le constat est fait depuis fort longtemps qu’il n’y a pas de développement sans sécurité. Nous sommes donc ceux qui vont créer les conditions pour cela », résume le Général Blachon.

Lutte contre le terrorisme: 15 djihadistes tués dans des frappes aériennes de Barkhane

L’opération Barkhane a annoncé ce vendredi 18 janvier qu’une quinzaine de djihadistes avaient été tués par des frappes françaises le 10 janvier au Mali.

Une quinzaine de djihadistes soupçonnés de préparer une attaque ont été tués le 10 janvier dans le centre du Mali par des frappes aériennes françaises, a annoncé l’opération Barkhane dans un communiqué transmis à notre rédaction ce vendredi.

« Le 10 janvier, des frappes aériennes ont été menées par des Mirage 2000 et un Atlantique 2 de la force (Barkhane), appuyés par un drone Reaper, sur ce groupe terroriste » localisé dans la zone de Dialoubé, au nord de Mopti, et « une quinzaine de terroristes a été mise hors de combat », selon le communiqué.

« Ces succès ont permis de réduire le niveau de menace dans cette région peu accessible du delta intérieur du Niger » et « s’inscrivent dans la continuité d’opérations menées conjointement avec les forces maliennes, mi-décembre et début janvier », se félicite l’opération.

Une série d’opérations menées début janvier avec les forces maliennes dans la forêt de Serma (Douentza) ont permis de démanteler des camps d’entraînement, de saisir de l’armement et de collecter des renseignements selon lesquels « un groupe de terroristes en lien avec le centre de formation démantelé s’apprêtait à conduire une action contre une emprise institutionnelle symbolique dans la région de Dialoubé », détaille le communiqué.

Coopération renforcée

Le communiqué souligne en outre le renforcement des modalités de coordination entre les forces armées maliennes et Barkhane, « ce qui a permis d’obtenir des résultats probants notamment dans la forêt de Serma et à Dialoubé ».

 

Mali : Que se passe-t-il à la CMA ?

Depuis près d’un mois,  des membres de la  Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) sont ciblés. Début septembre, l’un de ses commandants au  MOC de Tombouctou est assassiné. Puis d’autres attaques suivent. La dernière en date est une tentative d’assassinat sur un autre  responsable de la CMA au sein du même mécanisme, le 28 septembre, à quelques encablures de la Cité ville de 333 saints. Que se passe-t-il ?

« Nous pensons aujourd’hui que la CMA dérange beaucoup des gens ». C’est en tout cas à cette conclusion qu’est parvenu Ilad Ag Mohamed, l’un des porte-paroles de la Coordination des mouvements de l’Azawad, mouvement signataire en 2015 de l’Accord pour la paix et la réconciliation  au Mali. Le 28 septembre, le coordinateur du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou, membre de la CMA, échappe à une tentative d’assassinat en dehors de la ville. Quelques semaines plus tôt, Salim Ould Mbekhi, commandant de ce même mécanisme pour le compte de la CMA, est assassiné par de présumés djihadistes. Pour Ilad Ag Mohamed, « les groupes terroristes s’opposent au MOC et le  considèrent comme leur cible », c’est pourquoi « ils visent très souvent » ses maillons forts.

Si la CMA est harcelée par des groupes terroristes, elle est aussi ces derniers temps dans les viseurs de la Force Barkhane. Le 27 septembre, cette force antiterroriste a arrêté au bureau régional du mouvement de Ménaka huit de ses éléments. C’était à l’issue d’une opération ayant mobilisé 120 parachutistes et des  troupes au sol. Ilad Ag Mohamed, qui n’apprécie pas ce genre d’incursions, s’explique. « Barkhane visait un individu qui n’est pas un membre actif de la CMA. Selon elle, il aurait participé à l’attaque de poste de garde de Ménaka en janvier et serait aussi membre du groupe Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), ce qui est faux ». Pour le journaliste et éditorialiste malien Adam Thiam, la Force Barkhane « intervient généralement quand il y a un soupçon de connexion avec des djihadistes », avance-t-il, sans pointer du doigt aucun groupe. Alors que des voix ne cessent d’invoquer des passerelles entre des groupes djihadistes et certains mouvements signataires de l’Accord, le porte-parole de la CMA apporte quelques éclaircissements. « Il est vrai qu’il y a des mouvements membres de la CMA qui ont un passé islamique, comme le Haut conseil islamique sorti des entrailles d’Ansar Edin. Mais aujourd’hui il n’y a plus aucune relation entre les deux », précise Ilad Ag Mohamed.

Tandis que le GATIA et le MSA mènent à Ménaka, avec Barkhane, des opérations contre des groupes terroristes, la CMA, quant à elle, campe sur ses positions.  « Il y a ceux qui veulent utiliser la CMA comme un mouvement supplétif des armées qui combattent le terrorisme, sans aucune condition. Or, nous nous pensons que notre première responsabilité est de faire tout pour que l’Accord soit mis en œuvre, dans toutes ses dispositions », met ainsi en avant le porte-parole du mouvement. Il ajoute toutefois : « quand on sera parvenu à une armée nationale reconstituée, il n’y a aucun doute que l’une de ses missions urgentes sera la lutte contre le terrorisme ».

Dans ces zones du nord, la question terroriste est complexe et très sensible. Et elle engendre le plus souvent des conflits communautaires et intracommunautaires.

Un nouveau tournant ?

« Il y a un nouveau tournant dans la guerre du nord, à travers l’assassinat d’un membre du MOC à Tombouctou et une plus forte implication de Barkhane dans des questions de proximité à Ménaka et à Kidal », souligne Adam Thiam. Le 26 août dernier, la force française a mené des frappes sur la position d’un membre de l’EIGS dans la région de Ménaka. Sa récente descente dans cette ville est surtout perçue par les analystes comme « un exercice d’avertissement ». « Il y a la volonté de mener une opération de communication », dit Baba Alfa Umar, chercheur sur les questions sécuritaires au Sahel. Selon lui, l’opération de Ménaka est « comme une action tactique faisant partie d’une stratégie robuste, inchangée pour tout ce qui revient comme horreurs depuis le terrain ces derniers semaines », relève-t-il.

Face à ces évènements, la CMA espère une accélération prochaine de la mise en œuvre de l’Accord et entend, dès le 15 octobre, discuter de toutes ces questions pour prendre des mesures internes.

Général de division Frédéric Blachon : «Barkhane n’est ni manipulée, ni manipulable»

Commandant de l’opération Barkhane depuis le 1er août 2018, le Général de division Frédéric Blachon a accordé une interview exclusive au Journal du Mali. Lutte contre le terrorisme, coopération avec les FAMa et le G5 Sahel, défiance de la population à son égard, le nouveau chef de Barkhane se prête à un exercice assez inédit pour cette force, présente au Mali depuis 2014.

Mon général, vous avez pris vos fonctions à la tête de la force Barkhane le 1er août 2018. Ces derniers mois, vos raids ont porté de grands coups aux terroristes. Votre prédécesseur affirmait même qu’il n’y avait plus de sanctuaire terroriste dans le pays. Pouvez-vous nous dire quelle est la situation un mois après votre arrivée ?

Tout d’abord, je suis très heureux de répondre à ma première interview à un journal malien depuis mon arrivée dans la bande sahélo-saharienne. En effet, Barkhane a obtenu de grands résultats dans sa lutte contre les groupes armés terroristes (GAT). Ces derniers n’ont pas totalement disparu, mais ils sont fortement affaiblis et désorganisés, car nous visons tant leurs chefs que leurs combattants ou leur armement.

Nous les frappons pour qu’ils ne disposent plus de sanctuaire et qu’ils ne soient plus en mesure de conduire des opérations d’envergure. Notre action dans la lutte contre les GAT est donc unanimement reconnue. Mais je constate aussi depuis mon arrivée que les succès de Barkhane s’observent dans bien d’autres domaines, comme le partenariat avec les FAMa et les autres forces partenaires et surtout les actions qui sont menées au profit de la population avec ces mêmes forces partenaires.

Certains observateurs y voient néanmoins des succès relatifs, les principaux chefs de ces groupes terroristes étant toujours dans la nature…

La menace de ces groupes ne se résume pas à leurs chefs, mais à leur capacité d’action. Dès lors que celle-ci est affaiblie, le gain est réel. Comme je vous l’ai dit, nous visons aussi les chefs. Cela peut prendre un peu de temps, mais nous arrivons régulièrement à en neutraliser. Ils peuvent encore frapper, comme ils l’ont fait malheureusement le 7 septembre à Boni, mais leurs stocks d’armement sont régulièrement détruits.

J’invite vos observateurs, qui semblent bien connaitre ces chefs, et la population, qui désire vivre en paix, à communiquer à Barkhane et aux forces partenaires toutes les informations qui nous permettront d’être encore plus efficaces. La sécurité, c’est bien l’affaire de tous !

Vous avez neutralisé récemment un chef, mais vous avez déploré au cours de ce raid la mort de 2 civils. Une investigation est ouverte. Qui la mène ?

Barkhane a effectivement mis hors de combat un chef important de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) qui avait commis de nombreux crimes à l’encontre de la population et des forces partenaires. Il ne faut jamais oublier de rappeler ces exactions et de les condamner, tout comme il faut condamner le comportement des terroristes qui s’abritent lâchement derrière les populations ou qui les attaquent sans discrimination.

C’est à cette lâcheté que Barkhane a été confrontée tout récemment. Comme vous le savez, elle a immédiatement annoncé que deux civils avaient malheureusement trouvé la mort lors de cette frappe qui a mis un terme à la cavale meurtrière de Mohamed Ag Almouner, l’un des chefs de l’EIGS.

Une analyse interne a montré que nos procédures strictes, visant à épargner les populations, ont bien été appliquées. Sa conclusion nous pousse à renforcer encore  notre prudence avant action, pour ne pas alimenter l’immoralité de nos adversaires.

Barkhane semble s’être rapprochée de certains groupes armés signataires de l’Accord de paix afin de lutter contre le terrorisme. Pourquoi cette nouvelle approche ?

Il n’y a pas de solution à la situation qui soit totalement extérieure au Mali. En ce sens, Barkhane est un appui, mais pas la solution. La solution appartient au Mali, à ses forces armées, à sa population et, d’une certaine manière, à tous les Maliens de bonne volonté. En signant l’Accord pour la paix et la réconciliation, ces groupes ont témoigné de cette bonne volonté. Si celle-ci est sincère, et qu’elle est démontrée par les faits, il n’y a pas de raison de ne pas associer ceux qui en font preuve. Le Mali a besoin de toutes les forces utiles pour se débarrasser de la menace terroriste.

Le récent rapport de l’ONU, qui fait état de l’implication de certains membres de ces groupes dans des actions terroristes, pourrait-il rebattre les cartes ?

Bien sûr. Comme je vous le disais, la situation exige un engagement sincère, prouvé par les faits. Ceux qui démontrent le contraire s’excluent de la solution pour appartenir au problème. Et, comme pour les groupes terroristes, le moment où la justice demande des comptes finit toujours par arriver.

Des informations font état de manipulations de Barkhane de la part de ces « nouveaux alliés »…

Barkhane n’est ni manipulée, ni manipulable, et ceux qui disent le contraire mentent. Il arrive toujours un moment où l’ambiguïté n’est plus possible. Ceux qui auront joué risquent fort de tout perdre. J’invite donc ces joueurs éventuels à bien réfléchir et à prendre rapidement des décisions qui préserveront leurs intérêts sur la durée. Dans mon esprit, ces intérêts vont de pair avec la préservation de la paix et avec la conformité à la loi malienne.

La coopération avec les populations est très importante dans la lutte contre le terrorisme. Ces dernières ont, vers la fin de 2017, manifesté une certaine défiance à l’égard de Barkhane. La situation a-t-elle évolué favorablement depuis ?

C’est parce que Barkhane est impartiale et efficace qu’elle gêne tous ceux qui n’ont pas d’autre projet que de vivre aux crochets de la population. Ainsi, de manière cyclique, Barkhane est attaquée, sous la forme de désinformations et de manifestations dont la mise en scène grossière devrait attirer l’attention, notamment des journalistes.

La situation que nous rencontrons sur le terrain est bien meilleure que ce qui est parfois publié et notre force est globalement bien acceptée. Il suffit de le demander aux populations. Nos échanges ne se limitent pas aux autorités locales et les populations voient les actions qui sont entreprises pour améliorer leur quotidien.

La force Barkhane est ici à la demande de l’État malien, au service de la sécurité de tous les Maliens, et s’efforce chaque jour, au péril de la vie de ses soldats, d’améliorer la situation. Elle s’efforce, là où elle est présente, de reconstruire les conditions nécessaires au retour d’une vie normale pour les habitants. Ici en creusant un puits, là en rebâtissant une école ou un pont, là en électrifiant une laiterie…

Notre mission est globale et le développement y prend une place grandissante. Un chargé de mission développement est d’ailleurs depuis quelques jours à mes côtés, dont l’action sera visible dans les mois à venir.

La mission de Barkhane étant de lutter contre le terrorisme, comment expliquer que la force ne soit pas plus opérante au centre du Mali ?

Le centre du Mali n’a malheureusement pas le monopole de la présence de GAT ou de groupes menaçant la sécurité des populations. Il y a donc eu un partage des zones d’actions en totale transparence avec les hautes autorités maliennes : les FAMa dans le centre, Barkhane dans le Nord. D’ailleurs, depuis mon arrivée, j’ai pu constater l’efficacité des forces de défense et de sécurité maliennes dans le domaine de la sécurisation, notamment pendant cette période électorale.

Le Président Macron a fait savoir que les récentes actions devaient se dérouler en « complétant Barkhane ». Quelle est la priorité pour votre force ?

Barkhane est une force militaire. Sa principale action se situe donc dans le champ militaire. Toutefois, nous savons que la solution durable ne se situe pas seulement là. Par le soutien au développement, tout d’abord, nous entendons donner une impulsion susceptible de recréer les conditions d’une vie normale. Cette impulsion doit être poursuivie, approfondie et c’est le travail d’autres acteurs. Certains sont déjà à l’œuvre. Enfin, le retour à la sécurité ne peut advenir qu’en faisant abandonner à tous le champ de la violence pour entrer dans le champ politique. Il y a donc là aussi un travail à accomplir pour inciter tous les acteurs à réformer leurs méthodes pour être entendus. C’est le jeu démocratique : l’abandon des armes pour entrer dans la confrontation des idées et des faits.

Cinquante militaires estoniens sont venus renforcer Barkhane. Peut-on y voir les prémices d’un engagement européen plus soutenu auprès de cette force ?

Comme vous l’avez remarqué, il ne s’agit plus de prémices, mais d’une réalité. Les pays de l’UE sont déjà présents au sein de Barkhane. Les Britanniques mettent en œuvre des hélicoptères lourds à partir de Gao, mais vous avez également l’Espagne, par exemple, qui participe au transport aérien au profit de Barkhane. Il y a également les contingents qui arment la MINUSMA et dont nous soutenons la mission. Je pense aux Allemands notamment. Je peux témoigner de leur efficacité sur le terrain au profit de la paix au Mali et dans la région. Car, comme l’ont bien compris les pays de la bande sahélo-saharienne en se regroupant au sein du G5 Sahel, l’union renforce l’efficacité de la lutte contre le fléau commun.

A n’en pas douter, d’autres pays européens viendront certainement nous rejoindre.

Comment se déroule la coopération avec les FAMa, qui semblent ne pas être très associées dans les opérations menées par Barkhane ?

C’est tout l’inverse, en réalité. Les FAMa sont nos partenaires. Nous nous engageons pleinement dans leur entrainement opérationnel avant de conduire des opérations ensemble. Le partenariat militaire opérationnel est une vraie réussite et nous combattons ensemble, en apportant quelques fonctions opérationnelles, comme du renseignement, certains appuis aériens et parfois un complément logistique.

Quel rôle Barkhane joue-t-elle auprès de la force G5 Sahel ?

La France, vous le savez, mais aussi l’Europe, et plus largement l’ensemble de la communauté internationale, soutiennent totalement la création et l’action de cette force, souhaitée par les pays membres du G5 Sahel et qui représente une réponse à la menace transfrontalière que représente le terrorisme. Face à cette menace, qui se joue des limites entre États, la Force Conjointe G5 Sahel constitue d’ores et déjà une capacité d’action crédible. Barkhane, depuis sa création, lui a apporté son soutien dans sa montée en puissance par des actions de formation, d’assistance ou d’entrainement. Elle l’a également épaulée lors de ses opérations. Barkhane poursuivra cette action avec détermination.

Que protègent les forces militaires étrangères au Sahel ?

Officiellement, elles cherchent à lutter contre le terrorisme, mais les interventions des acteurs extérieurs s’inscrivent davantage dans la défense de leurs intérêts.

L’empreinte militaire extérieure, notamment celle des États-Unis et de la France, s’accroît en Afrique de l’Ouest et particulièrement au Sahel. Pourtant, face à des opinions publiques de plus en plus hostiles à cette présence jugée envahissante, ces interventions risquent de s’avérer inefficaces ou, pire, contre-productives.

Le 6 avril 2018, le président ghanéen Nana Akufo-Addo déclarait : « Il n’y aura pas de base militaire américaine au Ghana ». Il répondait ainsi aux protestations soulevées par la signature d’un accord de coopération en matière de défense avec les États-Unis. Quatre mois plus tôt, au Niger, les autorités avaient démenti avoir autorisé l’envoi de soldats italiens dans le Nord du pays, où des bases américaines et française étaient déjà positionnées.

Autrefois limitées au conseil, à la formation et à l’équipement des armées nationales de la région, les forces militaires étrangères, depuis le déclenchement de la crise malienne de 2012, ont accru le déploiement de troupes au sol ainsi que l’installation des bases logistiques ou militaires. Au Mali, en 2013, l’intervention des troupes françaises dans le cadre de l’opération Serval a permis de stopper l’avancée des groupes extrémistes violents vers le sud du pays et leur éviction des grandes villes.

Présenter cette zone du Sahel, comme la nouvelle frontière d’un « djihad » mondial comporte des risques importants

Dans ce capharnaüm militaire, le Mali et le Niger, au carrefour de l’instabilité régionale, sont devenus des terrains privilégiés pour les puissances occidentales. Ces dernières, bien qu’ayant recours aux mêmes arguments sécuritaires pour justifier leur présence, poursuivent des objectifs parfois différents.

Si la lutte contre le terrorisme demeure l’enjeu principal pour les Américains dans la région, il semble que des partenaires européens, comme l’Allemagne et l’Italie, soient aussi motivés par la question migratoire. L’annonce du gouvernement italien, en décembre 2017, de sa décision d’envoyer des troupes au Niger pour combattre le terrorisme répondrait davantage à une volonté d’exercer un contrôle plus étroit sur les flux migratoires. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 75 % des migrants et réfugiés parvenus en Europe en 2017 sont entrés par l’Italie et nombreux sont ceux ayant transité par le Niger.

La participation de l’Allemagne à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) avec un millier de soldats et l’ouverture d’une base logistique au Niger consolide sa présence au Sahel, une zone au cœur des dynamiques migratoires.

La montée en puissance des groupes extrémistes violents et de la criminalité organisée au Sahel, ayant conduit au renforcement de la présence militaire étrangère, a été précédée d’un affaiblissement des États de la région. La situation de ces pays, qui font face à une mauvaise gouvernance caractérisée par une corruption endémique, un système de justice défaillant, une incapacité à fournir les services sociaux de base et à intégrer les espaces périphériques, favorise l’ancrage local et la résilience des groupes extrémistes violents de la violence auprès des populations.

Au Mali, forces françaises sont de plus en plus critiquées par l’opinion publique

Si la France est intervenue à la demande des autorités maliennes de transition de l’époque, au nom d’un passé commun, elle l’a fait aussi et surtout pour protéger ses ressortissants et défendre ses intérêts stratégiques, y compris économiques, dans la région.

À titre d’exemple, le pays continue d’importer du Niger voisin la majeure partie de l’uranium indispensable à son énergie nucléaire. L’intervention de la France, baptisée Serval, en janvier 2013, a laissé la place, six mois plus tard, à l’Opération Barkhane – au coût financier d’environ un million d’euros par jour – dont la zone d’action est élargie aux cinq pays du G5 Sahel : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad.

Tandis que la présence française est fortement médiatisée, d’autres pays tels que les États-Unis et l’Allemagne, se font plus discrets. En octobre 2017, quatre commandos américains et cinq militaires nigériens ont perdu la vie à Tongo Tongo, localité située à la frontière avec le Mali, dans une embuscade revendiquée par l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Cette attaque a révélé au grand public l’ampleur de la présence militaire des États-Unis au Niger, et plus largement dans la région.

Elle a également démontré, une fois de plus, que les groupes terroristes, bien que traqués par les pays de la région et leurs alliés, conservent une capacité de nuisance et recourent à des modes opératoires de plus en plus complexes. Cependant, la présentation de cette zone du Sahel, dans la rhétorique qui a suivi l’attaque de Tongo Tongo, comme la nouvelle frontière d’un « djihad » mondial comporte des risques importants.

De nombreuses études soulignent en effet la nécessité de prendre en compte les dynamiques locales dans le développement et l’expansion des groupes armés terroristes dans la région. Ces groupes exploitent, entre autres, les griefs des populations contre la gouvernance étatique ainsi que les tensions entre les différentes communautés socioprofessionnelles – à l’image des conflits pouvant opposer les éleveurs aux agriculteurs – pour s’ériger en garant de l’ordre social.

La décision des États-Unis de donner plus d’autonomie aux troupes déployées sur le terrain paraît dangereuse

Par ailleurs, la décision des États-Unis de donner plus d’autonomie aux troupes déployées sur le terrain paraît dangereuse. Dans un tel contexte, les erreurs de ciblage risquent d’être exploitées par les groupes extrémistes violents pour consolider leur présence et d’affecter l’efficacité des interventions.

Ces derniers mois, les signes d’un mécontentement populaire contre la présence militaire extérieure se sont multipliés dans la région. Accueillies dans un consensus quasi-général au Mali, en janvier 2013, les forces françaises sont de plus en plus critiquées par l’opinion publique.

Cette hostilité a débouché sur l’émergence de mouvements de protestation au cours des derniers mois, à travers le pays, pour dénoncer la politique de la France, accusée parfois d’accointance avec les anciens groupes rebelles. Au Niger, également, des manifestants, répondant à l’appel d’une coalition d’organisations de la société civile, scandaient en février dernier : « Armées française, américaine et allemande, allez-vous en ! », accusant leurs autorités de brader la souveraineté du pays.

La multiplication des interventions au Sahel répond d’abord à une volonté des puissances occidentales de défendre leurs intérêts stratégiques, qu’ils soient d’ordre sécuritaire, politique, diplomatique ou économique. Le masquer ou tenter de le dissimuler contribuerait davantage à renforcer l’image d’une région victime de simples calculs géopolitiques de la part d’acteurs extérieurs.

 

 

 

Cet article est d’abord paru sur le site de l’Institut d’études de sécurité.

Ibrahim Maïga : « La Force conjointe G5 Sahel est un outil parmi d’autres au service d’un projet politique… »

 

Alors que la force conjointe du G5 Sahel vient d’entamer sa deuxième opération, « Tonnerre », des groupes djihadistes, au Nord et au Centre du Mali, envisagent de se mutualiser pour la combattre. Ibrahim Maiga, chercheur à l’Institut d’études de sécurité, répond aux questions de Journal du Mali sur la capacité de nuisance de ces groupes et propose des pistes pour « assécher » la menace.

Ces derniers mois, des sources sécuritaires occidentales et sous-régionales évoquent la présence dans le Nord du Mali de djihadistes venus de  Libye et de Syrie. Ces informations sont-elles à prendre au sérieux ?

Il est important d’indiquer que ces informations été relayées dès 2015 par les habitants de certaines localités du Nord du Mali. La faiblesse structurelle de la plupart des États sahéliens fait de cette région une destination attractive pour des groupes armés en perte de vitesse au Moyen-Orient. De plus, la situation spécifique du Mali commande une extrême vigilance. Il faut se rappeler que les premiers « djihadistes » provenaient de pays voisins et que la crise de 2012 tirait en partie sa source du reflux de combattants du théâtre libyen, sans minimiser les causes internes qui ont facilité le délitement de l’État.

La sortie récente du Président IBK sur le sujet montre que cette information est prise au sérieux au plus haut niveau politique. Mais les chefs d’État devraient en premier lieu s’inquiéter de la tendance au recrutement au sein des populations locales et trouver les moyens d’assécher ces groupes.

Deux groupes actifs dans le Nord et le Centre du pays, aux idéologies différentes, envisagent de mener ensemble des attaques contre la force conjointe du G5 Sahel et les « mécréants ». Qu’est-ce qui motive cette stratégie ?

La création du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, fusion d’Ansar Dine, d’Al Qaida au Maghreb islamique, de la Katiba Macina et d’ Al Mourabitoune), en mars  2017 – deux mois après la décision actant la mise sur pied de la Force conjointe du G5 Sahel – avait déjà démontré la capacité des groupes « djihadistes » à se regrouper pour faire face à un ennemi commun. Une alliance entre le GSIM et l’État islamique dans le grand Sahara (EIGS) semble avant tout répondre à des objectifs tactiques.

Constituerait-elle une menace d’envergure ?

En dépit de leurs divergences, ces groupes évoluent peu ou prou dans le même espace. Avec le déploiement progressif de la force conjointe du G5 Sahel, une alliance circonstancielle peut apparaître comme une option intéressante. Sans avoir une idée précise des effectifs de ces groupes, il est possible d’affirmer qu’ils sont largement en dessous de ceux des armées de la région. Un accroissement des capacités, une mutualisation des moyens et un partage d’expériences sont les risques les plus immédiats. Sur le terrain, il est intéressant de noter que les dynamiques locales permettent souvent une forme de collaboration entre membres de différents groupes armés « djihadistes » sans que cela ne soit formalisé.

La force sous-régionale a-t-elle les moyens de combattre un ennemi qui se dilue dans une zone aussi vaste ?

L’opérationnalisation de la FC – G5S est confrontée à d’importants défis, dont la question du financement et la qualité des ressources humaines. Car, malgré l’activisme diplomatique des États sahéliens, les promesses s’élèvent à 278 millions d’euros (192 milliards de francs CFA), sur le montant de 423 millions d’euros (278 milliards de francs CFA) nécessaire à la première année de fonctionnement. Cette incertitude, combinée à l’absence d’un mécanisme de financement pérenne, ne permet pas d’envisager des opérations d’envergure pour instaurer la confiance entre les forces de défense et les populations. Parlant des ressources humaines, de nombreux rapports et études soulignent l’impact de certaines méthodes « brutales » sur le recrutement de combattants par les groupes « djihadistes ». Les réformes des secteurs de la sécurité dans plusieurs pays et les initiatives de formation de certains acteurs internationaux doivent être poursuivies. L’avenir de cette force sera tributaire de la capacité des États sahéliens, avec leurs partenaires régionaux et internationaux, à trouver des réponses à ces défis dans la durée.

La force conjointe du G5 Sahel pourra-t-elle venir à bout du terrorisme dans cet espace et y a-t-il un risque d’enlisement ?

Répondre par l’affirmative reviendrait à prétendre qu’une opération militaire, à elle seule, pourrait résoudre cette problématique. Toutes les études, y compris celle menée par l’Institut d’études de sécurité au Mali en 2016, démontrent que le terrorisme prospère dans un environnement caractérisé par l’absence de justice, les inégalités sociales et l’absence d’un État utilitaire. La FC-G5S devrait donc surtout être vue pour ce qu’elle est : un outil parmi d’autres au service d’un projet politique d’intégration de populations longtemps marginalisées.

La force française Barkhane, bien équipée, ne s’est-elle pas finalement essoufflée, cinq ans après le début de son intervention au Mali ?

Barkhane, qui couvre cinq pays du Sahel et compte environ 4 000 hommes, coûte 1 million d’euros (656 millions de francs CFA) à la France par jour, pour des résultats mitigés et des pertes en vies humaines. Sa présence est de plus en plus remise en cause par les populations sahéliennes, en particulier au Mali. Par conséquent, même si la France se défend de promouvoir la FC-G5S pour se désengager, elle pourrait revoir son dispositif en réduisant considérablement son empreinte sur le terrain.

 

Fahad Ag Almahmoud de GATIA : « la lutte contre le terrorisme passe inévitablement par le DDR »

Le Commandant de la force Barkhane au Mali a parlé lors d’une conférence de presse le 21 novembre dernier de « collusion » entre certains groupes armés signataires de l’Accord et des mouvements djihadistes. Le Secrétaire général du GATIA, membre de la Plateforme, Fahad Ag Almahmoud, se dit surpris de ces accusations venant d’une force censée combattre le terrorisme.

Journal du Mali : Comment réagissez-vous à ces accusations ?

Fahad Ag Almahmoud : Ce n’est pas la première fois qu’on parle de collusion entre groupes armés et terroristes. Ce qui me surprend, c’est que les accusations viennent de ceux qui doivent combattre le terrorisme. C’est comme si un gendarme disait : « je connais certains d’entre vous qui sont des criminels » et passait sans les appréhender. Si Barkhane estime qu’un individu a des liens avec les terroristes, elle doit prendre les dispositions qui s’imposent, faire une enquête et livrer l’intéressé à la justice, non se contenter de dénoncer.

De quels groupes armés s’agit-il ?

C’est à Barkhane de préciser de quels groupes il s’agit. Tout le monde dit que les groupes signataires et les terroristes sont des vases communicants. En 2012, pratiquement tout le monde a adhéré à Ansar Dine, au MUJAO et à AQMI. A l’arrivée de Serval, ceux qui étaient censés avoir été « récupérés » ont gardé des contacts. Les États qui combattent le terrorisme sont mieux placés que nous pour le savoir.
Un Commandant de la force Barkhane à N’Djamena affirme que « des groupes valident à Bamako des règles qu’ils n’appliquent pas sur le terrain ». Est-ce vrai ?
Ce n’est pas précis. C’est au gouvernement malien de se plaindre de la non application des décisions prises à Bamako. C’est à lui que revient la mise en œuvre de l’Accord, car c’est à lui que devra revenir le contrôle de tout le territoire.

Ces allégations expliquent-elles le retard dans la mise en œuvre de l’Accord ?

En partie. Les gens qui n’aiment pas la paix et qui travaillent pour d’autres agendas peuvent retarder cette mise en œuvre. Mais, je ne pense pas que le retard soit imputable à une seule partie. Chacune a sa part de responsabilité.

Barkhane prévoit d’interdire la circulation à tout convoi de plus de cinq véhicules sans autorisation. Allez-vous collaborer ?

Je ne pense pas que les groupes armés circulent sans avertir la Minusma ou sans ordre de mission. Il serait plus sage pour Barkhane et tous les acteurs d’accélérer le mécanisme de DDR. La lutte contre le terrorisme passe inévitablement par le désarmement des groupes armés signataires. Tant qu’il y aura des individus en armes en dehors de l’armée nationale, elle sera inefficace.

Barkhane : le point sur son engagement

Pas très habitué à cet exercice de communication, la force Barkhane, par la voix de son général, Christian Allavène, a organisé une rencontre avec les journalistes qui s’est tenu à la maison de la presse, à Bamako, ce 21 novembre. Le souhait de la force étrangère était d’informer la presse malienne sur « les actions de Barkhane en faveur de la population malienne ».

Les travaux accomplis

Cette conférence de presse a débuté en évoquant les différentes réalisations accomplies par la force armée française. En plus de ces interventions militaires, la force Barkhane s’est engagé à prodiguer des soins à la population malienne, première victime de cette insécurité. « Barkhane a accordé pas moins de 5 000 consultations médicales et sanitaires au profit de la population. Ce sont 500 patients qui ont été soignés par des soins médicaux de Barkhane », commence-t-il à dire. En tout ce sont près de 28 500 actes médicaux qui ont été prodigués aux Maliens, à l’heure actuelle.

En poursuivant son exposé sur ces données chiffrées, il a été question des actions civilo-militaires (CIMIC). « Ce sont des actions militaires au profit de la population civile. Ces actions tournent autour des besoins vitaux. Il s’agit de l’accès à l’eau (…) de l’électricité, l’éducation. Et c’est d’ailleurs une graine que Barkhane plante pour l’avenir du peuple malien », affirme le général. Pour l’eau et l’électricité, la force Barkhane s’appuie les deux partenaires de la lutte contre le terrorisme que sont le Mali et la France. « Barkhane appui la remise en route de la centrale électrique de Kidal et y a investi beaucoup d’argent. Grâce à EDM, l’État malien, qui a décidé de consacrer une somme très conséquente à la remise en route de cette centrale à Kidal, l’a relancé il y a un mois et demi. Au moment de notre arrivée, la centrale fournissait six à huit heures d’électricité pour environs 25 % de la population kidaloise, aujourd’hui, 80 % de la centrale électrique produit quasiment 100 % des Kidalois a au moins 20 heures », dit Christian Allavène. Pour une autre ressource vitale, qu’est l’eau, le général nous apprend la présence, à Gao, de la société française Veolia, dont certains représentants sont sur place. Cette venue est motivée par une étude des projets qui pourront y être menés à très court terme au profit du grand Gao. « D’autres projets sont en cours, même si certaines régions bénéficient davantage d’aide que d’autres », précise le chef militaire.

Dans son appui aux forces armées malienne, l’opération Barkhane poursuit son appui aux militaires maliens à travers 142 actions de formations dispensées, en 2017, la fourniture de munitions, de carburant et d’alimentation.

L’insécurité au centre du Mali

L’absence de la force militaire dans cette partie du pays s’explique par le fait que «  Barkhane intervient là où on lui demande de le faire. La force militaire travaille dans les zones aux profits desquelles l’État malien lui demande d’intervenir. Je vous le rappelle, la force française, intervient au profit et en appui de la MINUSMA. » Pour le commandant Allavène, les missions à menées dans le nord du pays ne sont pas encore accomplis et reconnaît que cette partie du pays est la priorité de Barkhane. « Le « ménage », si je peux me permettre d’utiliser cette expression un peu maladroite n’est pas complètement réalisé ». Il poursuit en précisant que les effectifs de Barkhane sont minimes face à l’immensité du territoire malien. « Barkhane, c’est 4 000 hommes dans un pays vaste comme le Mali, je vous laisse imaginer si nous avons la capacité à être partout et en même temps. » L’absence des forces française dans le centre du pays est un fait que M.Allavène a tenu à pondérer en précisant que « les FAMas oeuvrent dans cette partie du pays ».

Sujets épineux

Sur une possible porosité entre certains groupes signataires de l’accord de paix d’Alger et les terroristes, Christian Allavène lève le voile. « Les différentes opérations que nous avons menées récemment dans le nord, mais pas uniquement, notamment par la saisie d’un nombre de pièces à charge, démontrent la collision qui existe entre certaines personnes de certains groupes armées signataires et des groupes armés terroristes. »

Suite au tollé qu’à susciter la mort des 11 soldats maliens tués dans une embuscade de la force militaire française, en octobre dernier, le général Christian Allavène, n’a pas souhaiter s’étendre sur ce sujet. Afin d’y mettre à terme. « Votre président et notre ministre [Florence Parly, ministre française des Armées : NDLR] ont affirmé que cette affaire était derrière nous. Souhaitez-vous vraiment la remettre devant nous ? Ne pensez-vous pas qu’il convient de sortir de ce sujet et de considérer l’avenir ? Cette affaire est derrière nous, je cite votre président et ma ministre », se contente-t-il de dire.

 

Amadou Thiam, président du groupe parlementaire ADP-Maliba – Sadi « Nous voulons que la lumière soit faite sur la mort de nos 11 militaires

Depuis la mort des 11 militaires maliens dans la nuit du 23 au 24 octobre, à la suite d’un raid de la force Barkhane, la polémique ne cesse d’enfler. Le groupe parlementaire ADP-Maliba – SADI, exigent qu’une enquête soit ouverte pour faire la lumière sur l’affaire et en situer les responsabilités. Le président du groupe parlementaire, le député Amadou Thiam, revient pour le Journal du Mali, sur les motivations de cette action.

Journal Du Mali : Vous demandez l’ouverture d’une enquête sur la mort des 11 militaires maliens, concrètement qu’attendez-vous de cette démarche ?

Amadou Thiam : Nous estimons en tant que groupe parlementaire ADP-Maliba ,SADI que la lumière soit faite sur la mort de nos onze militaires. Nous avons été surpris par la réaction du gouvernement là-dessus, qui d’un communiqué laconique, essaie à la limite de légitimer leurs morts. Il explique, mais il ne condamne pas pour autant, n’essaye pas de situer les responsabilités et n’essaye pas non plus d’éclaircir les circonstances qui entourent la mort de ses militaires. J’ai aussi entendu à travers certains médias français, des sources assez proches que ces militaires maliens seraient carrément devenus des terroristes. Ce qui est assez grave pour nous, que l’on fasse des insinuations et des suppositions sur la mort de ses militaires. Le temps qu’il a fallu au gouvernement et même à Barkhane de faire savoir qu’à travers ce raid, ces militaires sont morts, cela prête à suspicion. Il a fallu près d’une semaine pour cela. Tout cela crée beaucoup de zones d’ombres, il est important pour nous de savoir ce qui s’est passé, pas seulement pour que des sanctions soient prises contre les fauteurs, mais pour que ce soit un signal fort. Qu’à l’avenir, la force Barkhane ne puisse plus de manière unilatérale entreprendre des actions sur le territoire malien. Ils sont et il faut qu’ils demeurent une force d’appui, aux forces armées et de sécurité malienne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Vous pointez du doigt la faible action de l’État, estimez-vous qu’ils ont les mains liées dans cette affaire ?

En tant que représentation nationale, nous devons contrôler l’action du gouvernement, et aussi de représenter au mieux les populations. La question est au centre et nous nous sommes dits qu’au point de vue de la légalité internationale, cette intervention que ce soit de Barkhane ou de la MINUSMA qui se fait dans des zones où l’armée malienne est totalement absente, cela pose un véritable problème. Il s’agit pour nous de souligner cela, surtout que nous commençons à assister à de tels actes, il est important que nous attirions d’avantage l’opinion nationale et même internationale là-dessus.

Si le gouvernement n’accédait à votre requête, quels sont les recours dont vous disposez pour les « contraindre » ?

En tant que groupe parlementaire, nous disposons de beaucoup instruments. Dans cette quête de la vérité, nous nous réservons le droit d’interpeller le ministre de la Défense à l’Assemblée nationale. Au fur et à mesure, nous pourrions même demander que tout le gouvernement soit interpellé. Le Premier ministre et tous ses ministres concernés, qu’on nous explique ce qui s’est passé. Ce sont des moyens de recours que nous avons en tant que groupe parlementaire, et dont nous ne ferions pas l’économie si la situation n’évoluait pas.

Oumar Mariko, le président du SADI, est réputé pour ses prises de positions hostiles à l’égard de la France. Pensez-vous que ces inimitiés pourraient faire passer cette action pour une vengeance ?

Je suis le président du groupe parlementaire. Sur les 14 députés qui la compose, il y a 9 de l’ADP-Maliba, je crois que ce que nous menons comme lutte est tout à fait légitime. Ça ne vise aucun intérêt particulier, mais seulement à sauvegarder les intérêts du Mali et de ses partenaires, parce que si Barkhane est un partenaire du Mali, nous devons les aider à mieux nous aider.

EXCLUSIF/ Zeina Walet Ilady : « Barkhane doit partir ou c’est nous qui partirons ! »

Depuis le début du mois d’octobre à Kidal, au Nord du Mali, les manifestations s’enchaînent contre la Force Barkhane et ses méthodes. La mort entourée de mystère, il y a un an, de Cheikh Ag Aoussa, ex-numéro 2 d’Ansar Dine, chef militaire redouté et sulfureux du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), dans l’explosion de son véhicule, est venue s’ajouter à l’hostilité suscitée par les récentes actions coups de poings de la force française. Beaucoup à Kidal pointent du doigt son rôle trouble dans la mort de ce faucon de la rébellion touarègue. Au premier plan, Zeina Wallet Ilady, la veuve de Cheick Ag Aoussa, instigatrice des manifestations qui agitent la capitale de l’Adrar des Ifoghas. Cette femme d’influence est déterminée à tout faire pour que la force Barkhane « dégage » de la région.

La force Barkhane a procédé à plusieurs interventions qui se sont soldées par des arrestations dans Kidal et sa région depuis le début du mois d’octobre. Des manifestations contre Barkhane, dont vous êtes l’une des principales instigatrices, ont lieu depuis, chaque semaine. Pourquoi une telle hostilité envers la force française ?

Depuis que Barkhane est ici, je ne vois pas ce qu’ils ont fait de bien pour Kidal. Ils arrêtent nos hommes, prennent des innocents qu’ils nomment terroristes et quand ils ont fini avec eux, ils les donnent au Mali. Quand on se tourne vers le Mali pour les faire libérer, il faut donner de l’argent, prendre des avocats, payer 2 à 3 millions de francs CFA. Ils « bouffent » ça et personne ne sort. Puis Barkhane revient encore pour prendre les gens en disant que ce sont des terroristes. Pour moi, c’est Barkhane les terroristes ! Moi, c’est eux que je crains. Leurs actes sont comme ceux des terroristes. Ils rentrent dans les maisons des personnes, les violentent, parfois les tuent, brûlent leurs biens. Pour  moi, c’est la même chose.

Pourtant ils luttent contre le terrorisme justement. Il y a eu des résultats…

On n’est pas contre Barkhane parce qu’on serait avec les terroristes ou parce qu’ils luttent contre le terrorisme. Mais Barkhane ne combat pas les terroristes, ils font de vastes coups de filet et s’en prennent aux gens de la région. Au final, c’est eux qui nous terrorisent ici chez nous, ils font ce qu’ils veulent. Je suis en charge de la gestion de la ville d’Abeïbara concernant la santé, la nourriture, l’éducation, etc. Je travaille aussi à faire revenir les jeunes dans la région. Mais personne ne souhaite revenir. Quand on essaie de les sensibiliser au retour, ils répondent : « On va nous prendre pour des terroristes, ils vont nous mettre en prison et qui nous défendra demain ? ». Comment voulez-vous les sensibiliser dans ces conditions ? On est contre tout ce que fait Barkhane ici.

 Durant vos manifestations on pouvait entendre et lire sur des banderoles les slogans « Barkhane dégage ! », « Dehors la France ! ». Souhaitez-vous vraiment le départ de la force Barkhane qui, par ailleurs, est aussi impliquée dans des actions de développement à Kidal ?

Mon souhait est que Barkhane quitte la région de Kidal. Ils savent que le terrorisme n’est pas concentré à Kidal ou dans la région. Ils savent où sont les terroristes, ils n’ont qu’à y aller avec leurs hélicos. À Kidal, ils ne développent rien. Ils ont donné un financement pour une école, ils ont refait la peinture, placer des fenêtres et mis une plaque qui prouve qu’ils ont fait quelque chose pour Kidal. Pour les autres actions de développement, je ne sais pas si c’est Barkhane, je pencherais plus pour la MINUSMA.

Vous ne mettez pas la MINUSMA dans le même sac que Barkhane ?

La première manifestation qu’on avait faite, c’était il y a un peu plus d’un an contre la MINUSMA car elle avait tué, lors d’une marche de contestation, deux jeunes. Pour moi, il y a moins de problèmes avec la MINUSMA car elle vient en aide aux populations, elle aide au développement de la région, elle transporte nos gens. Certains, durant nos manifestations, ont voulu s’en prendre à la MINUSMA. Je condamne ça. On a plus de problèmes avec Barkhane qu’avec la MINUSMA.

Jusqu’où êtes-vous prête à aller avec ces manifestations ?

C’est simple, Barkhane doit partir ou c’est nous qui partirons ! Soit elle nous laisse Kidal ou bien on s’en va ! Chaque nuit, leurs avions survolent Kidal, on a du mal à dormir avec ça. Il y a aussi leurs patrouilles qui posent problème. Depuis un certain temps ils ne viennent plus chez moi, mais avant il venait devant ma porte. Les enfants n’osaient pas sortir, les gens n’osaient pas rentrer. Même quand la porte était fermée, ils venaient regarder dans ma cour. Je ne sais pas pourquoi. Nous allons continuer de manifester contre Barkhane chaque lundi, jusqu’à ce qu’il y ait une solution !

 Avez-vous essayé de rencontrer la force française pour vous expliquer avec eux ?

Je n’ai pas parlé avec Barkhane, je n’ai même pas cherché à parler avec eux. Le 8 octobre dernier, date anniversaire de la mort de Cheikh (Cheikh Ag Aoussa, son époux – ndlr), lorsque la population est sortie pour manifester, Barkhane est sortie du camp avec ses véhicules dans la foule, alors qu’il y avait beaucoup de tension. Les gens mécontents leur ont jeté des pierres. Elle aurait dû normalement rester dans son camp parce que les gens manifestaient. Ils ont été caillasses parce qu’on ne veut plus les voir dans la ville.

Cela fait un an que Cheikh Ag Aoussa, votre mari, est décédé dans l’explosion de son véhicule, non loin du camp de la MINUSMA. Pour vous, que s’est-il passé ce 8 octobre 2016 ?

Ce jour-là, mon mari m’a dit qu’il avait une réunion à laquelle il devait assister au camp de la MINUSMA, une réunion de sécurité. Donc, à 15h, il est parti. Il devait revenir à 17h pour venir me chercher et me mener chez ma mère, que je devais aller visiter. À 18h, il n’était toujours pas revenu. Je l’ai appelé, il ne répondait pas au téléphone. Après ça, on a entendu une grosse explosion en provenance du camp de la MINUSMA. Quelques instants après, les gens m’ont appelé et m’ont dit que c’est le véhicule de mon mari qui avait sauté.

Se sentait-il menacé ? Vous avait-il fait part de quelque chose ?

Je n’ai vu aucun signe particulier, mais je sais qu’avant ça, plusieurs fois, il y a les soldats de Barkhane qui sont venus le voir à la maison. Ils disaient à Cheikh qu’il travaillait avec des terroristes. Quand il y a eu l’attaque terroriste à Nampala, où 17 soldats maliens ont été tués, quelques mois auparavant, ils sont venus chez moi et ils ont montré un rapport à mon mari. Ils lui ont dit qu’à Nampala, les armes qui ont été saisies provenaient de chez nous. Cheikh leur a dit d’entrer. Ils lui ont dit qu’il y avait des gens d’Ansar Dine parmi les attaquants. Cheikh leur a répondu que s’ils savaient qu’il y avait des gens d’Ansar Dine alors il fallait aller les prendre. J’étais là, je suis au courant de ça.

Qui a assassiné votre mari, selon vous ?

Les Français m’ont pris mon mari. Je suis sûre que ce sont eux qui ont fait ça. À chaque fois que je suis allée au camp de la MINUSMA, j’ai toujours été fouillée. Ils vous font sortir de la voiture, ils vous fouillent, ainsi que le véhicule. Ça a été aussi le cas pour Cheikh avant qu’il ne rentre dans le camp ce jour-là, comme à chaque fois qu’il s’y rendait avec ses dossiers. Donc, c’est impossible que son véhicule ait pu entrer avec une bombe à l’intérieur du camp sans que la MINUSMA ou Barkhane ne soit au courant. Il n’y a qu’à l’intérieur que ça a pu se faire. Pour moi, c’est sûr que ça a été organisé, peut-être entre la MINUSMA et Barkhane, mais les responsables sont dans ce camp.

L’enquête n’a pas pu établir qui étaient les auteurs. Un an après, cherchez-vous toujours à savoir ce qu’il s’est réellement passé ?

Je continuerai à me battre pour savoir ce qui s’est passé, même si je ne sais pas comment je peux faire, comment je peux savoir. Mais je n’ai pas peur de mourir pour ça. Vous sentez-vous menacée ? Bien sûr. J’ai peur pour moi et pour la population. J’ai vu comment ils agissent ici. Je sais que je suis en danger quand je dis à Barkhane de dégager, mais je ne peux pas laisser faire ça.

Pour vous, la paix et la sécurité dans Kidal et sa région sont-elles possibles sans la présence des forces françaises ?

La paix, c’est la route qu’a prise la CMA depuis la signature de l’Accord de paix. Je suis d’accord avec ça, même si, selon moi, il n’y aura pas de paix véritable sans séparation d’avec le Mali. Le principal problème de la sécurité ici, c’est le manque de développement et de travail pour les jeunes. S’il y a ça, l’insécurité va diminuer, même si elle ne disparaîtra pas tout à fait. Mon souhait le plus cher est que Barkhane quitte Kidal. Quand ils seront partis, la sécurité sera une autre question à résoudre, et on verra à ce moment-là ce qu’il y aura lieu de faire.

Barkhane : « Nous montons nos opérations sur la base de renseignements solides »

La force Barkhane, suite à plusieurs opérations récentes, se retrouve dans le collimateur de la population de Kidal, qui manifeste régulièrement pour exiger son départ. Sur les réseaux sociaux, elle est la cible d’une campagne de critiques virulentes. Le Lieutenant – Colonel Philippe Bou, porte-parole de la force, a répondu aux questions du Journal du Mali sur cette hostilité visant la force française, qui semble déranger, particulièrement dans la région de Kidal.

Barkhane a procédé, ces dernières semaines à des interventions et des arrestations à Kidal et dans sa région. Qu’est-ce qui les a motivées et est-ce dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

Barkhane a pour mission principale de lutter contre le terrorisme. A ce titre, nous montons des opérations sur la base de renseignements solides et nous les conduisons seuls ou avec des forces partenaires, comme les FAMa. Ces interventions conduisent à prendre sur le fait des individus en possession de ressources liées à des activités terroristes, comme de l’armement, des munitions, du matériel explosif, ou pouvant servir à différents types d’attaques. De fait, les individus détenant ces ressources ont des comptes à rendre à la justice du Mali. Ceux qui n’ont rien à se reprocher mais qui se trouvent suspectés d’être en relation avec des groupes terroristes au moment de l’action sont naturellement relâchés après vérification.

Dans quelle mesure Barkhane peut-elle décider de perquisitionner le domicile d’un suspect, en utilisant la force si nécessaire ?

Contrairement aux groupes armés terroristes (GAT), nous agissons en toute transparence, dans un cadre en totale conformité avec le droit international et en liaison avec les autorités maliennes. Comme tout le monde le sait, les GAT sont armés et dangereux, pas seulement pour Barkhane. Faut-il rappeler le bilan des actions des GAT sur la population ? Donc, sans dévoiler quoi que ce soit sur nos méthodes, pour des questions de sécurité opérationnelle, Barkhane adapte son dispositif et ses moyens à la menace et à l’environnent du moment, en toute légalité.

Qu’ont permis toutes les dernières opérations ?

Elles ont été fructueuses. Dans le cas de l’action menée à Kidal le premier octobre, par exemple, du matériel conséquent a été saisi dans les habitations, notamment de l’armement, des munitions et des ressources importantes qui entrent dans la composition d’engins explosifs improvisés, comme des détonateurs ou du cordeau détonant. Ces engins explosifs provoquent la mort, indifféremment, de soldats ou de la population civile le long des routes. Les personnes résidant dans ces habitations ont donc des comptes à rendre à la justice. Ce qui n’a pu être saisi a été détruit, pour éviter un emploi pour des actions terroristes. Toutes nos actions, qui permettent localement de désorganiser, démanteler et neutraliser des réseaux de GAT ont été réalisées en totale transparence, avec les autorités de Kidal et la justice malienne.

Ces opérations ont déclenché plusieurs manifestations à Kidal. Barkhane est accusée d’avoir volé des bijoux, de l’argent. Pourquoi ces saisies et que deviennent ces biens personnels ?

Nous avons parfaitement suivi les manifestations dans la ville de Kidal. Qu’elles réunissent quelques centaines de personnes ou les plus modestes. Celles qui sont spontanées et celles qui sont orientées, provoquées, téléguidées. Il s’agit en fait de campagnes de dénigrement. Concernant les saisies, Barkhane agit en totale conformité avec le droit international et avec les autorités maliennes. Si du matériel saisi lors d’une opération doit être rendu après exploitation, il le sera systématiquement. Même si certaines procédures peuvent prendre un peu de temps. Plus précisément, s’agissant des bijoux et de l’argent par exemple, sachez que nos prises font l’objet d’un procès-verbal de la gendarmerie et que l’ensemble est remis, soit aux intéressés, si aucune charge n’est retenue contre eux, soit aux autorités maliennes, contre PV contradictoire, dans le cas inverse.

L’action de Barkhane est de plus en plus critiquée. Des véhicules de la force ont même été récemment caillassés. Certains vont même jusqu’à parler d’une « force d’occupation ». Comment expliquez-vous cela ?

Barkhane ne répond pas aux allégations. Elle agit, elle fait ce qu’elle dit, elle fait agir. Nos nombreux contacts avec la population et les autorités nous permettent de savoir que nos actions sont appréciées dans le domaine de la sécurité, mais aussi dans le partenariat avec les forces de sécurité maliennes, dans le domaine de la santé, de l’éducation ou de l’eau. Depuis le début de l’année 2017, 78 actions d’aide au développement ont été entreprises. Plus d’une vingtaine sont des projets d’envergure. Il faut plutôt regarder ce que nous apportons au Mali et à sa population, en termes de contribution à la sécurité et au développement.

Que compte faire Barkhane contre ces opérations visant à discréditer son action ?

Tôt ou tard, les masques tombent. Les gens comprennent où sont leurs intérêts. Les jeunes kidalois qui se sont vu récemment détruire leur sonorisation, mise en place pour une grande rencontre de football, dans le but de leur interdire le concert qui devait suivre, savent parfaitement ce que l’on veut leur imposer. C’est aux Maliens de se prendre en main et de préparer leur avenir, qui passe principalement par la sécurité. A Barkhane, nous poursuivrons notre mission en appui au Mali et à sa population.

 

Gao : La population mécontente de Barkhane

Ces derniers jours, les populations de Tacharane et d’Arhabou dans la commune de Gounzoureye, le long du fleuve Niger sont en colère à cause des opérations de la force Barkhane. A Gao ville également, les bruits d’explosion venant du camp de la force française. Ils dénoncent la proximité des exercices réguliers que mènent les troupes cantonnées dans la zone et leur impact sur les habitations.

Depuis quelques jours les patrouilles aériennes de la force Barkhane s’intensifient le long du fleuve Niger en allant vers Ansongo. Une nouvelle stratégie que la force anti-terroriste aurait adopté pour sécuriser l’axe Gao-Ansongo-Ménaka. Sur cet axe, notamment entre Ansongo- Ménaka, le banditisme s’est accru sur fond d’insécurité chronique. Les transporteurs et les passagers sont quasi quotidiennement braqués et dépossédés de tous leurs biens. Quelques jours avant la fête de Tabaski, des passagers allant à Ménaka ont ainsi été dépouillés par des malfrats. A travers ces  surveillances aériennes, Barkhane veut dissuader les bandits de circuler librement sur ces tronçons. Une initiative à saluer en effet.

Mais dans les localités de Tacharane et Arhabou, près de la ville de Gao, les  habitants se plaignent des inconvénients de cette action. Et particulièrement du bruit des appareils qui selon eux volent à basse altitude.  Moussa Boureima Maiga, porte parole des jeunes patrouilleurs de Gao,  se demande pourquoi ces avions survolent si près des populations, «  ils peuvent percuter des choses, c’est un danger » craint-il. D’après les témoignages d’un habitant à Gao, ces « avions larguent des soldats au bord du fleuve,  retournent à  Gao, puis reviennent pour les récupérer ». En plus du danger qu’ils représentent, ces exercices causent un grand bruit  qui provoque un désagrément auprès des populations. A Gao, «  chaque matin ils font exploser des engins à proximité des habitations, on ressent la force de l’explosion en ville, c’est dangereux pour les maisons. Même le deuxième jour de la fête il y a eu plusieurs explosions, avant-hier aussi »  témoigne Moussa Boureima.

La présence constatée ces dernières semaines des soldats de Barkhane et des matériels  laissent prévoir une intensification des manœuvres dans les jours à venir. Bharkane aurait même prévu d’installer une base à Ménaka pour contrôler le long de la frontière malienne avec   le Niger où des terroristes sévissent en toute tranquillité.  Pour minimiser les effets négatifs de cette action somme toute bénéfique pour la population de la région et les usagers des routes qui la traversent, les leaders des jeunes ont rencontré les responsables de la force pour attirer leur attention. Il a été question des conséquences sur  la tranquillité des habitants. Des responsables de Barkhane auraient par ailleurs passé l’information dans les radios pour faire comprendre à la population l’objet de ces détonations.

 

Des centaines de manifestants contre la France

Des manifestants se sont regroupés hier devant l’ambassade de France pour dénoncer « la partialité » de la France et « la passivité » de la MINUSMA.

« Non au silence coupable de la France » ou encore « Nous avons enfin compris : la France et Barkhane, on en a marre » c’est sous ces slogans que des centaines de manifestants se sont massés jeudi 3 août devant l’ambassade de France pour dénoncer la « partialité » de la France dans le Nord-Mali. Une toute nouvelle association a été créée pour la circonstance. Le mouvement Waati Sera (le temps est venu) on a tout compris, uniquement composé de jeunes de la société civile. « Nous avons décidé de manifester après les évènements de Menaka, nous avons eu des informations très sûres, sur le terrain qui attestent que la CMA a pris la ville sous l’œil assistante de la MINUSMA et avec la complicité de la France » soutient Moussa Coulibaly, du mouvement Waati Sera. Malgré la faible affluence lors de la marche, les organisateurs se montrent satisfaits. « Nous l’avons organisé en 24 heures, sans parti politique, mais la manifestation a tout de même regroupé des maliens de tous bords qui ont répondu à l’appel pour le pays » affirme Coulibaly. Ils estiment également avoir été victime d’intimidations de la part des forces de l’ordre présentes, pour encadrer la manifestation. « Ils nous intimaient l’ordre de mettre fin à notre sit-in mais il n’y a pas eu de débordement » explique le chargé de communication du néo-mouvement, qui réclament plus d’action de la part de la mission onusienne également.

Pour les initiateurs, ce n’est que le début, de ce qu’ils espèrent être des manifestations qui regrouperont plus de monde pour un plus grand impact. « Il faut que les religieux, que les manifestants du Oui et du Non, qui ont beaucoup de monde, s’unissent pour plaider la cause de notre pays » conclut Coulibaly.

 

Mise en œuvre de l’Accord : La paix au Mali à bout de bras

Après deux ans et les nombreux efforts consentis, les résultats de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, peinent à se faire sentir. Si la communauté internationale préfère parler de « retard » plutôt que de panne, elle en appelle à la responsabilité des parties signataires, car, si elle est garante du processus, c’est aux « Maliens de faire la paix ».

Pour accélérer la mise en œuvre de l’accord, les parties signataires, la communauté internationale et les partenaires du Mali se sont réunis à Bamako, du 17 au 19 juillet 2017, pour valider la Stratégie spécifique de développement intégré des régions du Nord, destinée à « hisser les régions du Nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs du développement et ce dans un délai n’excédant pas une période de 10 à 15 ans ».

S’il n’est pas dans une impasse, l’accord signé il y maintenant deux ans « connaît des retards » dans son application, reconnaît ce haut diplomate français. D’autant que certaines dispositions, comme la mise en place du programme DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion), censé être effectif au cours des six premiers mois après la signature de l’accord, ne sont toujours pas mises en œuvre. « Je ne suis pas aveugle. Je crois que la lassitude vient du fait qu’on a été un peu optimiste sur la mise en œuvre de l’accord. Aujourd’hui, on est confronté à la réalité. Il faut la prendre en compte et continuer d’avancer », note cet interlocuteur, ajoutant que « nous n’avons pas droit à la lassitude, car les populations du Nord sont dans l’attente et qu’il y a le terrorisme à combattre.

Autre difficulté, la complexité de l’accord, selon l’Ambassadeur allemand au Mali, Monsieur Dietrich Becker, une difficulté qui n’empêche pas cependant que soit mis en œuvre ce document de référence. D’autant que l’accord « n’est pas fait seulement pour Kidal, Ménaka ou Gao. Il y a des choses pour tout le Mali, notamment la décentralisation, qu’il faut mettre en œuvre au plus vite ».

L’épreuve du terrain Annoncées pour ce 20 juillet, la mise en place du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et celle des autorités intérimaires, le 31 juillet, à Kidal, est remise en cause, dû aux affrontements opposant sur le terrain les groupes signataires depuis le 6 juillet. Ce regain de tension est « compliqué par une nouvelle donne, la dimension communautaire. Vous savez, dans les conflits communautaires, la raison n’est plus là, ce sont les sentiments qui dirigent. Nous disons au gouvernement, aux groupes armés, hâtons le pas pour accélérer la mise en œuvre de l’accord », déclare le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations unies, Mahamat Saleh Annadif, chef de la MINUSMA.

Un avis que partage Ahmed Boutache, président du CSA, qui estime que la solution à la crise, qui est encore bien loin d’être totalement résorbée, se trouve dans l’Accord de Paix. « Il n’y a tout simplement pas d’autre alternative comme en attestent les déclarations récurrentes des parties signataires au sujet de leur attachement à l’Accord et à sa mise en œuvre ».

Pointée du doigt pour son immobilisme ou même sa partialité, la MINUSMA fait l’objet de nombreuses critiques, comme lors de la manifestation organisée le 14 juillet, après le début des affrontements à Kidal. Garante du respect des termes de l’accord, la mission de l’ONU appelle cependant les parties à prendre leurs responsabilités. « Il y a une véritable crise de confiance entre les parties signataires. Au départ, c’était deux mouvements qui étaient ensemble jusqu’aux évènements de Kidal en 2016. Le gouvernement a traîné le pas. On a pris des libertés sur certaines choses. Aujourd’hui, dans cette nouvelle phase, ce sont deux mouvements qui se font face dans une confrontation armée ».

Pourtant, la MINUSMA reste très attendue par tous les acteurs, y compris le gouvernement, qui a sollicité en juin dernier un mandat « plus  robuste » pour permettre à la mission de faire face aux menaces multiformes auxquelles elle est confrontée sur le terrain. Et en dépit de ses faiblesses, la MINUSMA reste indispensable pour la stabilité au Mali, note le diplomate allemand, qui reste convaincu que la mission améliorera son efficacité grâce aux mesures qui seront envisagées par son leadership. Une exigence que Dietrich Becker souhaite voir observée de la part du gouvernement, pour améliorer la gestion des ressources humaines au sein des forces armées et de sécurité.

La MINUSMA n’est cependant qu’une force d’interposition, destinée à maintenir la paix entre les différents protagonistes. Et si la communauté internationale est garante de la mise en œuvre de l’accord, c’est aux parties maliennes de mettre en œuvre leurs engagements, renchérit le Haut représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), Monsieur Pierre BUYOYA. « Il faut que les parties s’engagent à appliquer l’accord, ce qui demande une confiance mutuelle qui n’est pas toujours là. Parce que la mise en œuvre de l’accord est l’affaire des parties. La communauté internationale est là pour soutenir, pour accompagner. Il s’agit de paix, c’est un processus long », conclut-il.

Regrettant le fait « qu’à chaque fois qu’une avancée se fait jour, et qu’il semble qu’un consensus soit trouvé sur telle ou telle question, de nouvelles difficultés surgissent, comme c’est le cas avec les affrontements à Kidal », l’ambassadrice de France au Mali met en garde « les responsables de ces violations répétées de l’accord de paix et leur rappelle qu’au delà de leurs différends communautaires et intérêts économiques, c’est la liberté de leur région et l’intégrité du Mali qui sont en jeu, ainsi que les vies humaines qui continuent d’en payer le prix ».

L’œil du cyclone Pourquoi alors ne pas sanctionner ceux qui violent l’accord ? « Parce que les sanctions constituent le dernier recours et qu’après il faut toujours négocier pour trouver un terrain d’entente », soutient le Haut représentant de l’Union africaine. Si son gouvernement est pour le principe des sanctions, l’Ambassadrice de France, Mme Evelyne Decorps, estime qu’avant de les évoquer, « il faut adopter une attitude responsable, il faut rétablir la confiance entre les uns et les autres. Et, pour cela, il faut un arbitre. Même si les groupes armés et le gouvernement le demandent, la communauté internationale ne peut pas être cet arbitre. Elle est là pour apporter la sécurité, elle n’est pas là pour remplacer l’action du gouvernement ou des groupes armés. C’est leur bonne foi à eux qui doit être totale ».

Continuer donc à mettre en œuvre l’accord dans ses dispositions qui peuvent l’être et à Kidal, « quand elle sera prête », c’est aussi l’option préconisée par l’ambassadeur d’Allemagne, pour qui Kidal doit cesser d’être « le fétiche du gouvernement dans ce processus de paix ». D’autant que « toute personne qui croit qu’elle peut conquérir ou garder Kidal par la force se trompe. Ils (les signataires) seront obligés de s’asseoir pour parler », déclare le chef de la MINUSMA. Un énième chronogramme consensuel sera donc nécessaire pour que toutes les parties acceptent enfin le retour de l’administration à Kidal. C’est en tout cas l’une des recommandations de la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), partie prenante de la médiation internationale.

Mettre en œuvre l’accord en l’état suppose du pragmatisme et un volontarisme sans faille. Maintes fois repoussée, l’installation des autorités intérimaires à Kidal semble être un véritable goulot d’étranglement au processus.

En attendant, le temps joue contre le processus de paix. Ce temps profite aux groupes extrémistes désireux d’étendre leur influence. Le retard dans le processus a une autre conséquence : provoquer la lassitude de la communauté internationale, qui le finance et le supervise. « On a laissé trop d’espace pour les jeux politiques entre Maliens et, un jour, on sera fatigué de ces jeux », tranche Dietrich Becker, qui ajoute que la MINUSMA est financée par des milliards d’euros qu’il vaudrait mieux investir dans le développement.

 

 

Près de la moitié des Maliens, satisfaits de Barkhane, estiment que le nouveau mandat de la Minusma ne changera rien

Selon une étude réalisée par la Fondation (allemande) Friedrich Ebert au Mali, près de la moitié (48,6%) des Maliens estiment être satisfaits du travail de l’opération militaire française Barkhane (13,2% très satisfaits et 35,6% plutôt satisfaits) contre 36% qui ne le sont pas (16,6% de plutôt satisfaits et 19,8% de très insatisfaits). Les contrastes régionaux sont très forts, puisque la satisfaction l’emporte très nettement à Koulikoro, Mopti, Tombouctou, Gao (87,7%), Ménaka, Taoudénit, contrairement à Kayes (67,6%), Kidal (72%), Bamako (52,6%)où les insatisfaits l’emportent.

Concernant l’avis des sondés sur la durée de l’opération Barkhane au Mali, il ressort que 34% des Maliens estiment que les forces armées françaises devraient rester « moins d’un an » au Mali; ils sont 22% à penser qu’elle pourrait encore rester entre « un et trois ans ». Seul 6% d’entre eux, considèrent que  Barkhane pourrait faire plus de 15 ans au Mali.

Sur l’impact que pourrait avoir le nouveau mandat de la MINUSMA sur l’efficacité de celle-ci, 48% des Maliens estiment qu’il ne va rien changer à son efficacité et pour 20% il changera « juste un peu » l’efficacité de la MINUSMA. Cet avis l’emporte dans les régions de Koulikoro (76,9%), Ségou (60%), Bamako (56%) qui pensent que le nouveau mandat de la MINUSMA ne changera rien à son efficacité. A Ménaka, cet avis est partagé par toutes les personnes enquêtées (100%). Les avis sont partagés à Kayes et Gao (50%).

 

 

Barkhane met « hors de combat une vingtaine de terroristes »

La force française Barkhane a indiqué vendredi qu’elle avait mis « hors de combat une vingtaine de terroristes » dans le nord du Mali au cours d’une opération militaire anti-jihadiste du 28 mai au 1er juin 2017 .

« La force Barkhane a réalisé une nouvelle opération dans la forêt de Serma à 200 km au sud-ouest de Gao, mettant hors de combat une vingtaine de terroristes », a indiqué Barkhane dans un communiqué envoyé depuis son QG à N’Djamena capitale du Tchad.

 « L’opération Dague » a mobilisé des Mirage 2000 pour les frappes aériennes « suivis aussitôt des hélicoptères d’attaque Tigre ». « Les fouilles réalisées ont permis de saisir armements individuels et collectifs, munitions ainsi que d’autres ressources », précise Barkhane dans son communiqué.

« La succession d’opérations conjointes menées avec les forces maliennes et burkinabè depuis la fin avril et la surveillance aérienne et terrestre des activités locales ont permis de récolter des informations sur les activités des groupes armés terroristes dans cette région », poursuit le communiqué.

Trois militaires maliens ont péri mercredi dans une embuscade dans le nord du Mali, tandis que plusieurs soldats français ont été blessés, dont un grièvement, dans une attaque au mortier jeudi dans la région de Tombouctou.

Le tir de mortier « est tombé à proximité de l’emplacement des soldats de la force Barkhane », avait indiqué le porte-parole de l’état-major des armées françaises, le colonel Patrik Steiger, à l’AFP à Paris.

L’opération française Barkhane, lancée en août 2014 après l’opération Serval de 2013, est menée dans cinq pays (Tchad, Niger, Mali, Mauritanie, Burkina Faso) de la bande sahélo-saharienne, une zone vaste comme l’Europe.

La France a déployé près de 4.000 militaires, dont la majorité au Mali, essentiellement à Gao (1.700 militaires), avec des détachements à Kidal et Tessalit (nord-est).
C’est actuellement la plus importante opération extérieure des troupes françaises. Son but est « l’appropriation par les cinq pays partenaires de la lutte contre les groupes armés terroristes », selon le ministère de la Défense.

Barkhane touché par des tirs d’obus à Tombouctou

Plusieurs militaires français ont été blessés hier dans une attaque au mortier à Tombouctou. L’un d’eux est dans un état grave.

Les djihadistes ne faiblissent pas, et continuent d’attaquer de manière sporadique les forces étrangères en position au Mali. Comme en atteste, hier jeudi, l’attaque qui a touché le camp de la Minusma à Tombouctou. « A 8h 40, des mortiers ont atteint le camp, quatre au total ont été tirés, un seul a pu atteindre le super camp et est tombé à proximité de soldats de Barkhane » raconte le porte-parole de la force française. Le camp en question est occupé par les forces de la Minusma, des Famas et par Barkhane. Le nombre de blessé n’a pas été communiqué par Barkhane, mais un des soldats est dans un état grave. « Il est actuellement pris en charge dans un hôpital militaire de Paris, les autres qui sont des blessés légers, seront pris en charge à Tombouctou ou en Algérie » continue-t-il.

Le groupe Nusrat Al-Islam Wal Muslimin a revendiqué l’attaque. « En prenant pour cible les forces d’invasion françaises, les moudjahidines ont bombardé l’aéroport de Tombouctou. Ce qui par la grâce d’Allah a provoqué un nombre de blessés dans les troupes françaises, dont certains grièvement » a déclaré la mouvance dans un communiqué hier dans la soirée.

Juste après l’attaque, des hélicoptères de la Minusma, ont décollés avec à leurs bords des militaires de force Barkhane pour ‘’reconnaître’’ la zone de tir. Une traque est en cours pour dénicher les auteurs de l’attaque. « Barkhane ne fait pas rien, la force a mis en place des mesures actives et passives pour juguler ces attaques djihadistes » assure-t-on du côté de la force française.

Malgré ces mesures, les attaquent ne font que se multiplier. Un mois plus tôt, une attaque du même type avait fait un mort chez les casques bleus. En avril, un soldat français avait perdu la vie lors d’un accrochage avec des djhadistes. C’était le 17ème soldat, tombé au Mali depuis le début de l’opération Serval en 2013, remplacé par la suite par Barkhane en 2014.

 

Charia : Une réalité malienne

Le 16 mai dernier à Taghlit, entre les localités d’Aguelhoc et Tessalit, une femme et un homme auraient été lapidés par des islamistes qui leur reprochaient d’avoir violé la charia, la loi coranique, parce qu’ils vivaient en concubinage. La véracité de ce triste évènement, relayé par les médias nationaux et internationaux, reste à démontrer, certains affirmant même avoir vu quelques jours plus tard la jeune femme vivante à Aguelhoc. Pour autant, la rumeur de cette lapidation, inédite depuis les jours sombres de la crise de 2012, pose la question de la présence de ces forces djihadistes dans certaines zones du pays qui échappent toujours aux forces maliennes et étrangères, et de leur capacité à faire peser leur vision étriquée de la loi divine sur le caractère laïc du pays, s’ils parvenaient à propager leur foi rigoriste.

« Oui la charia est appliquée dans certaines zones de la région de Kidal ! », déclare sans ambages Abinaje Ag Abdallah, maire d’Aguelhoc. « Ils interdisent l’alcool, les cigarettes. Il faut s’acquitter de la zakat (l’aumône). Ils font appliquer toute la charia qui est de leur portée et on constate de plus en plus qu’ils ont le contrôle de certaines localités », ajoute-t-il. À Taghlit, Abeïbara, au nord et nord-est de la région de Kidal, dans la région de Tombouctou, Taoudéni, Ségou, Mopti, nombreux sont ceux qui attestent de la présence des islamistes dont les forces se sont redéployées et contrôleraient des zones entières qui échappent aux autorités. Dans ces zones désertées par la République, où même parfois les groupes armés ne vont pas, les djihadistes à moto font respecter leurs lois, maintenant les populations dans la crainte. « Aujourd’hui, dans la région de Kidal, de Gao ou de Tombouctou, les campagnes sont occupées par des groupes terroristes. Dans la zone de Ménaka, il y a le groupe d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui qui se renforce jour après jour. Au nord de la région de Kidal, trois katibas appliquent la charia partout dans les brousses, même à Tinzawatène. Dans la zone de Gao à Almoustarat, il y a l’armée mais il y a aussi des djihadistes en ville qui prêchent le djihad ouvertement le soir dans la mosquée, pendant que l’armée est dans la caserne », confie ce cadre militaire du MNLA qui a eu maintes fois maille à partir avec les djihadistes.

Dans certains villages, ces groupes ont imposé leur charia aux villageois qui ne sont plus autorisés à pratiquer certaines coutumes devenues « haram ». « Il faut les écouter et faire ce qu’ils disent, ça s’est sûr ! », lâche cet employé du CICR de la région de Kidal. « Quand nous partons en mission dans ces zones, on retrousse nos pantalons au-dessus des chevilles, on ne fume pas, on se tient éloignés des femmes et on évite d’y aller avec des véhicules arborant le logo du CICR, parce que les gens considèrent la croix comme un signe chrétien. On doit se conformer, c’est automatique », poursuit-il.

 Vivre sous la charia Dans ces zones, la peur tient les populations qui redoutent de se voir infliger ces actes barbares que les islamistes considèrent comme les punitions issues de la charia : couper la main du voleur, lapider des coupables d’adultère, sanctionner par le fouet les libertins. Ces pratiques qui ont eu cours au nord du Mali durant la crise, ont normalement cessé depuis 2013 et la fin de l’occupation. « Les mains coupées pour un voleur, les coups de fouets, c’est très rare depuis 2012, parce que les gens se sont conformés à leur loi. Mais si tu commets un acte contraire à la charia, ils vont prendre les choses en main et t’envoyer un message par un intermédiaire pour te convoquer. Dans un premier temps, ce sera une mise en garde. Donc, après cet avertissement, soit tu quittes la ville, soit tu t’y conformes. Si tu continues, ils vont appliquer sur toi le châtiment de la charia. Ça se passe comme ça. Ils ont des informateurs dans tous les villages, donc les gens sont tenus dans la crainte et font ce qu’on leur dit », affirme cet habitant de Kidal.

Pour la majorité des musulmans, il est difficile de s’opposer à la charia, les thèses prônées par les islamistes ne séduisent pas les populations maliennes très attachées à la tolérance et éloignées de l’application qu’en font les salafistes. « La population ici est à 100 % musulmane. Elle ne peut pas réprouver la charia en tant que telle, mais les gens disent que ce n’est pas la méthode. La plupart des chefs djihadistes, ce sont des Algériens, des Mauritaniens, des gens qui viennent d’ailleurs. On a nos propres imams et marabouts qui nous expliquent la religion, alors pourquoi nous conformer à des gens qui amènent une doctrine venue d’ailleurs ? Avec les attaques, les attentats suicides, les gens ne sont pas avec eux mais ils sont contraints d’observer ou d’adhérer par la force », explique ce journaliste de Douentza. « Si leur but est de créer une république islamique, notre histoire et nos croyances sont trop anciennes pour que ça marche. Ils ne peuvent pas venir comme ça imposer ça chez nous ! », s’exclame-t-il.

 Frapper les fourmilières djihadistes Par leurs diktats religieux, les djihadistes, sous l’impulsion du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, tentent de tisser une toile pour le moment encore disparate. Leur mobilité et leur capacité à se fondre au sein des populations les rendent insaisissables, leur permettant de perdurer et d’imposer par la force leurs préceptes religieux. « Si l’autorité de l’État s’étendait à l’ensemble du territoire, l’État pourrait être interpellé en cas d’application de la charia. Mais c’est l’Occident qui a dit « je m’installe dans le nord ». Barkhane est là-bas, la MINUSMA est là-bas. Cette zone dans laquelle s’est produite la lapidation n’est pas sous contrôle de l’armée malienne », objecte un officiel malien. Cependant, la force française, devenue elle aussi la cible privilégiée des djihadistes, semble inefficace à pouvoir stopper cet état de fait.

« Depuis 2015, les opérations terroristes ne visent pas à faire la guerre. Ils font des opérations de récupération de matériel, ils se réorganisent et se renforcent. Ils ont récupéré, depuis fin 2016, plus de 30 pick-up, des armes et des munitions. À Taoudéni, ils ont des bases fixes, ils créent des souterrains, y mettent des groupes électrogènes, des citernes d’eau pour 2 mois ou 3 mois, tout pour vivre et tu ne vois rien. Ils attendent que l’armée malienne se remette en place, que le désarmement soit effectif après ils vont occuper les campagnes, et nous, nous restons là, à compter ce qu’ils ont récupéré », s’emporte cet officier du MNLA. « Les djihadistes ont très bien compris comment les forces françaises fonctionnent. C’est une armée conventionnelle, avec des véhicules vieillissants, peu rapide. Au moindre mouvement ils bougent à moto. À chaque fois que tu pars vers l’est, ils partent vers l’ouest et vice-versa », poursuit-il. « Il faut créer des unités d’élite contre les terroristes, former des gens en local et intervenir avec l’appui aérien français. Pour cela, il faut plus de confiance entre les différents acteurs, arrêter les hostilités, suivre l’Accord de paix, reconstituer l’armée et envoyer des militaires appuyés par des forces locales. Il n’y a pas d’autres solutions, sinon on retournera à la situation de 2012 ». Un avis partagé par cette source sécuritaire malienne, qui estime que « la lutte antiterroriste demande la complicité et l’aide des populations locales, du renseignement, puis une connaissance du terrain. Malheureusement, ni les forces étrangères ni l’armée malienne n’ont cela ».

Dans la région de Kidal, certains ont commencé à se résigner à un retour des djihadistes. « C’est Iyad le commandant de bord à Kidal. Il détient toujours la réalité du terrain. C’est pour cela que les gens ne dénoncent pas. Si tu dénonces, demain tu seras le seul perdant. Barkhane, malgré l’arrivée du nouveau président français, ne fera rien pour nous, la MINUSMA non plus. Donc on se tient à carreau », résume, philosophe, ce commerçant de la région. Seul répit provisoire mais attendu, le ramadan, période de trève où les djihadistes suspendent leur activité, pour s’adonner pleinement à la religion. Mais d’autres en redoutent déjà la fin. « Beaucoup de gens ont peur qu’après le ramadan il y ait une grande offensive. C’est très possible avec tout le matériel que les djihadistes ont obtenu dans leurs attaques à Almoustarat et ailleurs au Mali et au Niger. Ils ont à peu près les mêmes moyens qu’avant l’intervention de Serval ».

 

Laurent Bigot « Tant qu’on attendra la solution de la France, il ne se passera rien ! »

Ancien diplomate français et consultant indépendant, Laurent Bigot, connu pour ses analyses sur la politique sécuritaire en Afrique, revient sur les enjeux de la visite d’Emmanuel Macron à Gao.

Lors de sa visite à Gao, Macron a appelé l’Algérie à arrêter le double jeu avec Iyad Ag Ghaly. Est-ce à dire que la politique entre la France et le Mali prend une nouvelle tournure ?

Je ne crois pas aux postures et je me méfie des discours. Dans ces sujets sensibles, la discrétion est de mise. Je ne suis pas certain qu’en interpellant publiquement l’Algérie, on obtienne de meilleurs résultats. Si la France a des choses à dire à Algérie, il y a une relation bilatérale pour cela.

N’est-il pas trop tard pour que la France et ses alliés africains cessent de payer le lourd tribut de leurs compromissions passées avec le terrorisme ?

Il n’est jamais trop tard, c’est un principe de l’action politique! Quant aux compromissions auxquelles vous faites allusion, je ne sais pas de quoi vous parlez. En revanche, je peux dire qu’il est temps que la complaisance avec la mauvaise gouvernance cesse car c’est bien cela le cœur du problème. À toujours désigner les terroristes comme coupables, on oublie que le problème structurel est la mauvaise gouvernance des élites politiques.

« L’opération Barkhane ne s’arrêtera pas avant que l’ensemble des groupements terroristes n’aient été éradiqués », a annoncé Emmanuel Macron. Quelle peut être sa nouvelle politique sécuritaire pour les années à venir en rapport avec Barkhane ?

Avec une telle annonce, on signe un bail de cent ans pour Barkhane! Les dirigeants politiques sont obsédés par la communication. Il serait temps d’arrêter les roulements de tambour, de s’assoir et d’écouter, humblement, ceux qui souffrent de cette situation et à qui on ne donne jamais la parole.

Quid des engagements du président français pour renforcer le dispositif sécuritaire de la force Barkhane ?

Le Nord du Mali est hors contrôle, plongé dans une spirale de violence comme jamais il n’en a connu. On peut toujours renforcer Barkhane mais quand comprendra-t-on que la solution n’est pas là ? Regardez l’Afghanistan et l’Irak! Ce sont les Maliens qui ont la solution et tant qu’ils attendront la solution de la France, il ne se passera rien!

« Agir vite, fort et de manière déterminée sur le plan politique et militaire ». Comment cette déclaration d’Emmanuel Macron pourrait se concrétiser sur le terrain ?

Posez-lui la question! Tout ça c’est de la communication. Ce sont des lieux communs.

 

Macron à Gao : Pour un redimensionnement et une accélération de l’engagement français

Le président Emmanuel Macron se trouve ce vendredi sur la base de Gao au Mali, pour une visite éclair aux forces armées sans passer par Bamako, afin de réaffirmer l’engagement militaire de la France au Mali. Il a exprimé, lors d’une conférence de presse, sa « détermination » à lutter contre la menace djihadiste et sa volonté « d’accélérer » la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, en parallèle d’actions de développement pour le pays, antidote au terrorisme.

C’est à 10h00 GMT qu’a attéri sur la base militaire française de Gao, à bord de son falcon présidentiel, le chef de l’État français Emmanuel Macron accompagné du ministre des Affaires Étrangères Jean-Yves Le Drian, de la ministre des Armées, Sylvie Goulard ainsi que du directeur général de l’Agence française de développement (AFD) Rémy Rioux, pour une visite éclair de six heures avec un programme très chargé. Le président IBK a fait le déplacement de Bamako pour accueillir le président français.

Après un entretien de 45 minutes avec le président IBK sur la lutte contre le jihadisme et l’application de l’accord de paix, le président Macron a passé en revue les troupes présentes sur la base de l’opération française Barkhane avec son homologue malien. Puis les deux chefs d’État ont pris part à une conférence de presse conjointe.

Lors de cette conférence, le président Macron à réaffirmer à son homologue malien l’engagement de la France aux côtés du Mali, il a assuré qu’il se montrerait « intraitable » avec les groupes djihadistes et qu’il y aurait une « accélération » dans la mise en oeuvre de l’accord d’Alger. « L’accord d’Alger est un bon cadre, qu’il faut relancer » a-t-il souligné, déplorant la lenteur de sa mise en œuvre. Le président français a aussi exprimé sa volonté d’articuler l’action militaire de la France avec des politiques de développement car c’est « un antidote au terrorisme » a-t-il ajouté.

Interrogé par une journaliste sur le rôle que pourrait jouer l’Allemagne et l’Europe dans le dossier sécuritaire malien, le président français a déclaré qu’il souhaitait « renforcer le partenariat avec l’Allemagne au Mali » et « faire davantage avec l’Europe » car cette menace est aussi un risque claire pour les européens.

Le chef de l’Etat français s’est également dit prêt à se rendre, à l’invitation du président IBK, président en exercice du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad), à une prochaine réunion de cet ensemble « dans les semaines qui viennent ».

Le programme du président Macron se poursuivra avec une séance d’information avec les commandants de l’opération Barkhane. Il déjeunera aussi avec les troupes françaises, visitera une unité chirurgicale, aura un exposé des opérations militaires en cours et prononcera un discours devant les forces françaises, avant de s’envoler pour la France.

Macron au Mali pour donner une nouvelle dimension à l’engagement français

Pour son premier déplacement hors d’Europe, le président Emmanuel Macron se rend vendredi sur la base de Gao au Mali, pour donner une nouvelle dimension à l’engagement militaire de la France, présente depuis quatre ans pour lutter contre les jihadistes.

Moins d’une semaine après son entrée en fonctions, le chef de l’Etat veut non seulement marquer sa « détermination » à poursuivre l’engagement au Sahel mais aussi l’inscrire dans une coopération renforcée avec l’Allemagne. Il entend encore compléter l’action militaire par une stratégie d’aide au développement, a indiqué son entourage, comme le réclament d’ailleurs des organisations humanitaires.

Il sera accompagné par ses ministres Jean-Yves Le Drian (Europe et Affaires étrangères) et Sylvie Goulard (ministre des Armées), ainsi que par le directeur général de l’Agence française de développement (AFD) Rémy Rioux. 25 journalistes seront également du déplacement, alors qu’une quinzaine de sociétés de journalistes, des directeurs de rédaction et Reporters sans frontières ont protesté jeudi contre l’organisation de sa communication, notamment du choix des journalistes l’accompagnant au Mali.

A son arrivée, il sera accueilli par le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, avec qui il aura un entretien sur la lutte contre le terrorisme, le dossier sahélien, le volet politique du dossier et la difficile mise en oeuvre des accords de paix de 2015.

Le nouveau chef des armées compte également s’adresser aux 1.600 soldats déployés sur la base de Gao (nord) dans le cadre de l’opération « Barkhane », et se fera présenter les différentes composantes du dispositif, selon la même source.

L’Elysée a choisi Gao car il s’agit de la plus importante base des forces françaises engagées à l’extérieur.

Davantage que l’ex-président François Hollande (2012-2017), son successeur veut mettre l’accent, selon son entourage, sur la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme, avec les autres pays européens, notamment l’Allemagne, premier contributeur de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma).

La France veut « une impulsion franco-allemande pour que l’Europe joue un rôle croissant dans les dossiers de sécurité et de défense, dont ceux de l’Afrique et du Sahel ». Une question déjà évoquée lundi avec Angela Merkel.

Sortir du ‘purement militaire’

Autre nouvel axe affiché: articuler davantage l’approche militaire avec les politiques de développement, comme le montre la présence du directeur général de l’AFD, a souligné l’entourage du président.

C’est ce que demandent plusieurs organisations humanitaires, pour qui la seule approche militaire ne résoudra pas les violences secouant le Mali.

La politique française en Afrique est trop « purement militaire », et doit « investir dans le secteur de la gouvernance », notamment dans « la lutte contre l’impunité » en « réorientant son aide publique vers la justice », plaide la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), qui dénonce au Mali « un niveau d’insécurité sans précédent ».

Même diagnostic pour l’organisation humanitaire Human Rights Watch, qui appelle le président Macron à « exhorter le président du Mali à s’attaquer frontalement aux problèmes qui ont mené à des décennies d’instabilité, notamment une faible gouvernance, une corruption endémique et les abus commis par les forces de l’ordre ».

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, qui ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France.

Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix censé isoler définitivement les jihadistes. Depuis 2015, ces assauts se sont étendus au centre et au sud du pays, où la sécurité se détériore de plus en plus.

Dix-sept militaires français ont été tués au Mali depuis l’intervention Serval en janvier 2013, à laquelle a succédé en août 2014 l’opération Barkhane (4.000 hommes), étendue sur cinq pays du Sahel (Mali, Burkina-Faso, Mauritanie, Niger et Tchad), selon un décompte de l’AFP.

Au Mali, aux 1.600 soldats français s’ajoutent les 12.000 soldats de la Minusma.

En janvier, un attentat-suicide visant des combattants de groupes armés signataires de l’accord de paix avait fait près de 60 morts dans la ville de Gao.

Yves Trotignon : « L’ennemi reste insaisissable »

La force Barkhane est mobilisée à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso pour traquer les groupes djihadistes qui ont fait de cette zone une base de repli. La lutte contre le terrorisme menée par la France a permis en quatre ans de neutraliser des centaines de terroristes et de mettre la main sur d’importants stocks d’armes. Pourtant, la menace ne cesse de s’intensifier. Yves Trotignon, analyste et spécialiste du terrorisme, décrypte pour le Journal du Mali les causes de ce phénomène en progression.

La force Barkhane a neutralisé des dizaines de djihadistes suite aux opérations Bayard et Panga. Peut-on dire que la force française se révèle efficace dans sa lutte contre le terrorisme au Sahel ?

Il y a une vraie excellence tactique des forces françaises, une vraie capacité de la force au Sahel et en particulier au Mali à prendre le dessus contre les djihadistes en combat direct, dans une embuscade ou dans des opérations ciblées que ce soit des frappes aériennes ou un raid de commando, ça c’est très clair. Effectivement, il y a des saisies d’armes assez conséquentes, mais attention, il faut regarder ce qui est saisie, ce sont très souvent des explosifs, improvisés pour la plupart, il n’y a pas tant d’armes de poing ou de fusil d’assault que ça, donc attention un petit peu au bilan que l’armée française diffuse. Les forces françaises travaillent, il n’y a aucun doute là-dessus, mais il y a tout de même assez peu d’affrontement direct, je crois qu’en 2015-2016, il y a eu une dizaine de combat direct seulement entre la force française et les djihadistes. L’opération Bayard est le premier affrontement d’importance depuis début 2017. C’est un succès tactique, mais l’ennemi reste insaisissable. D’autre part, l’ensemble de la situation sécuritaire au Mali ne s’améliore pas. Depuis 2012, on n’a jamais eu autant d’attentats au Centre et au Nord du Mali. L’opération Serval qui a été efficace en 2013, ne produit donc plus d’effet sur la sécurité générale du pays.

Que faudrait-il pour que cette lutte contre le terrorisme soit efficace ? 

Le djihadisme au Mali comme en Somalie, en Irak ou au Yémen, est à la fois un phénomène en soi et aussi le symptôme de quelque chose de plus profond, dû à une crise générale de gouvernance au Mali, les conséquences éventuelles de la crise Libyenne, des différentes crises touaregs au Nord du Mali et au Niger depuis une trentaine d’année, des difficultés d’intégration, de relation entre les communautés. On le voit bien avec l’émergence de mouvement autonomiste peul, la mise en avant par les djihadistes des origines ethniques ou communautaires, qui montre bien qu’ils sont issus d’une communauté dont quelques membres sont séduit par l’idéologie djihadiste, ce qui ne se faisait pas tellement avant. Les crises se mélangent, les groupes aux origines et aux motivations différentes s’associent pour le djihad régional ou mondial. On se rend compte aussi que derrière ces djihadistes, il y a d’autres crises, du narcotrafic, des problèmes de redistribution des richesses, d’infrastructures, de relations entre les différentes communautés, de corruption. Les français combattent les éléments djihadistes, les Nations-unies essaient de faire leur métier, de la stabilisation, de la pacification, du state building, mais vous pouvez venir régler un problème, faire du mieux que vous pouvez, mais si vous ne régler pas de façon générale l’ensemble des crises, vous n’arriverez pas à grand-chose rapidement.

Pourquoi cette concentration des groupes djihadistes vers le Sahel ? Quel caractère stratégique revêt-il pour ces groupes ?

La présence des djihadistes algériens au Sahel comme AQMI existe depuis plus de 20 ans. À l’origine, ils n’étaient pas là pour faire des choses contre le Mali ou le Niger, c’était plus une base arrière. Il y a eu progressivement une convergence d’intérêts entre certains irrédentistes du Nord Niger ou du Nord Mali qui se sont trouvés des intérêts communs, des convergences idéologiques. Le Sahel n’est pas stratégique pour ces groupes, il abrite les djihadistes. L’idée principale chez ces groupes, c’est de provoquer du chaos sur place pour s’emparer du pouvoir, attirer les forces de sécurité pour les affronter et les vaincre, pas militairement mais politiquement, les discréditer, provoquer un enlisement, provoquer le départ des forces étrangères qui auront essayé de gagner alors que la crise s’est aggravée.

Selon vous, faut-il négocier avec certains chefs djihadistes comme Iyad Ag Ghaly ou Amadou Kouffa ? 

Certains responsables maliens reprochent plus ou moins publiquement aux Français d’avoir épargné Iyad Ag Ghaly en 2013. Un leader comme lui peut avoir des contacts parallèles très utiles. Il a été épargné pour ne pas fermer les portes politiques après la guerre. Mais en même temps, pour les autorités maliennes, Iyad Ag Ghaly est l’un des grands criminels de 2013. Il faut savoir où est-ce que vous mettez votre curseur. Mais si vous le faites, il faut avoir aussi les idées claires sur les personnes à qui vous parlez, que vous intégrez dans les négociations, l’idée étant toujours de fractionner votre adversaire en petits groupes qui vont éventuellement s’affronter entre eux et que vous allez progressivement attirer vers vous, soit par leur propre violence, soit par des accords politiques. Donc effectivement, négocier avec des djihadistes ça va être une occasion de les fractionner. Ce qui veut dire qu’ à un moment certains djihadistes qui pensaient arriver au pouvoir ou avoir des postes importants dans la vie politique vont se retrouver un peu marginalisé ou vont se considérer comme des perdants des négociations et vont avoir tendance à éventuellement être de nouveau violent, donc il faudra renégocier. Ce genre de division peut durer longtemps. Dans tous les cas, il va être difficile de vendre aux autorités maliennes le fait qu’il faut négocier avec Iyad Ag Ghaly qui a par ailleurs tué des Maliens et des Français, alors que les Français sont contre le fait que Iyad Ag Ghaly soit remplacé par quelqu’un d’autre.

Les forces françaises ont neutralisé une vingtaine de djihadistes au Mali

Du 27 mars au 10 avril, la Force française Barkhane mena une importante opération – appelée Panga – dans le secteur de la forêt de Foulsaré, qui, situé à proximité de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso, est connu pour être une zone de repli pour le groupe jihadiste burkinabè Ansarul Islam, fondé par le prédicateur radical Ibrahim « Malam » Dicko.

« Il ne doit pas y avoir un endroit dans la région où les GAT puissent être tranquilles », avait alors assuré le général Xavier de Woillemont, le chef de la Force Barkhane.

Pour les besoins de l’opération Panga, 1.300 soldats, 200 véhicules, des drones MALE MQ-9 Reaper, des Mirage 2000 et une dizaine d’hélicoptères avaient été mobilisés pour effectuer des missions de reconnaissance et de contrôle de zone. L’objectif était alors d’approfondir les connaissances de ce secteur difficile de de 2.500 km² et de collecter du renseignement. En outre, 2 jihadistes avaient été neutralisés et 8 autres faits prisonniers.

Les informations recueillies lors de l’opération Panga ont permis d’identifier des dépôts logistiques utilisés par les jihadistes dans la forêt de Foulsaré. D’où la planification de l’opération Bayard pour les démanteler.

Ainsi, le 29 avril, des Mirage 2000 du plot « chasse » de Niamey ont effectué plusieurs frappes aériennes contre des positions identifiées comme jihadistes. Puis, deux hélicoptères d’attaque Tigre sont intervenus pour sécuriser la zone d’intervention.

Suite à cela, des hélicoptères NH-90 Caïman ont déposé des groupes de commandos de montagne à proximité des positions jihadistes. Ces derniers ont été rejoints à l’aube du 30 avril par des commandos parachutistes et des équipes de déminage. La fouille du secteur ainsi bouclé a permis de mettre la main, sur de l’armement, des munitions, des lance-roquettes et des composants d’engins explosifs improvisés en « quantité importante ». Et, selon l’État-major des armées (EMA), « près d’une vingtaine de terroristes ont été neutralisés », c’est à dire mis hors de combat.

« Cette opération conduite dans la forêt de Foulsaré, considérée depuis quelques temps comme une zone refuge et d’influence des terroristes, vient concrétiser les efforts conduits avec les forces maliennes et burkinabées pour lutter contre les réseaux des groupes armés terroristes qui agissent dans ce secteur », a encore fait valoir l’EMA.

Les commandos de la 27e Brigade d’Infanterie de Montagne (BIM) sont particulièrement sollicités ces derniers jours. Le 18 avril, ils ont en « neutralisé » une dizaine de jihadistes qui venaient d’attaquer une base des Forces armées maliennes (FAMa) à Gourma Rharous, à environ 120 km à l’est de Tombouctou.

 

Gourma Rharous : les FAMA et Barkhane neutralisent une dizaine de terroristes

Le groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans « Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin » du chef djihadiste Iyad Ag Ghaly, a revendiqué l’attaque meurtrière, mardi 18 avril, qui a ciblé un camp de FAMA à Gourma Rharous, à environ 150 km à l’est de Tombouctou.

Cette attaque a fait au moins cinq victimes parmi les militaires et plusieurs blessés. Les djihadistes ont emporté des munistions et plusieurs véhicules et en ont brûlés d’autres appartenant à l’armée.

La riposte ne s’est pas fait attendre. Les forces armées maliennes (FAMa) appuyées par la force Barkhane sont rapidement intervenue s et ont neutralisé deux picks up dérobés et lourdement armés à une trentaine de kilomètres de Gourma Rharous. Une dizaine de terroristes ont été neutralisés durant l’intervention aéroportée du groupement tactique désert aéromobile transportant à son bord des commandos montagne de la force française. L’armée malienne a aussitôt conduit des opérations dynamiques de contrôle de zone au sud de Gourma Rharous afin d’intercepter d’autres assaillants en fuite.

Les groupes terroristes sont responsables de nombreuses attaques contre les forces internationales et locales, ainsi que d’exactions répétées à l’encontre des populations maliennes. C’est la troisième fois que cette localité subit une attaque meurtrière. La première fois était en 2015. Au mois de novembre 2016, la localité avait de nouveau subit une attaque qui avait été revendiquée par Ançar Dine.

Un soldat français tué dans un accrochage avec des terroristes

Les soldats de la force Barkhane participe depuis le 27 mars aux cotés de leurs partenaires maliens et burkinabés à une opération militaire conjointe tripartite, dans la zone frontalière près du Burkina au sud de Hombori, à 200 kilomètres  de Gao. C’est lors de cette opération qu’un soldat français du 6e régiment du génie d’Angers est tombé au champ de l’honneur.

Le caporal-chef Julien Barbé appartenait au 6e régiment du génie d’Angers il a été tué lors d’un accrochage avec les terroristes, mercredi 5 mars, dans l’après-midi. Les forces françaises enchaînent  des  opérations de délogement des terroristes qui se cachent dans le secteur sud-est de Hombori, près de la frontière burkinabé, depuis le 27 mars.

Un véhicule léger de patrouille, engagé dans l’opération  de délogement des terroristes, a subi mercredi 5 mars une attaque par engin explosif. C’est pour venir au secours de leurs co-équipiers  et sécurisé la zone d’explosion que le détachement  de Julien Barbé est tombé dans une embuscade et a été ciblé par des tirs directs, dont certains ont touché mortellement  le soldat français. Deux  soldats ont été blessés légèrement, et immédiatement secourus par les équipes médicales de la Force. Puis, le détachement du génie a été déployé pour prendre les mesures de sauvegarde suite à l’explosion et permettre la reprise de l’opération.

François Hollande a salué le sacrifice du soldat français tué dans l’accomplissement de sa mission pour la défense du Mali et la protection des ces concitoyens, hier soir dans un communiqué de presse à l’Elysée.

Il a exprimé «  sa confiance et sa fierté aux militaires français qui combattent avec courage les groupes armés terroristes au Sahel ». Le président français et le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian ont adressé leurs condoléances à la famille de la victime.

C’est le 17ème militaire français tué au Mali depuis l’intervention Serval en janvier 2013.

 

 

Marine Le Pen en visite au Tchad

La candidate d’extrême droite à la présidentielle en France, a déclaré avoir rencontré mardi au Tchad le président Idriss Déby Itno avec qui elle a évoqué le « fondamentalisme islamique » et la situation en Libye.

« Je lui ai dit que la France remercie le Tchad dans la lutte contre le fondamentalisme islamique », a déclaré à l’AFP Marine Le Pen après avoir rencontré le président tchadien, allié des Occidentaux en Afrique contre les djihadistes, dans sa résidence familiale à Amdjarass.

« Si je suis élue présidente de la République, je m’engage à développer la coopération avec les pays francophones », a poursuivi la candidate du Front national (FN) en tête dans les sondages de premier tour, mais battue d’après ces mêmes sondages au second tour.

« Tout le mal de la Françafrique »

« Je lui ai dit tout le mal que je pensais de la Françafrique », a-t-elle ajouté jointe à son retour à N’Djamena, reprenant l’expression qui désignait les collusions entre les dirigeants français et ceux des anciennes colonies françaises.

Marine Le Pen affirme avoir demandé à son hôte « son analyse sur la Libye et sur le G5 Sahel », groupement de cinq pays (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) alliés contre les djihadistes dans le Sahara et le Sahel. « Nous avons partagé des inquiétudes sur la situation de la Libye. Le président et moi avions la même analyse au moment de l’intervention française. Nous pensions qu’il s’agissait d’une très grave erreur qui allait avoir de lourdes conséquences. C’est exactement ce qui s’est passé. Nous avons été lui en Afrique et moi en Europe les plus lucides sur cette situation », a-t-elle indiqué à la presse tchadienne. « Peut-être j’inviterai le président Déby à l’Elysée », a conclu Mme Le Pen devant la presse tchadienne.

Rencontre avec des militaires mercredi

La candidate est arrivée mardi à la mi-journée à N’Djamena en provenance de Päris à bord d’un vol privé sur lequel elle n’a pas souhaité donner de précisions. Mercredi, elle doit rencontrer les militaires français de l’opération Barkhane de lutte contre les groupes jihadistes dans le Sahel. L’état-major de la force est installé à N’Djamena.

« Elle prononcera une allocution précisant sa vision des relations franco-africaines à venir. Elle sera également reçue par la première dame, Hinda Deby Itno, présidente de la Fondation Grand Coeur, et visitera avec elle un hôpital pour enfants », indique le FN dans un communiqué. « Enfin, elle sera reçue par le président de l’Assemblée nationale, Haroun Kabadi, et échangera avec la représentation nationale tchadienne », ajoute le FN.

Barkhane déjoue un projet d’attentat à Kidal

Une semaine après avoir découvert puis neutralisés trois engins explosifs improvisés (IED) composés d’obus de mortier reliés entre eux, sur un axe majeur à Kidal, mardi 14 février 2017, la force Barkhane, alertée par la population de l’imminence d’une attaque terroriste visant Kidal, a lancé une opération de sécurisation de zone au Nord-Est de la ville, en appui avec le comité sécuritaire des mouvements de l’Azawad de Kidal (CSMAK) .

Suite à cette opération, la trentaine de militaires de la force Barkhane dépêchées sur les lieux a neutralisé un plot logistique terroriste et 15 obus de mortier de 60mm équipés de 15 fusées (dispositifs de mise à feu).

Les tentatives d’attentats avec des IED semblent se mulitplier actuellement au Nord du Mali. La semaine dernière deux autres IED avaient été détruits au Nord de Gao par les FAMa et près d’Ansongo par la MINUSMA.