2016 en 5 événements d’actualité

L’année 2016 fut marquée par plusieurs événements majeurs au Mali et dans le monde. De la sécurité toujours précaire au procès Sanogo, l’année fut riche en rebondissements.

Attaque de Nampala

L’attaque de Nampala est à marquer d’une pierre blanche au milieu des multitudes d’attaques perpétrées sur le territoire cette année 2016. Le 19 juillet, à 5h du matin, plusieurs hommes armés prennent d’assaut le camp militaire de Nampala. À bord de véhicules armés, ils ont semé la terreur, en attaquant le camp militaire de la ville qui a aboutit à la mort de 17 soldats maliens et à plusieurs autres blessés. Suite à cette attaque le chef de l’État a convoqué un conseil de défense où il a promis une riposte appropriée. Cet événement tragique a mené à la restauration de  l’état d’urgence sur le territoire.

Procès Sanogo

Beaucoup de bruit pour rien. Tel serait en quelques mots le résumé du procès le plus attendu de l’année. Renvoyé à la session 2017, le procès a débuté le 30 novembre dernier et devait juger l’ex-chef de la junte militaire Amadou Haya Sanogo et de 17 autres co-accusés, pour l’enlèvement et l’assassinat de 21 bérets rouges lors du contre-coup d’état de 2012. Plusieurs témoins cités ne se sont pas présentés à Sikasso et les avocats de la défense ont émis plusieurs réserves quant au dossier, ce qui a conduit à un report procès à mars 2017

Les déguerpis d’Ami Kane

Le 21 juillet dernier, l’opération de déguerpissement de quelques 6000 personnes débutait. Lancé par la Gouverneure du district de Bamako, Ami Kane, cette action s’est vue opposé une farouche opposition des concernés, provoquant des échauffourées entre forces de l’ordre et les centaines de mécontents. Pointant du doigt le fait de ne pas avoir eu de préavis et que les problématiques de relogement n’avaient pas été prises en compte, les déguerpis se sont finalement résignés à déplacer eux-mêmes leurs boutiques pour éviter que les autorités ne s’en chargent et qu’ils subissent de plus grandes pertes.

Ras Bath

Ses émissions étaient toujours attendues avec impatience, ses dénonciations accueillies comme la sainte parole. Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath a été arrêté le 15 aout après plusieurs émissions dans lesquelles il fustigeait avec véhémence le gouvernement, entres autres. Les partisans de l’animateur radio sont allés manifester devant le tribunal de grande instance de la commune IV, occasionnant des heurts avec les policiers qui ont fait un mort et 18 blessés. Le chroniqueur fut par la suite libéré mais est toujours placé sous contrainte.

Reprise des hostilités entre la Plateforme et le CMA

Le 21 juillet dernier, la Plateforme et la CMA se sont de nouveau affrontés, mettant à mal le processus de paix. Une banale altercation entre cousins appartenant aux deux groupes et le refus de la CMA de laisser passer un véhicule de la Plateforme ont fini par embraser une situation déjà très tendue et entraîner de violents combats qui ont fait une soixantaine de morts au total entre juillet et août 2016.

 

2017, La sécurité en question

Attaque djihadiste sur le territoire, banditisme, conflit intercommunautaires, difficultés dans la mise en œuvre de l’Accord, l’année 2016 qui touche à sa fin a été mouvementée sous bien des aspects. Alors que le pays se tourne vers 2017, que peut attendre le Mali de cette nouvelle année qui s’ouvre dans l’incertitude ?

Depuis le 30 juillet dernier, le territoire malien est sous état d’urgence, rétablit au lendemain de l’assaut contre un camp de l’armée à Nampala, dans la région de Ségou, où 17 soldats avaient trouvé la mort en juillet dernier. Cette mesure d’exception devrait prendre fin le 29 mars 2017, mais il y a fort à parier qu’elle sera de nouveau prorogée tant la situation sécuritaire dans le pays se dégrade. Au Nord du Mali d’abord, où les mouvements armés belligérants, GATIA et CMA, peuvent à tout moment rebasculer dans le conflit armé qui avait enflammé la région durant l’été 2016. Sur le terrain, à Kidal, les forces se repositionnent, on craint sur place un nouvel embargo, « plus rigoureux », dans la logique de ce conflit intercommunautaire dont la gestion de Kidal est l’enjeu. La région qui vit dans la crainte de nouveaux affrontements est aussi le théâtre d’une intensification des attaques djihadistes, à l’instar de la région centre et des zones frontalières avec le Niger et le Burkina Faso, menées par Ansar Dine est ses groupes affiliés, comme la Katiba Macina du prédicateur Hamadoun Kouffa, dans la région de Mopti. Leurs attaques ne visent plus seulement les forces étrangères ou maliennes, mais aussi les civils, le plus souvent victimes des engins explosifs improvisés que font essaimer ces groupes.

Renforcement Dans ce climat, la MINUSMA, cible régulière de ces attaques, va renforcer en 2017 son dispositif militaire. Le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé, en juin dernier, l’envoi de 2 500 hommes, et l’extension du mandat de la mission multidimensionnelle pour protéger les civils et son personnel. Du matériel militaire, notamment des hélicoptères, des véhicules blindés et des moyens de renseignement, devrait venir équiper la force onusienne.

À l’offensive En visite samedi 17 décembre à Gao, le candidat de la droite à l’élection présidentielle française, François Fillon, a réaffirmé l’engagement militaire de la France au Mali, et a déclaré que « cette mission (Barkhane) avait vocation à durer ». Sa visite survient à un moment ou la force française multiplie ses opérations anti-terroristes dans la zone d’Abeïbara, fief des djihadistes d’Ansar Dine, et où les anciens combattants du Mujao se fédèrent pour former un nouveau groupe sous la férule de l’État islamique.

Blocages Un des remparts aux djihadistes et au banditisme qui prolifèrent dans ces régions pourrait être les patrouilles mixtes, composée de FAMa, de combattants de la Plateforme et de la CMA, dans le but d’amener plus de sécurité dans ces zones où les forces maliennes n’ont pas forcément droit de cité. Seulement, les petits mouvements armés font blocage, se disant écartés des instances décisionnelles du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et se heurtent à l’intransigeance de la CMA qui conditionne leur inclusion à leur intégration dans les mouvements majeurs, HCUA et MNLA.

Personne à suivre en 2017 : Alghabass Ag Intalla

Le nouveau président de la CMA Alghabass Ag Intalla, a jeté lundi 19 décembre, un pavé dans la mare, via un communiqué qui, à la surprise générale, entérine le retrait de la CMA de toutes les commissions et sous-commissions du Comité de suivi de l’Accord (CSA), conditionnant son retour à la tenue d’une rencontre de Haut niveau et élargie avec la médiation internationale. Cet énième revirement remet en question l’opérationnalisation des patrouilles mixtes qui devait être effective avant cette fin d’année et brouille toute perspective d’une application diligente des termes de l’Accord. On ne sait pas pour le moment quelle suite ce positionnement radical aura pour l’année 2017, mais force est de constater, que 18 mois après la signature de l’Accord d’Alger, aucune avancée concrète ne se profile à l’horizon.

2016, des acquis et des chantiers à poursuivre

Alors que s’achève l’an de grâce 2016, l’heure est comme à l’accoutumée au bilan. Une chose est sûre, il n’aura pas été un long fleuve tranquille. Au Mali et dans le reste du monde, des bouleversements majeurs ont rebattu les cartes et mis en lumière de nouveaux acteurs, que ce soit sur le plan social, économique et même culturel. 2016 s’en va et l’on retiendra d’elle que la sécurité est toujours le défi pour le Mali qui se relève et tend les bras à ses amis pour l’aider à y arriver. On retiendra aussi que le procès tant attendu de l’ex-chef de la junte et de ses camarades aura enfin démarré, même si ce fut pour s’arrêter quelques jours sur un report. 2016 s’en va avec les larmes de Berlin mais aussi d’Alep, où la violence continue de faire des victimes. Enfin, 2016 s’en va avec Obama, qui aura définitivement marqué l’histoire de son pays, les États-Unis d’Amérique, et le monde.

Elle se sera terminée sur une actualité politique et sociale brûlante. De la motion de censure du groupe parlementaire de l’opposition à la polémique sur un accord de réadmission des migrants annoncé par l’Union européenne et démenti par le Mali, la fin d’année 2016 aura pour le moins été mouvementée.

Immigration Même si le gouvernement n’avait aucune inquiétude à se faire, soutenu par sa très confortable majorité à l’Assemblée, l’exercice d’explications auquel ont été contraints les ministres, avec à leur tête le Premier d’entre eux, Modibo Kéïta, illustre la crise de confiance qui s’est installée entre les gouvernants et les gouvernés. Les raisons en sont nombreuses, si l’on en croit Mohamed Chérif Haïdara, président du Conseil supérieur de la diaspora du Mali (CSDM). « Le langage tenu au peuple n’est pas clair, les choses ne sont pas expliquées. Il est normal que le citoyen se pose des questions et quand, comme dans cette affaire d’accord, il a l’impression qu’on ne lui dit pas la vérité, c’est compliqué », explique-t-il. À en croire les ministres des Affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur qui se sont tour à tour exprimé dans l’Hémicycle, « il n’y a aucune volonté de cacher la vérité aux Maliens, puisque rien n’a été signé ». « Wait and see » a écrit un internaute, en réaction aux multiples déclarations du gouvernement dans cette affaire. L’arrivée en Allemagne début décembre d’une mission d’identification des Maliens en situation irrégulière laisse la porte ouverte à toutes les supputations.

Communales Si les dernières heures de 2016 sont un tant soit peu inconfortables pour le gouvernement de Modibo Kéïta, il peut cependant se réjouir d’avoir relevé certains défis majeurs de l’année. À commencer par l’organisation des élections communales qui, après avoir été maintes fois reportées depuis 2014, ont finalement eu lieu le 20 novembre, dans des « conditions acceptables », selon le ministère de l’Administration territoriale. Cependant, les conditions de sécurité qui se sont dégradées dans différentes zones du nord et du centre du Mali, mais aussi à l’est, ont empêché les électeurs de ces localités de se rendre aux urnes, y ouvrant la voie soit à la tenue d’élections dans un avenir proche, soit à l’installation des autorités intérimaires. Sur ce point clé de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation signé en mai et juin 2015 à Bamako, les choses n’ont pas vraiment avancé, restant bloquées sur le choix des personnalités devant siéger dans ces instances transitoires, mais aussi par le refus des populations, comme celles de la région de Gao, d’accepter le principe même de ces autorités.

Justice L’autre grande date à retenir de 2016 est sans nul doute celle du 30 novembre, début du procès dit de « Sanogo et consorts », jugés dans le cadre de la disparition et l’assassinat de 21 bérets rouges au lendemain du contre coup d’État manqué d’avril 2012. Arrêté fin 2013, l’ex-chef de la junte et ses comparses présentés à la barre auront passé trois années derrières les barreaux, où ils sont retournés après que le juge ait rejeté leur demande de liberté provisoire. Après avoir pris en compte les requêtes de leur défense sur les vices de procédure, en l’occurrence la non réalisation des identifications des victimes par des experts qualifiés, ce dernier a renvoyé le procès à 2017. Encore quelques mois d’attente donc pour les familles et les accusés, mais surtout pour l’éclatement de la vérité. Autre procès qui a concerné le Mali, même s’il s’est déroulé à La Haye, siège de la Cour pénale internationale, c’est celui en août du djihadiste membre d’Ansar Dine, Ahmad al-Mahdi, pour la destruction des mausolées de Tombouctou. La reconstruction de ces monuments, avec le concours de l’Unesco, a été célébrée en février comme une victoire sur l’obscurantisme que prônaient les occupants qui en avaient détruit 15. Autre victoire de la culture sur la guerre, la restauration des centaines de manuscrits anciens, sauvés des djihadistes en 2012-13, dans la région de Tombouctou. Grâce au soutien de nombreux partenaires, ces précieux parchemins sont non seulement restaurés mais aussi numérisés, les rendant ainsi accessibles au monde entier et éternels.

Grogne sociale L’une des épines dans les pieds du gouvernement est le front social, qui aura tenu toutes ses promesses. Des travailleurs des mines aux agents de la santé en passant par les enseignants, le dialogue avec l’État a été maintes fois rompu, amenant des grèves aux conséquences socio-économiques désastreuses. La grogne suscitée par l’opération de déguerpissement menée par le gouverneur du district de Bamako restera également dans les mémoires. Elle aura laissé sur le carreau près de 6 000 commerçants détaillants auxquels aucune issue n’a été proposée pour le moment.

Le fardeau de l’insécurité Qu’elle soit le fait de groupes armés ou de bandits, à Bamako ou à Gourma Rharouss, l’insécurité freine considérablement les efforts de retour à la normale. Les attaques à main armées de prisons pour libérer des prisonniers dangereux ont clos une année émaillée de violences qui ont coûté la vie à des dizaines de soldats maliens, de casques bleus et de civils. Dans la région de Kidal, la recrudescence des combats a de nouveau jeté sur les routes de l’exil des milliers de personnes qui se sont réfugiées dans les régions et pays limitrophes et vivent dans des conditions précaires. « La posture a changé, nos forces sont plus équipées, mieux formées et font face. Mais il faut reconnaître que la guerre que nous livrons n’est pas conventionnelle et que c’est un combat de tous les jours », plaidait en novembre le ministre de la Sécurité intérieure, le Général Salif Traoré. « On se sent plus protégé maintenant qu’on les voit dans la ville », reconnait Abdoul Dembélé, juriste, évoquant le déploiement impressionnant d’hommes en armes dans la ville de Bamako. « Il faut maintenant que ce sentiment soit partagé par tous les Maliens », tempère-t-il cependant. Pour arriver à ce résultat, le Mali peut compter sur l’appui de ses partenaires. 2016 a en effet vu un véritable ballet diplomatique qui a mené sur les berges du Djoliba des personnalités de pays amis venues réitérer leur soutien au processus de paix. Du renforcement des capacités de l’armée malienne et de la MINISMA aux divers projets de développement, des engagements ont été pris dont la plupart devraient se concrétiser dès le début 2017.

Le Mali et ceux qui y vivent auront vécu une année 2016 qui sera finalement passée à toute vitesse, tant elle fut remplie d’événements. Gageons que 2017 sera tout aussi foisonnante, et qu’au terme des douze prochains mois, le bilan sera positif.