Mali- Coton : encourager le bio

4,5 millions de personnes, 200 milliards de francs CFA injectés dans les zones rurales, 140 milliards de francs CFA dans les intrants et équipements chaque année, et plusieurs secteurs connexes avec des milliers d’emplois. Le coton est un secteur stratégique pour le Mali. Mais la transformation et le faible niveau de la production bio, pour laquelle la demande ne cesse de croître, sont des défis à relever pour la durabilité.

Réussir à rehausser le niveau de transformation à environ 20% dans un secteur qui transforme moins de 2% de sa production, c’est le défi que s’est lancé l’Association pour valorisation du coton (AJVC), depuis quelques années, avec les acteurs qu’elle regroupe autour du Festival panafricain de la cotonnade (FEPAC), qui fêtera sa 5ème édition du 23 au 26 décembre 2021.

Avec une production estimée à 820 000 tonnes de coton graine en 2021, pour une superficie de 810 000 hectares et un rendement moyen de 1,12 t/ha, le Mali affiche des prévisions optimistes, avec respectivement 918 440 et 979 139 tonnes en 2022 et 2023. Et les rendements grimperont à 1,58 t/ha. « Ces projections justifient l’engagement de réussir la relance du secteur », selon les autorités. Dans cette  perspective, la production et la valorisation du coton biologique devraient rendre « plus attractif le coton malien ».

Le bio comme booster

Avec l’augmentation de la demande mondiale, le Mali entend prendre une place active dans la production de coton bio. Mais, avec 796 tonnes par an, elle reste marginale et ses acteurs confrontés à de nombreuses difficultés. Faiblesse des rendements, faible production d’engrais organiques essentiels à la production biologique ou encore absence de prime bio ont eu pour conséquence une baisse progressive de la production entre 2016 et 2019, de 341 tonnes à 285 tonnes en 2018 et 252 tonnes en 2019.

Le Mali a intérêt à développer cette culture pour plusieurs raisons, selon Bernard Laguerre, dans « Intrants biologiques et enjeux de marché du coton biologique » : un prix plus avantageux que celui du coton conventionnel et des avantages pour l’environnement. Le coton bio peut offrir aux producteurs une amélioration de leurs revenus et de leurs conditions de vie. Mais il faut réunir certaines conditions, comme l’augmentation des rendements, la réorganisation de la filière, la certification de la production et une montée dans la chaîne de valeur de la filière, à travers la création d’une usine de filature de coton bio notamment.

La vague « Bio » déferle sur le Mali

Dans le contexte d’une agriculture fortement dépendante des produits chimiques, de plus en plus de producteurs se tournent vers un marché jusqu’ici considéré comme « de niche ». Les produits « bio » tendent pourtant à conquérir le public, attiré par leur intérêt gustatif mais leurs bienfaits en matière de santé.

Tous les samedis matin, la cour qui accueille la coopérative Lakana Sènè à Sotuba ACI ne désemplit pas. Les acheteurs se passent le mot et c’est par le bouche à oreille que cette adresse est désormais connue du tout-Bamako. « On y trouve de tout et à des prix très acceptables pour la qualité », se réjouit une cliente croisée sur place. Le secret de ce regroupement de producteurs : la culture sans produits chimiques, ni engrais, herbicides ou insecticides, des animaux et des produits dérivés sains et sans hormones. La production vendue ici est « bio » et c’est ce qui attire les acheteurs. « On connait les producteurs et on sait qu’ils apportent le premier choix et des vivres sains », poursuit notre interlocutrice.

Une clientèle en développement Le pari du bio, les femmes maraîchères de Samanko l’ont aussi pris. « Si les agriculteurs pouvaient changer leur manière de cultiver, laisser le chimique pour adhérer à la culture des fruits et les légumes biologiques, notre santé s’améliorerait », plaide Tata Keïta, cultivatrice bio. Pour elle, l’agriculture biologique et écologique s’impose comme une alternative prometteuse au Mali, les Maliens étant de plus en plus sensibilisés sur la question de la qualité des aliments qu’ils consomment. Selon Abdoul Aziz Ballo, il faudra encore du temps pour que l’agriculture biologique gagne tous les champs. Il fait, quant à lui, déjà partie de Lakana Sénè. « Notre coopérative vend ses fruits à Sotuba ACI. Chaque week-end, nous vendons en moyenne 250 000 francs CFA de marchandises », explique-t-il. La clientèle, plutôt étrangère au départ, se nationalise de plus en plus, « beaucoup d’hôtels et de restaurants viennent s’approvisionner quotidiennement dans nos jardins », poursuit le maraîcher. Outre les légumes et herbes aromatiques, les clients se pourvoient en fruits bio mais aussi en volailles telles que pintades, canards, cailles, oies de Guinée ou encore poulets de race. Autant de produits qui font aussi leur apparition dans les rayons des supermarchés. La vague qui avait commencé avec les jus de fruits naturels, s’étend à présent au point de faire concurrence aux produits importés de même catégorie.

 

 

Le coton bio du Mali séduit la Bretagne

Elle a perdu le marché des uniformes de la police, mais l’entreprise Armor Lux habille toujours les 2.700 agents techniques des lycées de Bretagne. Le conseil régional a accueilli, mercredi dernier, une délégation d’acteurs impliqués dans la filière coton bio équitable au Mali. Depuis 2008, la Région Bretagne et l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) accompagnent, en partenariat avec l’ONG Helvetas, cette filière innovante qui lie cotonculteurs africains et industriels du textile implantés dans l’Ouest. Pour les vêtements de travail Cinq ans après les débuts, cette expérience concrète a permis de consolider 10 000 emplois de producteurs au Mali. La Région s’est engagée dès 2008, en commandant des vêtements de travail en coton bio du Mali pour équiper les agents techniques des lycées. « Le coton est envoyé à  TDV Industries, à  Laval. Les balles y arrivent pour être filées, tissées et teintes. Ensuite, les vêtements sont fabriqués chez Armor Lux, à  Quimper », décrit Alain Yvergniaux, conseiller en charge de l’international à  la Région. La société finistérienne célèbre pour ses marinières, a toute de suite adhéré au programme. 17 000 pièces ont été confectionnées l’an passé, pour un montant de 300 000 €. Le coton malien est réputé pour les vêtements professionnels. Sa fibre longue est très résistante. « La commande publique est essentielle, insiste Alain Yvergniaux, car elle permet à  la filière d’être moins exposée aux aléas de la conjoncture mondiale. » D’autres collectivités pourraient emboà®ter le pas à  la Région Bretagne, comme le conseil général d’Ille-et-Vilaine ou la Ville de Rennes.

La firme belge Bio rencontre les investisseurs Maliens

Coopération API-BIO Signalons que l’agence BIO est à  Bamako, sur invitation de l’agence pour la promotion des investissements (API-Mali). Son directeur général Mansour Haà¯dara explique que la rencontre entre API et BIO s’est faite suite à  un voyage d’affaire à  Bruxelles. « Nous avons eu la chance d’échanger avec le personnel de Bio et ils ont promis d’effectuer le déplacement du Mali. Ils ont tenu promesse et nous en sommes heureux.» A-t-il précisé. Qu’est-ce que BIO ? Créé en 2001, Bio intervient particulièrement dans le secteur privé. Elle a réalisé un chiffre d’affaire de 350 millions d’euros de sa création à  nos jours. Elle emploie une trentaine d’employés, avec 68 projets d’investissements et travaille directement avec 24 entreprises sur le continent depuis 2005. Signalons que parmi ces projets, quatre concernent le Mali. Le représentant de l’agence, Paul Goossens précise que « nous n’avons aucun lien direct avec la coopération belge. » l’Etat belge nous subventionne à  hauteur de 5 millions d’euro par an. Son objectif principal, C’’est d’améliorer l’accès au financement à  long terme des sociétés privées dans les pays en développement. Processus visant à  contribuer à  la croissance économique et lutter contre la pauvreté, selon Mr Goossens. Leurs secteurs d’intervention sont entre autres : l’agrobusiness, les TIC, l’énergie, les PME/PMI, le transport, les institutions financières… Notons que pour accéder aux financements de BIO, il faut obligatoirement remplir un certain nombre de critères. l’accent est notamment mis sur les pays partenaires de la coopération belge ; Le financement reste lié aux conditions du marché local et l’approche ne doit pas être liée aux intérêts économiques belges. Quatre entreprises maliennes bénéficient d’un financement l’usine de production de pâtes SOADF, a bénéficié d’un prêt de 700 000 Euros de la part de BIO. l’usine située à  Bamako, soutient le développement industriel et est facteur de création d’un maximum d’emplois directs et indirects. Le second bénéficiaire est la firme de production d’œuf AVIFARM qui a reçu un prêt de 400 000 euro. Mr Goossens justifie ce prêt par le fait que la firme contribue efficacement à  l’accès facile des populations à  un aliment de base. A cela s’ajoute la société SKH Solutions basée à  Sotuba, dans la zone industrielle, avec un appui de 300 000 euro remboursables sur 10 ans. Le dernier bénéficiaire C’’est la CAMED, troisième distributeur pharmaceutique au Mali. Elle est spécialisée en fabrique de médicaments génériques dont elle est d’ailleurs leader au pays. La CAMED développe depuis 5 ans, une gamme de produits spécialisés. Elle a reçu un prêt de 400 000 euro pour le renforcement de ses capacités et contribue à  l’amélioration de l’offre en médicaments génériques.

Projet « biosécurité » : une loi qui tarde à être appliquée au Mali

Auparavant, à  l’Assemblée Nationale, cette loi a fait l’objet de grands débats et de confrontation d’idées entre pro et anti OGM ( organisme génétiquement modifié). Ce projet de loi avait été défendu par le ministère de l’environnement et de l’assainissement à  l’hémicycle. Pour les autorités maliennes, cette loi est la suite logique de la mise en œuvre du protocole de Cartagena dont le Mali est signataire. Elle devrait permettre de prévenir les risques des biotechnologies modernes selon le ministère de l’environnement et de mieux sécuriser les populations. Les OGM dans notre alimentation Il nous est revenu que des produits ou vente sur nos marchés et certaines aides alimentaires ou humanitaires reçues, contiennent pour la plupart des OGM. Par ailleurs la situation géographique du pays et la porosité de nos frontières sont des facteurs aggravant pour le Mali. Cette situation est due au fait qu’il n’y a aucune disposition législative et règlementaire relative au commerce et à  la circulation des produits OGM au Mali. Cette loi dans son champ d’application, comporte plus de 70 articles et s’applique à  l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de tout organisme génétiquement modifié (OGM), qu’il soit destiné à  être libéré dans l’environnement ou utilisé comme denrée alimentaire, pour bétail ou produit de transformation, ou aussi produit dérivé d’organisme génétiquement modifié. La loi s’applique également aux OGM à  double fonction pharmaceutique et alimentaire d’intérêt agricole. Le protocole de Cartagena Il faut rappeler qu’il y a 16 ans, se tenait le sommet de Rio au Brésil sur la biosécurité et le Protocole de Cartagena, 8 ans plus tôt, est entré en vigueur. Ceci montre à  quel point la communauté internationale se préoccupe de la question de l’environnement et des biotechnologies et leurs effets sur la biodiversité, d’o๠la nécessité pour elle d’asseoir des Normes pour une gestion efficace. Concrètement pourquoi, les autorités maliennes n’ont-elles toujours pas de textes d’application sur la biosécurité après adoption de la loi ? Pour le coordinateur technique Permanent du projet Biosécurité, Mr Mahamadou TRAORE, les autorités maliennes ont des problèmes de financement pour l’élaboration des textes. Cette question financière ne concerne que la prise en charge des consultants du projet. En plus de ces questions, il semblerait que l’élaboration des textes n’arrange pas certains barrons aux pouvoirs. Ces derniers détiennent à  eux seuls le gros marché des insecticides pour le traitement du coton et des intrants. Car une fois que le Mali procède à  la culture du coton bio, qui ne demande pas beaucoup de traitements en insecticide, ces barons seront financièrement et économiquement lésés. l’élaboration des textes et leur application mettront les maliens dans les conditions sécuritaires d’achat et de vente des produits alimentaires sains, d’o๠la réduction du traitement du coton en insecticide. Des recherches sur les OGM D’ailleurs, l’inexistence de législation, bloque l’institut d’Economie rurale dans ses recherches. Recherches pourraient permettre à  l’Institut de proposer des variétés qui résisteront à  la sécheresse. Une thèse soutenue par le Docteur Témé, chercheur de l’IER qui affirme que «C’’est une révolution contre l’inefficacité des insecticides ». Au niveau Africain, les pays comme le Kenya, l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Burkina Faso, la Tanzanie ont déjà  pris l’avance sur les autres pays africains. l’Union africaine qui a pour référence la loi modèle, exprime son souhait pour que chaque pays de l’union, d’élaborer ses propres textes d’application donc, le Mali ne pourra faire exception à  cette recommandation.