Las Maravillas de Mali : Le retour

Cinquante années séparent le « Rendez vous chez Fatimata » et « Africa Mia ». Deux tubes, deux époques, qui rappellent une même histoire : celle de Las Maravillas de Mali, Les Merveilles du Mali. Né à Cuba au milieu des années 60, l’orchestre, constitué d’étudiants maliens, « représentait l’Afrique à Cuba ». Une époque révolue que tente de faire revivre l’unique survivant de cette aventure, Boncana Maïga, autour d’un film, d’un disque et d’une tournée avec « Las Maravillas de Mali 2 ».

« L’envie, c’est de prouver au monde que le Mali s’était trompé sur le compte de ces jeunes étudiants. Qu’il aurait dû nous prendre en compte quand nous avions encore la force de tout donner. Il pouvait tirer de l’or de nous, mais la politique a pris le dessus », relève non sans amertume Boncana Maïga, fondateur de Las Maravillas de Mali.

Dans la foulée des indépendances, la jeune république du Mali a besoin de cadres dans tous les domaines. Convaincus que la culture est un élément essentiel de cette construction nation, les dirigeants de la Première République organisent une sélection pour recruter dans toutes les régions de jeunes musiciens.

Ils sont au total 10 jeunes qui iront suivre des études de musique à Cuba en 1963. Après une seconde sélection effectuée sur place, ils ne seront plus que 7 à les poursuivre, ayant le potentiel nécessaire pour des études supérieures de musique, se souvient Boncana Maïga.

Pour leurs premières vacances, « après 5 années loin du pays », les jeunes étudiants coïncident avec le premier coup d’État, perpétré en novembre 1968. Un changement de régime qui sera déterminant pour Las Maravillas.

Las Maravillas : La séparation

Les étudiants retournent néanmoins à Cuba. « À leur retour, préparés pour encadrer les musiciens à devenir professionnels, ils se heurtent à l’incompréhension des autorités de l’époque, qui ne voyaient pas l’importance de leur formation. Elles ne nous considéraient pas », s’offusque Boncana Maïga. Après « plusieurs mois sans travail et sans affectation », il décide de tenter l’aventure en Côte d’Ivoire avec son disque à succès, « Rendez vous chez Fatimata ». « Le pays ne les a pas reconnus à leur juste valeur », estime également Alfousseini Diallo, ingénieur électronicien, animateur et passionné de musique cubaine, grâce auquel Boncana rencontre un producteur ivoirien.

Il trouve là-bas un accueil chaleureux et le succès ne tarde pas. « Après avoir chanté à la télévision, les Ivoiriens ne m’ont plus laissé revenir au Mali. Les Ivoiriens ne connaissaient pas la flûte, que je leur ai fait découvrir ». Et lorsque les autorités ivoiriennes le sollicitent pour enseigner à l’Institut des arts, il saute sur l’occasion.

Pendant ce temps,  ses camarades restés au Mali, malgré ses sollicitations parce qu’il y avait l’Eldorado de l’autre côté, constituent le « Badema national ». Las Maravillas de Mali continue donc sans Boncana, qui en était l’arrangeur. Une formation différente, « parce que la musique cubaine a des règles », précise Boncana Maïga.

Auteur, compositeur et interprète de Las Maravillas de Mali, Boncana n’a jamais rejoué avec ses camarades après leurs études. Le groupe, qui s’était formé en 1966, avait animé des soirées dans les différentes ambassades d’Afrique à Cuba, notamment celle de la Guinée de Sékou Touré, rappelle fièrement M. Maïga. « Nous étions le lien entre l’Afrique et Cuba à cette époque ».

La carrière solo

Ce métissage musical et ce pont entre les différentes sonorités d’Afrique et de Cuba, Boncana va le construire durant des années. « Pendant 20 ans, j’ai enseigné au conservatoire. J’ai créé l’orchestre de la Télévision de la Côte-d’Ivoire, qui a donné l’opportunité à beaucoup d’artistes d’émerger : Aïcha Koné, Nayanka Bell, etc. ».

La Côte d’Ivoire devient ainsi « la capitale de la musique africaine et le passage incontournable pour beaucoup d’artistes de talent, Salif Kéita, Mory Kanté, Kanté Manfila », poursuit M. Maïga.

À la fois dans l’administration comme Directeur adjoint de l’Institut des arts de Côte d’Ivoire et chef d’orchestre de la Télévision ivoirienne, qui chantait chaque samedi, le « Maestro », surnom donné par le Président Félix Houphouët Boigny,  poursuit sa formation et devient arrangeur.

S’il est reconnaissant envers la Côte d’Ivoire, à laquelle il a tout donné durant 20 ans, « et elle me l’a rendu, j’ai eu tous les honneurs et toutes les décorations », sa «  carrière prenait un coup ». Il décide donc de poursuivre l’aventure en France. Alors qu’il commence à y travailler, il rencontre Alpha Blondy. L’album « Masada » voit le jour et connaît un succès retentissant : disque d’or et 1 000 000 de disques vendus. Depuis 1992, « ce mariage musical entre lui et Alpha Blondy » se poursuit.

Le groupe « Africando », qu’il rêve de relancer, créé sous  sa direction, fait le bonheur des amateurs de musique cubaine à la sauce africaine. Il arrange quelques artistes maliens, dont feu Kassé Mady Diabaté, qu’il « admire », et Adja Soumano. Des succès à chaque fois.

Même s’il était loin du Mali toutes ces années, « le Maestro » est resté une fierté nationale et son expertise est sollicitée lors de grands événements. C’est en 2004, pour organiser la soirée de gala en l’honneur des délégations venues pour le sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens (CENSAD) que le Mali accueillait, que les autorités le sollicitent pour animer une soirée artistique. Un succès pour lequel il a reçu des félicitations.

Un an après, Bamako accueille le sommet France – Afrique 2005 et il lui est demandé de renouveler l’expérience. « Un dîner avec 60 chefs d’État qui rencontre le même succès », se réjouit-il.

Las Maravillas de Mali 2

C’est alors que l’idée du retour au Mali fait son chemin, avec l’insistance de sa famille qui commençait à trouver le temps long. Il crée en 2005 « Maestro sound » et partage son temps entre les activités de sa société et la production de ses émissions, « Stars parade » pour TV5 depuis 2000 et plus récemment « Tounkagouna » repris par la même chaîne, après l’ORTM.

Suite à un projet d’Universal France de 2017, « nous avons tout réenregistré et ils m’ont demandé de retourner à Cuba et de monter un orchestre pour promouvoir le disque. J’ai recruté des musiciens de différentes écoles ». Tenant à rendre hommage aux musiciens de Las Maravillas « décédés dans la misère », mais sans frustrer les « amis cubains » qui reconstituent le groupe, ce dernier s’appellera « Cuba Africa sous le nom de Maravillas Mali ». Entre temps, le projet de film de Richard Minier  sur la vie des musiciens de Maravillas de Mali a vu le jour. Il doit sortir en ce mois de juillet. Une tournée de promotion du disque et une exposition sont également prévus. Tout un programme auquel se prépare Boncana, pour rendre « hommage » à ses camarades.

« En un an, j’ai visité des villes que je ne pensais pas visiter si Maravillas de Mali n’était pas né une seconde fois. Des concerts au Portugal, au Maroc et en Espagne. Nous avons des engagements jusqu’en 2020. Cette année, on fait le tour de l’Europe et l’année prochaine les Amériques ».

Et la retraite, qui n’existe d’ailleurs pas en musique, n’est pas au programme de ce septuagénaire qui garde la même envie. « J’ai engagé Jospinto, Béninois, et pour boucler la boucle Mory Kanté, joueur de kora bien connu. Nous avons demandé un mixage du piano et de la kora ».

S’il regrette de ne plus pouvoir faire même les arrangements, faute de temps, il déplore également que « la nouvelle génération ne voit que le succès immédiat ». Or cela ne paye pas, ajoute-t-il. Il faut être patient et travailler comme Salif Keita, Oumou Sangaré, Rokia Traoré…