Et si nous entrions dans un SAS de décompression ?

Vous rentrez le soir à  la maison et vous êtes épuisés. Mais tant pis, il faut pourtant accorder du temps à  votre famille, aux enfants. Superviser le dà®ner s’il n’est pas déjà  fait, donner à  manger aux petits gloutons, les endormir, puis ensuite, s’occuper de monsieur ou de madame pour les hommes au côté féminin très prononcé. La fatigue pourtant est là . Pas seulement physique mais aussi mentale. Il y a comme un besoin urgent d’un sas de décompression pour dissocier les multiples activités que vous menez de front. Oui un sas, une sorte de bulle, une chambre magique, o๠vous pourriez vous enfermer, pour évacuer le stress du boulot, dégager votre cerveau et alléger vos neurones, après une intense activité cérébrale ou des courses à  tout va. Nous ne sommes pas tous pareils. Certains sont casaniers, mais d’autres comme vous et moi, gèrent plusieurs chantiers. Et si des études viennent s’y ajouter, alors là , il faut immédiatement mettre en place une organisation. C’est donc ce que j’ai voulu faire un soir, en essayant de m’isoler dans ce fameux SAS de décompression. Une lumière tamisée, un peu de musique relaxante et mon inséparable lap top, je m’apprêtais à  plonger dans les stratégies et tendances médiatiques, lorsqu’un petit garnement est venu m’annoncer tout haut : « Maman, c’est fini le travail! ». Le message a été très clair. Avec regret, j’ai quitté le SAS pour replonger dans la vie familiale, accorder du temps et de l’attention au petit garnement en demande. Quoi, il ne m’a pas vu de la journée et le travail attendra. Le lendemain donc, j’ai du imaginer un découpage temporel. Une sorte de « scheduling » pour partager mon temps en trois gros morceaux. « La maison », « la bibliothèque » et « le bureau ». Trois univers complétement différents. Il a donc fallu agencer mon cerveau, le forcer à  travailler séparément sur des sujets complétement différents. Si une étude scientifique affirme que les femmes ont le plus besoin de dormir, et bien, c’est parce qu’elles font milles et une chose à  la fois. D’o๠cette fatigue immense que je ressentais certains soirs incapable de faire autre chose que dormir et quelque soient les urgences. D’autres siroteront un bon verre de vin devant la télé et certains insomniaques iront s’asseoir au grin jusqu’à  4h du matin pour refaire le monde cigarettes en main. Ou d’autres iront plonger dans une piscine. Et depuis, que j’ai agencé mon temps, cet ami si précieux, j’ai trouvé un peu plus de paix intérieure, moins de fatigue, surtout, j’ai appris à  dompter le temps et non l’inverse. Oui, il y a un temps pour tout. Un temps pour éditer des articles, un autre pour étudier dans la bulle numérique sur la colline de Badala et enfin, le temps le plus important sans doute, offrir de soi à  ses enfants, les écouter, supporter leurs caprices, les dorloter, les réprimander, les orienter, leur interdire de jouer avec le téléphone ou de verser de l’eau partout. Un temps intense o๠chaque seconde compte, chaque regard ou parole rassurent, un temps après lequel on est regonflé à  bloc pour affronter le « bureau » le lendemain. Et si par chance, l’un de ces trois temps venait à  être suspendu pour une raison ou une autre, car il est important d’avoir du temps pour soir. Voilà  l’occasion de sauter dans le SAS de décompression. Un SAS o๠pour ma playlist perso chantent à  mes oreilles et o๠l’infini, l’imagination, le plaisir, la sérénité entrent en jeu… A chacun son SAS de décompression…

Les scolaires à l’assaut des « petits boulots »

Vendredi 21 août au «Â Rond-point Samory Touré », sous un soleil de plomb, trois garçons se pavanent entre les véhicules. Sur un tronçon d’un trafic aussi intense, inutile de s’interroger sur le risque qu’ils encourent, notamment en terme d’accidents de circulation. Mais visiblement, ces enfants dévoués à  assurer leur gain quotidien à  travers le petit commerce, s’en moquent. A la recherche de clients pour leurs produits, ils pensent que «Â C’’est Dieu qui les protègent ». Parmi eux Sidiki Ballo, portant en main des porte-clés de fabrication artisanale made in Mali. Il dit être élève en classe de 8ème année. Pour lui, la vente des porte-clés constitue «Â un commerce florissant » qu’il n’abandonne pas pendant les vacances scolaires. «Â Mon grand frère est artisan au grand marché, il fabrique ce produit et me donne une partie pour vendre à  raison de 200 à  250 francs. Il y a des jours o๠le marché est très fleurissant. Souvent, explique Sidiki, entre lundi et vendredi je peux vendre jusqu’à  hauteur de 2.500 à  3000 francs CFA par jour ». Pour ce jeune scolaire, C’’est cet argent qui permet à  son grand frère (avec lequel il vit avec sa mère), de subvenir aux besoins de la famille. «Â Sur les ventes réalisées pendant la semaine, il me réserve une part, qu’il cumule en vue de la rentée. Depuis le décès de notre père, quand J’étais très jeune, C’’est comme cela qu’on achète mes fournitures scolaires et des habits pour la rentrée » a expliqué notre interlocuteur. Dans beaucoup de services et au bord des axes routiers, il n’est rare de voir des enfants s’adonner aux petits boulots, comme le cirage des chaussures. Notre promenade nous a permis de rencontrer Daouda Sylla à  la sortie du Commissariat de police du 1er Arrondissement. A 15 ans ce jeune scolaire en classe de 8ème année rêve «Â d’avoir beaucoup d’argent ». Logiquement ce n’est pas surprenant. Les Sarakolé, dont il est descendant, sont toujours animés de cette ambition depuis le bas âge. Daouda dit avoir entrepris cette activité pour se faire économiser de l’argent en attendant de grandir pour aller à  l’aventure. Pourquoi décider d’aller à  l’immigration alors que tu es à  l’école ? A-t-on demandé. Pour lui, il est difficile d’avoir du boulot après les études. «Â C’’est pour cela, ajoute-t-il, il est important d’aller cherche de l’argent ailleurs pour aider les parents ». Contrairement à  Sidiki et Daouda, Benké Diakité a décidé de s’investir dans l’apprentissage des métiers. Rencontré dans un garage près du Centré Islamique d’Hamdalaye, il apprend depuis trois ans la mécanique-auto pendant les grandes vacances. Elève en classe de 9ème année, il a échoué cette année à  l’examen d’obtention du Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF). Si son souhait a toujours été d’aller en vacances chez un de ses parents à  intérieur du pays, depuis quelques années son père en a décidé autrement. «Â Mon père pense qu’à  côté des études, nous dit Benké, il est important d’apprendre un métier. Car, explique-t-il, dans un pays comme le nôtre o๠l’accès à  l’emploi après les études est un vrai casse-tête, il faut avoir un second appui ». Selon le jeune Benké, si au début il n’approuvait pas l’option de son père de le laisser partir en vacances, aujourd’hui il est convaincu d’avoir fait «Â le meilleur choix ». Car, dit-il, il apprend non seulement la mécanique, mais également il parvient à  se faire de l’argent pour préparer la rentrée. A la question de savoir s’il ne serait pas tenté d’abandonner les études au profit de cette activité, notre interlocuteur est formel. Pour lui et pour son père, il s’agit d’une approche de complémentarité. D’ailleurs, poursuit Benké, avec le dépassement de mon âge d’entrée au lycée, après l’obtention du DEF je serai sans doute orienté dans une école professionnelle. «Â Un grand frère me conseille de choisir déjà  la filière mécanique auto. Et je crois qu’il n’a pas tort ». Par ailleurs, il n’est pas rare de voir des jeunes scolaires qui accompagnent leurs parents dans des ateliers pour, disent-ils, apprendre comme eux. Fatoumata Danioko en fait partie. A 17 ans, il a obtenu cette année son DEF. N’étant pas prête, selon elle, à  faire des études longues, elle dit avoir choisi de devenir secrétaire de direction. Cependant, consciente de la dure réalité du marché du travail, elle dit prendre les devants. Cela en profitant du repos des vacances pour se faire utile en accompagnant sa mère dans son atelier de teinture. «Â Avec les fêtes et la rentrée scolaire, je peux aider ma mère à  satisfaire plus de commandes. Et lorsqu’il y a plus de commandes, il y a forcement plus d’argents pour couvrir les besoins de notre famille » remarque notre interlocutrice. Qui n’exclut pas l’idée de prendre la relève de sa mère dans l’atelier. On imagine alors toute la motivation de ces jeunes scolaires à  entreprendre pendant ces vacances. Comme pour dire que ces vacances scolaires au Mali sont une affaire de petits boulots pour les enfants. Les défenseurs de la lutte contre le travail des enfants ne diront pas le contraire.