« Framing » : le cadrage inquiétant des médias

Les médias ont ceci de puissant qu’ils sont capables de choisir ou de trier les événements à  leur guise. Ils mettent le focus sur certains en mettant d’autres sous le boisseau. Ce sans forcément tenir compte de l’importance ou l’intérêt desdits événements pour le lecteur ou l’auditeur. D’ailleurs celui-ci est, pour ainsi dire floué, car il est influencé à  son insu ou contre son gré. Les spécialistes de la communication appelleront cela l’agenda. C’est-à -dire ce sont les médias qui définissent l’ordre du jour des événements de l’actualité. Pour parler du Mali, l’ordre du jour choisi par les médias maliens est sans doute l’achat d’un nouvel avion par le Mali à  20 milliards de CFA. Le tapage médiatique provoqué pour la circonstance est assez révélateur. C’’est ainsi que les manchettes des journaux- surtout de grande audience- sont réservés à  l’achat du nouvel avion. Ces informations sont ensuite relayées par les radios privées de la place qui le commentent à  satiété. Même la presse internationale s’en est saisie. Et le tour est vite joué : des institutions de la République aux bureaux administratifs en passant par les ‘’grins » et les marchés, tout le monde fredonne le même refrain après la presse : l’avion, l’avion et encore l’avion. Cadrage de l’information Après avoir défini l’ordre du jour, les médias franchissent un nouveau pas. Il s’agit d’opérer un cadrage de l’information qui est souvent la suite logique de la première étape. Il s’agit d’une répétition à  l’envi et de façon constante des mêmes informations. Dans la presse, tous les autres grands dossiers de l’Etat sont ainsi mis au placard. Par exemple les dossiers relatifs à  la Justice, à  la réconciliation nationale etc. sont noyés dans le tintamarre provoqué l’affaire de l’avion. Les multiples explications des responsables de l’Etat n’ont pas réussi à  apaiser la frénésie médiatique. l’objectif de cadrage que les anglo-saxons désignent sous le nom du ‘’framing » est de trouver un responsable ou un coupable à  l’affaire évoquée. Disons qu’il s’agit de trouver un prétexte pour discréditer ou abattre quelqu’un. Pour revenir à  cette actualité définie par les médias maliens, l’évocation effrénée de l’achat de l’avion présidentiel avec la rhétorique pour démonter son inopportunité dans un Mali à  peine sorti de crise, ou mettre en exergue le penchant mégalomane du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, vise tout simplement à  le montrer, à  tort ou à  raison, indifférent et même responsable de la conjoncture économique plutôt difficile du pays. Mieux enlever de l’esprit des 77% des Maliens l’ayant choisi l’image de l’homme providentiel sous lequel il est apparu pendant la période électorale. On avait assisté au même phénomène dans l’affaire Tomi o๠l’objectif était de montrer aux Maliens que leur président n’est pas un exemple de droiture, incapable de donner des leçons en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Une chose est sûre, ce cadrage développé autour des affaires Tomi et du Boeing devrait enseigner au peuple à  avoir une bonne lecture des choses. Au citoyen d’être vigilant pour ne pas tomber dans le piège des personnes qui ont des ambitions différentes de la défense des intérêts du Mali.